Quelques-uns prétendent qu'on apprendrait plus facilement à chanter, si au lieu de parcourir d'abord les degrés diatoniques, on commençait par les consonnances, dont les rapports plus simples sont plus aisés à entonner. C'est ainsi, disent-ils, que les intonations les plus aisées de la trompette et du cor sont d'abord les octaves, les quintes, et les autres consonnances, et qu'elles deviennent plus difficiles pour les tons et sémi-tons. L'expérience ne parait pas s'accorder à ce raisonnement ; car il est constant qu'un commençant entonne plus aisément l'intervalle d'un ton que celui d'un octave, quoique le rapport en soit bien plus composé : c'est que si d'un côté le rapport est plus simple, de l'autre la modification de l'organe est moins grande. Chacun voit que si l'ouverture de la glotte, la longueur ou la tension des cordes gutturales est comme 8, il s'y fait un moindre changement pour les rendre comme 9, que pour les rendre comme 16.

Mais on ne saurait disconvenir qu'il n'y ait dans les degrés de l'octave, en commençant par ut, une difficulté d'intonation dans les trois tons de suite, qui se trouvent du fa au si, laquelle donne la torture aux élèves, et retarde la formation de leur oreille. Voyez OCTAVE et SOLFIER. Il serait aisé de prévenir cet inconvénient en commençant par une autre note, comme serait sol ou la, ou bien en faisant le fa diéze, ou le si bémol. (S)

On a fait un art du chant ; c'est-à-dire que des observations sur des voix sonores qui chantaient le plus agréablement, on a composé des règles pour faciliter et perfectionner l'usage de ce don naturel (Voyez MAITRE A CHANTER) ; mais il parait par ce qui précède, qu'il y a encore bien des découvertes à faire sur la manière la plus facîle et la plus sure d'acquérir cet art.

Sans son secours, tous les hommes chantent, bien ou mal ; et il n'y en a point qui en donnant une suite d'inflexions différentes de la voix, ne chante ; parce que quelque mauvais que soit l'organe, ou quelque peu agréable que soit le chant qu'il forme, l'action qui en résulte alors est toujours un chant.

On chante sans articuler des mots, sans dessein formé, sans idée fixe, dans une distraction, pour dissiper l'ennui, pour adoucir les fatigues ; c'est de toutes les actions de l'homme celle qui lui est la plus familière, et à laquelle une volonté déterminée a le moins de part.

Un muet donne des sons, et forme par conséquent des chants : ce qui prouve que le chant est une expression distincte de la parole. Les sons que peut former un muet peuvent exprimer les sensations de douleur ou de plaisir. De-là il est évident que le chant a son expression propre, indépendante de celle de l'articulation des paroles. Voyez EXPRESSION.

La voix d'ailleurs est un instrument musical dont tous les hommes peuvent se servir sans le secours de maîtres, de principes ou de règles. Une voix sans agrément et mal conduite distrait autant de son propre ennui la personne qui chante, qu'une voix sonore et brillante, formée par l'art et le gout. Voyez VOIX. Mais il y a des personnes qui par leur état sont obligées à exceller dans la manière de se servir de cet organe. Sur ce point, comme dans tous les autres arts agréables, la médiocrité, dont les oreilles peu délicates se contentent, est insupportable à celle que l'expérience et le goût ont formées. Tous les chanteurs et chanteuses qui composent l'académie royale de Musique sont dans cette position.

L'opéra est le lieu d'où la médiocrité, dans la manière de chanter, devrait être bannie ; parce que c'est le lieu où on ne devrait trouver que des modèles dans les différents genres de l'art. Tel est le but de son établissement, et le motif de son érection en académie royale de Musique.

Tous les sujets qui composent cette académie devraient donc exceller dans le chant, et nous ne devrions trouver entr'eux d'autres différences que celles que la nature a pu répandre sur leurs divers organes. Que l'art est cependant loin encore de cette perfection ! Il n'y a à l'opéra que très-peu de sujets qui chantent d'une manière parfaite ; tous les autres, par le défaut d'adresse, laissent dans leur manière de chanter une infinité de choses à désirer et à reprendre. Presque jamais les sons ne sont donnés ni avec la justesse, ni avec l'aisance, ni avec les agréments dont ils sont susceptibles. On voit par-tout l'effort ; et toutes les fois que l'effort se montre, l'agrément disparait. Voyez CHANT, CHANTEUR, MAITRE A CHANTER, VOIX.

Le poème entier d'un opéra doit être chanté ; il faut donc que les vers, le fond, la coupe d'un ouvrage de ce genre, soient lyriques. Voyez COUPE, LYRIQUE, OPERA. (B)