Pour forger une enclume, on commence par avoir une masse de fer telle qu'on la voit en a ; cette masse s'appelle mise. On voit vignette de la planche en a a, la forge à forger les mises. La figure première représente un enfant qui fait aller le soufflet.

On a une barre b qu'on appelle ringale ; on soude cette barre à la mise, comme on le voit en c : par ce moyen, on a une espèce de poignée ou de queue à l'aide de laquelle on meut l'ouvrage commodément. On voit en e d, deux mises avec leurs ringales soudées ensemble ; et en f, un corps d'enclume formé de quatre mises.

Comme les parties dont on forme un corps d'enclume, sont des masses de fer considérables qu'on aurait de la peine à remuer, soit à la forge, soit sur l'enclume ; pour se soulager dans ce travail, les ouvriers se servent d'un long instrument de bois, au bout duquel est une barre de fer arrêtée ; c'est si l'on veut la queue d'une mise. On voit dans la vignette fig. 2 et 3, la forge et l'enclume à forger les corps ; un des forgerons est assis sur la jauge, et meut la masse qui est à la forge, par le poids de son corps et l'action de ses jambes ; un autre forgeron travaille cette masse en attisant le feu ; d'autres font aller les soufflets avec leurs pieds. On voit autour de la forge et de l'enclume, m, n, o, p, q, Xe les marteaux à forger et la tranche ; r r, est un étang où l'on trempe les enclumes.

Lorsque l'enclume ne s'acheve pas dans l'endroit où le corps ou billot s'est forgé, on prend ce billot, on le met à la forge, on le fait chauffer ; et on le prépare à recevoir les autres parties qui forment l'enclume, en le refoulant par les deux bouts ; et s'il a conservé assez de chaleur, en y pratiquant quatre trous carrés, un au milieu de chaque bout, et un au milieu de chaque côté. Ces trous sont destinés à recevoir l'extrémité de la jauge, ou de cette perche qui sert à mouvoir l'enclume à la forge et sous le marteau. Ces trous carrés ont environ trois pouces au plus ; les trous percés, on remet le corps à la forge pour y souder la poitrine.

Le morceau g, formera ce qu'on appelle l'estomac ou la poitrine de l'enclume : on la fait chauffer dans la forge a a de la vignette. Un forgeron l'apporte de-là quand il est temps de la souder ; alors le corps est posé sur le tas ; on fixe la poitrine perpendiculairement sur le milieu du corps ; on la serre et fait attacher au corps à coups de marteau. La poitrine est une pièce de fer large d'environ deux pouces, ou deux pouces et demi suivant la force de l'enclume : elle est de même épaisseur par le bas ; mais elle Ve en diminuant et perd par le bout d'enhaut, environ le tiers de son épaisseur ; sa longueur est d'environ les deux tiers du corps de l'enclume.

On voit en h, le corps ou billot auquel la poitrine est soudée. Lorsque la poitrine sera bien soudée et corroyée avec le corps, on reportera la pièce à la forge pour recevoir la paroire qu'on fait aussi chauffer à part dans la forge a a, vignette. Quand le corps et la paroire sont chauds, on met le corps sur le tas, et on apporte la paroire.

On place sur l'estomac la pièce i i, qu'on appelle la paroire ; elle s'y soude pareillement, et forme des arcades avec la poitrine qui lui sert comme de pilier. On voit en i k l, l'assemblage de ces pièces soudées ; la paroire est comme on voit, le long du haut du corps, et forme avec la poitrine une espèce de T ; la paroire est une pièce de fer plat, qui a pour largeur environ le tiers de la hauteur du corps, et qui a d'épaisseur selon la force de l'enclume environ un pouce ou un pouce et demi : elle sert à donner plus de largeur à la table ; les arcades qu'on lui a données, fortifient toute la masse.

Cela fait, il s'agit de former les pieds de l'enclume ; ce sont les pièces qu'on aperçoit en m m, où l'enclume est représentée renversée. Pour donner des pieds à l'enclume, on reporte le corps à la forge ; on fait chauffer les pieds à part ; ce sont des pièces de fer de deux à trois pouces en carré, toujours relativement à la grosseur de l'enclume ; on les soude aux deux côtés au bas du corps ; il faut trois chaudes pour chaque pied. Lorsque les enclumes sont très-grosses, pour leur donner plus de solidité, on ajoute à côté des pieds d'autres mises de fer carré de la moitié moins fort ; c'est-à-dire que si les mises des premiers pieds ont trois pouces en carré, les mises des seconds pieds n'auront que dix-huit lignes. Ces seconds pieds se soudent sur les premiers, comme ceux-ci sur l'enclume : il faut autant de chaudes pour souder un premier pied qu'un second.

