Ainsi le mot trinité renferme l'unité de trois personnes divines réellement distinguées, et l'identité d'une nature indivisible. La Trinité est un ternaire de personnes divines, qui ont la même essence, la même nature et la même substance, non-seulement spécifique, mais encore numérique.

La théologie enseigne qu'il y a en Dieu une essence, deux processions, trois personnes, quatre relations, cinq notions, et la circumincession que les Grecs appellent . Nous allons donner une idée de chacun de ces points, qu'on trouvera d'ailleurs traités dans ce Dictionnaire, chacun sous son titre particulier.

1°. Il y a donc en Dieu une seule essence, une seule nature divine qui est spirituelle, infinie, éternelle, immense, toute-puissante, qui voit tout, qui connait tout, qui a créé toutes choses, et qui les conserve. Vouloir diviser cette nature, c'est établir ou le manichéisme, ou le trithéisme, ou le polythéisme. Voyez MANICHEISME, etc.

2°. Il y a en Dieu deux processions ou émanations, savoir celle du Fils, et celle du Saint-Esprit. Le Fils tire son origine du Père, qui est improduit, et le S. Esprit tire la sienne du Père et du Fils. La procession du Fils s'appelle génération, celle du S. Esprit retient le nom de procession. Voyez GENERATION, etc.

Le Fils procéde du Père par l'entendement, ou par voie de connaissance : car Dieu se connaissant lui-même de toute éternité, nécessairement et infiniment, produit un terme, une idée, une notion ou connaissance de lui-même, et de toutes ses perfections, qui est appelée son Verbe, son Fils, l'image de sa substance, qui lui est égal en toutes choses, éternel, infini, nécessaire, etc. comme son Père.

Le Père regarde son Fils comme son Verbe, et le Fils regarde son Père comme son principe ; et en se regardant ainsi l'un et l'autre éternellement, nécessairement et infiniment, ils s'aiment nécessairement, et produisent un acte de leur amour mutuel.

Le terme de cet amour est le S. Esprit, qui procéde du Père et du Fils par voie de spiration, c'est-à-dire de volonté, d'amour et d'impulsion, et qui est aussi égal en toutes choses au Père et au Fils. Voyez PERE, FILS et S. ESPRIT.

Ces processions sont éternelles, puisque le Fils et le S. Esprit qui en résultent, sont eux-mêmes éternels. Elles sont nécessaires et non contingentes, car si elles étaient libres en Dieu, le Fils et le S. Esprit qui en émanent seraient contingens, et dès-lors ils ne seraient plus Dieu. Enfin elles ne produisent rien hors du Père, puisque le Fils et le S. Esprit qui en sont le terme, demeurent unis au Père sans en être séparés, quoiqu'ils soient réellement distingués de lui.

3°. Chaque procession divine établit deux relations ; l'une du côté du principe, ou de la personne de qui une autre émane ; et l'autre du côté du terme ou de la personne qui émane d'une autre personne divine.

La paternité est une relation fondée sur ce que les théologiens scolastiques appellent l'entendement notionel, par lequel le Père a rapport à la seconde personne qui est le Fils. La filiation est la relation par laquelle la seconde personne, c'est-à-dire le Fils, a rapport au Père. Ainsi la première procession qu'on nomme génération, suppose nécessairement deux relations, la paternité et la filiation. Voyez PATERNITE et FILIATION.

La spiration active est la relation fondée sur l'acte notionel de la volonté, par laquelle la première et la seconde personne regardent ou se rapportent à la troisième. La spiration passive, ou procession prise dans sa signification stricte, est la relation par laquelle la troisième personne regarde ou se rapporte à la première et à la seconde. Par conséquent la seconde procession, qui retient proprement le nom de procession, forme nécessairement deux relations ; la spiration active et la spiration passive. Voyez SPIRATION.

Ou pour exprimer encore plus clairement ces choses abstraites. La première personne qui s'appelle Père, a en qualité de Père, un rapport réel de paternité avec le Fils qu'il engendre. La seconde personne qui s'appelle Fils, a en qualité de Fils, un rapport réel de filiation avec le Père qui le produit. La troisième personne qui s'appelle le Saint-Esprit, a en qualité de Saint-Esprit, un rapport réel de spiration passive avec le Père et le Fils, parce qu'il en procéde. Le Père et le Fils qui produisent le S. Esprit, ont en qualité de principe du S. Esprit, un rapport réel de spiration active avec cette troisième personne qui émane d'eux.

4°. Par personne on entend une substance individuelle, raisonnable ou intellectuelle, ou bien une substance intellectuelle et incommunicable. Voyez PERSONNE.

