Plutarque prétend que cette division du peuple en colléges, était un effet de la politique de Numa, qui voulut que les différents intérêts de ceux qui composaient ces divers colléges les tenant toujours desunis, les empêchassent de penser à aucune conspiration générale. Ces colléges étaient distingués des autres sociétés formées sans l'aveu de l'autorité publique, en ce que ceux qui composaient ces colléges traitaient pour les intérêts communs de leur corps, et qu'ils étaient autant de membres de l'état : ils avaient une bourse commune, et un argent pour solliciter leurs affaires : ils envoyaient des députés aux magistrats quand ils ne pouvaient y aller en personne : enfin ils avaient droit de faire des statuts et des règlements pour l'administration de leurs affaires, à-peu-près comme font parmi nous les corps de métiers par leurs syndics, jurés, gardes, et autres officiers.

Il y a parmi les modernes quelques colléges, mais d'un ordre bien supérieur à ces colléges des Romains, tels que les trois colléges de l'empire. Voyez ci-dessous COLLEGES DE L'EMPIRE, et le COLLEGE DES CARDINAUX, etc.

COLLEGE DES AVOCATS. Les avocats considérés tous ensemble forment un ordre, et c'est ainsi qu'on les qualifie ordinairement ; néanmoins dans quelques provinces, comme à Rouen, à Lyon, etc. on dit le collège des avocats. Voyez AVOCATS, ORDRE DES AVOCATS.

COLLEGE DES AVOCATS AU CONSEIL, est la compagnie des avocats, qui sont chacun pourvus d'un office d'avocat ès conseils du Roi, en vertu duquel ils peuvent seuls occuper dans toutes les instances qui se portent au conseil. Voyez AVOCATS AU CONSEIL et CONSEIL.

COLLEGE signifie aussi quelquefois un corps d'ecclésiastiques. C'est en ce sens que l'on dit le collège des cardinaux, ou le sacré collège.

Il y a aussi des colléges de chanoines et des colléges de chapelains.

On ne donne communément le titre de collège ou de collégiale aux chanoines séculiers ou réguliers, que dans les églises autres que la cathédrale.

Pour ce qui est des chapelains, il y a des églises, même cathédrales, où ils forment un corps que l'on appelle collège, comme dans l'église cathédrale de Rouen, où il y a cinq ou six colléges différents de chapelains qu'on appelle collégiaux, à la différence d'autres chapelains de la même église, qui ne forment point de corps entr'eux, et qu'on appelle non-collégiaux.

Le COLLEGE DES CARDINAUX ou le sacré collège, est le corps des cardinaux qui sont divisés en trois différents ordres ; les cardinaux évêques, les cardinaux prêtres, et les cardinaux diacres. Voyez CARDINAL.

Chaque ordre a son doyen ou chef ; celui des cardinaux évêques est toujours l'évêque d'Ostie.

COLLEGE DES SECRETAIRES DU ROI, est la compagnie des secrétaires du Roi : il y a le grand et le petit collège.

Le grand collège est la compagnie des secrétaires du Roi, maison couronne de France et de ses finances, qui sont attachés à la grande chancellerie de France.

Cette compagnie était autrefois composée de six colléges différents.

Le premier, qu'on appelait le collège ancien, ne fut d'abord composé que de soixante personnes ; savoir le Roi, et cinquante-neuf secrétaires. Ce collège fut depuis augmenté de soixante secrétaires appelés gagers, pour les distinguer des autres qu'on appelait boursiers.

Le second, appelé le collège des cinquante-quatre, composé de cinquante-quatre nouveaux secrétaires du Roi, créés par édit de Charles IX. en 1570, et confirmé par Henri III. en 1583.

Le troisième, appelé des soixante-six, composé de soixante-six secrétaires du roi, créés à diverses fais, et unis en collège par Henri IV. en 1608, auxquels furent joints les quarante-six créés par édit de Louis XIII. en 1641, ce qui fit en tout, dans ce collège, cent-douze secrétaires du roi.

Le quatrième, appelé des six-vingt des finances créés à trois fois ; savoir, vingt-six par Henri IV. dix par Louis XIII. en 1605, et quatre-vingt-quatre encore par Louis XIII. en 1635.

Le cinquième, appelé collège des vingt de Navarre, fut créé et établi en 1607 par le roi Henri IV. qui les amena en France avec la couronne de Navarre ; ils étaient ses secrétaires lorsqu'il n'était encore que roi de Navarre.

Le sixième et dernier, appelé des quatre-vingt, fut créé à deux fois par Louis XIV. savoir, quarante-six en 1655, et trente-quatre en 1657.

Ces six colléges différents ont depuis été réunis en un seul et même collège, qu'on appelle le grand collège des secrétaires du roi, qui ont tous le même titre.

