Le niveau apparent est une ligne droite qui doit être corrigée sur le vrai niveau dont les tables sont dans plusieurs ouvrages ; en sorte que dans 300 taises de long, on trouve un pouce d'erreur, et près d'un pied sur 1000 taises.

On évite l'obligation de corriger le niveau apparent sur le vrai niveau, en se retournant d'équerre sur les deux termes d'un nivellement, et c'est ce qu'on appelle un coup de niveau compris entre deux stations. On donne rarement des coups de niveau de 300 taises de long d'une seule opération ; la portée de la vue est trop faible pour s'étendre si loin, à-moins qu'on n'applique au niveau une lunette à longue vue.

Les réfractions causées par les vapeurs rompent le rayon visuel, suivant qu'elles sont plus denses ou plus épaisses. Dans les petits nivellements l'erreur est insensible ; dans les grands, il faut placer le niveau à-peu-près à pareille distance des points requis ; quoique ces points ne soient pas de niveau avec l'oeil du niveleur, ils le sont cependant entr'eux, puisque les réfractions sont égales à des distances égales et posées sur un même plan.

Il y a deux sortes de nivellements, le simple et le composé.

Le nivellement simple est celui qui se fait d'un lieu peu éloigné d'un autre, comme de 100 taises, et d'une seule opération.

Le composé s'entend de celui qui demande plusieurs opérations de suite dans une distance considérable.

Quand on veut opérer sur le terrain, il faut être plusieurs pour porter les jalons, les remuer suivant la volonté du niveleur, changer et établir le niveau à chaque station. On ne doit point parler dans les grandes distances où la voix se perd facilement ; des signes dont on conviendra, feront connaître tout ce qu'on voudra dire ; si en alignant un jalon sur une ligne, il verse du côté gauche, il faut montrer avec la main, en la menant du côté droit, que ce jalon doit être redressé du côté droit ; comme aussi en haussant ou baissant la main, signifier qu'il faut baisser ou hausser un jalon.

Faites choix d'un temps doux sans vent, sans pluie, ni grand soleil ; toutes choses qui nuisent à la vue par les réfractions, qui causent bien des différences en haussant ou abaissant le rayon visuel ; un temps un peu sombre et couvert est plus favorable pour niveler, et les yeux découvrent plus facilement les objets éloignés.

Outre les jalons qui servent dans un nivellement fait en plat pays, il faut avoir encore des perches de 12 à 15 pieds de long, pour mesurer par station la pente des montagnes ; les uns et les autres seront garnis par en-haut de cartons blancs coupés à l'équerre et immobiles.

Pour opérer, on établit le niveau suivant ce qui est dit au mot NIVEAU ; on se met à quelque distance du niveau comme à trois ou quatre pieds ; on pose l'oeil et on s'aligne sur la surface de la liqueur comprise dans les fioles, qui conduit votre rayon visuel A A A, voyez les Pl. suivant lequel on fait arrêter à la distance requise un jalon ou une perche, par des hommes qui les haussent ou les baissent jusqu'à ce que le carton se trouve juste à cette ligne de mire. Quand le niveleur a déterminé un point entre deux grandes perches avec un jalon portatif et garni de carton, on le marque à fleur de ce carton avec de la craie blanche ou noire sur les grandes perches. Il faut toujours observer de partir d'un endroit déterminé et remarquable, afin qu'on puisse se régler là-dessus, et tenir le pied de l'instrument toujours de la même hauteur dans toutes les stations, pour éviter l'embarras de soustraire des élévations différentes ; une mesure de quatre pieds convient assez par-tout.

Première pratique. Niveler un terrain de 250 taises de longueur, sur cinq pieds et demi de pente ; ce qui s'appelle un nivellement simple.

Sait les deux points donnés A et B, voyez les Pl. établissez l'instrument dans le milieu de ces deux distances, comme en C, posez un jalon garni d'un carton en A, et faites-le hausser ou baisser, suivant la superficie des liqueurs comprises dans vos fioles, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'il se trouve juste à la ligne de mire D D ; retournez-vous ensuite sur l'autre terme du nivellement vers B, et posez une perche ou jalon de la même manière que l'autre ; ensuite mesurant celui des jalons, dont la place est déterminée, tel que celui A, d'où vous êtes parti, prenez-en la hauteur depuis le pied jusqu'y compris le carton, laquelle est ici supposée de 4 pieds, et reportez sur celui B la même mesure de 4 pieds en contre-bas ; si ce dernier jalon ou perche B, déduction faite des 4 pieds, a 9 pieds et demi de haut, la pente sera de 5 pieds et demi du point A à celui B.

Seconde pratique. Niveler une longueur de 800 taises, où il se trouve une gorge et un contre-foulement sur 12 pieds de pente, ce qui s'appelle un nivellement composé.

