Encore si pour rimer, dans sa verve indiscrette,

Ma muse au moins souffrait une froide épithète.

Boil. Sat.

M. l'abbé Girard n'a point fait d'observation sur la différence qu'il y a entre épithète et adjectif. Il semble que l'adjectif soit destiné à marquer les propriétés physiques et communes des objets, et que l'épithète désigne ce qu'il y a de particulier et de distinctif dans les personnes et dans les choses, soit en bien, soit en mal : Louis le Begue, Philippe le Hardi, Louis le Grand, etc. c'est en partie de la liberté que nos pères prenaient de donner des épithetes aux personnes, qu'est venu l'usage des noms propres de famille.

Quand le simple adjectif ajouté à un nom commun ou appelatif le fait devenir nom propre, alors cet adjectif est une épithète : urbs, ville, est un nom commun : mais quand on disait magna urbs, on entendait la ville de Rome.

Te canit agricola, magnâ cùm venerit urbe.

Tibul. l. I. el. 7.

Tous les adjectifs qui sont pris en un sens figuré, sont des épithetes ; la pâle mort, une verte vieillesse, &c.

Les adjectifs patronymiques, c'est-à-dire tirés du nom du père ou de quelqu'un des ayeux, sont des épithetes ; Telamonius Ajax, Ajax fils de Télamon. Il en est de même des adjectifs tirés du nom de la patrie : c'est ainsi que Pindare est souvent appelé le poète thébain, poeta thebanus ; Dyon syracusanus, Dyon de Syracuse, etc. Souvent les noms patronymiques sont employés substantivement par antonomase, , per excellentiam. C'est ainsi que par le philosophe on entend Aristote, et par le poète, on désigne Homère ; mais alors philosophe et poète n'étant point joints à des noms propres, sont pris substantivement, et par conséquent ne sont point des épithetes.

On doit user avec art des épithetes ou adjectifs ; on ne doit jamais ajouter au substantif une idée accessoire, déplacée, vaine, qui ne dit rien de marqué. Les épithetes doivent rendre le discours plus énergique. M. de Fénelon ne se contente pas de dire, que l'orateur, comme le poète, doit employer des figures, des images, et des traits ; il dit qu'il doit employer des figures ORNEES, des images VIVES, et des traits HARDIS, lorsque le sujet le demande.

Les épithetes qui ne se présentent pas naturellement, et qui sont tirées de loin, rendent le discours froid et ennuyeux. On ne doit jamais se servir d'épithetes par ostentation ; on n'en doit faire usage que pour appuyer sur les objets sur lesquels on veut arrêter l'attention. (F)