Ce genre de plante vient à merveille dans certains lieux herbeux, humides, dans les bois, et les collines, au pied des arbres. On en cherche, et on en trouve beaucoup au printemps aux environs de Paris, dans le bois de Vincennes, dans la forêt de Saint-Germain, dans la vallée de Montmorency et ailleurs.

On en transporte aussi de seches dans cette capitale, de toutes les provinces de France, parce qu'elles sont fort recherchées à Paris, pour l'assaisonnement de plusieurs mets. Nos Cuisiniers, toujours disposés à satisfaire notre sensualité aux dépens de la santé, préparent des morilles de toutes sortes de manières : ils ont imaginé d'en faire cent plats particuliers pour hors-d'œuvres, ou pour entre-mets : comme morilles en tourtes, en ragout, à la crême en gras, et en ragoût à la crême en maigre. Qui n'a oui parler aux gourmands de morilles farcies, de morilles frites, de morilles à l'italienne, de morilles au lard, de pain aux morilles, et de tourtes aux morilles ?

Les Romains aussi voluptueux que nous, et beaucoup plus riches faisaient leurs délices des morilles. Néron appelait ce genre de nourriture un mets des dieux, cibus deorum. Elles sont excellentes, dit Pline, l. XXII, c. xxij. mais elles ont été accusées de malignité dans une célèbre conjoncture. Agrippine s'en servit pour empoisonner l'empereur Claude. Il est pourtant certain que les morilles ne causèrent pas seules le decès de cet empereur, ce fut la violence du poison dont on les farcit, qui le fit périr. C'est pourquoi Suétone qui rapporte ce fait dans la vie de Claude, se sert du mot boletus medicatus, des morilles empoisonnées.

On sait, pour le dire en passant, avec quel art, quelle délicatesse Racine, dans sa tragédie de Britannicus, fait raconter à Néron par Agrippine elle-même, Acte VI. scène III, ce trait d'histoire de l'empoisonnement de Claude. Elle dit à son fils :

Il mourut ; mille bruits en courent à ma honte ;

J'arrêtai de sa fin la nouvelle trop prompte,

Et tandis que Burrhus allait secrètement,

De l'armée en vos mains exiger le serment,

Que vous marchiez au camp, conduit sous mes auspices,

Dans Rome les autels fumaient de sacrifices :

Par mes ordres trompeurs, tout le peuple excité,

Du prince déjà mort demandait la santé.

(D.J.)

MORILLE, (Diète) La morille est un des plus agréables au gout, et des moins dangereux des champignons. On n'a point observé que cet aliment soit sujet à causer des indigestions fâcheuses, encore moins aucun accident qui approchât des effets du poison. Il est seulement très-échauffant, excitant l'appétit vénérien, et disposant efficacement les hommes à le satisfaire. C'est pourquoi il faut les interdire à tous les sujets qu'il est dangereux d'échauffer et principalement dans les maladies inflammatoires des parties de la génération.

Ce mets a été fameux par l'usage qu'en fit Agrippine pour donner du poison à l'empereur Claude. Mais, selon la remarque de Geoffroy, il est certain que les morilles n'ont pas été, par elles-mêmes, la cause de la mort de cet empereur ; mais que c'est le poison dont elles étaient remplies qu'il faut en accuser. Aussi, les Historiens en parlant de ce fait, se servent-ils d'une expression qui signifie des morilles empoisonnées, boleti medicati. (b)