Quoique dans les premiers siècles on ait disputé sur la signification du mot hypostase, quelques pères le rejetant pour ne pas paraitre admettre en Dieu trois natures ; cependant selon l'usage reçu depuis longtemps dans l'Eglise et dans les écoles, le mot hypostase est synonyme à celui de personne. Il y a donc dans la sainte Trinité trois hypostases, ou trois personnes, le Père, le Fils et le S. Esprit, qui sont constituées par les relations propres et particulières à chacune d'elles. En sorte qu'excepté ces relations, toutes choses leur sont connues. C'est de-là qu'est venu cet axiome en Théologie : omnia in divinis unum sunt, ubi non obviat relationis oppositio, c'est-à-dire qu'il n'y a point de distinction dans les personnes divines, lorsqu'il n'y a point d'opposition de relation. Ainsi tout ce qui concerne l'essence ou la nature leur est commun, il n'y a que les propriétés relatives qui regardent proprement les personnes. Relativa nomina Trinitatem faciunt, dit S. Fulgence, lib. de Trinit. essentialia vero nullo modo triplicantur.

Ainsi si la puissance est quelquefois attribuée au Père, la sagesse au Fils, et la bonté au S. Esprit ; et de même si l'on dit que les péchés d'infirmité ou de faiblesse sont commis contre le Père, ceux d'ignorance contre le Fils, ceux de malice contre le S. Esprit, ce n'est pas à dire pour cela que ces attributs ne soient pas communs aux trois personnes, ni que ces péchés les offensent moins directement l'une que l'autre. Mais on leur attribue ou rapporte ces choses par voie d'appropriation, et non de propriété ; car toutes ces choses sont communes aux trois personnes, d'où est venu cet axiome : les œuvres de la sainte Trinité sont communes et indivises, (c'est-à-dire elles conviennent à toutes les personnes divines), mais non pas leurs productions ad intra (comme on les appele), par la raison qu'elles sont relatives.

Par appropriation on entend l'action de donner à une personne divine, à cause de quelque convenance, un attribut qui est réellement commun à toutes les trois. Ainsi dans les Ecritures, dans les épitres des apôtres, dans le symbole de Nicée, la toute-puissance est attribuée au Père, parce qu'il est le premier principe, et un principe sans origine, ou principe plus élevé. La sagesse est attribuée au Fils, parce qu'il est le terme de l'entendement divin, auquel la sagesse appartient. La bonté est attribuée au S. Esprit, comme au terme de la volonté divine à laquelle appartient la bonté.

Le Père est la première personne de la sainte Trinité, par la raison que le Père seul produit le Verbe par l'acte de son entendement ; et avec le Verbe il produit le S. Esprit par l'acte de sa volonté.

Il est bon de remarquer ici que le S. Esprit n'est pas ainsi appelé à cause de sa spiritualité, qui est un attribut commun à toutes les trois personnes ; mais à cause de la spiration passive qui lui est particulière à lui seul. Spiritus, quasi spiratus.

Ajoutez à cela, que quand une personne de la sainte Trinité est appelée première, une autre seconde, une autre troisième, ces expressions ne doivent point s'entendre d'une priorité de temps ou de nature, qui emporterait avec elle quelqu'idée de dépendance, ou de commencement dans le temps ; mais d'une priorité d'origine ou d'émanation, qui consiste en ce qu'une personne produit l'autre ; mais de toute éternité, et de telle sorte que la personne qui produit ne peut exister, ni être conçue sans celle qui est produite.

5°. Il suit de ce que nous avons dit, que dans la Trinité il y a des notions ; et par notion l'on entend une marque particulière, ou un caractère distinctif qui sert à distinguer les trois personnes, et l'on en compte cinq. La paternité, qui distingue le Père du Fils et du S. Esprit. La filiation, qui distingue le Fils des deux autres personnes divines. La spiration active, qui distingue le Père et le Fils d'avec le S. Esprit, et la spiration passive, qui distingue le S. Esprit du Père et du Fils. Quelques théologiens prétendent que ces quatre notions suffisent, et que le Père est assez distingué du Fils par la paternité, et du S. Esprit par la spiration active ; mais le plus grand nombre ajoute encore pour le Père l'innascibilité. En effet, elle seule donne une idée juste et totale du Père, qui est la première des trois personnes divines. Cette première personne est improduite, et qui dit simplement père, n'énonce pas une personne non engendrée : quiconque est père, peut avoir lui-même un père.

