Quand on veut décamper de jour et dérober ce mouvement aux ennemis, on envoye sur leur camp un gros corps de cavalerie avec les étendards, comme si l'on avait dessein d'en attaquer quelque partie ; et pendant le temps que l'armée ennemie emploie à se préparer pour s'opposer aux attaques de ce corps, et qu'elle cherche à pénétrer son dessein, l'armée qui décampe fait son mouvement tranquillement en arrière ; elle fait occuper les différents postes qui se trouvent sur sa route les plus propres à arrêter l'ennemi. Lorsqu'il y a des défilés, on en fait garder l'entrée par des corps de troupes, capables de soutenir l'arriere-garde en cas qu'elle soit poursuivie par l'ennemi.

M. le marquis de Feuquières prétend que la bataille de Senef ne fut occasionnée que par l'oubli de cette attention de la part du prince d'Orange. " Il voulut, dit ce célèbre officier, décamper de Senef et marcher à Binche, en prétant le flanc à l'armée du Roi dans le commencement de sa marche. Il avait à passer 2 ou 3 petits défilés, séparés les uns des autres par de petites plaines, capables pourtant de contenir un corps assez puissant pour recevoir son arriere-garde, en cas qu'elle fût chargée et renversée. Si ce Prince avait eu la précaution de laisser des troupes dans la première petite plaine, pour y recevoir son arriere-garde qui était dedans et derrière le village de Senef, il est certain que M. le prince de Condé n'aurait pu entreprendre que sur cette arriere-garde, dans le temps qu'elle se serait mise en mouvement pour quitter ce village et la petite plaine qui était derrière, et qu'il n'aurait pu pousser les troupes que jusqu'au premier défilé. Mais l'ennemi présomptueux, dit toujours M. de Feuquières, à qui M. le prince, à la faveur d'une petite hauteur qui était au-dessus du village de Senef, cachait toute sa disposition pour l'attaquer, méprisant les attentions particulières et judicieuses sur cette constitution de pays, continua sa marche comme si la colonne n'avait pas été occupée par ces défilés, et qu'elle n'eut pas à craindre un ennemi voisin de qui on ne pouvait pas voir les mouvements : faute dont M. le prince profita sur le champ par le succès que tout le monde a su qu'avait eu la bataille de Senef ". Mém. du marq. de Feuquières.

M. le maréchal de Puysegur prétend, dans son livre de l'Art de la guerre, que c'est une opinion vulgaire de croire que toute armée qui se retire étant campée très-proche d'une autre, soit toujours en risque d'être attaquée dans sa retraite avec désavantage pour elle, et qu'il y a fort peu d'occasions où l'on se trouve exposé au danger lorsqu'on a étudié cette matière, et qu'on s'y est formé sur le terrain. Voyez MARCHE et RETRAITE. (Q)