Le mot Dynamique est fort en usage depuis quelques années parmi les Géomètres, pour signifier en particulier la science du mouvement des corps qui agissent les uns sur les autres, de quelque manière que ce puisse être, soit en se poussant, soit en se tirant par le moyen de quelque corps interposé entr'eux, et auquel ils sont attachés, comme un fil, un levier inflexible, un plan, etc.

Suivant cette définition, les problèmes où l'on détermine les lois de la percussion des corps, sont des problèmes de Dynamique Voyez PERCUSSION.

A l'égard des problèmes où il s'agit de déterminer le mouvement de plusieurs corps, qui tiennent les uns aux autres par quelque corps flexible ou inflexible, et qui par-là altèrent mutuellement leurs mouvements, le premier qu'on ait résolu dans ce genre, est celui qui est connu aujourd'hui sous le nom du problème des centres d'oscillation.

Il s'agit dans ce problème, de déterminer le mouvement que doivent avoir plusieurs poids attachés à une même verge de pendule ; pour faire sentir en quoi consiste la difficulté, il faut observer d'abord que si chacun de ces poids était attaché seul à la verge, il décrirait dans le premier instant de son mouvement, un petit arc dont la longueur serait la même, à quelque endroit de la verge qu'il fût attaché, car la verge étant tirée de la situation verticale, en quelqu'endroit de la verge que le poids soit placé, l'action de la pesanteur sur lui est la même et doit produire le même effet au premier instant. C'est pourquoi chacun des poids qui sont attachés à la verge, tend à décrire une petite ligne qui est égale pour tous ces poids. Or la verge étant supposée inflexible, il est impossible que ces poids parcourent tous des lignes égales au premier instant ; mais ceux qui sont plus près du centre de suspension, doivent évidemment parcourir un plus petit espace, et ceux qui en sont plus éloignés doivent parcourir de plus grandes lignes. Il faut donc nécessairement que par l'inflexibilité de la verge, la vitesse avec laquelle chaque poids tendait à se mouvoir, soit altérée, et qu'au lieu d'être la même dans tous, elle augmente dans les poids inférieurs, et diminue dans les supérieurs. Mais suivant quelle loi doit-elle augmenter et diminuer ? voilà en quoi le problème consiste : on en verra la solution à l'article OSCILLATION.

M. Huygens et plusieurs autres après lui, ont résolu ce problème par différentes méthodes. Depuis ce temps, et surtout depuis environ vingt ans, les Géomètres se sont appliqués à diverses questions de cette espèce. Les mémoires de l'académie de Petersbourg nous offrent plusieurs de ces questions, résolues par MM. Jean et Daniel Bernoulli père et fils, et par M. Euler, dont les noms sont aujourd'hui si célèbres. MM. Clairaut, de Montigny, et d'Arcy, ont aussi imprimé dans les mémoires de l'académie des Sciences, des solutions de problèmes de Dynamique ; et le premier de ces trois géomètres a donné dans les mém. acad. 1742, des méthodes qui facilitent la solution d'un grand nombre de questions qui ont rapport à cette science. J'ai fait imprimer en 1743 un traité de Dynamique, où je donne un principe général pour résoudre tous les problèmes de ce genre. Voici ce qu'on lit à ce sujet dans la préface : " Comme cette partie de la mécanique n'est pas moins curieuse que difficile, et que les problèmes qui s'y rapportent composent une classe très-étendue, les plus grands géomètres s'y sont appliqués particulièrement depuis quelques années : mais ils n'ont résolu jusqu'à présent qu'un très-petit nombre de problèmes de ce genre, et seulement dans des cas particuliers. La plupart des solutions qu'ils nous ont données, sont appuyées outre cela sur des principes que personne n'a encore démontrés d'une manière générale ; tels, par exemple, que celui de la conservation des forces vives (voyez conservation des forces vives au mot FORCE). J'ai donc cru devoir m'étendre principalement sur ce sujet, et faire voir comment on peut résoudre toutes les questions de Dynamique par une même méthode fort simple et fort directe, et qui ne consiste que dans la combinaison des principes de l'équilibre et du mouvement composé, j'en montre l'usage dans un petit nombre de problèmes choisis, dont quelques-uns sont déjà connus, d'autres sont entièrement nouveaux, d'autres enfin ont été mal résolus, même par de très-grands géomètres ".

