Le système de Copernic et de Descartes a non seulement renversé l'ancienne hypothèse de Ptolomée sur l'ordre et sur la structure de ce monde ; mais il a encore mis dans la nécessité de proposer ailleurs un endroit propre à placer le séjour des bienheureux, qu'on nomme vulgairement paradis. L'on dispute donc raisonnablement dans les écoles sur la situation du paradis céleste où nous devons aller, comme on fait sur celle du terrestre d'où Adam fut chassé. Car enfin depuis que les cieux sont fluides, que la terre et les planètes roulent dans les airs autour du soleil, et que les étoiles que nous voyons sont autant de soleils qui sont chacune le centre d'un tourbillon ; il a fallu que l'empyrée disparut, ou dumoins qu'il s'en allât bien loin d'où il était. Quoi qu'il en sait, si l'on place le paradis dans un lieu qui environne tous ces espaces immenses, il me parait ou que les reprouvés seront bien resserrés au centre de la terre, ou que les élus seront fort au large tout-autour de ce grand monde.

Quelques Théologiens croiront peut-être faire une heureuse et juste application de ces paroles des Pseaumes in sole posuit tabernaculum suum, en disant que c'est dans le soleil où les élus habiteront, et où Dieu manifestera sa gloire. Ils ne font point attention que l'âme de Jesus-Christ jouissait de la gloire céleste sur la terre, et qu'il était, selon leur opinion et leurs termes, voyageur et compréhenseur tout-à-la-fais ; qu'ainsi ce n'est pas le lieu qui fait le paradis, mais le bonheur dont on jouït par la vue de Dieu, qui étant par-tout, peut aussi se montrer et faire par-tout des bienheureux : d'ailleurs puisqu'ils donnent aux corps glorieux, après la résurrection, l'agilité et la pénétration ; ils ne doivent pas les resserrer dans un endroit particulier. Ils n'auront apparemment ces qualités que pour en faire usage, se transporter librement par-tout, et contribuer à une partie de leur bonheur par la vue et par la connaissance successive des ouvrages et des opérations du Créateur dans ces espaces immenses.

Quand on veut parler là-dessus, peut-on mieux faire qu'en disant que le paradis n'est pas un lieu, mais un changement d'état. Que s'il est dans le ciel, le ciel n'est autre chose que toute la matière fluide et immense, dans laquelle roulent une infinité de corps et lumineux et opaques ; de sorte que les cieux, l'univers et tous les ouvrages de Dieu sont le paradis et le séjour des bienheureux. C'est pourquoi notre Seigneur dit dans l'Evangile, que les saints auront le royaume des cieux en partage, et qu'ils posséderont la terre, c'est-à-dire que tout l'univers leur appartiendra, ou qu'au-moins ils en auront la jouissance entière et parfaite.

Les Juifs appellent ordinairement le paradis le jardin d'Eden, et ils se figurent qu'après la venue du Messie ils y jouiront d'une félicité naturelle au milieu de toutes sortes de délices : et en attendant la résurrection et la venue du Messie, ils croient que les âmes y demeurent dans un état de repos.

Les Mahométans admettent aussi un paradis, dont toute la félicité ne consiste que dans les voluptés corporelles. Voyez ce qu'ils en racontent sous les mots ALCORAN, MAHOMETISME.

PARADIS TERRESTRE, jardin des délices dans lequel Dieu plaça Adam et Eve après leur création. Ils y demeurèrent pendant leur état d'innocence, et en furent chassés dès qu'ils eurent désobéi à Dieu en mangeant du fruit défendu. Ce mot vient de l'hébreu ou plutôt du chaldéen pardes, que les Grecs ont traduits par celui de , qui signifie à la lettre un verger, un lieu planté d'arbres fruitiers, et quelquefois un bois de haute futaie. Les Perses nommaient ainsi leurs jardins à fruits, et les parcs où ils nourrissaient toutes sortes d'animaux sauvages, comme il parait par Xénophon, cyroped.

Moïse l'appelle le jardin d'Eden, c'est-à-dire, le jardin des délices, mot dont quelques-uns cherchent l'étymologie dans le grec , voluptas : mais dans l'hébreu, Eden est le nom d'un pays et d'une province où était situé le paradis terrestre.

