EMPORTER, REMPORTER ; synon. On dit toujours remporter la victoire, et non pas emporter la victoire ; mais on dit au contraire emporter le butin, et non pas remporter le butin. Ces deux mots ont également leur bizarrerie d'usage, quand on les emploie au figuré. Art. de M(D.J.)

EMPORTER, (Marine) se dit de ce que le vent ou les coups de mer enlèvent du vaisseau. On a Ve des voiles et des vergues emportées par le vent, des galeries emportées par des coups de mer, et quelquefois des mats. (Z)

EMPORTER (s') Ve pass. (Manège) terme usité parmi nous pour désigner en général l'action d'un cheval que le cavalier ne peut arrêter, et qui fuit avec fougue et avec impétuosité malgré tous les efforts que l'on fait pour le retenir.

Ce défaut est plus ou moins considérable selon ses causes et sa source.

Il procede souvent de l'ignorance d'une main dure et cruelle, incapable de reconnaître et de sentir le fond de la bouche de l'animal, et qui, par un appui forcé et toujours constant dans le même degré, en échauffe tellement toutes les parties qu'elle les prive de toute sensibilité (voyez MAIN). Il peut être encore occasionné par tous les vices qui tendent à égarer une bouche (voyez EGARER), par l'habitude de forcer la main (voyez FORCER), par la gaieté du cheval qui s'émeut et s'excite lui-même à la vue ou à l'ouie d'un autre cheval qui galope ; par sa timidité, lorsqu'à l'occasion de quelque bruit il fuit et s'échappe ; par de mauvaises leçons ; par la facilité avec laquelle le cavalier se sera laissé maitriser, etc.

Il est certain que ce n'est qu'autant que toutes les portions de la bouche, et principalement les barres, n'auront point été véritablement endommagées, que nous pourrons remédier à ce vice, d'autant plus essentiel, que les suites en peuvent être extrêmement funestes. Si ces mêmes portions sont en effet dans un état désespéré, et qu'il ne nous soit plus absolument permis d'y rappeler par aucun moyen le sentiment qu'elles ont perdu, vainement tenterions-nous d'en corriger l'animal. Ou cette action de fuir est tournée en habitude, ou elle n'est que passagère.

Dans le premier cas, il s'agira de travailler le cheval lentement et au pas, et avec toute l'attention que demande une bouche sujette à s'échauffer ; du pas, on le conduira insensiblement au trot, et du trot on le ramenera au pas pour le remettre au trot, et successivement au galop, en le ralentissant toujours et en entremêlant prudemment ces différentes allures. Le galop étant incontestablement la plus vive et la plus prompte, est aussi très-communément celle dans laquelle il s'anime davantage, et où il est le plus sujet à s'emporter ; on ne l'y exercera par conséquent que, lorsque dans les autres, il obéira exactement à toutes les impressions de la main, on en augmentera aussi la rapidité, on en diminuera de temps en temps la vitesse ; et les arrêts multipliés selon le besoin, ainsi que la répétition de la leçon du reculer, étoufferont enfin en lui cette vivacité et cette ardeur, ou du moins le remettront sous les lois d'une entière obéissance.

L'emportement n'est-il que passager ? n'a-t-il lieu que dans la circonstance d'un autre cheval qui court rapidement, ou à raison de la surprise et de la crainte que lui inspirent certains bruits auxquels ses oreilles ne sont point accoutumées ? n'est-il, en un mot, suscité qu'à l'occasion des objets extérieurs dont il est frappé ? on doit 1°. nécessairement l'habituer au son et à la vue de ces mêmes objets : 2°. le retenir et le renfermer dans l'instant même du premier effort qu'il fait pour s'échapper, et rendre la main dans l'instant qui le suit, sauf à le reprendre de nouveau s'il témoigne encore le moindre désir de fuir. Sans cette précision avec laquelle le cavalier saisit le moment, l'animal se dérobe toujours pendant un espace plus ou moins considérable de terrain ; et cette espèce de victoire qu'il remporte l'enhardit, pour ainsi dire, et peut non-seulement le confirmer dans ce leger défaut, mais occasionner ces mouvements fougueux auxquels on s'oppose inutilement. Il est même très-à-propos de joindre quelquefois le châtiment à l'action, de saisir le temps, afin de faire sentir à l'animal renfermé et puni, que cette passion immodérée d'une course que le cavalier ne sollicite point, est une faute qui lui attire la correction qu'il redoute ; ainsi serrez vivement les deux talons en mettant la main près de vous, rendez et reprenez sur le champ, bientôt le cheval ne reconnaitra plus rien qui puisse l'engager à s'emporter.

La plupart des hommes imaginent que la voie la plus sure de retenir un cheval qui fuit, est de s'attacher à la main. Ils emploient tout leur pouvoir et toutes leurs forces dans l'espérance de l'arrêter, mais leurs efforts sont toujours superflus et sans succès. La raison en est simple ; d'une part, ces mêmes efforts exercés directement sur la bouche falsifient si considérablement l'appui, que le cheval méconnait entièrement la main et tous les effets qui auraient pu résulter de celle qui n'aurait été que douce et légère. D'un autre côté, en supposant qu'il puisse encore rencontrer un sentiment quelconque, il est certain que l'impression de la main augmentera le pli ou la flexion du derrière ; car telle est l'efficacité des renes mues et approchées de notre corps, qu'elles surchargent l'arriere-main : or ce même arriere-main chassant, et ne pouvant que continuellement chasser l'animal au moyen de la flexion répétée de ses parties, il s'ensuit que plus la tension des renes est constante et augmentée, plus les forces de l'animal qui s'emporte sont accrues et multipliées ; ainsi bien loin de l'arrêter, on lui fournit les moyens de résister avec plus d'empire. Il est donc incontestablement assuré qu'on ne retient jamais plus aisément et plus véritablement un cheval, qu'en rendant et en cessant, pour ainsi dire, de le retenir, pourvu qu'on le reprenne dans la main successivement et de temps en temps. (e)

EMPORTER, (Jardinage) on dit qu'un arbre s'emporte, quand il pousse avec trop de vivacité, et qu'il est à craindre que le trop de vivacité ne le fasse avorter. (K)