TOILETTE, (Mode), c'est une espèce de nappe de toîle fine, garnie de dentelle tout autour, dont on couvre la table sur laquelle les hommes et les femmes qui aiment la propreté, se deshabillent le soir, et où ils trouvent préparé de quoi s'habiller le matin. On appelle pareillement toilettes, les tapis de soie, ou autres riches étoffes, bordés de dentelle ou de frange, et qu'on étend au-dessus du miroir qui orne la toilette des dames, ou même des hommes qui de nos jours sont devenus femmes. (D.J.)

TOILETTE, marchande à la, (Commerce des modes) on appelle ainsi certaines revendeuses qui vont de maison en maison porter de vieilles hardes, ou même quelquefois des marchandises neuves, que leur confient les marchands. Ces sortes de femmes gagnent leur vie par les petits profits qu'elles font ou sur les hardes mêmes, ou par un certain droit volontaire que leur donnent ordinairement le vendeur et l'acheteur. Ce sont ces femmes qui vendent la plupart des marchandises de contrebande : elles font aussi assez souvent quelque petit trafic de pierreries et de bijoux. (D.J.)

TOILETTE des dames romaines, (Antiquité romaine) cet attirail de l'habiller du jour pour paraitre en public, ce mundus muliebris, les dames romaines l'avaient comme les nôtres. Dans les siècles de luxe, leur toilette était fournie de tout ce qui peut réparer les défauts de la beauté, et même ceux de la nature. On y voyait des faux cheveux, de faux sourcils, des dents postiches, des fards, et tous les autres ingrédiens renfermés dans de petits vases précieux. Martial, lib. IX. epig. 18. décrit tout cela plaisamment, en parlant de la toilette d'une dame nommée Galla.

Fiant absentes et tibi Galla comae ;

Nec dentes aliter quam serica nocte reponas

Et lateant centum condita pyxidibus ;

Nec tecum facies tua dormitat ; innuis illo,

Quod tibi prolatum est manè, supercilio.

Les dames romaines passaient du lit dans le bain ; quelques-unes se contentaient de se laver les pieds, mais d'autres portaient bien plus loin l'usage des bains ; elles se servaient de pierre-ponce pour s'adoucir la peau, et faisaient succéder à cette propreté les oignements et les parfums d'Assyrie. Elles rentraient ensuite dans leurs cabinets de toilette, vêtues d'une robe, où le luxe et la galanterie avaient jeté leurs ornements ; c'est dans cette robe qu'on se laissait voir à ses amis particuliers, et aux personnes les plus chères. Entourée de plusieurs femmes, on se prêtait aux mains qui savaient servir de la façon la plus commode et la plus agréable. Lorsque Claudien nous représente Vénus à sa toilette, il la met dans un siège brillant, environnée des grâces, et souvent occupée elle-même à composer sa coiffure.

Caesariem tum fortè Venus subnixa corusco

Fringebat solio.

Une femme à sa toilette ne perdait point de vue son miroir, soit qu'elle conduisit elle-même l'ouvrage de ses charmes, soit qu'elle apprit à régler ses regards, soit qu'elle étudiât les mines et les airs de tête, omnes vultus tentabat, le miroir devait poser à demeure.

Elle avait aussi des coèffeuses qui vivaient de ce métier, et que les Latins appelaient ornatrices. On lit dans Suétone, matris Claudii ornatrix, et elles ont le même titre dans les anciennes inscriptions ornatrix Liviae, Domitiae. Ces ornatrices ne prenaient pas seulement soin des cheveux, mais du visage et de l'ajustement entier, d'où vient qu'Ovide dit, ornatrix toto corpore semper erat.

La vanité des coquettes saisait quelquefois un crime de leur manque de beauté à leurs coèffeuses, et ces sortes de femmes se portaient contre elles à des violences, au lieu de s'en prendre à la nature. La toilette de quelques-unes, selon Juvenal, n'était pas moins redoutable que le tribunal des tyrants de Sicile. Quelle est l'offense que Plécas a commise, dit ce poète, en parlant à une de ces femmes ? de quel crime est coupable cette malheureuse fille, si votre nez vous déplait ?