Voici en peu de mots en quoi consiste mon principe pour résoudre ces sortes de problèmes. Imaginons qu'on imprime à plusieurs corps, des mouvements qu'ils ne puissent conserver à cause de leur action mutuelle, et qu'ils soient forcés d'altérer et de changer en d'autres. Il est certain que le mouvement que chaque corps avait d'abord, peut être regardé comme composé de deux autres mouvements à volonté (voyez DECOMPOSITION et COMPOSITION du mouvement), et qu'on peut prendre pour l'un des mouvements composans celui que chaque corps doit prendre en vertu de l'action des autres corps. Or si chaque corps, au lieu du mouvement primitif qui lui a été imprimé, avait reçu ce premier mouvement composant, il est certain que chacun de ces corps aurait conservé ce mouvement sans y rien changer, puisque par la supposition c'est le mouvement que chacun des corps prend de lui-même. Donc l'autre mouvement composant doit être tel qu'il ne dérange rien dans le premier mouvement composant, c'est-à-dire que ce second mouvement doit être tel pour chaque corps, que s'il eut été imprimé seul et sans aucun autre, le système fût demeuré en repos.

De-là il s'ensuit que pour trouver le mouvement de plusieurs corps qui agissent les uns sur les autres, il faut décomposer le mouvement que chaque corps a reçu, et avec lequel il tend à se mouvoir, en deux autres mouvements, dont l'un soit détruit, et dont l'autre soit tel et tellement dirigé, que l'action des corps environnans ne puisse l'altérer ni le changer. On trouvera aux articles OSCILLATION, PERCUSSION, et ailleurs, des applications de ce principe qui en font voir l'usage et la facilité.

Par-là il est aisé de voir que toutes les lois du mouvement des corps se réduisent aux lois de l'équilibre ; car pour résoudre un problème quelconque de Dynamique, il n'y a qu'à d'abord décomposer le mouvement de chaque corps en deux, dont l'un étant supposé connu, l'autre le sera aussi nécessairement. Or l'un de ces mouvements doit être tel, que les corps en le suivant ne se nuisent point, c'est-à-dire que s'ils sont, par exemple, attachés à une verge inflexible, cette verge ne souffre ni fracture ni extension, et que les corps demeurent toujours à la même distance l'un de l'autre ; et le second mouvement doit être tel que s'il était imprimé seul, la verge, ou en général le système, demeurât en équilibre. Cette condition de l'inflexibilité de la verge, et la condition de l'équilibre, donnera toujours toutes les équations nécessaires pour trouver dans chaque corps la direction et la valeur d'un des mouvements composans, par conséquent la direction et la valeur de l'autre.

Je crois pouvoir assurer qu'il n'y a aucun problème dynamique, qu'on ne résolve facilement et presque en se jouant, au moyen de ce principe, ou du moins qu'on ne réduise facilement en équation ; car c'est là tout ce qu'on peut exiger de la Dynamique, et la résolution ou l'intégration de l'équation est ensuite une affaire de pure analyse. On se convaincra de ce que j'avance ici, en lisant les différents problèmes de mon traité de Dynamique ; j'ai choisi les plus difficiles que j'ai pu, et je crois les avoir résolus d'une manière aussi simple et aussi directe que les questions l'ont permis. Depuis la publication de mon traité de Dynamique, en 1743, j'ai eu fréquemment occasion d'en appliquer le principe, soit à la recherche du mouvement des fluides dans des vases de figure quelconque (voyez mon traité de l'équilibre et du mouvement des fluides, 1744), soit aux oscillations d'un fluide qui couvre une surface sphérique (voyez mes recherches sur les vents, 1746), soit à la théorie de la précession des équinoxes et de la mutation de l'axe de la Terre en 1749, soit à la résistance des fluides en 1752, soit enfin à d'autres problèmes de cette espèce. J'ai toujours trouvé ce principe d'une facilité et d'une fécondité extrêmes ; j'ose dire que j'en parle sans prévention, comme je ferais de la découverte d'un autre, et je pourrais produire sur ce sujet des témoignages très-authentiques et très-graves. Il me semble que ce principe réduit en effet tous les problèmes du mouvement des corps à la considération la plus simple, à celle de l'équilibre. Voyez EQUILIBRE. Il n'est appuyé sur aucune métaphysique mauvaise ou obscure ; il ne considère dans le mouvement que ce qui y est réellement, c'est-à-dire l'espace parcouru, et le temps employé à le parcourir ; il ne fait usage ni des actions ni des forces, ni en un mot d'aucun de ces principes secondaires, qui peuvent être bons en eux-mêmes, et quelquefois utiles, pour abréger ou faciliter les solutions, mais qui ne seront jamais des principes primitifs, parce que la métaphysique n'en sera jamais claire. (O)