De cette génération il est facîle de déduire plusieurs propriétés de cette courbe, savoir que la ligne droite A E est égale à la circonférence du cercle A B C D, et A C égale à la demi-circonférence ; et que dans une situation quelconque du cercle générateur, la ligne droite A d est égale à l'arc a d ; et comme a d est égale et parallèle à d c, a d sera égale à l'arc du cercle générateur d F. De plus la longueur de la cycloïde entière est égale à quatre fois le diamètre du cercle générateur ; et l'espace cycloïdal A F E est triple de l'aire de ce même cercle. Voyez ci-dessus l'article CYCLOIDAL. Enfin une portion quelconque F I de la courbe prise depuis le sommet, est toujours égale au double de la corde correspondante F b du cercle ; et la tangente G I à l'extrémité I est toujours parallèle à la même corde F b. Si le cercle tourne et avance en même temps, de manière que son mouvement rectiligne soit plus grand que son mouvement circulaire, la cycloïde est alors nommée cycloïde allongée, et la base A E est plus grande que la circonférence du cercle générateur. Au contraire, si le mouvement rectiligne du cercle est moindre que le mouvement circulaire, la cycloïde est nommée cycloïde accourcie, et sa base est moindre que la circonférence du cercle. Voyez ROUE D'ARISTOTE.

La cycloïde est une courbe assez moderne ; et quelques personnes en attribuent l'invention au P. Mersenne, d'autres à Galilée ; mais le docteur Wallis prétend qu'elle est de plus ancienne date ; qu'elle a été connue d'un certain Bovillus vers l'année 1500, et que le Cardinal Cusa en avait même fait mention longtemps auparavant, c'est-à-dire avant l'an 1451.

Il est constant, remarque M. Formey, que le P. Mersenne divulgua le premier la formation de la cycloïde, en la proposant à tous les géomètres de son temps, lesquels s'y appliquant à l'envi, y firent alors plusieurs découvertes ; en sorte qu'il était difficîle de juger à qui était dû l'honneur de la première invention. Delà vint cette célèbre contestation entre MM. de Roberval, Toricelli, Descartes, Lalovera, etc. qui fit alors tant de bruit parmi les savants.

Depuis ce temps-là à peine a-t-on trouvé un mathématicien tant soit peu distingué, qui n'ait éprouvé ses forces sur cette ligne, en tâchant d'y découvrir quelque nouvelle propriété. Les plus belles nous ont été laissées par MM. Paschal, Huygens, Wallis, Wren, Leibnitz, Bernouilli, etc.

Cette courbe a des propriétés bien singulières. Son identité avec sa développée, les chutes en temps égaux par des arcs inégaux de cette courbe, et la plus vite descente, sont les plus remarquables. En général à mesure qu'on a approfondi la cycloïde, on y a découvert plus de singularités. Si l'on veut qu'un pendule fasse des vibrations inégales en des temps exactement égaux, il ne faut point qu'il décrive des arcs de cercle, mais des arcs de cycloïde. Si l'on développe une demi-cycloïde, en commençant par le sommet, elle rend par son développement une autre demi-cycloïde semblable et égale ; et l'on sait quel usage M. Huygens fit de ces deux propriétés pour l'Horlogerie. Voyez plus bas ; voyez aussi l'article PENDULE. En 1697, M. Bernouilli professeur de Mathématique à Groningue, proposa ce problême à tous les géomètres de l'Europe ; supposé qu'un corps tombât obliquement à l'horizon, quelle était la ligne courbe qu'il devait décrire pour tomber le plus vite qu'il fût possible. Car, ce qui peut paraitre étonnant, il ne devait point décrire une ligne droite, quoique plus courte que toutes les lignes courbes terminées par les mêmes points. Ce problème résolu, il se trouva que cette courbe était une cycloïde. Une des plus importantes connaissances que l'on puisse avoir sur les courbes, consiste à mesurer exactement l'espace qu'elles renferment, ou seules, ou avec des lignes droites ; et c'est ce qu'on appelle leur quadrature. Si cet espace se peut mesurer, quelle que soit la portion de la courbe qui y entre, et les ordonnées, ou les parties du diamètre qui le terminent avec elle, c'est la quadrature absolue ou indéfinie, telle qu'on l'a de la parabole. Mais il arrive quelquefois que l'on ne peut quarrer que des espaces renfermés par de certaines portions de la courbe et par de certaines ordonnées, ou de certaines parties du diamètre déterminées. On vit d'abord que la quadrature indéfinie de la cycloïde dépendait de celle de son cercle générateur, et que par conséquent elle était impossible selon toutes les apparences. Mais M. Huygens trouva le premier la quadrature d'un certain espace cycloïdal déterminé. M. Leibnitz ensuite trouva encore celle d'un autre espace pareillement déterminé ; et l'on croyait qu'après ces deux grands géomètres, on ne trouverait plus aucun espace quarrable dans la cycloïde. Cependant M. Bernoulli découvrit depuis dans la cycloïde une infinité d'espaces quarrables, dans lesquels sont compris, et pour ainsi dire absorbés, les deux de M. Huygens et de M. Leibnitz. C'est ainsi que la Géométrie, à mesure qu'elle est maniée par de grands génies, Ve presque toujours s'élevant du particulier à l'universel, et même à l'infini. Histoire et mém. de l'acad. 1699.

