Ambraise Paré, dans son introduction à la Chirurgie, réduit toutes les espèces et différences des frictions, à trois ; savoir, la forte, la douce, et la modérée, qui tient le milieu entre les deux autres : dans la première, on frotte rudement les parties, soit avec la main, de la toîle neuve, des éponges, et autres choses : la vertu de cette sorte de friction est de resserrer et de fortifier les parties que l'on y soumet. Si on la réitère souvent, et qu'on frotte assez longtemps à chaque fois ; elle raréfie, évapore, résout, exténue, et diminue la substance des parties : elle fait révulsion, disent les auteurs, et détourne la fluxion des humeurs d'une partie sur une autre. J'ai Ve des rhumatismes et autres douleurs fixes, qu'aucun remède n'avait soulagées, ceder à ces frictions. Elles sont très-efficaces pour fortifier les parties sur lesquelles il se fait habituellement des fluxions : par cette raison, elles sont un moyen utîle dans la cure préservatrice des sciatiques et autres maladies du genre goutteux et rhumatisant, fort sujettes à récidive. Au reste, on conçoit bien que le degré de force qui établit la différence des trois espèces de frictions, doit être relatif : car celles qui seraient modérées pour une personne très-robuste, pourraient être trop violentes pour les frictions les plus fortes convenables à une personne délicate. Il faut aussi avoir égard à l'âge et à la constitution naturelle des parties plus ou moins tendres et sensibles.

Les plus grands maîtres ont conseillé, dans la cure de la léthargie, des frictions sur l'occipital et le cou, dirigées de haut en bas. Elles doivent être d'autant plus fortes, que l'assoupissement est plus profond. Lancisi rapporte que les gens du peuple, que les remèdes les plus violents n'avaient pu réveiller d'un assoupissement apoplectique, ont été sur le champ rappelés à la vie par des fers rouges qu'on approcha de la plante de leurs pieds. M. Winslow, dans sa thèse sur les signes de la mort, dit qu'on peut exciter avec succès, dans ces cas, une sensation douloureuse avec l'eau bouillante, la cire ordinaire, ou la cire d'Espagne brulante ; ou bien avec une meche allumée, sur les mains, les bras, ou autres parties du corps. Mais les frictions très-fortes produiront le même effet, et sont préférables, à beaucoup d'égards. On lit dans les éphémérides de l'académie des curieux de la nature, qu'un médecin ayant soupçonné qu'un homme qui était sans pouls et sans respiration, n'était pas mort, fit frotter la plante des pieds de cet homme pendant trois quarts-d'heure, avec une toîle de crin pénétrée d'une saumure très-forte, et que par ce moyen il le rappela à la vie. Les frictions faites avec un linge chaud sur la surface extérieure du corps des noyés, sont un des principaux secours qui favorisent l'effet des moyens qui ont le plus de vertu pour les rappeler d'une mort apparente à l'exercice des fonctions vitales. Dans ce cas, les frictions ne peuvent pas servir à rappeler le sang du centre à la circonférence ; mais elles préviennent la coagulation des liqueurs, auxquelles elles donnent du mouvement. Voyez les observations sur la cause de la mort des noyés, et sur les secours qui leur conviennent, à la suite des lettres sur la certitude des signes de la mort, à Paris, chez Lambert, 1752.

La friction douce ou légère a des effets différents de la forte ; elle amollit et relâche ; elle rend la peau douce et polie, pourvu néanmoins qu'on emploie assez de temps à la faire ; car celle qui serait d'une trop courte durée serait absolument sans effet. Ces sortes de frictions en produisent un très-bon sur les membres débilités par la gêne et la contrainte qu'ils essuient de la part des bandages, et par l'inaction, pendant le temps de la cure des fractures, des grandes plaies, etc.

Quelques personnes sont dans l'usage de se faire frotter légèrement le matin et le soir avec une brosse douce, pour ouvrir les pores et faciliter la transpiration ; et elles se trouvent très-bien de ce genre d'exercice.

