LIBRAIRIE, (Commerce) la librairie dans son genre de commerce, donne de la considération, si celui qui l'exerce, a l'intelligence et les lumières qu'elle exige. Cette profession doit être regardée comme une des plus nobles et des plus distinguées. Le commerce des livres est un des plus anciens que l'on connaisse ; dès l'an du monde 1816, on voyait déjà une bibliothèque fameuse construite par les soins du troisième roi d'Egypte.

La Librairie se divise naturellement en deux branches, en ancienne et en nouvelle : par l'une, on entend le commerce des livres vieux ; par l'autre, celui des livres nouveaux. La première demande une connaissance très-étendue des éditions, de leur différence et de leur valeur, enfin une étude journalière des livres rares et singuliers. Feu MM. Martin, Boudot, et Piget ont excellé dans cette partie ; d'autres suivent aujourd'hui avec distinction la même carrière. Dans la nouvelle Librairie, cette connaissance des éditions, sans être essentielle, ni même nécessaire, n'est point du tout inutile, et peut faire beaucoup d'honneur à celui qui la possède ; son étude particulière doit être celle du goût du public, c'est de le sonder continuellement, et de le prévenir : quelquefois il est visible, il ne s'agit plus que de le suivre.

Charlemagne associant la Librairie à l'université, lui adjugea les mêmes prérogatives ; dès-lors elle partagea avec ce corps les mêmes droits et privilèges qui la rendirent franche, quitte et exemte de toutes contributions, prêts, taxes, levées, subsides et impositions mises et à mettre, imposées et à imposer sur les arts et métiers. Philippe VI. dit de Valais, honora aussi la Librairie de sa protection par plusieurs prérogatives ; Charles V. les confirma, et en ajouta encore de nouvelles ; enfin Charles VI. se fit un plaisir de suivre l'exemple de ses prédécesseurs : l'Imprimerie n'existait pas encore. La naissance de cet art heureux, qui multiplie à l'infini avec une netteté admirable et une facilité incompréhensible, ce qui coutait tant d'années à copier à la plume, renouvella la Librairie ; alors que d'entreprises considérables étendirent son commerce ou plutôt le recréèrent ! Cette précieuse découverte fixa les regards de nos souverains, et huit rois consécutifs la jugèrent digne de leur attention ; la Librairie partagea encore avec elle ses privilèges. Ce n'est pas qu'actuellement ces exemptions, dont nous avons parlé plus haut, subsistent en entier ; le temps qui détruit tout, la nécessité de partager la charge de l'état, et d'être avant tout citoyen, les ont presque abolies.

Le chancelier de France est le protecteur né de la Librairie. Lorsque M. de Lamoignon succéda dans cette place à M. d'Aguesseau, d'heureuse mémoire, sachant combien les Lettres importent à l'état, et combien tient aux Lettres la Librairie, ses premiers soins furent de lui choisir pour chef un magistrat amateur des Savants et des Sciences, savant lui-même. Sous les nouveaux auspices de M. de Malesherbes, la Librairie changea de face, prit une nouvelle forme et une nouvelle vigueur ; son commerce s'agrandit, se multiplia ; de sorte que depuis peu d'années, et presque à la fais, l'on vit éclore et se consommer les entreprises les plus considérables. L'on peut en citer ici quelques-unes : l'histoire des voyages, l'histoire naturelle, les transactions philosophiques, le catalogue de la bibliothèque du roi, la diplomatique, les historiens de France, le recueil des ordonnances, la collection des auteurs latins, le Sophocle en grec, le Strabon en grec, le recueil des planches de l'Encyclopédie ; ouvrages auxquels on aurait certainement pu joindre l'Encyclopédie même, si des circonstances malheureuses ne l'avaient suspendue. Nous avouerons ici avec reconnaissance ce que nous devons à sa bienveillance. C'est à ce magistrat, qui aime les Sciences, et qui se récrée par l'étude de ses pénibles fonctions, que la France doit cette émulation qu'il a allumée, et qu'il entretient tous les jours parmi les Savants ; émulation qui a enfanté tant de livres excellents et profonds, de sorte que sur la Chimie seulement, sur cette partie autrefois si négligée, on a Ve depuis quelque temps plus de traités qu'il n'y avait de partisans de cette science occulte il y a quelques années.