Le petit collège est composé des secrétaires du roi établis près des cours et petites chancelleries. Voyez SECRETAIRES DU ROI. (A)

COLLEGE, en parlant de l'Allemagne, se dit d'une célèbre division de tous les états qui composent le corps germanique en trois ordres ou classes, qu'on nomme le collège des électeurs, le collège des princes, et le collège des villes libres ou impériales. Les deux premiers corps ne formaient d'abord qu'une seule et même assemblée, soit pour l'élection de l'empereur, soit pour les autres délibérations. Mais les électeurs s'étant insensiblement arrogé le droit d'élire seuls l'empereur, et de tenir leurs conférences à part, tant dans cette occasion que pour les autres affaires de l'Empire, malgré les protestations des autres princes et des villes impériales, cela fit prendre aussi à ces princes et à ces villes la résolution de s'assembler en corps séparés ; et de-là est venue la distinction des trois colléges, qui fut reçue et établie dans la diete de Francfort en 1580. Mais les villes impériales sont les dernières qui ont fait un collège particulier : leurs privilèges néanmoins sont bien moins considérables que ceux des deux premiers corps ou colléges. Quand les deux premiers colléges étaient d'accord, le collège des villes se trouvait obligé de consentir sans autre délibération. Mais cet ordre a changé ; si le collège des villes impériales s'oppose à l'avis unanime des deux autres colléges, pour lors on députe vers l'empereur, pour le prier d'induire les villes à donner leur consentement à l'avis des deux autres colléges supérieurs.

Le collège électoral est composé des princes électeurs, qui sont trois ecclésiastiques ; savoir, l'électeur de Mayence, l'électeur de Treves, et l'électeur de Cologne, tous trois archevêques, et de cinq séculiers, qui sont le roi de Boheme, le duc de Bavière, l'électeur de Saxe, celui de Brandebourg, et le palatin du Rhin, auxquels l'empereur Léopold ajouta un sixième en faveur du duc de Brunswik-Hanovre, dont la maison occupe aujourd'hui le trône d'Angleterre. L'électeur de Mayence tient le directoire, ou est directeur de ce collège, c'est-à-dire qu'il y propose les matières et recueille les voix. Les électeurs peuvent y assister par eux-mêmes ou par leurs ambassadeurs ; quant à leurs autres prérogatives, voyez ELECTEUR.

Le collège des princes comprend tous les autres princes d'Allemagne, soit ecclésiastiques, comme archevêques, évêques, abbés, prevôts, et autres prélats princes ; soit séculiers, comme ducs, marquis, landgraves, burggraves, et autres princes. Il comprend aussi les abbés, abbesses, les autres prélats et les comtes qui sont membres relevants immédiatement de l'empereur ou de l'Empire, et qui sont non-seulement compris dans la matricule de l'Empire, mais encore contribuent à ses nécessités suivant la taxe portée par cette matricule ; car il y a plusieurs seigneurs qui ont conservé le titre de princes de l'Empire, comme les archevêques de Besançon et de Cambrai, sans avoir ni séance ni suffrage aux dietes : mais l'évêque de Strasbourg, quoique sous la domination de France, a conservé son rang à la diete de l'Empire. Il doit cette prérogative particulière au feu empereur Charles VI. ce qui fut négocié par le savant M. Schoepflin, professeur d'Histoire et de Belles-lettres à Strasbourg. Le directoire des princes est tenu alternativement par l'archiduc d'Autriche et par l'archevêque de Saltzbourg.

Le troisième collège est celui des villes impériales, ainsi nommées parce qu'elles sont états immédiats et indépendants de toute autre puissance que de l'empereur et de l'Empire. Depuis le traité de Westphalie elles ont voix délibérative et décisive comme les deux autres colléges. L'Allemagne avait autrefois quatre-vingt-quatre ou quatre-vingt-cinq villes qui jouissaient de ce droit ; ce nombre est réduit à environ cinquante ; leur directoire est tenu et exercé par le premier magistrat de la ville impériale où la diete est convoquée ; et si elle ne s'assemble pas dans une ville impériale, les premières villes des bans font exercer le directoire alternativement par un syndic ou par un avocat. Heiss. histoire de l'Empire, tome III. (G) (a)

COLLEGE DE SION, ou DU CLERGE DE LONDRES : c'était de temps immémorial une maison religieuse nommée tantôt prieuré, et tantôt hôpital. A sa destruction, arrivée la trente-unième année d'Henri VIII. on l'appelait l'hôpital d'Ehyn, du nom d'un mercier qui l'avait fondé en 1329. Présentement ce collège est composé du collège du clergé de Londres, qui lui a été incorporé en 1631 à la requête du docteur Withe, en qualité de président des membres du collège de Sion, et d'un hôpital fondé pour dix pauvres hommes et autant de femmes.

Les officiers de ce collège sont le président, deux doyens, et quatre assesseurs ; ils sont élus tous les ans parmi les curés et vicaires de Londres, et sont sujets à la visite de l'évêque. Ils ont une belle bibliothèque fondée par M. Simson : elle est principalement destinée à l'usage du clergé de Londres, sans en excepter cependant les autres étudiants. Ils ont aussi une classe avec des chambres pour les étudiants ; mais elles sont occupées communément par les ministres des paroisses voisines. Chambres.

COLLEGE DES DOCTEURS EN DROIT DE LONDRES, ordinairement appelé doctors commons, a été fondé par le docteur Harvey doyen de la cour des Arches, en faveur des professeurs de Droit civil établis à Londres, aussi-bien que pour le juge de la cour des Arches de Cantorbery, le juge de l'amirauté, de la cour de la prérogative, etc. et autres docteurs en Droit. Ils vivent tous, tant pour le logement que pour la nourriture, à la manière des colléges, c'est-à-dire en commun, ce qui fait qu'on les appelle doctors commons. Leur maison ayant été brulée dans le grand incendie de 1661, ils demeurèrent à Exeter-house-in the Strand, jusqu'à ce que leur collège fut rebâti à leurs dépens, et avec magnificence.

Ce collège a trente procureurs qui se chargent de toutes les causes des étudiants. Voyez PROCUREUR.