6°. La circumincession, ou , est l'inexistence intime des personnes divines, ou leur mutuelle existence l'une dans l'autre. Car quoiqu'elles soient réellement distinguées, elles sont cependant consubstantielles ; c'est pourquoi J. C. dit dans S. Jean, ch. xiv. Quoi, vous ne croyez pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? L'identité d'essence que les Grecs appellent , et la consubstantialité avec la distinction des personnes, sont nécessaires pour la circumincession. Voyez CIRCUMINCESSION.

Telle est la foi sur le mystère de la sainte Trinité, et telles sont les expressions consacrées parmi les Théologiens pour expliquer ce mystère, autant que les bornes de l'esprit humain peuvent le permettre. Car on sent d'abord combien il en surpasse la faible portée, et qu'on ne saurait trop scrupuleusement s'attacher au langage reçu dans une matière où il est aussi facîle que dangereux de s'égarer, comme l'a dit S. Augustin : in iis ubi quaeritur unitas trinitatis, Patris, et Filii, et Spiritus-Sancti, nec periculosius alicubi erratur, nec laboriosius aliquid quaeritur. lib. I. de Trinit. c. j.

En effet, il est peu de dogmes qui aient été attaqués avec tant d'acharnement et de tant de différentes manières par les ennemis du christianisme. Car sans parler des Juifs modernes qui le nient hautement pour ne pas reconnaître la divinité de Jesus-Christ, et sous prétexte de maintenir l'unité d'un Dieu qui leur est si expressément recommandée dans l'ancienne loi, comme si l'on n'y trouvait pas des traces suffisantes de ce mystère ; parmi les autres hérétiques, les uns l'ont combattu dans toutes ses parties en niant la trinité des personnes ; d'autres, ne l'ont attaqué qu'en quelques points, soit en multipliant ou en diversifiant la nature divine, soit en niant l'ordre d'origine qui se trouve entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Sabellius et ses sectateurs qui ont paru dans le IIIe siècle de l'Eglise, les Spinosistes et les Sociniens qui se sont élevés dans ces derniers temps, en ont nié la possibilité et la réalité. La possibilité, parce qu'ils prétendent qu'il implique contradiction qu'il y ait en Dieu trois personnes réellement distinguées les unes des autres, et que ces trois personnes possèdent une seule et même nature numérique et individuelle. La réalité, parce qu'ils s'imaginent qu'il n'en est fait aucune mention dans les livres saints. Suivant eux, c'est la même personne divine ou le même Dieu qui est nommé Père, Fils et Saint-Esprit dans les Ecritures. Père, entant qu'il est le principe de toutes choses et qu'il a donné l'ancienne loi. Fils, entant qu'il a daigné instruire de nouveau les hommes par Jesus-Christ qui était lui-même un pur homme. Saint-Esprit, entant qu'il éclaire les créatures raisonnables, et qu'il les échauffe du feu de son amour.

Jean Philoponus est le premier qu'on connaisse avoir multiplié la nature divine dans les trois personnes de la sainte Trinité. Il enseignait, selon Nicephore hist. l. XVIII. que le Père, le Fils et le Saint-Esprit avaient la même nature spécifique, en ce qu'ils possédaient tous trois la même divinité ; mais il ajoutait que la nature divine ne se trouve pas une en nombre dans ces trois personnes et qu'elle y est réellement multipliée. Erreur que l'abbé Faydit a renouvellée dans le dernier siècle. Arius, prêtre d'Alexandrie et Macédonius, patriarche de Constantinople, ont soutenu ; l'un, que le Verbe n'était pas consubstantiel au Père ; l'autre, que le Saint-Esprit n'était pas Dieu comme le Père et le Fils. Deux points que les Ariens modernes ou Antitrinitaires ont aussi avancé dans ces derniers temps. Enfin les Grecs pensent que le Saint-Esprit ne procede que du Père et nullement du Fils.

A ces différentes erreurs, les Orthodoxes opposent. 1°. Les écritures qui établissent évidemment l'existence de ce mystère, et par conséquent sa possibilité dont la raison seule n'est pas juge compétent. 2°. Les décisions de l'église et sa tradition constante. 3°. Les recherches et les raisonnements d'un grand nombre de Théologiens, soit protestants, soit catholiques, qui ont approfondi ces matières dans les disputes avec les Sociniens, de manière à faire voir que les interprétations que ceux-ci donnent aux Ecritures sont fausses, forcées et également contraires à l'esprit et à la lettre des livres saints. On peut consulter sur ce point les PP. Petau et Thomassin, MM. Bossuet, Huet et Witasse ; et parmi les Protestants, Abadie, la Place, Bullus, Hoornebeck, &c.

