A la droite du Tartare, disent les Poètes, se trouve un chemin qui conduit aux champs élysées, dans ces îles fortunées, où les âmes de ceux qui ont bien vécu pendant cette vie, jouissent d'une paix profonde, et des plaisirs innocens.

Tout ce qui peut entrer dans les descriptions les plus brillantes et les plus fleuries, est peut-être rassemblé dans la peinture des champs élysées faite par Pindare ; du moins Anacréon et Sapho, Moschus et Bion, dont les écrits sont pleins d'images douces et riantes, n'ont rien qui soit au-dessus du tableau du poète lyrique de la Grèce ; cependant Homère a donné le premier modèle de toutes les descriptions de l'élysée, qu'ont fait depuis sous différentes peintures Virgile, Ovide, Tibulle, Lucain, et Claudien.

Reste à savoir en quel endroit du monde était cette demeure fortunée, son origine, et l'espace de temps que les âmes habitaient ce séjour délicieux. Mais c'est sur quoi les sentiments sont fort partagés.

Les uns établissent l'élysée au milieu des airs ; d'autres, comme Plutarque, dans la lune ou dans le soleil ; et d'autres au centre de la terre ; Platon le met sous la terre, c'est-à-dire dans l'hémisphère de la terre diamétralement opposé au nôtre, ou pour le dire en d'autres termes, aux antipodes. Homère semble placer les champs élysées au pays des Cymmériens, que M. le Clerc croit être l'Epire ; Virgile les met en Italie ; quelques modernes entendent par les îles fortunées, celles que nous appelons aujourd'hui les Canaries ; mais elles n'étaient pas connues des anciens, qui n'osaient passer le détroit, et qui ne perdaient point les côtes de vue.

Si l'on en croit quelques autres, l'élysée était le charmant pays de la Bétique (aujourd'hui la Grenade et l'Andalousie), tout y quadre, selon Bochart, à la description des Poètes.

Le plus important est de découvrir l'origine de leurs fables, touchant le séjour des âmes après la mort. On ne peut douter ici que la première notion des champs élysées, de même que celle de l'enfer, ne soit venue d'Egypte. Voyez ENFER.

Consultez Vossius, le Clerc, et autres ; voyez aussi Jacques Winder, de vitâ functorum statu, apud Ethnicos.

M. Pluche, dans son histoire du ciel, donne à cette fable une explication assez simple. Diodore de Sicîle dit que la sépulture commune des Egyptiens était au-delà d'un lac nommé Acherusie : que le mort était apporté sur le bord de ce lac, au pied d'un tribunal composé de plusieurs juges, qui informaient de ses vie et mœurs. S'il n'avait pas été fidèle aux lais, on jetait le corps dans une fosse ou espèce de voyerie qu'on nommait le Tartare. S'il avait été vertueux, un batelier conduisait le corps au-delà du lac dans une plaine embellie de prairies, de ruisseaux, de bosquets, et de tous les agréments champêtres. Ce lieu se nommait élisout ou les champs élysées, c'est-à-dire pleine satisfaction, séjour de repos ou de joie. Histoire du ciel, tom. I. pag. 124 et 126. (G)

Au reste si les Poètes ont varié sur la situation des champs élysées, ils ne sont pas plus d'accord sur le temps que les âmes y doivent demeurer. Anchise semble insinuer à Enée son fils, qu'après une révolution de mille ans, les âmes buvaient de l'eau du fleuve Léthé, et venaient dans d'autres corps ; en quoi Virgile adopte en quelque manière la fameuse opinion de la métempsycose, qui a eu tant de partisans, et qui devait encore son origine aux Egyptiens. Voyez METEMPSYCOSE. Add. de M. le Chev(D.J.)