La réunion de plusieurs voyelles représente une diphtongue ou un son simple ; dans le premier cas, c'est proprement une diphtongue ; mais dans le second, ce n'est point une diphtongue, et il y a une véritable antilogie à dire que c'est une diphtongue impropre. J'avoue cependant qu'il y a pour les yeux une apparence réelle de diphtongue, puisqu'il y a les signes de plusieurs sons individuels ; c'est pourquoi je pense que l'on peut donner à ces assemblages de voyelles le nom de diphtongues oculaires, et alors la dénomination de diphtongues auriculaires convient très-bien par opposition aux diphtongues propres. Ces dénominations semblent présenter à l'esprit des notions plus précises, plus exactes, et même plus lumineuses, que celles de propres et d'impropres.

2°. M. Restaut établit sept sortes de pronoms, et ceux de la septième espèce sont les indéfinis, qu'on appelle encore, dit-il, (VII. Ed. pag. 154.) pronoms impropres, parce qu'il y en a plusieurs qu'on pourrait aussi bien regarder comme des adjectifs que comme des pronoms.

Je ne dis rien ici de la division des pronoms, adoptée par cet auteur et par tant d'autres qui n'ont pas plus approfondi que lui la nature de cette partie d'oraison. Voyez PRONOM. Je ne veux que remarquer combien leur langage même est propre à les rendre suspects de peu d'exactitude dans leurs idées et dans leurs principes. Comment se peut-il faire en effet que des mots soient tout-à-la-fais pronoms et adjectifs, c'est-à-dire, selon les notions qu'ils établissent eux-mêmes, qu'ils tiennent la place des noms, et qu'ils soient en même temps inséparables d'un substantif ? De quels noms tiennent-ils donc la place, ces prétendus pronoms qui n'osent paraitre sans être accompagnés par des noms ? La dénomination de pronoms impropres que leur donnent ces Grammairiens, est un aveu réel de leur déplacement dans la classe des pronoms, et tous leurs efforts pour les y établir ne peuvent leur ôter cet air étranger qu'ils y conservent, et qui certifie l'inconséquence des auteurs dans la distribution des espèces. Enfin, ces mots sont pronoms ou ne le sont pas ; dans le premier cas, ils sont des pronoms propres, c'est-à-dire vraiment pronoms ; dans le second cas, il faut les tirer de cette classe et les placer dans une autre, où ils ne seront plus rangés improprement.

3°. On appelle encore terme impropre tout mot qui n'exprime pas exactement le sens qu'on a prétendu lui faire signifier ; ce qui fait, comme on voit, un véritable vice dans l'élocution. Par exemple, il faut choisir entre élection et choix : " ces deux mots, dit le P. Bouhours (Rem. nouv. tome I, pag. 170.), ne doivent pas se confondre. Election se dit d'ordinaire dans une signification passive, et choix dans une signification active. L'élection d'un tel marque celui qui a été élu ; le choix d'un tel marque celui qui choisit. L'élection du doge a été approuvée de tout le peuple de Venise ; le choix du sénat a été approuvé généralement ". Dans ces exemples les mots élection et choix sont pris dans une acception propre ; mais ils deviendraient des termes impropres, si l'on disait au contraire le choix du doge ou l'élection du sénat. Le purisme du P. Bouhours lui-même ne l'a pas toujours sauvé d'une pareille méprise. En expliquant (ibid. pag. 228.) la différence des mots ancien et vieux, voici comme il s'énonce : " on dit, il est mon ancien dans le parlement, c'est-à-dire qu'il est reçu devant moi, quoiqu'il soit peut-être plus jeune que moi ". Devant est ici un terme impropre ; il fallait dire avant. T. Corneille montre bien clairement la raison de cette différence, dans sa note sur la remarque 274 de Vaugelas ; et M. l'abbé Girard la développe encore davantage dans ses synonymes français. Voyez PROPRIETE.

Ce n'est que dans ce troisième sens que je trouverais convenable que le mot impropre fût regardé comme un terme technique de grammaire. Une idée ne laisse pas d'être exprimée par un terme impropre, quoiqu'il manque quelque chose à la justesse ou à la vérité de l'expression ; mais une diphtongue impropre n'est point une diphtongue, et un pronom impropre n'est point un pronom.