TRINITE PHILOSOPHIQUE, nous entendons par ce terme, les divers sentiments répandus dans l'antiquité sur une trinité d'hypostases dans la divinité.

En effet, parmi les payens, plusieurs écrivains semblent avoir eu quelque notion de la Trinité. Steuch. Eugub. de Peren. Philos. lib. I. c. IIIe observe qu'il n'y a rien dans toute la théologie payenne qui ait été ou plus approfondi, ou plus généralement avoué par les Philosophes que la Trinité. Les Chaldéens, les Phéniciens, les Grecs et les Romains ont reconnu dans leurs écrits que l'être suprême a engendré un autre être de toute éternité, qu'ils ont appelé quelquefois le fils de Dieu, quelquefois le verbe, quelquefois l'esprit et quelquefois la sagesse de Dieu, et ont assuré qu'il était le créateur de toutes choses. Voyez FILS.

Parmi les sentences des Mages descendants de Zoroastre, on trouve celle-ci, ; le père a accompli toutes choses et les a remises à son second esprit. Les Egyptiens appelaient leur trinité hempta, et ils l'ont représentée comme un globe, un serpent et une aîle joints dans un symbole hiéroglyphique. Le P. Kircher et M. Gale supposent que les Egyptiens avaient reçu cette doctrine du patriarche Joseph et des Hébreux.

Les Philosophes, dit S. Cyrille, ont reconnu trois hypostases ou personnes. Ils ont étendu leur divinité à trois personnes, et même se sont quelquefois servis du mot trias, trinité. Il ne leur manquait que d'admettre la consubstantialité de ces trois hypostases, pour signifier l'unité de la nature divine à l'exclusion de toute triplicité, par rapport à la différence de nature, et de ne point regarder comme nécessaire de concevoir quelqu'infériorité de la seconde hypostase, par rapport à la première ; et de la troisième, par rapport aux deux autres. Voyez HYPOSTASE.

Plotin soutient, Ennecad. V. lib. I. cap. VIIIe que cette doctrine est très-ancienne, et qu'elle avait déjà été enseignée, quoiqu'obscurément par Parmenide. Il y en a qui rapportent l'origine de cette opinion aux Pythagoriciens, et d'autres l'attribuent à Orphée, qui a nommé ces trois principes Phanés, Uranus et Chronus. Quelques savants ne trouvent pas vraisemblable que cette trinité d'hypostases soit une invention de l'esprit humain, et M. Cudworth, entr'autres, juge qu'on peut en croire Proclus, qui assure que c'est une théologie de tradition divine, , et qu'ayant été donnée aux Hébreux, elle est passée d'eux à d'autres nations, parmi lesquelles elle s'est néanmoins corrompue ; et en effet, il est fort probable que les Hébreux l'aient communiquée aux Egyptiens, ceux-ci aux Phéniciens et aux Grecs, et que par laps de temps, elle se soit altérée par les recherches mêmes des Philosophes, dont les derniers, comme c'est la coutume, auront voulu substituer et ajouter de nouvelles découvertes aux opinions des anciens. Il est vrai, d'un autre côté, que le commerce des philosophes grecs avec les Egyptiens, ne remonte qu'au voyage que Pythagore fit en Egypte, où il conversa avec les prêtres de ce pays, ce qui ne remonte pas plus haut que l'an du monde 3440, et il y avait alors plus de mille ans que les Hébreux étaient sortis d'Egypte. Il eut été par conséquent fort étonnant que les Egyptiens eussent conservé des idées bien nettes et bien pures de la trinité ; et ils n'en purent gueres donner que de confuses à Pythagore, sur un dogme qui leur était, pour ainsi dire étranger, puisqu'ils avaient eux-mêmes considérablement obscurci ou défiguré les principaux points de leur propre religion.

Quoi qu'il en sait, les Philosophes qui admettaient cette trinité d'hypostases, la nommaient une trinité de dieux, un premier, un second, un troisième dieu. D'autres ont dit une trinité de cause, de principes ou de créateurs. Numenius disait qu'il y a trois dieux, qu'il nomme le père, le fils et le petit - fils. Philon, tout juif qu'il était, a parlé d'un second dieu. Cette tradition fut exprimée en termes impropres et corrompus en diverses manières parmi les payens. Il y eut quelques Pythagoriciens et quelques Platoniciens qui dirent que le monde était la troisième hypostase dont il s'agissait, de sorte qu'ils confondaient la créature et le créateur. On ne peut pas les excuser, en disant qu'ils entendaient principalement parlà l'esprit ou l'âme du monde, puisque s'il y avait une âme du monde, qui conjointement avec le monde sensible composât un animal, il faudrait que cette âme fût une créature. 2°. Il y eut encore quelques philosophes des mêmes sectes, qui croyant que les différentes idées qui sont dans l'entendement divin, sont autant de dieux, faisaient de la seconde hypostase un nombre infini de divinités. 3°. Proclus et quelques nouveaux Platoniciens établirent un nombre infini de henades ou d'unités qu'ils plaçaient au-dessus de leur premier esprit qui faisait leur seconde hypostase, et plaçaient de même une infinité de noès ou d'esprits au-dessus de la troisième hypostase, qu'ils nommaient la première âme. De-là vinrent une infinité de dieux subalternes ou créés dans leur théologie, ce qui les jeta dans l'idolâtrie et dans la superstition, et les rendit les plus grands ennemis du christianisme.

