Il n'y avait point de bourreau ou exécuteur en titre chez les Israélites ; Dieu avait commandé à ce peuple que les sentences de mort fussent exécutées par tout le peuple, ou par les accusateurs du condamné, ou par les parents de l'homicide, si la condamnation était pour homicide, ou par d'autres personnes semblables, selon les circonstances. Le prince donnait souvent à ceux qui étaient auprès de lui, et surtout aux jeunes gens, la commission d'aller mettre quelqu'un à mort, on en trouve nombre d'exemples dans l'Ecriture ; et loin qu'il y eut aucune infamie attachée à ces exécutions, chacun se faisait un mérite d'y avoir part.

Il y avait aussi chez les Juifs des gens appelés tortores, qui étaient établis pour faire subir aux criminels les tortures ou peines auxquelles ils étaient condamnés : quelquefois ils se servaient de certains satellites de leurs préfets, nommés spiculatores, parce qu'ils étaient armés d'une espèce de javelot ou pique ; mais il semble que l'on ne se servait de ceux-ci que lorsqu'il s'agissait de mettre à mort sur le champ, comme de couper la tête, et non pas lorsqu'il s'agissait de fouetter, ou faire souffrir autrement les criminels : c'est de-là que l'exécuteur de la haute justice est nommé parmi nous en latin tortor, spiculator : on l'appelle aussi carnifex.

Chez les Grecs cet office n'était point méprisé, puisqu'Aristote, liv. VI. de ses Politiques, chap. dernier, le met au nombre des magistrats. Il dit même que par rapport à sa nécessité, on doit le tenir pour un des principaux offices.

Les magistrats romains avaient des ministres ou satellites appelés lictores, licteurs, qui furent institués par Romulus, ou même, selon d'autres, par Janus ; ils marchaient devant les magistrats, portant des haches enveloppées dans des faisceaux de verges ou baguettes. Les consuls en avaient douze ; les proconsuls, préteurs et autres magistrats en avaient seulement six ; ils faisaient tout-à-la-fais l'office de sergent et de bourreau. Ils furent nommés licteurs, parce qu'ils liaient les pieds et les mains des criminels avant l'exécution ; ils déliaient leurs faisceaux de verges, soit pour fouetter les criminels, soit pour trancher la tête.

On se servait aussi quelquefois d'autres personnes pour les exécutions ; car Ciceron, dans la septième de ses Verrines, parle du portier de la prison, qui faisait l'office de bourreau pour exécuter les jugements du préteur ; aderat, dit-il, janitor carceris, carnifex praetoris, mors, terrorque sociorum, et civium lictor. On se servait même quelquefois du ministère des soldats pour l'exécution des criminels, non-seulement à l'armée, mais dans la ville même, sans que cela les déshonorât en aucune manière.

Adrien Beyer, qui était pensionnaire de Roterdam, fait voir dans un de ses ouvrages, dont l'extrait est au journal des Savants de 1703, p. 88. qu'anciennement les juges exécutaient souvent eux-mêmes les condamnés ; il en rapporte plusieurs exemples tirés de l'histoire sacrée et profane ; qu'en Espagne, en France, Italie et Allemagne, lorsque plusieurs étaient condamnés au supplice pour un même crime, on donnait la vie à celui qui voulait bien exécuter les autres ; qu'on voit encore au milieu de la ville de Gand deux statues d'airain d'un père et d'un fils convaincus d'un même crime, où le fils servit d'exécuteur à son père ; qu'en Allemagne, avant que cette fonction eut été érigée en titre d'office, le plus jeune de la communauté ou du corps de ville en était chargé ; qu'en Franconie c'était le nouveau marié ; qu'à Reutlingue, ville impériale de Suabe, c'était le conseiller dernier reçu ; et à Stedien, petite ville de Thuringe, celui des habitants qui était le dernier habitué dans le lieu.

On dit que Witolde, prince de Lithuanie, introduisit chez cette nation que le criminel condamné à mort eut à se défaire lui-même de sa main, trouvant étrange qu'un tiers, innocent de la faute, fût employé et chargé d'un homicide ; mais suivant l'opinion commune, on ne regarde point comme un homicide, ou du moins comme un crime, l'exécution à mort qui est faite par le bourreau, Ve qu'il ne fait qu'exécuter les ordres de la justice, et remplir un ministère nécessaire.

Puffendorf, en son traité du droit de la nature et des gens, met le bourreau au nombre de ceux que les lois de quelques pays excluent de la compagnie des honnêtes gens, ou qui ailleurs en sont exclus par la coutume et l'opinion commune ; et Beyer, que nous avons déjà cité, dit qu'en Allemagne la fonction de bourreau est communément jointe au métier d'écorcheur ; ce qui annonce qu'on la regarde comme quelque chose de très-bas.

