La quantité peut différer ou être la même dans les choses semblables. Quand elle diffère, on se sert de cette disproportion de choses semblables pour les distinguer.

L'identité de quantité fait ce qu'on appelle égalité, dont voyez l'article ; et la similitude porte sur tout ce qui n'est pas quantité dans les êtres. Léibnitz qui a donné le premier une idée distincte de la similitude, définit les choses semblables : ea quae non possunt distingui nisi per compraesentiam. Mais ce terme de compraesentia aura quelque chose d'obscur et de trop resserré, si on le restreint à la présence des objets qui s'offrent à-la-fais à nos sens. Pour rendre l'expression de Léibnitz juste, et son idée véritable, il faut étendre la comprésence à la possibilité d'appliquer non - seulement les objets l'un sur l'autre, mais encore à celle de comparer successivement deux objets, l'un présent, et l'autre absent, à un troisième, qui serve de mesure et de proportion commune.

Si deux ou plusieurs objets ressemblans sont présents à-la-fais, la place que chacun d'eux occupe, le distingue des autres. S'ils ne s'offrent pas aux sens en même temps, on procede à l'égard de ceux qui diffèrent en quantité, par la voie de comparaison à quelque mesure qui s'applique successivement à l'objet présent, à l'objet absent. Sinon on a recours aux raisons extrinséques, prises de divers temps et de divers lieux dans lesquels ces objets ont existé et existent.

Les choses entre lesquelles on ne peut saisir d'autres différences intrinséques, que celle de la quantité, paraissent donc semblables, et ont la même essence, aussi-bien que les mêmes déterminations. La similitude n'a lieu qu'entre des êtres, qui appartiennent à la même espèce, ou du moins au même genre, et elle ne s'étend pas au-delà des bornes de la notion commune, sous laquelle les choses semblables sont comprises. Une montre d'or, d'argent, de cuivre, sont semblables, entant que montres composées de rouages et de ressorts qui font aller l'aiguille sur le cadran des heures. Voilà leur notion commune, et leur ressemblance ne Ve pas plus loin. La matière, la grosseur, le poids, la façon sont autant de choses qui peuvent varier. Il est vrai qu'à mesure qu'elles s'accordent, la similitude augmente jusqu'à ce qu'elle soit parfaite par le concours de toutes les choses qui servent à distinguer les êtres.

Or, il est manifeste qu'il ne saurait y avoir une suite manifeste des causes ; car la dernière cause augmenterait la suite en produisant son effet.

Pour les mathématiciens, ils appellent infini tout ce qui surpasse le fini ; c'est-à-dire, tout ce qui peut être exprimé ou mesuré en nombre. Cet article est tiré des papiers de M. Formey.

SIMILITUDE, s. f. en Arithmétique, Géométrie, etc. signifie la relation que deux choses semblables ont ensemble. Voyez SEMBLABLE.

SIMILITUDE, (Rhétorique) la similitude est une figure par laquelle on tâche de rendre une chose sensible par une autre toute différente.

Les rhéteurs s'en servent ou pour prouver, ou pour orner, ou pour rendre le discours plus clair et plus agréable. Quintilien, que je consulte comme un guide propre à nous conduire dans les ouvrages d'esprit, dit que les similitudes ont été inventées les unes pour servir de preuve des choses dont on traite, les autres pour éclaircir les matières douteuses.

La première règle qu'il donne à ce sujet est de ne pas apporter pour éclaircissement une chose qui est peu connue ; parce que ce qui doit éclairer et donner du jour à une chose, doit avoir plus de clarté que la chose même. C'est pourquoi, dit-il, laissons aux poètes les comparaisons savantes et peu connues.

La seconde règle est que les similitudes ne doivent pas être triviales ; car plus elles paraissent neuves, plus elles causent d'admiration.

La troisième règle est que l'on ne doit point employer des choses fausses pour similitudes.