Sait à mesurer une grande distance, telle que la chute de la montagne A (fig. 3.) jusqu'en B, avec la sujétion de commencer en A, où est le bâtiment, choisissez le chemin le plus commode et le moins inégal d'A en B, en le coupant en cinq stations ; établissez le niveau au point A, et dirigez-le vers B, où il sera nécessaire de planter un jalon pour mieux aligner ; faites tenir une perche à la distance d'environ 100 taises du bâtiment, comme en C supposé de 16 pieds de haut, dont vous diminuerez la hauteur du pied du niveau jusqu'à la superficie de l'eau, laquelle est supposée de 4 pieds, les 12 pieds restants seront l'élévation du point A sur celui C ; transportez ensuite le niveau à pareille distance de C, c'est-à-dire à 100 taises par delà, comme en E, et dirigez-le sur la perche CD, où vous marquerez en F avec de la craie le coup de niveau, retournez-vous sur l'autre terme qui sera à 100 taises par-delà l'instrument, comme en G, et faites-y mettre la perche G H suivant la ligne de mire I I, et vous diminuerez en contre-bas les 4 pieds de la hauteur du niveau : ainsi des 12 pieds qu'on suppose qu'a cette perche, il reste 8 pieds de baissement. On posera à la troisième station le niveau dans le milieu du ventre ou gorge K de 250 taises, et se retournant successivement sur les deux perches G H et L M, qu'on aura eu soin de faire poser sur l'alignement, on donnera deux coups de niveau, dont le premier se trouvant au pied de la perche G H, et dans la ligne de mire K, ne donnera rien à compter ; le second donnera deux pieds de haussement en L, que vous marquerez avec de la craie sur la perche L M ; reportez ensuite le niveau en O, qui est le milieu du quatrième alignement de 90 taises, vous donnerez deux coups de niveau sur les perches posées en L M et N P ; et ayant diminué les 4 pieds de l'instrument sur la perche M, qui a 10 pieds de long, dont deux ont déjà été marqués dans le dernier nivellement, il en reste 8, dont 4 pour la hauteur de l'instrument ; ce sera 4 pieds de reste, qu'il faut marquer pour le haussement du niveau : enfin ayant établi le niveau en Q au milieu de ce terme qui est de 160 taises, diminution faite des 4 pieds de la hauteur de l'instrument sur la perche P N, on trouve 2 pieds de haussement du niveau ; faites ensuite une table fig. 4. où seront marqués dans une colonne tous les haussements du niveau, et les baissements dans une autre ; on trouvera à la première station 12 pieds de baissement, huit à la seconde, 2 de haussement à la troisième, 4 de haussement à la quatrième, et deux de haussement à la cinquième et dernière station ; ajoutez ensemble les haussements, et faites une autre somme des baissements ; soustrayez l'une de l'autre, c'est-à-dire, la petite de la grande, le reste sera leur différence, qui sera l'évaluation du point A sur celui B, qui est de 12 pieds, suivant la table : ainsi une source trouvée sur la montagne au point A, qui sera conduite en B, aura 12 pieds de pente.

Traisième pratique. Niveler la descente d'un coteau sans gorge ni remontée.

Sait le regard A fig. 5. d'une source trouvée sur le haut d'un coteau, d'où l'on veut conduire l'eau au bassin B, et savoir quelle hauteur aura le jet d'eau, posez le niveau au bord du regard A ; établissez-le suivant ce qui a été dit ci-dessus, et pointez-le vers le bas B ; faites tenir une perche à quelque distance du niveau, comme en C, en la faisant hausser ou baisser, jusqu'à ce que le haut du carton se trouve juste à la ligne de mire D D, vous prendrez ensuite la hauteur qu'il y a depuis la superficie de l'eau du regard A jusqu'à la liqueur comprise dans les fioles, que vous diminuerez et marquerez en contre bas sur la perche C, en commençant par en-haut ; on comptera ce qui reste d'E en C, supposé ici de 4 pieds : ayez un papier où vous chifrerez cette première station du nivellement et les cinq autres suivantes ; faites ôter cette perche C ; et à l'endroit où était son pied, reportez le niveau que vous établirez pour la seconde opération, comme vous avez fait dans la première, et ensuite par plusieurs stations de C en F, d'F en G, de G en H, d'H en I, d'I en K, vous viendrez à l'endroit B, où doit être la fontaine jaillissante. Vous supputerez toutes les mesures chiffrées sur votre papier à chaque station, comme d'A en C 3 pieds, de C en F 6 pieds, d'F en G 5 pieds, de G en H 8 pieds, d'H en I 6 pieds, d'I en K 4 pieds. La diminution de la hauteur de l'instrument réglée à quatre pieds ayant été faite à chaque station, ce qui a été marqué en contre bas sur les perches suivant le rayon visuel, on aura en tout, en ajoutant ensemble toutes ces sommes, 32 pieds pour la pente générale, depuis le regard A jusqu'à la fontaine B, qui s'élevera presqu'aussi haut, si la sortie de l'ajutage est proportionnée au diamètre de la conduite, et qu'il y ait suffisamment de charge dans le regard A pour donner de la force au jet.

Ces trois pratiques renferment toutes les difficultés qui se peuvent rencontrer dans la manière de niveler les eaux ; il ne s'agit que de se les rendre familières.

On sera sur d'avoir bien nivelé un terrain proposé, lorsqu'en recommençant l'opération en sens contraire, on retrouvera les mêmes hauteurs et les mêmes mesures, ce qui fera juger si la source peut parvenir à l'endroit où l'on se propose de l'élever.

Il pourrait quelquefois arriver que quoiqu'un nivellement fût exact, l'eau ne monterait pas toujours à la hauteur requise, après que la conduite serait posée ; ce qui ne peut être attribué qu'aux frottements causés dans les coudes et jarrets des tuyaux, et dans les contre-foulements inévitables aux longues conduites, dont les jets diminuent de hauteur, à proportion qu'ils s'éloignent des réservoirs. Le meilleur remède à tous ces accidents est d'avoir toujours un peu plus de pente qu'il ne faut, afin qu'elle suffise pour arriver au point proposé. (K)

La figure 9 d'arpentage fait voir que la ligne de vrai niveau B C F est une ligne courbe, différente de la ligne de niveau apparent B C E. Dans cette figure A est le centre de la terre, et B C E une tangente de la terre au point B.

Les figures 10 et 11 représentent des opérations de nivellement relatives à l'arpentage. Ces figures n'ont pas besoin d'explication pour celui qui aura lu l'article précédent ; on y reconnaitra facilement le niveau, les jalons et les cartons dont les niveleurs se servent. La première figure appartient au nivellement simple, la seconde au nivellement composé. (E)