M. Huygens a démontré le premier que de quelque point ou hauteur que descende un corps pesant qui oscille autour d'un centre, par exemple, un pendule ; tant que ce corps se mouvra dans une cycloïde, les temps de ses chutes ou oscillations seront toujours égaux entr'eux. Voici comment M. de Fontenelle essaye de faire concevoir cette propriété de la cycloïde. La nature de la cycloïde, dit-il, est telle qu'un corps qui la décrit, acquiert plus de vitesse à mesure qu'il décrit un plus grand arc, dans la raison précise qu'il faut, pour que le temps qu'il met à décrire cet arc soit toujours le même, quelle que soit la grandeur de l'arc que le corps parcourt, et de-là vient l'égalité dans le temps, nonobstant l'inégalité des arcs, parce que la vitesse se trouve exactement plus grande ou moindre, en même proportion que l'arc est plus grand ou plus petit.

C'est cette propriété de la cycloïde qui a fait imaginer l'horloge à pendule. M. Huygens a donné sur ce sujet un grand ouvrage intitulé, horologium oscillatorium. Voyez la suite de cet article ; voyez aussi BRACHYSTOCHRONE, TAUTOCHRONE, ISOCHRONE, etc. Ceux qui voudront s'instruire dans un plus grand détail de l'histoire de la cycloïde, pourront consulter la vie de Descartes in-4°. per M. Baillet, liv. IV. chap. XIIIe XIVe XVe Il résulte de l'histoire assez étendue que cet auteur en donne :

1°. Que le premier qui a remarqué cette ligne dans la nature, mais sans en pénétrer les propriétés, a été le P. Mersenne qui lui a donné le nom de roulette.

2°. Que le premier qui en a connu la nature, et qui en a démontré l'espace, a été M. de Roberval qui l'a appelée d'un nom tiré du grec, trochoïde.

3°. Que le premier qui en a trouvé la tangente, a été M. Descartes, et presque en même temps M. de Fermat, quoique d'une manière défectueuse ; après quoi M. de Roberval en a le premier mesuré les plans et les solides, et donné le centre de gravité du plan et de ses parties.

4°. Que le premier qui l'a nommée cycloïde, a été M. de Beaugrand ; que le premier qui se l'est attribuée devant le public, et qui l'a donnée au jour, a été Toricelli.

5°. Que le premier qui en a mesuré la ligne courbe et ses parties, et qui en a donné la comparaison avec la ligne droite, a été M. Wren, sans la démontrer.

6°. Que le premier qui a trouvé le centre de gravité des solides, et demi-solides de la ligne et de ses parties, tant autour de la base qu'autour de l'axe, a été M. Pascal ; que le même a aussi trouvé le premier le centre de gravité de la ligne et de ses parties ; la dimension et le centre de gravité des surfaces, demi-surfaces, quart-de-surfaces, &c : décrites par la ligne et par ses parties tournées autour de la base et autour de l'axe : et enfin la dimension de toutes les lignes courbes des cycloïdes allongées ou accourcies. M. Pascal publia ces propriétés de la cycloïde dans un petit livre imprimé au commencement de 1658, sous le titre de traité de la roulette, et sous le nom de A. d'Ettonville. Il est fort rare, le libraire n'en ayant tiré que 120 exemplaires. La bibliothèque des Peres de la Doctrine en possède un. Baillet, vie de Descartes, loco citato. (O)