Mais de tous les anciens philosophes, aucun ne s'est exprimé sur cette trinité d'hypostases plus formellement que Platon. Ce philosophe établit trois Dieux éternels, et qui ne sont pas des choses abstraites, mais des êtres subsistants. On peut voir là-dessus sa seconde épitre à Denys. La deuxième hypostase de Platon, où l'entendement est aussi sans commencement. Il assurait la même chose de la troisième hypostase, nommée l'âme. Il y a là-dessus des passages remarquables de Plotin et de Porphyre, qui disent que la seconde existe par elle-même et est le père d'elle-même, . Plotin en particulier a expliqué ce mystère, en disant qu'encore que la seconde hypostase procede de la première, elle n'a pas été produite à la manière des créatures, ni par un effet arbitraire de la volonté divine ; mais qu'elle en est sortie comme une émanation naturelle et nécessaire. Les trois hypostases de Platon sont non-seulement éternelles, mais aucune d'entr'elles ne peut être détruite. Enfin elles renferment également tout l'univers, c'est-à-dire, qu'elles sont infinies et toute-puissantes. Cependant ce philosophe admettait entr'elles une espèce de subordination ; l'on agitait dans les écoles platoniciennes à-peu-près les mêmes difficultés qui ont donné tant d'exercice à nos théologiens. Le P. Petau Dogm. théolog. tom. II. l. I. c. j. après avoir expliqué le sentiment d'Arius, a soutenu que cet herésiarque était un véritable platonicien ; tandis que M. Cudworth prétend au contraire que c'est S. Athanase qui a été dans les sentiments de Platon. Il faut avouer que l'obscurité de ce philosophe et de ses disciples, donne lieu de soutenir l'un et l'autre sentiment. Voyez le Clerc, Bibliot. chais. tom. III. art. j.

Voilà sans doute ce qui a donné lieu à quelques modernes d'avancer que les pères de la primitive église avaient puisé leur doctrine sur la trinité dans l'école de Platon ; mais le P. Mourgues et le P. Balthus, jésuites, qui ont approfondi cette matière, montrent qu'il n'y a rien de si absurde que de supposer que c'est la trinité de Platon qui a été adoptée dans l'Eglise, et que d'avoir recours au prétendu platonisme des pères, pour décréditer leur autorité par rapport à ce dogme. En effet, outre que toutes les vérités fondamentales qui concernent ce mystère sont contenues dans l'Ecriture et ont été définies par l'Eglise, quelle qu'ait été l'opinion des pères considérés comme philosophes, elle n'influe point sur le dogme de la Trinité chrétienne, qui ne dépend nullement des opinions de la philosophie ; et l'on peut faire, puisque l'occasion s'en présente, les trois remarques suivantes sur cet article de notre foi. 1°. La Trinité que nous croyons, n'est point une trinité de noms et de mots, ou de notions de métaphysique, ou de conceptions incompletes de la divinité ; cette doctrine a été condamnée dans Sabellius et dans d'autres : c'est une trinité d'hypostases, de substances et de personnes. 2°. C'est qu'encore que la deuxième hypostase ait été engendrée par la première, et que la troisième procede de l'une et de l'autre ; ces deux dernières ne sont pas néanmoins des créatures, mais sont coèternelles à la première. 3°. C'est que ces trois hypostases ne sont réellement qu'un seul Dieu, non-seulement à cause du consentement de leurs volontés, (ce qui ne ferait qu'une unité morale), mais encore à cause de leur mutuelle union de substance, que les anciens ont nommées circumincession, ou inexistences , ce qui emporte une unité réelle et physique.

