Cet art a de tous les temps été considéré et protégé : dès que l'or et l'argent ont été connus, des artistes se sont formés pour employer ces précieux métaux, dont on n'a d'abord destiné l'usage qu'au service des temples, sur les autels des dieux, et à augmenter la splendeur des souverains ; mais les richesses s'étant accrues, et le luxe avec elles, les Orfèvres se sont multipliés, leur art s'est perfectionné, et dans le dernier siècle (pour nous conformer à l'expression de l'illustre écrivain qui nous en a tracé le tableau) de simples orfévres ont mérité de faire passer leurs noms à la postérité et de s'immortaliser, tels que les Germains et les Ballins, etc. et c'eut été en effet une injustice de refuser à ces grands hommes le tribut de louange qui leur était dû : ni eux, ni les artistes célèbres qui les remplacent aujourd'hui, tels que les sieurs Roettiers et Germain, n'ont atteint ce haut degré de perfection où ils sont parvenus, qu'à force d'étude et de travaux : quoique nés avec un génie mâle, il leur a fallu d'abord savoir dessiner et modèler, joindre à ces premières études celles de l'Architecture et de la Perspective, pour savoir donner à leurs ouvrages et de belles formes et de justes proportions. S'ils n'eussent été consommés dans ces sciences, bases de tous les arts, on n'eut jamais Ve sortir de leurs mains ces productions savantes qui ont embelli leur patrie, orné les cours étrangères, consacré la réputation de l'Orfèvrerie de Paris, et décidé sa supériorité sur toutes les Orfevreries de l'univers. A ces connaissances qui eussent suffi pour faire un bon sculpteur, il leur a encore fallu joindre d'autres détails, comme de savoir cizèler, graver, retraindre etc. toutes opérations mécaniques, mais nécessaires pour parvenir à ces brillantes exécutions où se développe tout le goût de l'artiste, comme son génie se déploie dans la composition. La préparation de l'or et de l'argent n'a pas été même pour eux un objet indifférent, en effet ces métaux renferment souvent dans leur sein des parties hétérogènes qui en altèrent la pureté et la ductilité ; savoir les en dépouiller et les allier en qualité et quotité convenables sont des fruits de l'étude de la Métallurgie et de la Docimasie, dont il convient qu'un orfévre soit instruit : que tout orfévre qui veut se distinguer sache que la réunion de toutes ces études firent les grands hommes que nous avons cités, ce qu'ils parurent, et que cette carrière épineuse qu'ils remplirent avec honneur, est la seule que doivent courir ceux qui se proposent d'acquérir une gloire semblable à la leur.

Chaque orfévre a un poinçon à lui particulier, composé des lettres initiales de son nom, d'une devise, d'une fleur de lis couronnée, et de deux petits points ; il lui sert comme de signature et de garantie envers celui qui achète les ouvrages de sa fabrique ; lors de sa reception à la cour des monnaies, il est obligé de donner une caution de 1000 liv. pour répondre des amendes qu'il pourrait encourir, s'il était surpris en contravention aux règlements sur le titre des matières ; ce poinçon est insculpé sur une planche de cuivre déposée au greffe de la cour des monnaies, et sur une autre planche de cuivre déposée au bureau des Orfèvres, pour y avoir recours en cas de contestation, soit par voie de comparaison ou de rengrênement. Indépendamment du poinçon de chaque orfévre, il y a encore trois autres poinçons qui doivent être apposés sur les ouvrages de la fabrique de Paris ; savoir, le poinçon de charge, le poinçon de la maison commune, et le poinçon de décharge.

Tous ces poinçons s'appliquent en différents temps, et pour causes différentes : dès qu'un orfévre veut fabriquer une pièce d'or ou d'argent, il l'ébauche au marteau ; il met alors son poinçon dessus, qui constate que cette pièce est de sa fabrique ; il la porte ainsi revêtue de son poinçon au bureau du fermier des droits du roi, où il signe une soumission de rapporter cette pièce lorsqu'elle sera finie, pour acquitter les droits, que le roi prélève dessus en vertu de ses édits et à raison du poids de ladite pièce ; le fermier applique alors dessus cette pièce un poinçon, que l'on appelle poinçon de charge, parce qu'il charge le fabriquant des obligations ci-dessus expliquées. La pièce revêtue de ce second poinçon passe au bureau des Orfèvres, appelé maison commune : les gardes orfévres, préposés pour la police du corps, et singulièrement pour l'essai des ouvrages, coupent un morceau de cette pièce du côté qu'il leur plait, l'essaient, et si la matière est trouvée au titre qui est de 11 deniers 12 grains pour l'argent au remède de 2 grains de fin, de 20 karats un quart pour l'or au remède d'un quart de karat, et de 22 karats un quart au remède pareillement d'un quart de karat pour les grands ouvrages d'or, comme chandeliers, lampes etc. ils apposent alors leur poinçon dessus : c'est ce poinçon qui est toujours une lettre de l'alphabet couronnée, laquelle change tous les ans, qui est le garant du titre des ouvrages ; ce poinçon est aussi insculpé sur une planche de cuivre au greffe de la cour des monnaies et au bureau des Orfèvres lors de l'élection des gardes, lesquels sont responsables en leurs propres et privés noms de la sûreté de ce poinçon, et s'il y avait erreur ou contravention, on les poursuivrait extraordinairement : aussi si l'ouvrage n'est pas au titre prescrit, les gardes biffent les deux premiers poinçons, déforment la pièce, et la rendent en cet état au fabriquant, en lui délivrant un bordereau du titre auquel sa matière s'est trouvée, afin qu'il l'allie en la refondant, alors il est obligé de recommencer tout ce que dessus. Dans le premier cas où la pièce ayant été trouvée au titre a été revêtue du poinçon de la maison commune, l'orfèvre finit sa pièce, la rapporte toute finie au bureau du fermier des droits du roi, paye les droits, acquitte sa soumission qu'on lui rend acquittée, et on appose pour certificat du payement desdits droits un quatrième et dernier poinçon, que l'on appelle à cause de cela poinçon de décharge : l'ouvrage en cet état peut être exposé en vente librement et sans crainte.