L'on demande si la sanction des lois ne peut pas consister aussi-bien dans la promesse d'une récompense, que dans la menace de quelque peine ? Je réponds d'abord qu'en général je ne vois rien dans la sanction des lois qui s'oppose à la promesse d'une récompense ; parce que le souverain peut suivant sa prudence prendre l'une ou l'autre de ces voies, ou même les employer toutes deux.

Mais comme il s'agit ici de savoir quel est le moyen le plus efficace dont le souverain se puisse servir pour procurer l'observation de ses lois, et qu'il est certain que l'homme est naturellement plus sensible au mal qu'au bien ; il parait aussi plus convenable d'établir la sanction de la loi dans la menace de quelque peine, que dans la promesse d'une récompense. L'on ne se porte guère à violer les lois, que dans l'espérance de se procurer quelque bien apparent qui nous séduit. Ainsi le meilleur moyen d'empêcher la séduction, c'est d'ôter cette amorce, et d'attacher au contraire à la désobéissance un mal réel et inévitable.

Si l'on suppose donc que deux législateurs voulant établir une même loi, proposent l'un de grandes récompenses, et l'autre des peines rigoureuses, il est certain que le dernier portera plus efficacement les hommes à l'obéissance, que ne ferait le premier. Les plus belles promesses ne déterminent pas toujours la volonté ; mais la vue d'un supplice ébranle, intimide. Que si pourtant le souverain par un effet particulier de sa bonté et de sa sagesse, veut réunir ces deux moyens, et attacher à sa loi un double motif d'observation, il ne restera rien à désirer de tout ce qui peut y donner de la force ; ce sera la sanction la plus complete . Voilà pour les lois civiles ; mais il importe de rechercher s'il y a une sanction des lois naturelles, c'est-à-dire, si elles sont accompagnées de menaces et de promesses, de peines et de récompenses.

La première réflexion qui s'offre là-dessus à l'esprit, c'est que ces règles de conduite que l'on appelle lois naturelles, sont tellement proportionnées à notre nature, aux dispositions primitives, et aux désirs naturels de notre âme, à notre constitution, à nos besoins, et à l'état où nous nous trouvons dans ce monde, qu'il parait manifestement qu'elles sont faites pour nous. En général, et tout bien compté, l'observation de ces lois, est le seul moyen de procurer et aux particuliers et au public, un bonheur réel et durable : au lieu que leur violation jette les hommes dans un désordre également préjudiciable aux individus et à toute l'espèce. C'est - là comme une première sanction des lois naturelles ; mais si cette première sanction ne parait pas suffisante pour donner aux conseils de la raison, tout le poids et toute l'autorité que doivent avoir de véritables lois, rien n'empêche de dire, que par l'immortalité de l'âme, ce qui manque dans l'état présent à cette sanction des lois naturelles, s'exécutera dans la suite, si la sagesse divine le trouve à propos. (D.J.)