La cuscute est une parasite d'une espèce bien singulière, puisqu'elle ne le devient qu'après avoir tiré de la terre sa première nourriture. Elle s'accommode de toutes les plantes, qui sont pour elle ce que la terre est pour celles qui y jettent leurs racines. Le suc mucilagineux des plantes papilionacées lui convient aussi bien que celui des labiées, qui semblent par leur odeur marquer un suc éthéré et spiritueux ; elle suce également celui des cruciferes, qui a quelque chose de caustique et de brulant ; elle pousse avec la dernière vigueur sur la vigne et sur l'ortie, où elle est toujours beaucoup plus forte, pour ne pas dire monstrueuse. C'est elle qui forme ce qu'on appelle un raisin barbu. Voyez RAISIN BARBU.

La différence des plantes auxquelles elle s'attache, lui a fait donner les noms d'épithyme, épithymbre, goutte de lin, épimarrube, etc. qui tous désignent la plante sur laquelle elle vivait : elle ne vient pas cependant seulement sur les plantes dont elle a emprunté le nom, ces noms marquent qu'elle se trouve plus communément sur ces plantes, mais elle se rencontre sur plusieurs autres. On la voit souvent sur l'ivraye, le genêt, le chardon, la garence. On l'a vue sur le thlaspi, appelé par les fleuristes tharaspic, sur le laiteron, la mille-feuille, le chanvre, le serpolet, l'hyssope, la lavande, etc. enfin elle s'attache sur plusieurs plantes à la fais, elle embrasse toutes celles qu'elle trouve à la portée ; quelquefois, ce qui est assez singulier, elle se suce elle-même. On trouve souvent des branches où elle s'est cramponée, et où elle a insinué la partie avec laquelle elle tire des autres plantes le suc qui la doit nourrir. En un mot la cuscute pousse également ses tiges en tout sens ; toute direction lui est bonne, et c'est par le moyen de petits tubercules que ses tiges s'attachent, s'entortillent-autour des autres plantes de bas en-haut, de haut en-bas, ou s'étendent par-dessus horizontalement. Entrons dans les détails.

Cette plante a d'abord pour racine un filet qui pénètre la terre où il se desseche bientôt ; alors elle n'a pour racine que des tubercules coniques, d'environ une ligne de longueur et d'une demi-ligne dans leur plus grande largeur, arrangés au nombre de deux, trois, ou quatre, jusqu'à celui de douze, quinze, ou vingt, sur la partie concave des courbures de la tige, qui est dans ces endroits plus grosse, plus renflée que dans le reste. Ces tubercules sont d'abord fermés à leur pointe, ensuite ils s'ouvrent, s'évasent, prennent la forme d'une ventouse, dont les bords seraient chagrinés, et s'attachent à la plante qui doit nourrir la cuscute.

Ses tiges sont rondes, cassantes, épaisses d'une ligne au plus, longues depuis un demi-pié jusqu'à 2 pieds, et même plus, coupées de plusieurs nœuds, qui donnent naissance à des branches semblables aux tiges, et qui poussent de leurs nœuds d'autres branches qui se ramifient ainsi plusieurs fais. A chacun des nœuds se trouve placée alternativement de chaque côté des tiges et des branches une petite feuille courbe, large dans son milieu d'environ une ligne, qui finit en pointe, et qui embrasse une ou plusieurs jeunes branches, selon qu'il en a poussé, et souvent un bouquet composé de plusieurs fleurs, qui par leur réunion forment un corps demi-sphérique.

Le calice de ces fleurs est d'une seule pièce en forme de cloche, épais et solide dans son fond, découpé en quatre ou cinq parties pointues qui n'ont point de nervures.

La fleur est d'une seule pièce, de la forme du calice, divisée également en quatre ou cinq parties semblables, sans nervures. Ces parties s'ouvrent beaucoup, et s'étendent horizontalement lorsque la fleur est avancée ; elles sont placées, par rapport à celles du calice, de façon qu'une partie de la fleur se trouve entre deux de celles du calice. Cette fleur ne tombe point.

Les étamines sont quatre ou cinq en nombre ; leurs filets sont coniques, attachés à la fleur depuis son fond jusqu'à l'endroit où elle commence à se diviser ; leur poussière très-menue parait à la loupe être composée de petits grains sphériques. On observe à l'endroit où les étamines sont attachées à la fleur, une frange découpée dans son pourtour en quatre ou cinq parties.

Le pistil est placé au milieu de la fleur et sur son fond qu'il perce, de sorte qu'on l'enlève aisément avec la fleur.