Quaenam est hic culpa puellae,

Si tibi displicuit nasus tuus ?

Le désir de se trouver au temple d'Isis, cette déesse commode qui présidait aux rendez-vous et aux mystères des engagements, causait quelquefois d'extrêmes impatiences.

Apud Isiacae potius sacraria lenae.

Ainsi par toutes ces vivacités ordinaires, aussi-bien que par la nature du travail, et par le soin de coèffer, il y avait des moments à saisir, qui faisaient une nécessité de trouver sous sa main, tout ce qui servait à l'ornement de la tête et à la composition du visage.

Mais pour y mieux parvenir, le luxe multiplia le nombre des femmes qui servaient à la toilette des dames romaines ; chacune était chargée d'un soin particulier ; les unes étaient attachées à l'ornement des cheveux, soit pour les démêler ou pour les séparer en plusieurs parties. Multifidum discrimen erat, soit pour en former avec ordre et par étage des boucles et des nœuds différents : Dat varios nexus et certo dividit orbes ordine ; les autres répandaient les parfums, largos haec nectaris imbres irrigat ; toutes tiraient leurs noms de leurs différents emplois.

De-là viennent dans les poètes les noms de cosmetae, de psecades, d'ornatrices. Il y en avait d'oisives, et de préposées uniquement pour dire leur avis ; celles-ci formaient une espèce de conseil : est in consilio matrona, et la chose, dit Juvenal, était traitée aussi sérieusement que s'il eut été question de la réputation ou de la vie :

Tanquam famae discrimen agatur

Aut animae.

On lit dans le livre des amours de Lucien, que les dames employaient une partie du jour à leur toilette environnées de suivantes, ornatrices, piccatrices, dont les unes tiennent un miroir, d'autres un réchaud, d'autres des bassins, etc. On voit sur cette même toilette toutes les drogues d'un parfumeur ; celles-ci pour nettoyer les dents, celles-là pour noircir les sourcils, d'autres pour rougir les joues et les lèvres, d'autres pour teindre les cheveux en noir ou en blond doré, indépendamment de toutes sortes de parfums. Ces femmes, dit Clément d'Alexandrie, ne ressemblaient pas à la courtisanne Phriné, belle sans art, et sans avoir besoin d'étalage emprunté.

Cette remarque d'un père de l'église, me rappelle une épigramme d'Addisson contre nos dames, et à la louange de la comtesse de Manchester, que son mari, ambassadeur à Paris, y avait menée avec lui. Voici cette épigramme qui n'est point dans la dernière édition des ouvrages de cet illustre auteur.

Whîle haughty Gallia's dames, that spread

O'er their pale cheeks, an artful red,

Beheld this beauteous stranger there,

In native charms, divinely fair,

Confusion in their looks they shew'd,

And with unborrow'd blushes glow'd.

C'est-à-dire : " Quand les fières dames de France, qui couvrent leurs joues pâles d'un rouge artificiel, aperçurent cette belle étrangère, brillante comme une divinité, quoique parée des seuls attraits qu'elle tient de la nature ; leurs regards annoncèrent leur confusion ; une rougeur naturelle se répandit sur leur visage ".

Les aiguilles d'or ou d'argent, le poinçon, les fers étaient d'un grand usage à la toilette. Les aiguilles différaient, selon les divers arrangements qu'on voulait donner à sa coiffure, et quelquefois même la dame romaine à l'exemple de Vénus, prenait l'aiguille et faisait sa disposition : Ipsa caput distinguit acu.

La façon de coèffer variait perpétuellement : " Vous ne savez, disait Tertullien, aux dames de son temps, à quoi vous en tenir sur la forme de vos cheveux ; tantôt vous les mettez en presse, une autre fois vous les attachez avec négligence et leur rendez la liberté ; vous les élevez ou les abaissez, selon votre caprice ; les unes les tiennent avec violence dans leurs boucles, tandis que les autres affectent de les laisser flotter au gré des vents ". C'était l'envie de plaire qui fit imaginer toutes ces différences, et qui les perpétuera jusqu'à la fin du monde.