COLLEGE DES HERAUTS D'ARMES ; c'est une compagnie établie par des patentes du roi Richard III. qui leur a donné plusieurs privilèges, comme d'être exempts de subsides, de péages, d'offices, etc. Voyez HERAUT.

Ils ont eu une seconde patente sous le roi Edouard VI. et une maison proche celle des docteurs communs, que le comte de Derby avait fait bâtir sous le règne d'Henri VII. leur fut donnée par le duc de Norfolk sous le règne de la reine Marie. Cette maison a été nouvellement rebâtie.

Cette compagnie a trois officiers appelés rois d'armes, reges armorum anglicorum ; six héraults et quatre poursuivants. Voyez ROI D'ARMES, HERAUT D'ARMES et POURSUIVANS D'ARMES. Chambers. (G)

COLLEGE DES MARCHANDS ; c'est ainsi que l'on nomme dans presque toutes les villes anséatiques un lieu ou place publique, où s'assemblent ordinairement les marchands et négociants pour traiter des affaires de leur commerce. C'est ce qu'on appelle ailleurs bourse, et à Lyon place du change. Voyez BOURSE, PLACE DU CHANGE et ANSEATIQUES.

On appelle aussi à Londres collège, un endroit où s'assemblent ceux qui sont de la société royale. Les Anglais ont joint à ce mot de collège celui de Gresham, nom de ce fameux marchand anglais, que la reine Elisabeth employa en qualité de résident dans les Pays-bas, et surtout à Anvers, pour les affaires du négoce, et auquel on érigea des statues en 1564 et en 1566 dans la place de la bourse et dans ce collège, qui a toujours été appelé depuis Gresham collège, en considération de ce que Gresham avait fait fleurir en Angleterre le commerce et les manufactures. Dict. de Comm. Voyez COLLEGE DE GRESHAM.

Collège signifie aussi en quelques endroits la même chose que communauté, c'est-à-dire un corps d'artisans de certains métiers, unis ensemble sous une même discipline et sous les mêmes officiers.

Nous avons emprunté ce terme des Latins, chez qui collegium avait la même signification dans les arts et métiers qu'a parmi nous le mot de communauté, comme il parait par plusieurs anciennes inscriptions, où l'on trouve le collège des Marchands, le collège des Forgerons, le collège des Boulangers, le collège des Bateliers. Voyez l'antiquité expliquée du P. Montfaucon.

Les Hollandais nomment aussi colléges les différentes chambres de leur amirauté, établies dans quelques-unes de leurs principales villes ; savoir, à Amsterdam, Rotterdam, Hoorn, Middelbourg et Harlingen. Voyez AMIRAUTE, et Dict. de Comm. (G)

COLLEGE, terme d'Architecture, grand bâtiment établi pour enseigner la religion, les humanités, et les Belles-lettres, composé de plusieurs chapelles, classes, et logements, tant pour les professeurs que pour les pensionnaires et boursiers. Ces édifices doivent être bâtis avec solidité et simplicité, situés en bon air, tenus peu élevés, et être munis de grandes cours et de jardins spacieux. Celui des pères Jésuites à Rome, appelé le collège romain, est un des plus considérables pour la beauté de son architecture. On peut encore nommer celui des quatre-Nations à Paris, et celui de la Fleche en Anjou.

Il faut un assemblage de plusieurs colléges pour former une université. Voyez UNIVERSITE.

L'université d'Oxford est composée de dix-neuf colléges, et de six halls, ou lieux destinés à loger et à nourrir en commun de pauvres écoliers. Celle de Cambridge compte douze colléges et quatre halls. L'université de Paris a onze colléges de plein exercice, et plus de quarante autres fondés pour un certain nombre de boursiers, et assez vastes pour contenir encore un grand nombre d'étudiants qui y logent, et qui de-là vont écouter les professeurs dans les colléges de plein exercice.

L'érection des colléges ne se peut faire en Angleterre que par le consentement et l'autorité du roi, et en France que par lettres-patentes.

Chez les Grecs les colléges les plus célèbres étaient le Lycée et l'Académie : ce dernier a donné le nom à nos universités, qu'on appelle en latin academiae ; mais plus proprement encore à ces sociétés littéraires qui depuis un siècle se sont formées en Europe. Outre ces deux fameux colléges dans l'antiquité grecque, la maison ou l'appartement de chaque philosophe ou rhéteur pouvait être regardé comme un collège particulier. Voyez LYCEE et ACADEMIE.

On prétend que les Romains ne firent de pareils établissements que sur la fin de leur empire : quoi qu'il en sait, il y avait plusieurs colléges fondés par leurs empereurs, et principalement dans les Gaules, tels que ceux de Marseille, de Lyon, de Besançon, de Bordeaux, etc.

Les Juifs et les Egyptiens avaient aussi leurs colléges. Les principaux de ceux des Juifs étaient établis à Jérusalem, à Tibériade, à Babylone : on prétend que ce dernier avait été institué par Ezéchiel, et qu'il a subsisté jusqu'au temps de Mahomet.

La plupart de ces établissements destinés à l'instruction de la jeunesse, ont toujours été confiés aux personnes consacrées à la Religion : les mages dans la Perse, les gymnosophistes dans les Indes, les druides dans les Gaules et dans la Bretagne, étaient ceux à qui l'on avait donné le soin des écoles publiques. Voyez DRUIDE, MAGE, etc.