L'embrion est une capsule qui devient un fruit arrondi, aplati en-dessus, renfermant quatre graines arrondies par un bout, et finissant à l'autre bout par une petite pointe courbe.

La plante est contournée dans le sens de la courbure de la graine.

On peut donc maintenant établir le caractère générique de la cuscute. Le calice est en cloche, découpé en cinq parties, et sert d'enveloppe aux graines. La fleur est monopétale, et ne tombe qu'avec le fruit. Les étamines sont cinq en nombre. Le nectarium ou l'alvéole est une frange à simple découpure. Le pistil est placé au milieu de la fleur. L'embrion est une capsule arrondie, qui s'ouvre horizontalement et renferme quatre semences. La plantule est tournée en spirale dans la semence. La plante est monocotyledone.

Il n'y a qu'une espèce de cuscute connue ; de sorte que les plantes que l'on a toujours appelées du nom de grande et de petite cuscute, ne sont en réalité que la même plante : ainsi tous les synonymes que l'on leur a donnés ne doivent appartenir qu'à une seule. Les différences que l'on a tirées de la couleur rouge ou jaune que prennent quelquefois les branches, ne peuvent former des espèces. Si l'on met les branches de l'une ou l'autre couleur sur une plante qui soit à l'ombre, alors elles perdent cette couleur et deviennent blanchâtres. Il faudrait donc désigner la cuscute par son nom seul comme a fait M. Guettard, cuscute à feuilles alternes et à fleurs conglobées ; et puisqu'il n'y a qu'une seule espèce de cuscute, ce nombre prodigieux d'expressions et phrases différentes employées pour la caractériser doit être rejeté. La baselle d'Amérique, que Linnaeus range avec la cuscute, est dicotyledone, et conséquemment d'un genre bien différent de celui de la cuscute.

Tous les pays chauds, froids, tempérés, produisent la cuscute. Elle vient en Suède, dans les Alpes, en Suisse, en Angleterre, par toute la France, en Italie, même en Egypte ; et nous devons à M. de Tournefort, dans ses voyages du Levant, une belle description de celle d'Arménie.

Quand les différents commentaires sur les anciens botanistes, comme celui de Mathiole, de Valerius Cordus sur Dioscoride, et le traité de Jean le Febvre contre Scaliger, traité où une érudition profonde se trouve mêlée à une diction pleine de fiel : quand, dis-je, ces différents ouvrages ne prouveraient pas que la plante que nous connaissons sous le nom de cuscute ou l'épithyme, est celle que les anciens connaissaient, une semblable discussion ne serait plus du goût qui règne à présent, au moins en France. Mais il parait que ce trait historique de la cuscute est bien constaté par le travail pénible et assidu des savants que je viens de nommer.

Nous avons Ve que la cuscute nait en terre, qu'elle y pousse une espèce de filet ou racine, au moyen de laquelle elle s'élève pour s'attacher aux plantes qu'elle rencontre, et faute desquelles elle périrait bientôt ; mais ce qui est bien digne d'observation, c'est qu'avant cette rencontre on n'y remarque aucun organe propre à s'attacher aux plantes, ou à en tirer la nourriture.

Ils existent cependant ces organes, mais ils ne sont pas développés, et ne le seraient jamais sans la rencontre d'une autre plante ; point délicat sur lequel M. Guettard n'a pu s'éclaircir que par des observations réitérées, aidés de l'anatomie la plus exacte.

Les tiges de la cuscute contiennent des vaisseaux longitudinaux, et une substance parenchymateuse ou vésiculaire ; lorsqu'un corps étranger est enveloppé par ses tiges, le pli ou la courbure y produisent deux effets différents ; dans la partie extérieure, l'écorce a la liberté de croitre, et par conséquent les vaisseaux et les vésicules de ce côté ne sont point gênés : mais dans la partie concave de la courbure, l'écorce plissée n'a pas la liberté de s'étendre ; bientôt les vésicules y font des ouvertures, et paraissent sous la figure des mamelons qui s'attachent et se collent à la plante, aux dépens de laquelle la cuscute Ve vivre. Elle commence à y contracter une adhérence, qui n'est pourtant encore que l'effet de l'application des mamelons contre la plante, et jusque-là elle n'en a rien tiré : aussi ne la trouve-t-on ordinairement que dans les lieux frais, et à l'abri du Soleil : par-tout ailleurs elle en aurait été desséchée.