On forme plusieurs difficultés sur sa situation ; quelques-uns, comme Origène, Philon, les Seleuciens et Harmianiens anciens hérétiques, Paul Venitien dans le dernier siècle, ont cru que le paradis terrestre n'avait jamais existé, et qu'on doit expliquer allégoriquement tout ce qu'en dit l'Ecriture : d'autres l'ont placé hors du monde, quelques-uns dans le troisième ciel, dans le ciel de la lune, dans la lune même ; d'autres dans la moyenne région de l'air, au-dessus de la terre, quelques autres sous la terre dans un lieu caché et éloigné de la connaissance des hommes, dans le lieu qu'occupe aujourd'hui la mer Caspienne.

Les sentiments de ceux qui l'ont placé sur la terre ne sont pas moins partagés. Il n'y a presqu'aucune partie du monde, dit dom Calmet, où l'on ne l'ait été chercher, dans l'Asie, dans l'Afrique, dans l'Europe, dans l'Amérique, sur les bords du Gange, dans les Indes, dans la Chine, dans l'île de Ceylan, dans l'Ethiopie où sont les montagnes de la lune, etc.

Le sentiment le plus probable, quant à la désignation générale du paradis terrestre, est qu'il était situé en Asie ; mais dès qu'il s'agit de déterminer en quelle partie de l'Asie, nouveau partage d'opinions.

Quelques-uns, comme le P. Hardouin, le placent dans la Palestine, aux environs du lac de Genèsereth ; un auteur silésien, nommé Herbinius, qui a écrit sur cette matière en 1688, adopte en partie ce sentiment. M. le Clerc, dans son commentaire sur la Genèse, le met aux environs des montagnes du Liban, de l'Anti-Liban, et de Damas vers les sources de l'Oronte et du Chrysorrhoas : mais dans l'une ni dans l'autre de ces deux positions on ne découvre aucun vestige des fleuves qui, selon la description de Moïse, arrosaient le paradis terrestre.

Hopkinson, M. Huet et Bochart placent le paradis terrestre entre le confluent de l'Euphrate et du Tigre, et à l'endroit de leur séparation ; parce que, selon le récit de Moïse, ces deux fleuves sont du nombre de ceux qui arrosaient le jardin d'Eden ; le Phison, ajoutent-ils, était le canal occidental du Tigre, et le Gihon le canal occidental du même fleuve qui se décharge dans le golfe persique. Selon eux, l'Ethiopie, une des contrées qu'arrosaient les fleuves, selon Moïse, était incontestablement l'Arabie déserte, puisque le même auteur donne le nom d'Ethiopienne à sa femme, qui était de ce pays ; et Hévilah, l'autre contrée, doit être le Chusistan, province de Perse, où l'on trouvait autrefois l'or, le bdellium et l'onyx, dont parle Moïse. La grande difficulté de ce système est que Moïse parle bien distinctement de quatre fleuves, dont chacun avait sa source dans le jardin d'Eden, et qu'ici l'on ne trouve que deux fleuves qui forment à la vérité quatre branches, mais dont le cours est peu différent, et n'est pas opposé comme l'insinue le texte de la Genèse.

Le P. Calmet et quelques autres critiques fort habiles ont placé le paradis terrestre dans l'Arménie aux sources du Tigre, de l'Euphrate, de l'Araxe et du Phani, qu'ils craient être les quatre fleuves désignés par Moïse. L'Euphrate est bien nettement exprimé dans la Genèse. Le Chidkel est le Tigre nommé encore aujourd'hui Diglito. Le Gehon est l'Araxe, , en grec signifie impétueux, de même que Gehon en hébreu, et l'on reconnait ce fleuve à ce qu'en a dit Virgile, pontemque indignatus Araxes. Le canton d'Eden était dans ce pays-là autant qu'on en peut juger par quelques vestiges qui en sont restés dans les livres saints. Le pays de Chus est l'ancienne Scithie, située sur l'Araxe, et Hévilah ou Chevilah, célèbre par son or, parait avoir donné son nom à la Colchide, aussi renommée chez les anciens par ce même métal que le Phase roulait dans ses eaux. L'objection la plus spécieuse qu'on fasse contre ce sentiment, c'est que, selon Chardin, le Phison, aujourd'hui le Phazzo, prend sa source dans les montagnes du Caucase, du côté de la partie septentrionale du royaume d'Imiret et assez loin du mont Ararat ; mais comme il faut donner nécessairement une certaine étendue au canton d'Eden pour que quatre grands fleuves puissent y prendre leur source, cette difficulté ne parait pas fondée. Voyez le comment. de dom Calmet sur la Bible, et sa dissert. particulière sur le paradis terrestre.