Après l'établissement du Christianisme il y eut autant de colléges que de monastères. Charlemagne, dans ses capitulaires, enjoint aux moines d'élever les jeunes gens, et de leur enseigner la musique, la Grammaire, et l'Arithmétique : mais soit que cette occupation détournât trop les moines de la contemplation, et leur enlevât trop de temps, soit dégoût pour l'honorable, mais pénible fonction d'instruire les autres, ils la négligèrent ; et le soin des colléges qui furent alors fondés fut confié à des personnes uniquement occupées de cet emploi. Trév. Moréry, et Chambers. (G)

Nous n'entrerons point ici dans le détail historique de l'établissement des différents colléges de Paris ; ce détail n'est point de l'objet de notre ouvrage, et d'ailleurs intéressait assez peu le public : il est un autre objet bien plus important dont nous voulons ici nous occuper ; c'est celui de l'éducation qu'on y donne à la jeunesse.

Quintilien, un des hommes de l'antiquité qui ont eu le plus de sens et le plus de gout, examine, dans ses institutions oratoires, si l'éducation publique doit être préférée à l'éducation privée ; et il conclut en faveur de la première. Presque tous les modernes qui ont traité le même sujet depuis ce grand homme, ont été de son avis. Je n'examinerai point si la plupart d'entr'eux n'étaient pas intéressés par leur état à défendre cette opinion, ou déterminés à la suivre par une admiration trop souvent aveugle pour ce que les anciens ont pensé ; il s'agit ici de raison, et non pas d'autorité, et la question vaut bien la peine d'être examinée en elle-même.

J'observe d'abord que nous avons assez peu de connaissances de la manière dont se faisait chez les anciens l'éducation, tant publique que privée ; et qu'ainsi ne pouvant à cet égard comparer la méthode des anciens à la nôtre, l'opinion de Quintilien, quoique peut-être bien fondée, ne saurait être ici d'un grand poids. Il est donc nécessaire de voir en quoi consiste l'éducation de nos colléges, et de la comparer à l'éducation domestique ; c'est d'après ces faits que nous devons prononcer.

Mais avant que de traiter un sujet si important, je dois prévenir les lecteurs désintéressés, que cet article pourra choquer quelques personnes, quoique ce ne soit pas mon intention : je n'ai pas plus de sujet de haïr ceux dont je vais parler, que de les craindre ; il en est même plusieurs que j'estime, et quelques-uns que j'aime et que je respecte : ce n'est point aux hommes que je fais la guerre, c'est aux abus, à des abus qui choquent et qui affligent comme moi la plupart même de ceux qui contribuent à les entretenir, parce qu'ils craignent de s'opposer au torrent. La matière dont je vais parler intéresse le gouvernement et la religion, et mérite bien qu'on en parle avec liberté, sans que cela puisse offenser personne : après cette précaution, j'entre en matière.

On peut réduire à cinq chefs l'éducation publique ; les Humanités, la Rhétorique, la Philosophie, les Mœurs, et la Religion.

Humanités. On appelle ainsi le temps qu'on emploie dans les colléges à s'instruire des préceptes de la langue latine. Ce temps est d'environ six ans : on y joint vers la fin quelque connaissance très-superficielle du grec ; on y explique, tant bien que mal, les auteurs de l'antiquité les plus faciles à entendre ; on y apprend aussi, tant bien que mal, à composer en latin ; je ne sache pas qu'on y enseigne autre chose. Il faut pourtant convenir que dans l'université de Paris, où chaque professeur est attaché à une classe particulière, les Humanités sont plus fortes que dans les colléges de réguliers, où les professeurs montent de classe en classe, et s'instruisent avec leurs disciples, en apprenant avec eux ce qu'ils devraient leur enseigner. Ce n'est point la faute des maîtres, c'est, encore une fais, la faute de l'usage.

Rhétorique. Quand on sait ou qu'on croit savoir assez de latin, on passe en Rhétorique : c'est alors qu'on commence à produire quelque chose de soi-même, car jusqu'alors on n'a fait que traduire, soit de latin en français, soit de français en latin. En Rhétorique on apprend d'abord à étendre une pensée, à circonduire et allonger des périodes, et peu-à-peu l'on en vient enfin à des discours en forme, toujours ou presque toujours, en langue latine. On donne à ces discours le nom d'amplifications ; nom très-convenable en effet, puisqu'ils consistent pour l'ordinaire à noyer dans deux feuilles de verbiage, ce qu'on pourrait et ce qu'on devrait dire en deux lignes. Je ne parle point de ces figures de Rhétorique si chères à quelques pédants modernes, et dont le nom même est devenu si ridicule, que les professeurs les plus sensés les ont entièrement bannies de leurs leçons. Il en est pourtant encore qui en font grand cas, et il est assez ordinaire d'interroger sur ce sujet important ceux qui aspirent à la maitrise-ès-Arts.

