Illyricus, un des centuriateurs de Magdebourg, a prétendu que le péché originel est une substance produite par le démon, et qui est imprimée à l'âme de chaque homme, à cause de la désobéissance du premier homme : sentiment qui approche du Manichéisme, et que d'ailleurs Illyricus ne prouve nullement.

On lit dans la confession d'Augsbourg, que le péché originel n'est autre chose que la corruption de notre nature, répandue dans toutes les parties de notre âme ; et que cette corruption qui exclut toute justice intérieure, se réduit à la concupiscence habituelle, qui se révolte sans cesse contre l'esprit, et qui sollicite continuellement au mal. Mais cette concupiscence est l'effet du péché d'Adam, et non pas le péché même d'Adam. Quoique mauvaise en elle-même, elle n'est criminelle aux yeux de Dieu que quand on acquiesce aux mauvais désirs qu'elle suggère, et qu'on en suit les impressions déréglées. Mais où est ce consentement libre et cet acquiescement dans les enfants ?

Henri de Gand, et Grégoire de Rimini, regardent le péché originel comme une qualité maladive qui a infecté la chair d'Adam en mangeant du fruit défendu, et qu'il a communiquée à ses descendants par la voie de la génération. Ce sentiment péche par les mêmes raisons que le précédent, et n'a d'ailleurs aucun fondement dans l'écriture ou dans les pères.

Saint Anselme a avancé que le péché originel est la privation de la justice qu'Adam avait reçue de Dieu en sortant de ses mains, ou au moins quelques moments avant sa chute ; mais cette privation est la peine de la désobéissance d'Adam, elle en est la suite, et par conséquent elle n'en peut former la nature ou l'essence.

Le sentiment le plus commun parmi les théologiens catholiques, est que le péché originel n'est autre chose que la prévarication même d'Adam, qui nous est imputée intrinséquement, c'est-à-dire dont nous sommes réellement coupables, parce que nous l'avons commis en lui, en ce que toutes nos volontés étaient renfermées dans la sienne.

On n'est guère moins partagé sur la manière dont se communique le péché originel.

Le père Malebranche déduit le péché originel de causes naturelles, et prétend que les hommes conservent dans leur cerveau toutes les traces et impressions de leurs premiers parents. Comme les animaux produisent leur semblable avec les mêmes traces dans le cerveau, et que ceux de la même espèce sont sujets aux mêmes sympathies et antipathies, et qu'ils font les mêmes choses dans les mêmes occasions, de même, dit ce père, nos premiers parents, après avoir transgressé le commandement de Dieu, reçurent dans leur cerveau des traces profondes par l'impression des objets sensibles, de sorte qu'il y a beaucoup d'apparence qu'ils aient communiqué ces impressions à leurs enfants.

Or, comme suivant l'ordre établi par la nature, les pensées de l'âme sont nécessairement conformes aux traces du cerveau, on peut dire qu'aussitôt que nous sommes formés dans le sein de notre mère, nous devenons infectés de la corruption de nos parents, puisqu' ayant dans notre cerveau des traces semblables à celles des personnes qui nous donnent l'être, il faut nécessairement que nous ayons les mêmes pensées et les mêmes inclinations par rapport aux objets sensibles ; par conséquent nous devons naître avec la concupiscence et le péché originel. Avec la concupiscence, supposé qu'elle ne consiste que dans l'effort naturel que les traces du cerveau font sur l'âme de l'homme pour l'attacher aux choses sensibles ; et avec le péché originel, supposé que ce péché ne soit autre chose que l'efficacité de la concupiscence, comme en effet, ce n'est autre chose que les effets de la concupiscence, considerés comme victorieux et maîtres de l'esprit et du cœur des enfants. Et il y a grande apparence, ajoute cet auteur, que le règne de la concupiscence, ou la victoire de la concupiscence, est ce qu'on appelle péché originel dans les enfants, et péché actuel dans les hommes libres. Recherch. de la vérité, l. II. c. VIIe n. Ve

Ce sentiment parait fondé sur ce qu'enseigne S. Augustin, l. I. de nupt. ch. xxiv. Ex hac concupiscentiâ carnis tanquam filia peccati, et quando illi ad turpia consentitur, etiam peccatorum matre multorum, quaecumque nascitur proles originali est obligata peccato.

Parmi les anciens, quelques-uns, comme Tertullien, Apollinaire et d'autres, au rapport de S. Augustin, epist. lxxxij ad Marcellin. ont cru que dans la génération l'âme des enfants provenant de celle de leurs parents, comme le corps des enfants provient de celui de leurs pères et mères, ceux-ci communiquaient aux premiers une âme souillée du péché originel.

D'autres ont pensé que le péché originel se communique, parce que l'âme que Dieu crée est par sa destination unie à un corps infecté de ce péché, à-peu-près comme une liqueur se gâte quand on la verse dans un vase infecté. On trouve quelques traces de cette opinion dans S. Augustin, l. V. contr. Julian. c. iv. ut ergo, dit ce père, et anima caro pariter utrumque puniatur, nisi quod nascitur, renascendo emendetur, profecto aut utrumque vitiatum ex homine trahitur, aut alterum in altero, tanquam in vitiato vase corrumpitur : ubi occulta justitia divinae legis includitur. Mais il n'approuve ni ne désapprouve ce sentiment, et se contente de dire qu'il n'est pas contraire à la foi.

Enfin les théologiens catholiques, qui font consister la nature du péché originel en ce que celui d'Adam est imputé à ses descendants, parce que toutes leurs volontés étaient contenues dans la sienne, en expliquent la propagation en disant que Dieu, par sa suprême volonté, a statué que toutes les volontés étant contenues dans celle d'Adam, elles se trouveraient toutes coupables du péché de ce premier homme, de même qu'elles auraient été justes, s'il n'eut point prévariqué.

Les effets du péché originel sont l'ignorance, la concupiscence ou l'inclination au mal, les miseres de cette vie, et la nécessité de mourir.