La friction modérée tient le milieu entre les deux autres ; elle attire le sang et les esprits sur la partie ; elle convient aux membres atrophiés, parce qu'elle fait augmentation d'aliment et nutrition, comme disent nos anciens, d'après Galien, lib. de sanitate tuendâ. On a quelquefois réussi à rappeler la goutte dans les extrémités inférieures, en les frottant modérément depuis les pieds jusqu'à la moitié des cuisses, avec une flanelle douce, de trois en trois heures, pendant un quart-d'heure à chaque fais.

En général, les frictions exigent les mêmes précautions, pour être administrées sagement, que les autres exercices. Il faut être attentif au temps, à la quantité, à la qualité, et à la réitération convenables. Toutes ces choses doivent être soumises à des indications raisonnées sur l'état de la personne, et sur l'effet qu'on se propose d'obtenir des frictions. Voyez EXERCICE, (Médecine).

On prépare utilement à l'efficacité de l'application des ventouses, des vésicatoires et des cautères potentiels ; à celle des fomentations résolutives, des emplâtres de même vertu, et de tous les remèdes incisifs ou stimulants dont on se sert sur les tumeurs oedémateuses, et autres congestions de matières froides et indolentes qu'on veut échauffer ; on prépare, dis-je, au bon effet de ces remèdes, par des frictions modérées faites avec des linges chauds, et assez longtemps. M. Petit parlant de la cure de l'anchylose, dans son traité des maladies des os, dit que les frictions faites avec des linges chauds, peuvent d'abord être mises utilement en usage, pour suppléer au mouvement de l'article ; et que si ces frictions ne suffisent pas seules pour résoudre la synovie et dissiper le gonflement de la jointure, elles servent du-moins à assurer l'effet des autres remèdes, qui par ce moyen agissent plus efficacement.

Il y a des fièvres continues où les malades ont presque toujours les extrémités froides : dans ce cas, outre les linges chauds qu'on renouvelle souvent, on fait des frictions douces avec des linges mollets, et ensuite des onctions avec les huiles d'amandes douces, de lys, de camomille, etc. afin de rappeler la chaleur.

Le duc d'Ascot demanda au roi Charles IX. de lui envoyer Ambraise Paré, premier chirurgien, pour le marquis d'Avret son frère, qui était à la dernière extrémité, à la suite d'un coup de feu reçu sept moins auparavant, avec fracture de l'os de la cuisse. Dans cette cure, l'une des plus belles qu'on ait faites en ce genre, Ambraise Paré prescrivit des frictions avec des linges chauds sur la partie, pour favoriser l'action des remèdes capables d'atténuer et de résoudre l'engorgement du membre blessé ; et il en faisait faire " le matin d'universelles de tout le corps, qui était grandement exténué et amaigri par les douleurs et accidents, et aussi par faute d'exercice ".

Dans les sueurs qui arrivent spontanément, ou par l'action des remèdes sudorifiques, aussi-bien que dans celles que procure un exercice violent, tel que le jeu de la paume, il est convenable, avant de changer de linge, de se faire essuyer et frotter modérément avec des linges chauds. Cette friction non-seulement nettoie le corps, en absorbant l'humidité qui le mouille, mais elle fait sortir et exprime des pores de la peau des restes de sueurs et de sucs excrémenteux qui y ont été portés, et donne du ressort aux parties : aussi remarque-t-on que ces frictions préviennent la lassitude ; effet ordinaire de l'épuisement.

On donne le nom de frictions aux mouvements que le chirurgien fait dans l'opération de la saignée, pour pousser le sang vers la ligature, dans la veine qu'on doit picquer, afin de faire gonfler ce vaisseau, pour la facilité de l'ouvrir.

Friction mercurielle, est une onction faite sur les parties du corps avec l'onguent napolitain, pour la guérison des maladies vénériennes. Voyez VEROLE. (Y)