Philosophie. Après avoir passé sept ou huit ans à apprendre des mots, ou à parler sans rien dire, on commence enfin, ou on croit commencer l'étude des choses ; car c'est la vraie définition de la Philosophie. Mais il s'en faut bien que celle des colléges mérite ce nom : elle ouvre pour l'ordinaire par un compendium, qui est, si on peut parler ainsi, le rendez-vous d'une infinité de questions inutiles sur l'éxistence de la Philosophie, sur la philosophie d'Adam, etc. On passe de-là en Logique : celle qu'on enseigne, du moins dans un grand nombre de colléges, est à-peu-près celle que le maître de Philosophie se propose d'apprendre au bourgeois-gentilhomme : on y enseigne à bien concevoir par le moyen des universaux, à bien juger par le moyen des cathégories, et à bien construire un syllogisme par le moyen des figures, barbara, celarent, darii, ferio, baralipton, etc. On y demande si la Logique est un art ou une science ; si la conclusion est de l'essence du syllogisme, etc. &c. etc. Toutes questions qu'on ne trouvera point dans l'art de penser ; ouvrage excellent, mais auquel on a peut-être reproché avec quelque raison d'avoir fait des règles de la Logique un trop gros volume. La métaphysique est à-peu-près dans le même goût ; on y mêle aux plus importantes vérités les discussions les plus futiles : avant et après avoir démontré l'existence de Dieu, on traite avec le même soin les grandes questions de la distinction formelle ou virtuelle, de l'universel de la part de la chose, et une infinité d'autres ; n'est-ce pas outrager et blasphémer en quelque sorte la plus grande des vérités, que de lui donner un si ridicule et si misérable voisinage ? Enfin dans la Physique on bâtit à sa mode un système du monde ; on y explique tout ou presque tout ; on y suit ou on y réfute à tort et à travers Aristote, Descartes, et Newton. On termine ce cours de deux années par quelques pages sur la Morale, qu'on rejette pour l'ordinaire à la fin, sans-doute comme la partie la moins importante.

Mœurs et Religion. Nous rendrons sur le premier de ces deux articles la justice qui est dû. aux soins de la plupart des maîtres ; mais nous en appelons en même temps à leur témoignage, et nous gémirons d'autant plus volontiers avec eux sur la corruption dont on ne peut justifier la jeunesse des colléges, que cette corruption ne saurait leur être imputée. A l'égard de la Religion, on tombe sur ce point dans deux excès également à craindre : le premier et le plus commun, est de réduire tout en pratiques extérieures, et d'attacher à ces pratiques une vertu qu'elles n'ont assurément pas : le second est au contraire de vouloir obliger les enfants à s'occuper uniquement de cet objet, et de leur faire négliger pour cela leurs autres études, par lesquelles ils doivent un jour se rendre utiles à leur patrie. Sous prétexte que Jesus-Christ a dit qu'il faut toujours prier, quelques maîtres, et surtout ceux qui sont dans certains principes de rigorisme, voudraient que presque tout le temps destiné à l'étude se passât en méditations et en catéchismes ; comme si le travail et l'exactitude à remplir les devoirs de son état, n'étaient pas la prière la plus agréable à Dieu. Aussi les disciples qui, soit par tempérament, soit par paresse, soit par docilité, se conforment sur ce point aux idées de leurs maîtres, sortent pour l'ordinaire du collège avec un degré d'imbécillité et d'ignorance de plus.

Il résulte de ce détail, qu'un jeune homme après avoir passé dans un collège dix années, qu'on doit mettre au nombre des plus précieuses de sa vie, en sort, lorsqu'il a le mieux employé son temps, avec la connaissance très-imparfaite d'une langue morte, avec des préceptes de Rhétorique et des principes de Philosophie qu'il doit tâcher d'oublier ; souvent avec une corruption de mœurs dont l'altération de la santé est la moindre suite ; quelquefois avec des principes d'une dévotion mal-entendue ; mais plus ordinairement avec une connaissance de la Religion si superficielle, qu'elle succombe à la première conversation impie, ou à la première lecture dangereuse. Voyez CLASSE.

Je sais que les maîtres les plus sensés déplorent ces abus, avec encore plus de force que nous ne faisons ici ; presque tous désirent passionnément qu'on donne à l'éducation des colléges une autre forme : nous ne faisons qu'exposer ici ce qu'ils pensent, et ce que personne d'entr'eux n'ose écrire : mais le train une fois établi a sur eux un pouvoir dont ils ne sauraient s'affranchir ; et en matière d'usage, ce sont les gens d'esprit qui reçoivent la loi des sots. Je n'ai donc garde dans ces réflexions sur l'éducation publique, de faire la satyre de ceux qui enseignent ; ces sentiments seraient bien éloignés de la reconnaissance dont je fais profession pour mes maîtres : je conviens avec eux que l'autorité supérieure du gouvernement est seule capable d'arrêter les progrès d'un si grand mal ; je dois même avouer que plusieurs professeurs de l'université de Paris s'y opposent autant qu'il leur est possible, et qu'ils osent s'écarter en quelque chose de la routine ordinaire, au risque d'être blâmés par le plus grand nombre. S'ils osaient encore davantage, et si leur exemple était suivi, nous verrions peut-être enfin les études changer de face parmi nous : mais c'est un avantage qu'il ne faut attendre que du temps, si même le temps est capable de nous le procurer. La vraie Philosophie a beau se répandre en France de jour en jour ; il lui est bien plus difficîle de pénétrer chez les corps que chez les particuliers : ici elle ne trouve qu'une tête à forcer, si on peut parler ainsi, là elle en trouve mille. L'université de Paris, composée de particuliers qui ne forment d'ailleurs entr'eux aucun corps régulier ni ecclésiastique, aura moins de peine à secouer le joug des préjugés dont les écoles sont encore pleines.