Quand l'enclume a ses pieds, on lui donne la saillie ou le talon. On voit en n o, une enclume portée en cet état. La saillie ou le talon est composé de trois mises de différentes grosseurs ; il y en a quelquefois moins lorsque l'enclume n'est pas d'une force à l'exiger. Ces mises sont soudées ensemble, et forment un talon carré dont la largeur est la même que l'épaisseur du corps de l'enclume, y compris l'épaisseur de la paroire qui ne fait plus qu'une masse avec le corps. On fait chauffer la saillie ou le talon à part, comme on l'a dit des autres pièces ; on la soude au côté droit.

Il y a des enclumes à deux talons ; p est la pièce ou morceau destiné à former l'un ou l'autre ; et la figure q montre une de ces enclumes à deux talons.

Quand l'enclume a son talon, on la dispose à recevoir sa bigorne. La bigorne se place à l'autre côté, comme on voit en i k. Avant que de souder la bigorne, on commence à adapter à l'endroit où elle doit être placée, une pièce qui doit lui servir de racine. Cette racine de bigorne ou mise de fer étant soudée, il faut travailler à sa partie la plus importante, celle d'où dépend seule la qualité bonne ou mauvaise de l'enclume : on l'appelle la table. La table de l'enclume est sa partie supérieure, sa surface, à prendre depuis la racine de la bigorne, jusqu'à l'extrémité de la saillie ou du talon.

Pour former la table, on a une mise ou masse de fer r ; on en forge une table r s, un peu plus longue que la surface de l'enclume. On y pratique des hachures ; on a de petites billes d'acier ; on fixe ces billes sur la table par le moyen des hachures ; c'est ce qu'on voit en t r v v t ; on remplit l'intervalle de ces billes d'acier par d'autres, comme il est représenté en a a z z ; on fixe cet assemblage de billes d'acier sur la table, par le moyen d'un étrier b, et l'on soude le tout. Au reste cette manière de contenir les billes d'acier sur la table, n'est pas la seule ; on se sert quelquefois d'un étrier rond ; cet étrier contient les billes sur la plaque, comme on voit dans la figure c c d ; on remplit les intervalles vides avec de petits carrés d'acier f, qu'on enlève de la barre d'acier g ; on acière la table avec une, deux, ou même trois mises d'acier ; les billes dont ces mises sont faites, sont du meilleur acier.

Quand la table est forgée, on coupe avec la tranche tout le fer de l'étrier qui entourait ou contenait les billes ; on n'y réserve que la queue qui servira à porter la table sur l'enclume quand on voudra la souder, et qu'on en séparera après cette manœuvre. On soude la table avec le reste de l'enclume, et cet ouvrage est achevé : il ne restera plus qu'à attacher la bigorne l, à sa racine. On la soude comme les autres pièces ; on observe seulement de placer à la partie supérieure de la bigorne de petits lardons d'acier qui font liaison entre la table et la bigorne ; le bout de la bigorne n'est pas communément aciéré, il en serait trop cassant.

Voilà l'enclume formée, toutes ses pièces sont soudées ; cependant elle n'est pas tout à fait achevée ; on lui donne encore plusieurs chaudes, ce qu'on appelle la reparer. Quand elle est reparée, il s'agit de la tremper.

Quand on ne trempe point l'enclume en paquet, on la fait chauffer convenablement, ni trop rouge ni pas assez. C'est à l'expérience à instruire l'ouvrier de la couleur que doit avoir son enclume au sortir de la forge, pour qu'elle sorte de l'étang bien trempée, et on la plonge dans de l'eau la plus fraiche.

Quant à la trempe en paquet, chaque ouvrier a sa composition ; voyez à l'article TREMPE, celle qui est le plus en usage.

Il y a des enclumes à deux bigornes, une ronde et une carrée ; la bigorne carrée est à droite, à la place du talon ; les enclumes des éperonniers sont à deux bigornes.

Mais il y a des espèces d'enclumes qui retiennent le nom de bigornes, et en effet, ce ne sont proprement que deux bigornes dont les bases seraient soudées, sans un petit espace en table qui les separe ; voici comment on les forge.

Ayez une barre de fer plus ou moins forte selon la bigorne que vous voudrez forger. Donnez lui à la forge la forme que vous lui voyez en m n ; la virole n marquera l'embase ; la figure n, le corps de la bigorne paré ; la figure q r, la tige de la bigorne avec une amorçure r, ou une refente destinée à recevoir la masse s destinée à former la bigorne.

Mettez la pièce s dans l'amorçure r ; soudez et vous aurez la pièce t t ; achevez votre ouvrage à la forge, et vous aurez la bigorne v x ; cette bigorne sera carrée en Ve et ronde en Xe

Ayez de l'acier roulé comme vous le voyez en y ; cela vous servira à former la table de votre bigorne.

Mettez cet acier sur une barre de fer z, soudez cette barre et cet acier ; donnez ensuite à votre morceau la forme de la table de votre bigorne ; soudez cette table à votre bigorne : trempez ensuite, et l'ouvrage sera achevé.