Quelquefois la similitude précède la chose, ou la chose précède la similitude ; quelquefois aussi elle est libre et détachée : mais elle est plus agréable quand elle est jointe avec la chose dont elle est l'image, par un lien qui les embrasse toutes deux, et qui fait qu'elles se répondent réciproquement.

Une quatrième règle que j'ajoute à celles de Quintilien, c'est que dans les similitudes l'esprit doit toujours gagner, et jamais perdre ; car elles doivent toujours ajouter quelque chose, faire voir la chose plus grande, ou, s'il ne s'agit pas de grandeur, plus fine et plus délicate ; mais il faut bien se donner de garde de montrer à l'âme un rapport dans le bas, car elle se le serait caché, si elle l'avait découvert.

La cinquième règle, c'est que l'esprit doit réunir dans les similitudes tout ce qui peut frapper agréablement l'imagination ; mais afin que la ressemblance dans les idées soit spirituelle, il faut que le rapport ne saute pas d'abord aux yeux, car il ne surprendrait point, et la surprise est l'essence de l'esprit. Si l'on comparait la blancheur d'un objet à celle du lait ou de la neige, il n'y aurait point d'esprit dans cette similitude, à moins qu'on n'aperçut quelque rapport plus éloigné entre ces deux idées capable d'exciter la surprise. Lorsqu'un poète nous dit que le sein de sa maîtresse est aussi blanc que la neige, il n'y a point d'esprit dans cette comparaison ; mais lorsqu'il ajoute avec un soupir, qu'il est d'ailleurs aussi froid, voilà qui est spirituel. Tout le monde peut se rappeler des exemples de cette espèce : ainsi la similitude doit frapper par quelque pensée nouvelle, fine, et qui cause une espèce de surprise.

Entre tant de belles similitudes que j'ai lu dans les orateurs, et les poètes anciens et modernes, je n'en citerai qu'une seule qui me charme par sa noble simplicité ; c'est celle de M. Godeau dans sa paraphrase du premier pseaume de David :

Comme sur le bord des ruisseaux

Un grand arbre planté des mains de la nature,

Malgré le chaud brulant conserve sa verdure,

Et de fruits tous les ans enrichit ses rameaux :

Ainsi cet homme heureux fleurira dans le monde ;

Il ne trouvera rien qui trouble ses plaisirs,

Et qui constamment ne réponde

A ses nobles projets, à ses justes désirs.

Après avoir parlé de la similitude en rhéteur, il faut bien que j'en dise un mot comme philosophe : je crois donc dès que le langage fut devenu un art, l'apologue se réduisit à une simple similitude. On chercha à rendre par - là le discours plus concis et plus court. En effet, le sujet étant toujours présent, il n'était plus nécessaire d'en faire d'application formelle. Ces paroles de Jérémie, chap. IIe 16. qui tiennent le milieu entre l'apologue et la similitude, et qui par conséquent participent de la nature des deux, nous font connaître avec quelle facilité l'apologue s'est réduit à une similitude. " Le Seigneur t'a appelé un olivier verd, beau et bon : il le mettra au feu avec grand bruit, et en brisera les branches ".

On peut ajouter que la similitude répond aux marques ou caractères de l'écriture chinoise ; et que comme ces marques ont produit la méthode abrégée des lettres alphabétiques, de même aussi pour rendre le discours plus coulant et plus élégant, la similitude a produit la métaphore, qui n'est autre chose qu'une similitude en petit ; car les hommes étant aussi habitués qu'ils le sont aux objets matériels, ont toujours eu besoin d'images sensibles pour communiquer leurs idées abstraites.

Les degrés par lesquels la similitude s'est réduite en métaphore, sont faciles à remarquer par une personne qui se donnera la peine de lire attentivement les écrits des prophetes. Rien n'y est plus ordinaire que le langage entremêlé de similitudes et de métaphores. A peine quittent - ils la similitude, qu'ils reprennent la métaphore. Voilà donc les vicissitudes du langage, l'apologie se réduisit à la similitude, la similitude fit naître la métaphore ; les orateurs les employèrent pour l'ornement de leurs discours, et finirent par en abuser. (D.J.)