Parmi les différentes inutilités qu'on apprend aux enfants dans les colléges, j'ai négligé de faire mention des tragédies, parce qu'il me semble que l'université de Paris commence à les proscrire presque entièrement : on en a l'obligation à feu M. Rollin, un des hommes qui ont travaillé le plus utilement pour l'éducation de la jeunesse : à ces déclamations de vers il a substitué les exercices, qui sont au moins beaucoup plus utiles, quoiqu'ils pussent l'être encore davantage. On convient aujourd'hui assez généralement que ces tragédies sont une perte de temps pour les écoliers et pour les maîtres : c'est pis encore quand on les multiplie au point d'en représenter plusieurs pendant l'année, et quand on y joint d'autres appendices encore plus ridicules, comme des explications d'énigmes, des ballets, et des comédies tristement ou ridiculement plaisantes. Nous avons sous les yeux un ouvrage de cette dernière espèce, intitulé la défaite du Solécisme par Despautère, représentée plusieurs fois dans un collège de Paris : le chevalier Prétérit, le chevalier Supin, le marquis des Conjugaisons, et d'autres personnages de la même trempe, sont les lieutenans généraux de Despautère, auquel deux grands princes, appelés Solécisme et Barbarisme, déclarent une guerre mortelle. Nous faisons grâce à nos lecteurs d'un plus grand détail, et nous ne doutons point que ceux qui président aujourd'hui à ce collège, ne fissent main-basse, s'ils en étaient les maîtres, sur des puérilités si pédantesques, et de si mauvais goût : ils sont trop éclairés pour ne pas sentir que le précieux temps de la jeunesse ne doit point être employé à de pareilles inepties. Je ne parle point ici des ballets où la Religion peut être intéressée ; je sais que cet inconvénient est rare, grâce à la vigilance des supérieurs ; mais je sais aussi que malgré toute cette vigilance, il ne laisse pas de se faire sentir quelquefois. Voyez dans le journ. de Trév. nouv. littér. Sep. 1750. la critique d'un de ces ballets, très-édifiante à tous égards. Je conclus du moins de tout ce détail, qu'il n'y a rien de bon à gagner dans ces sortes d'exercices, et beaucoup de mal à en craindre.

Il me semble qu'il ne serait pas impossible de donner une autre forme à l'éducation des colléges : pourquoi passer six ans à apprendre, tant bien que mal, une langue morte ? Je suis bien éloigné de désapprouver l'étude d'une langue dans laquelle les Horaces et les Tacites ont écrit ; cette étude est absolument nécessaire pour connaître leurs admirables ouvrages : mais je crois qu'on devrait se borner à les entendre, et que le temps qu'on emploie à composer en latin est un temps perdu. Ce temps serait bien mieux employé à apprendre par principes sa propre langue, qu'on ignore toujours au sortir du collège, et qu'on ignore au point de la parler très-mal. Une bonne grammaire française serait tout à-la-fais une excellente Logique, et une excellente Métaphysique, et vaudrait bien les rapsodies qu'on lui substitue. D'ailleurs, quel latin que celui de certains colléges ! nous en appelons au jugement des connaisseurs.

Un rhéteur moderne, le P. Porée, très-respectable d'ailleurs par ses qualités personnelles, mais à qui nous ne devons que la vérité, puisqu'il n'est plus, est le premier qui ait osé se faire un jargon bien différent de la langue que parlaient autrefois les Hersan, les Marin, les Grenan, les Commire, les Cossart, et les Jouvenci, et que parlent encore quelques professeurs célèbres de l'université. Les successeurs du rhéteur dont je parle ne sauraient trop s'éloigner de ses traces. Voyez LATINITE, ELOQUENCE, ETORIQUEIQUE.

Je sais que le latin étant une langue morte, dont presque toutes les finesses nous échappent, ceux qui passent aujourd'hui pour écrire le mieux en cette langue, écrivent peut-être fort mal ; mais du moins les vices de leur diction nous échappent aussi ; et combien doit être ridicule une latinité qui nous fait rire ? Certainement un étranger peu versé dans la langue française, s'apercevrait facilement que la diction de Montagne, c'est-à-dire du seizième siècle, approche plus de celle des bons écrivains du siècle de Louis XIV. que celle de Geoffroy de Villehardouin, qui écrivait dans le treizième siècle.

Au reste, quelqu'estime que j'aye pour quelques-uns de nos humanistes modernes, je les plains d'être forcés à se donner tant de peine pour parler fort élégamment une autre langue que la leur. Ils se trompent s'ils s'imaginent en cela avoir le mérite de la difficulté vaincue : il est plus difficîle d'écrire et de parler bien sa langue, que de parler et d'écrire bien une langue morte ; la preuve en est frappante. Je vois que les Grecs et les Romains, dans le temps que leur langue était vivante, n'ont pas eu plus de bons écrivains que nous n'en avons dans la nôtre ; je vois qu'ils n'ont eu, ainsi que nous, qu'un très-petit nombre d'excellents poètes, et qu'il en est de même de toutes les nations. Je vois au contraire que le renouvellement des Lettres a produit une quantité prodigieuse de poètes latins, que nous avons la bonté d'admirer : d'où peut venir cette différence ? et si Virgile ou Horace revenaient au monde pour juger ces héros modernes du parnasse latin, ne devrions-nous pas avoir grand'peur pour eux ? Pourquoi, comme l'a remarqué un auteur moderne, telle compagnie, fort estimable d'ailleurs, qui a produit une nuée de versificateurs latins, n'a-t-elle pas un seul poète français qu'on puisse lire ? Pourquoi les recueils de vers français qui s'échappent par malheur de nos colléges ont-ils si peu de succès, tandis que plusieurs gens de lettres estiment les vers latins qui en sortent ? Je dois au reste avouer ici que l'université de Paris est très-circonspecte et très-réservée sur la versification française, et je ne saurais l'en blâmer ; mais nous en parlerons plus au long à l'article LATINITE.