Peu de temps après, des vaisseaux longitudinaux, que les mamelons avaient apparemment entrainés avec eux, sortent de leur extrémité, et s'introduisent dans la plante nourricière, en écartant les vaisseaux et se glissant dans la partie la plus tendre de la tige : c'est cette partie que M. Guettard nomme suçoir, qui sert à la cuscute à tirer la nourriture de la plante à laquelle elle s'attache, et de laquelle on ne peut plus alors la séparer facilement : pour l'ordinaire les suçoirs y restent attachés, étant plus aisé de les rompre que de les en tirer. M. Guettard cependant en est venu à bout, et a Ve distinctement le suçoir introduit dans l'écorce, et quelquefois dans la tige des plantes nourricières : après cela il n'est pas difficîle de comprendre comme se nourrit la cuscute.

Par ce que nous venons de dire, le suçoir est en quelque sorte distinct du mamelon, quoique généralement parlant on puisse dire qu'il ne fait qu'un tout avec lui.

Les mamelons sont placés dans la partie concave des contours que les tiges prennent en s'entortillant, et il n'y en a ordinairement qu'un rang, surtout dans la petite cuscute : dans la grande souvent, outre ce rang, il y en a un de chaque côté dont les mamelons sont plus petits : dans le rang du milieu on en remarque aussi très-souvent un petit proche un grand, ou deux petits à côté l'un de l'autre ; la grosseur d'un chacun est la moitié de celle d'un gros. Quelquefois un mamelon est divisé en deux, ou plutôt ce sont deux petits mamelons réunis par le haut ; souvent il en sort par les côtés des courbures, et quelquefois même de la partie convexe.

Il n'est pas difficîle de trouver la cause de la sortie et de la formation des mamelons ; il n'y a pas lieu de douter qu'elle ne soit dû. à l'action du suc nourricier, qui s'accumule dans les parties de la tige qui sont contournées : ces endroits pressés par ceux de la plante ou la cuscute s'étend, doivent grossir par là partie extérieure qui ne touche pas, et augmenter leur courbure. La peau de la concavité de ces courbures doit nécessairement alors se rider, s'ouvrir, et faciliter ainsi l'extension des parties parenchymateuses, le suc nourricier devant s'y porter en plus grande quantité, puisque les vésicules ne sont plus retenues par la peau : cette distension doit même venir jusqu'à un point qu'elles soient forcées de s'ouvrir, et par conséquent le mamelon, qui a pour lors assez la figure d'une ventouse. Cette ouverture faite, les vaisseaux longitudinaux doivent se gonfler, se courber de ce côté, et s'allonger pour former le suçoir.

Ajoutons une remarque sur l'usage des mamelons. Lorsqu'ils ne sont pas encore ouverts, la cuscute tient peu aux plantes où elle se trouve, ou plutôt elle n'y tiendrait, si tous ses mamelons étaient fermés, que par ses entortillements ; mais lorsque les mamelons sont ouverts, l'adhérence devient plus grande, quand même aucun des suçoirs ne seraient entrés dans la plante ; comme ils ont alors une figure approchante d'une ventouse conique, ils en ont l'effet, et ils doivent ainsi affermir la cuscute : mais son adhésion n'est jamais plus grande que lorsque les suçoirs se sont insinués dans la plante nourricière ; elle est telle alors, qu'il est plus rare de détacher les mamelons avec les suçoirs, que de les avoir sans eux.

Concluons que la cuscute a besoin pour vivre d'une plante étrangère. Il est vrai qu'elle se renouvelle tous les ans par le moyen de sa graine qui tombe ; il est encore vrai qu'on la fait venir en la semant dans des pots de terre : mais elle périt bientôt quand elle ne rencontre pas près d'elle des plantes dont elle puisse tirer le suc nourricier. Article de M(D.J.)

CUSCUTE, (Mat. med. et Pharm.) La cuscute des boutiques est de deux sortes ; l'une nous vient de Crète, et l'autre de Venise. L'une et l'autre sont du genre de cuscute qu'on appelle épythime, ou qui croissent sur le thim.

La cuscute indigène, nostras, qui est celle du lin, est absolument rejetée comme étant de nulle vertu.

On a cru autrefois que les deux premières en possédaient beaucoup, mais on fait peu de cas aujourd'hui de ce remède dont l'usage est absolument abandonné dans les préparations magistrales ; il est seulement demandé dans quelques compositions officinales, comme l'électuaire de psyllium, les pilules foetides etc. desquelles encore les meilleurs artistes la retranchent le plus souvent. (b)