Quoiqu'on ne puisse trouver d'autres exemples d'une semblable union dans les créatures ; puisque deux substances diverses font un seul homme, trois hypostases divines peuvent bien faire un seul Dieu. Ainsi quoiqu'il y ait dans ce dogme une profondeur impénétrable, il ne renferme pourtant point de contradiction et d'impossibilité. Au reste, il semble que la providence divine ait conservé la trinité selon le système des Philosophes dans le monde payen, jusqu'à ce que le christianisme parut, pour lui préparer une voie par laquelle il put être reçu des habiles gens. Cet article est en partie tiré des mémoires de M. Formey, historiographe de l'académie royale de Prusse.

TRINITE, (fête de la très-sainte) fête solennelle que l'on célèbre dans l'Eglise romaine, en l'honneur du mystère de la Trinité, le premier dimanche après la fête de la Pentecôte.

Quoique de tout temps on ait honoré ce mystère, et que tout le culte des Chrétiens consiste à adorer un Dieu en trois personnes, cependant la fête particulière de la Trinité est d'une institution assez recente. Vers l'an 920, Etienne, evêque de Liège, fit dresser un office de la Trinité, qui s'établit peu à peu dans diverses églises. On célébrait ordinairement la messe de la Trinité dans les jours qui manquaient d'office ; mais le pape Alexandre II. ne voulut approuver aucun jour particulier pour la fête de la sainte trinité, quoiqu'elle fût établie dans plusieurs églises particulières. Alexandre III. déclara sur la fin du xije. siècle, que l'Eglise romaine ne connaissait point cette fête. Pothon, moine de Prom, qui vivait dans le même siècle, en combattit l'usage, et il fut encore vivement attaqué dans le xiije. siècle ; cependant le concîle d'Arles, tenu en 1260, l'établit pour sa province. On croit que ce fut au XIVe siècle, que l'église de Rome reçut la fête de la Trinité, sous le pontificat de Jean XXII. et que ce pape la fixa au dimanche qui suit immédiatement la Pentecôte, mais ce fait est fort douteux : car le cardinal Pierre d'Ailly, sollicita en 1405, Benait XIII. pour l'établissement de cette fête, et Gerson dit que de son temps l'institution en était encore toute nouvelle. Les Grecs n'ont point encore la fête solennelle de la Trinité, ils en font seulement l'office le lundi, le lendemain de la Pentecôte. Baillet, vies des saints, hist. des fêtes mobiles.

TRINITE, (critiq. sacrée) ce mot est reçu pour désigner le mystère de Dieu en trois personnes, le père, le fils et le saint-esprit. Il me semble qu'il y aurait de la témérité d'entreprendre d'expliquer ce dogme, parce que Ve le silence des écrivains sacrés, les explications ne peuvent être qu'arbitraires, et chacun a droit de forger la sienne. De-là vient que S. Hilaire par son expression trina deitas, trouva tout autant de censeurs que d'approbateurs, qui disputèrent vainement sur un sujet dont ils ne pouvaient se former d'idée. Aussi Chilpéric I. monarque singulier, si le portrait que nous en a fait Grégoire de Tours est fidèle, voulut donner un édit pour défendre de se servir même à l'avenir du terme de trinité, et de celui de personne en parlant de Dieu. Il condamnait le premier terme parce qu'il n'était pas dans l'Ecriture, et proscrivait le second, parce qu'étant d'usage pour distinguer parmi les hommes chaque individu, il prétendait qu'il ne pouvait en aucune manière convenir à la divinité. (D.J.)

TRINITE, fraternité ou confrairie de la sainte, est une société instituée à Rome par saint Philippe de Néry, en 1548, pour avoir soin des pélerins qui viennent de toutes les parties du monde, se rendre dans cette ville capitale, pour visiter les tombeaux des apôtres saint Pierre et saint Paul. Voyez FRATERNITE.

Ceux qui composent cette société, ont une maison où ils entretiennent pendant l'espace de trois jours non - seulement les pélerins, mais aussi les pauvres convalescens, et ceux qui étant sortis trop-tôt de l'hôpital, pourraient être sujets à des rechutes.

Cet établissement fut d'abord fait dans l'église de S. Sauveur, in campo, et ne consistait qu'en quinze personnes qui tous les premiers dimanches du mois se trouvaient dans cette église, pour pratiquer les exercices de piété prescrits par saint Philippe de Néry, et pour entendre ses exhortations ; en 1558, Paul IV. donna à la fraternité l'église de saint Benait, que les frères intitulèrent du nom de la sainte Trinité. Depuis ce temps-là, ils ont bâti et joint à l'église un hôpital très-vaste, pour les pélerins et malades convalescens.

Aujourd'hui cette fraternité est très-considérable, et la plupart de la noblesse de Rome de l'un ou de l'autre sexe, lui fait l'honneur d'en être membres.