Concluons de ces réflexions, que les compositions latines sont sujettes à de grands inconvéniens, et qu'on ferait beaucoup mieux d'y substituer des compositions françaises ; c'est ce qu'on commence à faire dans l'université de Paris : on y tient cependant encore au latin par préférence, mais enfin on commence à y enseigner le français.

J'ai entendu quelquefois regretter les thèses qu'on soutenait autrefois en grec ; j'ai bien plus de regret qu'on ne les soutienne pas en français ; on serait obligé d'y parler raison, ou de se taire.

Les langues étrangères dans lesquelles nous avons un grand nombre de bons auteurs, comme l'anglais et l'italien, et peut-être l'allemand et l'espagnol, devraient aussi entrer dans l'éducation des colléges ; la plupart seraient plus utiles à savoir que des langues mortes, dont les savants seuls sont à portée de faire usage.

J'en dis autant de l'Histoire et de toutes les sciences qui s'y rapportent, comme la Chronologie et la Géographie. Malgré le peu de cas que l'on parait faire dans les colléges de l'étude de l'Histoire, c'est peut être l'enfance qui est le temps le plus propre à l'apprendre. L'Histoire, assez inutîle au commun des hommes, est fort utîle aux enfants, par les exemples qu'elle leur présente, et les leçons vivantes de vertu qu'elle peut leur donner, dans un âge où ils n'ont point encore de principes fixes, ni bons ni mauvais. Ce n'est pas à trente ans qu'il faut commencer à l'apprendre, à moins que ce ne soit pour la simple curiosité ; parce qu'à trente ans l'esprit et le cœur sont ce qu'ils seront pour toute la vie. Au reste, un homme d'esprit de ma connaissance voudrait qu'on étudiât et qu'on enseignât l'Histoire à-rebours, c'est-à-dire en commençant par notre temps, et remontant de-là aux siècles passés. Cette idée me parait très-juste, et très-philosophique : à quoi bon ennuyer d'abord un enfant de l'histoire de Pharamond, de Clovis, de Charlemagne, de César, et d'Alexandre, et lui laisser ignorer celle de son temps, comme il arrive presque toujours ; par le dégoût que les commencements lui inspirent ?

A l'égard de la Rhétorique, on voudrait qu'elle consistât beaucoup plus en exemples qu'en préceptes ; qu'on ne se bornât pas à lire des auteurs anciens, et à les faire admirer quelquefois assez mal-à-propos ; qu'on eut le courage de les critiquer souvent, les comparer avec les auteurs modernes, et de faire voir en quoi nous avons de l'avantage ou du désavantage sur les Romains et sur les Grecs. Peut-être même devrait-on faire précéder la Rhétorique par la Philosophie ; car enfin, il faut apprendre à penser avant que d'écrire.

Dans la Philosophie, on bornerait la Logique à quelques lignes ; la Métaphysique, à un abrégé de Locke ; la Morale purement philosophique, aux ouvrages de Séneque et d'Epictete ; la Morale chrétienne, au sermon de Jesus-Christ sur la montagne ; la Physique, aux expériences et à la Géométrie, qui est de toutes les logiques et physiques la meilleure.

On voudrait enfin qu'on joignit à ces différentes études, celle des beaux Arts, et surtout de la Musique, étude si propre pour former le gout, et pour adoucir les mœurs, et dont on peut bien dire avec Cicéron : Haec studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant, jucundas res ornant, adversis perfugium et solatium praebent.

Ce plan d'études irait, je l'avoue, à multiplier les maîtres et le temps de l'éducation. Mais 1°. il me semble que les jeunes gens en sortant plutard du collège, y gagneraient de toutes manières, s'ils en sortaient plus instruits. 2°. Les enfants sont plus capables d'application et d'intelligence qu'on ne le croit communément ; j'en appelle à l'expérience ; et si, par exemple, on leur apprenait de bonne heure la Géométrie, je ne doute point que les prodiges et les talents précoces en ce genre ne fussent beaucoup plus fréquents : il n'est guère de science dont on ne puisse instruire l'esprit le plus borné, avec beaucoup d'ordre et de méthode ; mais c'est-là pour l'ordinaire par où l'on peche. 3°. Il ne serait pas nécessaire d'appliquer tous les enfants à tous ces objets à-la-fais ; on pourrait ne les montrer que successivement ; quelques-uns pourraient se borner à un certain genre ; et dans cette quantité prodigieuse, il serait bien difficîle qu'un jeune homme n'eut du goût pour aucun. Au reste c'est au gouvernement, comme je l'ai dit, à faire changer là-dessus la routine et l'usage ; qu'il parle, et il se trouvera assez de bons citoyens pour proposer un excellent plan d'études. Mais en attendant cette réforme, dont nos neveux auront peut-être le bonheur de jouir, je ne balance point à croire que l'éducation des colléges, telle qu'elle est, est sujette à beaucoup plus d'inconvénients qu'une éducation privée, où il est beaucoup plus facîle de se procurer les diverses connaissances dont je viens de faire le détail.

