Fescennina per hunc inventa licentia morem.

Versibus alternis, opprobria rustica fudit.

Epist. 1. lib. II. Ve 145.

Les vers libres et obscènes prirent le nom de fescennins, parce qu'ils furent inventés par les habitants de Fescennie, ville de Toscane, dont les ruines se voient encore à un bon quart de lieue de Galèse.

Les peuples de Fescennie accompagnaient leurs fêtes et leurs réjouissances publiques, de représentations champêtres, où des baladins déclamaient des espèces de vers fort grossiers, et faisaient mille bouffonneries dans le même gout. Ils gardaient encore moins de mesure dans la célébration des nôces, où ils ne rougissaient point de salir leurs poésies par la licence des expressions : c'est de-là que les Latins ont dit, fescennina licentia, et fescennina locutio, pour marquer principalement les vers sales et déshonnêtes que l'on chantait aux nôces.

Ces sortes de vers parurent sur le théâtre, et tinrent lieu aux Romains de drame régulier pendant près de six vingt ans. La satyre mordante à laquelle on les employa, les décrédita encore plus que leur grossiereté primitive ; et pour lors ils devinrent vraiment redoutables. On rapporte qu'Auguste, pendant le Triumvirat, fit des vers fescennins contre Pollion, mais que celui-ci, avec tout l'esprit propre pour y bien répondre, eut la prudence de n'en rien faire ; " parce que, disait-il, il y avait trop à risquer d'écrire contre un homme qui pouvait proscrire ".

Enfin Catulle voyant que les vers fescennins employés pour la satyre étaient proscrits par l'autorité publique, et que leur grossiereté dans les épithalames n'était plus du goût de son siècle, il les perfectionna et les châtia en apparence du côté de l'expression : mais s'il les rendit plus chastes par le style, en proscrivant les termes grossiers, ils ne furent pas moins obscènes pour le sens, et bien plus dangereux pour les mœurs. Les termes libres d'un soldat gâtent moins le cœur, que les discours fins, ingénieux, et délicatement tournés d'un homme qui fait métier de la galanterie. Pétrone est moins à craindre dans ses ordures grossières que ne le sont des expressions voilées semblables à celles dont le comte de Bussy Rabutin a revêtu ses Amours des Gaules. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.