Les fers dont elles se servaient ne ressemblaient point aux nôtres, ce n'était tout-au-plus qu'une grande aiguille que l'on chauffait, et les boucles se formaient en roulant les cheveux, volvit in orbem. On les arrêtait par le moyen d'une aiguille ordinaire. " Ne crains point, dit Martial, que les ornements dont ta tête est parée dérangent les cheveux parfumés, l'aiguille en soutiendra la frisure, et tiendra les boucles en respect ". L'union en était telle, qu'une seule boucle qui n'avait point été arrêtée, laissait voir du désordre dans toutes les autres. Palagé qui avait Ve que ce défaut se trouvait dans sa chevelure, traita impitoyablement une de ses femmes.

Il fallait pour l'ornement d'une tête, les dépouilles d'une infinité d'autres. Souvent elles en formaient des ronds qu'elles plaçaient derrière la tête, d'où les cheveux s'élevaient de leurs racines et faisaient voir tout le chignon, nunc in cervicem retrò suggestum. Elles donnaient quelquefois à leur coiffure un air militaire, c'était un casque qui leur enveloppait toute la tête, in galeri modum, quasi vaginam capitis ; ou bien elles donnaient à leurs cheveux la forme d'un bouclier, scutorum umbilicos cervicibus adstruendo. Elles avaient des coiffures toutes montées de la façon des hommes, qui dans ce genre de travail s'acquéraient de la réputation, frustrà peritissimos quosque structores capillaturae adhibetis.

Tertullien veut encore intéresser ici la délicatesse des femmes contre elles-mêmes ; il ne comprend pas que leur vanité puisse assez prendre pour ne pas leur donner de la répugnance à porter sur leurs têtes les dépouilles d'autrui, et surtout des cheveux d'esclaves ; mais elles pouvaient lui répondre, que ces cheveux d'esclaves valaient bien ceux des plus grands seigneurs pour l'usage qu'elles en faisaient, et qu'enfin il ignorait la tyrannie des modes.

Les dames romaines, à l'exemple des grecques, nouaient leurs cheveux, tantôt avec de petites chaînes d'or, tantôt avec des rubans blancs ou couleur de pourpre, chargés de pierreries. Elles se poudraient d'une poudre éclatante ; elles plaçaient dans leurs cheveux des poinçons garnis de perles. C'était de ces ornements que Sapho s'était dépouillée dans l'absence de Phaon : " Je n'ai pas eu, lui dit-elle, entre autres choses, le courage de me coèffer depuis que vous êtes parti, l'or n'a point touché mes cheveux ; pour qui prendrais-je la peine de me parer ? à qui voudrais-je plaire ? Du-moins cette négligence est conforme à mes malheurs, et le seul homme qui anime mes soins et ma vanité, est loin de moi ".

Le visage ne recevait guère moins de façons que la chevelure. Le fard en particulier servait à augmenter ou à gâter les couleurs naturelles. Voyez FARD et ROUGE.

Les dames romaines avaient grand soin de leurs dents, et ne les lavaient d'ordinaire qu'avec de l'eau pure, en quoi on ne peut que les louer ; leurs curedents étaient de lentisque, et c'était encore une fort bonne idée ; mais quelquefois l'art se portait jusqu'à tâcher de réparer les traits. Celles qui avaient les yeux enfoncés tâchaient de déguiser cet enfoncement ; elles se servaient pour cela de poudre noire, nigrum pulverem quo exordia oculorum producuntur ; on la faisait bruler, le parfum ou la vapeur agissait sur les yeux, qui s'ouvraient par-là et paraissaient plus coupés, oculos fuligine porrigunt.

Voilà quelques-uns des mystères de la toilette des dames romaines ; les hommes efféminés avaient aussi la leur. " L'on tenait le miroir d'Othon, comme une glorieuse dépouille remportée sur son ennemi ; le prince s'y mirait tout armé, lorsqu'il commandait qu'on levât les drapeaux pour aller au combat. C'est une chose digne d'être placée dans les annales, que la toilette d'un empereur qui fait partie de son bagage ". (D.J.)