La congrégation de la sainte Trinité consiste en douze prêtres, établis dans l'hôpital de la fraternité pour prendre soin des pélerins et de ceux que l'on a coutume d'y entretenir.

Comme les fréquents changements de prêtres donnaient occasion à une partie des différents qui s'élevaient dans cet hôpital, sur la conduite spirituelle et sur l'instruction des pélerins ; les gardiens et administrateurs pour y établir une plus grande uniformité, y formèrent une congrégation de douze prêtres qui logent aujourd'hui dans un quartier de l'hôpital, et y vivent en communauté comme dans un monastère.

TRINITE, (ordre de la sainte) Voyez TRINITAIRES.

TRINITE CREEE, filles de la, (Histoire des ord. relig.) c'est le nom bien étrange des religieuses de la société de S. Joseph. Ces filles avaient une maison à la Rochelle qui y fut établie en 1659 ; cinq ans après les sœurs de cette maison ayant eu envie d'embrasser l'état régulier, firent des vœux, et jetèrent les fondements d'un ordre pour lequel on dressa des règles et des constitutions, qui furent imprimées à Paris en 1664, sous le titre de règle des filles de la Trinité créée, dites religieuses de la congrégation de saint Joseph, instituée pour l'éducation des filles orphelines dans la ville de la Rochelle. Cette seule maison de la Rochelle fait jusqu'ici tout cet ordre. (D.J.)

TRINITE maison de la, (Histoire moderne d'Angleterre) the trinity-house ; c'est ainsi qu'on appelle en Angleterre, une célèbre confrairie, corporation, ou compagnie de gens de mer, à qui l'usage et la législature ont confié plusieurs articles de police, concernant la navigation des côtes et des rivières, et particuliérement ce qui regarde le lamanage et le lestage des navires.

Elle doit son origine à Henri VIII, qui, par des lettres-patentes du mois de Mars de la quatrième année de son règne, incorpora les mariniers anglais, sous le nom de maîtres gardiens, et assistants de la société de la très-glorieuse Trinité, Master Wardents, and assistants of the guild fraternity, or Brothers hood of the most glorious, and individual triniti ; c'est le titre singulier qu'on lui donna.

Cette confrairie fut érigée dans la paraisse de Deptford-Strand, au comté de Kent, où elle eut sa première maison ; depuis elle en a élevé quelques autres en divers endroits, qui sont celles de Newcastle sur la Tine, dans le Northumberland. Celle de Kingstone-sur Hull, dans l'Yorck-Shire, et celle des cinq ports. La maison de Deptford-Strand, est comme le chef lieu de la confrairie.

L'acte du parlement passé sous Elisabeth, attribue à la maison de la Trinité, le droit de placer sur les côtes d'Angleterre, les tonnes, les bouées, les balises et les fanaux qu'elle juge à propos, pour la sûreté de la navigation, et l'autorise à donner aux gens de mer, la permission d'exercer sur la Tamise, le métier de batelier ; sans que qui que ce soit puisse leur apporter aucun empêchement.

La corporation de la trinité est composée d'anciens et de jeunes confrères. Il y a trente-un anciens, le nombre des jeunes n'est pas limité. Tout marinier peut prétendre d'y être admis. On tire les anciens du nombre des jeunes. Quand une fois ils ont été élus, ils conservent cette qualité toute leur vie, à moins que par quelque malversation, ils ne se fassent casser. On choisit annuellement entr'eux un maître, quatre gardiens, et huit assesseurs. Le pouvoir accordé à la corporation par la couronne, s'exerce par le maître, les gardiens, les assesseurs, et les anciens.

On leur remet quelquefois des causes maritimes à juger, et l'on s'en tient à leur jugement. De plus, la cour de l'amirauté les charge d'instruire certains procès, et de les rapporter.

La corporation de la trinité, indépendamment de plusieurs franchises, jouit du privilège exclusif de fournir des pilotes, pour conduire les navires hors de la Tamise et du Medway, jusqu'aux dunes, et des dunes dans le Medway et dans la Tamise. Elle peut faire tel règlement qu'elle juge nécessaire pour le bon ordre, le soutien et l'augmentation de la navigation, et des mariniers. Elle a droit d'appeler devant elle, tout maître, pilote, ou homme de mer employé dans un vaisseau sur la Tamise, et de condamner à une amende ceux qui refusent de comparaitre. Quoique la police de la Tamise, depuis le pont de Londres jusqu'à la mer, soit particulièrement de son ressort, ses soins ne laissent pas de s'étendre encore au-delà ; mais la Tamise en est l'objet principal, à cause que le courant du commerce y est plus animé.