Il y a encore différentes autres opinions sur ce point. Postel prétend que le paradis terrestre était placé sous le pôle septentrional. Il fonde cette idée sur une ancienne tradition des Egyptiens et des Babyloniens, qui portait que l'écliptique ou la route du soleil coupait d'abord l'équateur à angles droits, et par conséquent passait sur le pôle septentrional : d'autres au contraire pensent qu'il n'était limité à aucune place particulière, qu'il s'étendait sur toute la face de la terre qui n'était, disent-ils, alors, qu'une scène continuelle et variée de voluptés jusqu'à-ce qu'elle fût changée par le péché d'Adam. Mais ces deux sentiments sont également incompatibles avec le texte de la Genèse.

Les Orientaux croient que le paradis terrestre était dans l'île de Serendib ou de Ceylan, et qu'Adam ayant été chassé du paradis, fut relégué dans la montagne de Rahonn, située dans la même ile, à deux ou trois journées de la mer. Les Portugais nomment cette montagne pico de Adam, ou montagne d'Adam, parce qu'on croit que le premier homme a été enterré sous cette montagne, après avoir fait une pénitence de cent trente ans. Outre ce paradis terrestre, les Musulmants en comptent encore trois autres, un vers Obollah en Chaldée, le second vers le désert de Naoubendigian en Perse, et le troisième vers Damas en Syrie. D'Herbelot, Biblioth. oriental. p. 378 et 708. Calmet, Diction. de la Bible.

PARADIS, (Critique sacrée) ce mot dans son origine signifie un verger, et non un jardin : il ne veut pas dire un jardin de fleurs ou de légumes et d'herbes, mais un enclos planté d'arbres fruitiers, et autres. Ce nom se trouve en trois endroits du texte hébreu. 1° Au second livre d'Esdras, IIe 8. où Néhémie prie le roi Artaxerxes de lui faire donner des lettres adressées à Asaph, gardien du verger du roi, afin qu'il lui fasse donner le bois nécessaire pour les bâtiments qu'il allait entreprendre. Dans cet endroit, paradis est mis pour un lieu rempli d'arbres propres à bâtir. 2° Salomon, dans l'Ecclésiastesiaste, IIe 5. dit qu'il s'est fait des jardins et des paradis, c'est-à-dire des vergers. 3° Dans le Cantique des Cantiques, iv. 13. il dit que les plants de l'épouse sont comme un verger rempli de grenadiers. Les Grecs, non-seulement les septante, mais même Xénophon et les autres auteurs païens se servent souvent de ce même terme en ce sens-là.

Les septante se sont servis du mot en parlant du jardin d'Eden, ; l'hébreu l'explique par le mot gan. Jamais lieu n'a tant excité la curiosité des hommes que celui-là, je crois qu'il est par-tout où les hommes se font du bien. (D.J.)

PARADIS, (Histoire ecclésiastique) chez les anciens écrivains ecclésiastiques se dit d'une cour carrée devant les cathédrales, environnée de places ou de portiques soutenus par des piliers, et sous lesquels on peut se promener. Voyez PORTIQUE. Matthieu Paris l'appelle parvisus, parvis. Voyez PARVIS.

PARADIS, BASSIN, (Marine) c'est la partie d'un port où les vaisseaux sont le plus en sûreté. Voyez BASSIN et CHAMBRE. (Z)

PARADIS, oiseau du, (Ornithologie) c'est, selon Linnaeus, un genre particulier d'oiseaux de l'ordre des pies ; leurs caractères distinctifs consistent à avoir deux plumes particulières et extrêmement longues, lesquelles ne sont insérées ni aux ailes, ni au croupion.