Terna tibi haec primum triplici diversa colore

Licia circumdo.

Les fables d'Apulée ne parlent que des enchantements qu'employait Pamphila fameuse magicienne, pour procurer l'impuissance au milieu des feux de l'amour. De là vient que Minucius Felix disait au payen Caecilius, que son Jupiter même n'avait pas toujours eu le pouvoir de délier les charmes de la ceinture de Junon. Numantina femme de Plautius Silvanus, fut accusée d'avoir par sortilege rendu son mari impuissant : Injecisse carminibus et veneficiis vecordiam marito, pour me servir de l'expression délicate de Tacite, annal. l. IV.

Il semble que les Jurisconsultes romains ne doutaient point du succès de l'art magique pour produire le nouement de l'aiguillette, car Paulus cite une loi qui défendait d'user de ligature ; Pomponius Sabinus et Servius condamnent la pratique de ces sortes de nœuds enchanteurs. Enfin les historiens en citent des exemples remarquables. Amasis roi d'Egypte, dit Hérodien, ne put connaître sa femme Laodicée, parce qu'il avait été lié par la magie. Sozomene, l. VIII. rapporte d'Honorius fils de Théodose, qu'après avoir épousé la fille de Stilico, une sorcière lui noua l'aiguillette, et l'empêcha par ce moyen d'accomplir le mariage. La reine Brunehaut, mère de Thierry roi de Bourgogne, le charma si bien, selon le récit d'Aimoin, qu'il ne put jouir d'Hermenaberge sa femme. Si l'on s'en rapporte à Grégoire de Tours, Eulasius éprouva le même sort ; car ayant enlevé d'un monastère de Langres une fille dont il était amoureux, et l'ayant épousée, ses concubines jalouses l'empêchèrent par leurs sortileges, de consommer ce mariage ; concubinae ejus, ce sont les propres paroles de l'historien, lib. X. cap. VIIIe instigante invidiâ, sensum ei oppilaverunt.

Mais depuis longtemps personne ne donne plus croyance à ces contes frivoles. On sait que les charmes dont la magie usait autrefois pour inspirer de l'amour, ou pour arrêter subitement dans un corps bien organisé, le transport des désirs, tenaient toute leur puissance du trouble que des menaces effrayantes jetaient dans un esprit crédule. Le penchant à l'amour dans les uns, et dans les autres la crainte de ne pouvoir le satisfaire, rendait leur résistance inutile, ou leurs efforts impuissants. Les organes qui renouvellent le monde depuis tant de siècles, sont échauffés ou glacés en un moment par l'empire de l'imagination. Quand elle est alarmée par de tristes illusions, il ne faut pour la guérir que la frapper plus fortement par des illusions plus flatteuses et riantes. (D.J.)