La corporation a deux hôpitaux en Deptford-Strand, et un à Mile-End, pour le secours des matelots. Elle doit ces trois édifices au chevalier Baronet Richard Brown de Sayes-Court, au capitaine Richard Maples, et au capitaine Henry Mudel ; les noms des bienfaiteurs de leur pays doivent passer à la postérité.

Indépendamment de ces trois fondations, la confrairie de la Trinité fait de petites pensions par mois à plus de deux mille matelots, ou à leurs veuves. Ces charités montent annuellement à cinq mille et quelquefois six mille livres sterlings. Non-seulement cette corporation aide les mariniers que la vieillesse ou les accidents mettent hors d'état de gagner leur vie, mais elle étend même ses aumônes sur tous les gens de mer qui languissent dans l'indigence, soit par défaut d'occupation, soit par quelqu'autre raison.

Le produit d'un grand nombre d'amendes, appliquées au profit de la corporation ; les droits qu'elle perçait pour les fanaux, les bouées, les balises, le lestage ; les donations des confrairies et des personnes charitables, sont les sources d'où sortent les fonds qui la mettent en état de faire de pareilles libéralités. Enfin les services importants que cette société rend au public, lui ont mérité, que les Anglais ne prononcent point son nom, sans l'accompagner de l'épithète d'éminente, et c'est une qualification des plus honorables. (D.J.)

TRINITE, île de la, (Géographie moderne) grande et belle île de l'Amérique équinoxiale, dans le golfe de Paria, sur la côte de la nouvelle Andalousie, au midi des Antilles ; elle peut avoir environ 100 à 120 lieues de circuit ; sa figure est à-peu-près celle d'un triangle, dont le plus petit côté est tourné à l'occident et fait un angle rentrant, formant une grande baie très-profonde ; cette île appartient aux Espagnols, et quoique son terrain soit extrêmement fertile, à peine est-elle peuplée. L'intérieur du pays est couvert de forêts, remplies d'une multitude d'arbres d'une grosseur énorme ; on y trouve beaucoup d'acajoux d'une beauté admirable, dont on se sert pour construire de grands canots et des pirogues d'une seule pièce, qui peuvent porter trente et quarante hommes, même plus ; ces arbres servent encore à former des madriers et des planches de plus de 30 pieds de longueur, qu'on emploie utilement à border des bâtiments de mer et à d'autres usages.

Les habitants de la Trinité trouvent abondamment de quoi vivre à la façon du pays, la terre leur fournit naturellement beaucoup de fruits ; ils peuvent cultiver du manioc, du maïs et des légumes de toutes espèces, le poisson, les crabes et le gibier ne leur manquent pas ; du reste, ils sont si misérables par leur paresse et par le peu de commerce qu'ils font, que le gouverneur, quoique plus opulent que les autres habitants, réserve ses souliers pour s'en parer les jours de cérémonie.

TRINITE, île de la, (Géographie moderne) ou isla della Trinidad, île de l'Amérique méridionale, dans la mer du Sud, sur la côte de la Terre-ferme, au nord de l'embouchure de l'Orénoque. Elle appartient aux Espagnols ; on lui donne 25 lieues de long, sur 18 de large, mais l'air y est mal - sain, à cause qu'il est ordinairement chargé de brouillards. Colomb a découvert cette île en 1498 ; la petite ville de Saint-Joseph est sa capitale. Latit. mérid. 9. latit. septent. 10. 30. suivant les cartes hollandaises. (D.J.)

TRINITE, la, (Géographie moderne) ou comme disent les Espagnols, la Trinidad, ville de l'Amérique méridionale, dans la Terre-ferme, au nouveau royaume de Grenade, sur le bord oriental de la rivière de la Magdalena, à 24 lieues de Santa-Fé. Latitude 5. 30. (D.J.)

TRINITE ou TRINIDAD, (Géographie moderne) ville ou bourgade de l'Amérique méridionale, dans la nouvelle Espagne, sur la côte de la mer du sud, au gouvernement de Guatimala, et à 4 lieues du port d'Acaxutla, vers le sud-ouest, dans un terroir fertîle en cacao. C'est un lieu de grand trafic, où toutes les marchandises qui viennent du Pérou et de la nouvelle Espagne sont transportées. (D.J.)

TRINITE, la, (Géographie moderne) Trinidad, petite ville de l'île de Cuba, en Amérique. Elle est sur une rivière poissonneuse. Son port est accessible et commode ; son négoce consiste en tabac qui est très-bon. (D.J.)