Je sais qu'on fait sonner très-haut deux grands avantages en faveur de l'éducation des colléges, la société et l'émulation : mais il me semble qu'il ne serait pas impossible de se les procurer dans l'éducation privée, en liant ensemble quelques enfants à-peu-près de la même force et du même âge. D'ailleurs, j'en prends à témoin les maîtres, l'émulation dans les colléges est bien rare ; et à l'égard de la société, elle n'est pas sans de grands inconvénients : j'ai déjà touché ceux qui en résultent par rapport aux mœurs ; mais je veux parler ici d'un autre qui n'est que trop commun, surtout dans les lieux où on élève beaucoup de jeune noblesse ; on leur parle à chaque instant de leur naissance et de leur grandeur, et par-là on leur inspire, sans le vouloir, des sentiments d'orgueil à l'égard des autres. On exhorte ceux qui président à l'instruction de la jeunesse, à s'examiner soigneusement sur un point de si grande importance.

Un autre inconvénient de l'éducation des colléges, est que le maître se trouve obligé de proportionner sa marche au plus grand nombre de ses disciples, c'est-à-dire aux génies médiocres ; ce qui entraîne pour les génies plus heureux une perte de temps considérable.

Je ne puis m'empêcher non plus de faire sentir à cette occasion les inconvénients de l'instruction gratuite, et je suis assuré d'avoir ici pour moi tous les professeurs les plus éclairés et les plus célèbres : si cet établissement a fait quelque bien aux disciples, il a fait encore plus de mal aux maîtres.

Au reste, si l'éducation de la jeunesse est négligée, ne nous en prenons qu'à nous-mêmes, et au peu de considération que nous témoignons à ceux qui s'en chargent ; c'est le fruit de cet esprit de futilité qui règne dans notre nation, et qui absorbe, pour ainsi dire, tout le reste. En France on sait peu de gré à quelqu'un de remplir les devoirs de son état ; on aime mieux qu'il soit frivole. Voyez EDUCATION.

Voilà ce que l'amour du bien public m'a inspiré de dire ici sur l'éducation, tant publique que privée : d'où il s'ensuit que l'éducation publique ne devrait être la ressource que des enfants dont les parents ne sont malheureusement pas en état de fournir à la dépense d'une éducation domestique. Je ne puis penser sans regret au temps que j'ai perdu dans mon enfance : c'est à l'usage établi, et non à mes maîtres, que j'impute cette perte irréparable ; et je voudrais que mon expérience put être utîle à ma patrie. Exoriare aliquis. (O)

COLLEGE, (Jurisprudence) les colléges destinés pour l'éducation de la jeunesse, ne sont considérés que comme des corps laïcs, quoique de fait ils soient mixtes, c'est-à-dire composés d'ecclésiastiques et de laïques.

Les places de principal ni les bourses des colléges ne sont point des bénéfices ; elles ne sont point sujettes à la régale. Voyez Chopin, de sacr. polit. lib. I. tit. Ve n. 9. et suiv.

En quelques endroits, les évêques ont un droit d'inspection plus ou moins étendu sur les colléges, ce qui leur a sans-doute été ainsi accordé pour la conservation de la religion et des bonnes mœurs, mais cela dépend des titres d'établissement des colléges et de la possession de l'évêque.

Le règlement du châtelet, du 30 Mars 1636, pour la police de Paris, fait défense à tous écoliers de porter épées, pistolets, ou autres armes offensives, et enjoint aux principaux et procureurs des colléges où ils sont logés, de tenir leurs colléges fermés dès cinq heures du soir en hiver et neuf heures en été ; de faire toutes les semaines la visite dans toutes les chambres de leurs colléges pour reconnaître ceux qui y seront logés, sans qu'ils puissent y retirer ni loger autres personnes que des écoliers étudiants actuellement dans l'université, ou des prêtres de bonnes mœurs et de leur connaissance, dont ils répondront, et seront tenus des délits qui se trouveront par eux commis.

Dans les colléges où il n'y a pas plein exercice, on loue ordinairement à des particuliers, soit laïcs ou ecclésiastiques, le surplus des logements qui ne sont pas nécessaires pour les boursiers.

Mais dans aucun collège, soit de plein exercice ou autre, il ne doit point loger ni entrer de femmes ni filles.

L'arrêt du conseil du 5 Novembre 1666, qui conserve aux officiers du châtelet la police générale à l'exclusion de tous autres juges, les autorise à se transporter dans toutes les maisons, colléges, etc. et dit qu'ouverture leur en sera faite nonobstant tous prétendus privilèges. Voyez le traité de la pol. tom. I. pp. 138, 146, 154, et 161. (A)

COLLEGE DE GRESHAM ou COLLEGE DE PHILOSOPHIE, est un collège fondé par le chevalier Thomas Gresham, avec des revenus assignés sur la bourse royale. La moitié de ces revenus ont été laissés par le fondateur aux maires et aux échevins de Londres, aux conditions de choisir quatre personnes capables de faire des leçons de Théologie, de Géométrie, d'Astronomie et de Musique dans ce collège, et de leur donner à chacun, outre le logement, cinquante livres par an. L'autre moitié fut laissée par le même fondateur au corps des Merciers de Londres, pour choisir trois personnes capables d'enseigner le Droit, la Médecine et la Rhétorique sur le même pied et sous ces conditions : que chaque professeur donnerait tous les jours, excepté le Dimanche, deux leçons, l'une en latin qui se ferait le matin, et l'autre en anglais l'après-dinée. La Musique seule ne devait être expliquée qu'en anglais.

C'est dans ce collège que la Société royale tint ses assemblées dans les premiers temps de son institution sous Charles II. Voyez SOCIETE ROYALE.