Application de la cycloïde au pendule des horloges. M. Huygens ayant cru que les erreurs auxquelles les horloges sont encore sujettes, naissaient des petites inégalités qui règnent entre les temps des vibrations d'un même pendule simple, lorsqu'elles sont différemment étendues ; il imagina de faire osciller ce régulateur entre deux arcs de cycloïde, sa lentille décrivant par ce moyen une semblable courbe, devait, selon lui, achever toutes ses vibrations en des temps égaux (Voyez CYCLOÏDE), et communiquer une parfaite justesse à l'horloge : mais l'expérience et la théorie ont démontré le contraire.

Ce qu'il y eut de plus particulier dans l'erreur de M. Huygens, c'est que tous les savants de l'Europe y restèrent plus de trente années, malgré les irrégularités qu'on remarquait tous les jours dans les pendules à cycloïde. Tantôt ils les attribuaient au peu d'attention que les artistes prenaient dans la formation de ces courbes, ce qui pouvait en effet y avoir assez souvent part ; tantôt ils s'en prenaient à la manière dont elles étaient posées ; d'autres fois les principales erreurs venaient, selon eux, de plusieurs effets physiques : enfin ils n'en purent découvrir la véritable cause, jusqu'à ce qu'un artiste intelligent, M. Sully, vint dessiller leurs yeux.

Il leur fit voir qu'à la vérité le pendule simple qui oscille dans une cycloïde, fait des vibrations parfaitement isochrones ; mais que pour celui qui est appliqué aux horloges, deux causes concourant dans ses vibrations, la pesanteur et l'action continuelle de la force motrice par le moyen de l'échappement, causes dont il n'y a que la première qui soit proportionnelle aux arcs, l'autre ne suivant point du tout ce rapport ; il est impossible que cet isochronisme ne soit pas troublé par les variations de cette dernière force. Il confirma son raisonnement par l'expérience, et fit voir qu'on pouvait à volonté faire avancer ou retarder une pendule à cycloïde, en changeant la forme de son échappement.

Quoique la cycloïde, dans le temps où elle était d'usage, loin de concourir à la justesse des horloges, leur fût au contraire désavantageuse ; cependant par la découverte des échappements à repos, faite depuis ce temps, cette courbe pouvait leur être favorable quand elles ont des pendules courts : elle serait aussi fort utîle pour certains régulateurs qu'on pourrait peut-être découvrir, et dont la gravité seule causerait les vibrations. Ces raisons m'ont engagé à donner ici la méthode prescrite par M. Huygens, horol. oscill. pars prima, pour former cette courbe.

La longueur de votre pendule étant donnée ; sur une table aussi platte qu'il est possible, posez une règle épaisse d'un demi-pouce environ ; ayez ensuite un cylindre de même épaisseur et d'un diamètre moitié de la longueur du pendule ; prenez un fil de soie, ou si vous voulez de laiton, afin qu'il ait plus de consistance ; attachez-le à la petite règle, et en un point de la circonférence du cylindre : cela fait, appliquez ce dernier contre la règle, de façon qu'il soit enveloppé par le fil, que vous développerez ensuite en faisant mouvoir le cylindre le long de la règle. Par ce moyen une petite pointe de fer que vous aurez fixé à la circonférence du cylindre, tracera une cycloïde sur la table ; car la courbe décrite sera formée par le mouvement d'un point pris sur la circonférence d'un cercle ou cylindre, lequel en roulant aura appliqué toutes ses parties sur une ligne droite, savoir la règle. Ce sera donc une cycloïde.

Cette opération faite, si vous disposez des lames de laiton en telle sorte que, les appliquant sur la courbe, elles répondent exactement à chacun de ses points, vous aurez pour lors des cycloïdes telles que vous pouvez les désirer ; si vous les attachez au point de suspension d'un pendule dans l'ordre où le point décrivant les a formées ; la soie enveloppant et développant alternativement les deux courbes, fera décrire à votre lentille des arcs cycloïdaux, dans chaque point desquels la pesanteur lui imprimera des vitesses proportionnelles à sa distance du point de repos. (T)