Il y a lieu de croire que ce qu'il dit ne doit s'appliquer qu'à ceux qui font les exécutions dans les petites villes, et qui ne sont apparemment que des valets ou commis des exécuteurs en titre établis dans les grandes villes ; car il est notoire qu'en Allemagne ces sortes d'officiers ne sont point réputés infâmes, ainsi que plusieurs auteurs l'ont observé : quelques-uns prétendent même qu'en certains endroits d'Allemagne le bourreau acquiert le titre et les privilèges de noblesse, quand il a coupé un certain nombre de têtes, porté par la coutume du pays.

Quoi qu'il en soit de ce dernier usage, il est certain que le préjugé où l'on est en France et ailleurs à cet égard, est bien éloigné de la manière dont le bourreau est traité en Allemagne. Cette différence est surtout sensible à Strasbourg, où il y a deux exécuteurs, l'un pour la justice du pays, l'autre pour la justice du roi : le premier, qui est allemand, y est fort considéré : l'autre au contraire, qui est français, n'y est pas mieux accueilli que dans les autres villes de France.

Les gens de ce métier sont aussi en possession de remettre les os disloqués ou rompus, quoique le corps des Chirurgiens se soit souvent plaint de cette entreprise ; il est intervenu différentes sentences qui ont laissé le choix à ceux qui ont des membres disloqués ou démis, de se mettre entre les mains des Chirurgiens, ou en celles du bourreau pour les fractures ou luxations seulement, à l'exclusion de toutes autres opérations de Chirurgie : il en est de même en France dans la plupart des provinces.

Beyer dit encore que quelques auteurs ont mis au nombre des droits régaliens, celui d'accorder des provisions de l'office d'exécuteur. Il ajoute que ceux qui ont droit de justice, n'ont pas tous droit d'avoir un exécuteur, mais seulement ceux qui ont merum imperium, qu'on appelle droit de glaive ou justice de sang.

En France, le roi est le seul qui ait des exécuteurs de justice, lesquels sont la plupart en titre d'office ou par commission du roi. Ces offices, dit Loyseau, sont les seuls auxquels il n'y a aucun honneur attaché ; ce qu'il attribue à ce que cet office, quoique très-nécessaire, est contre nature. Cette fonction est même regardée comme infâme ; c'est pourquoi quand les lettres du bourreau sont scellées, on les jette sous la table.

Les seigneurs qui ont haute-justice, n'ont cependant point de bourreau, soit parce qu'ils ne peuvent créer de nouveaux offices, soit à cause de la difficulté qu'il y a de trouver des gens pour remplir cette fonction. Lorsqu'il y a quelqu'exécution à faire dans une justice seigneuriale, ou même dans une justice royale pour laquelle il n'y a pas d'exécuteur, on fait venir celui de la ville la plus voisine.

Barthole sur la loi 2. ff. de publicis judiciis, dit que si l'on manque de bourreau, le juge peut absoudre un criminel, à condition de faire cette fonction, soit pour un temps, soit pendant toute sa vie ; et dans ce dernier cas celui qui est condamné à faire cette fonction, est proprement servus poenae : il y en a un arrêt du parlement de Bordeaux, du 13 Avril 1674. Voyez la Peyrere, lett. E.

Si le juge veut contraindre quelqu'autre personne à remplir cette fonction, il ne le peut que difficilement. Gregorius Tolosanus dit, vix potest. Paris de Puteo, en son traité de syndico, au mot manivoltus, dit que si on prend pour cela un mendiant ou autre personne vile, il faut lui payer cinq écus pour son salaire, quinque aureos.

Il s'éleva en l'échiquier tenu à Rouen à la S. Michel 1312, une difficulté par rapport à ce qu'il n'y avait point d'exécuteur, ni personne qui en voulut faire les fonctions. Pierre de Hangest, qui pour lors était bailli de Rouen, prétendit que cela regardait les sergens de la vicomté de l'eau ; mais de leur part ils soutinrent avec fermeté qu'on ne pouvait exiger d'eux une pareille servitude ; que leurs prédécesseurs n'en avaient jamais été tenus, et qu'ils ne s'y assujettiraient point ; qu'ils étaient sergens du roi, et tenaient leurs sceaux de Sa Majesté ; que par leurs lettres il n'était point fait mention de pareille chose. Ce débat fut porté à l'échiquier, où présidait l'évêque d'Auxerre, où il fut décidé qu'ils n'étaient pas tenus de cette fonction ; mais que dans le cas où il ne se trouverait point d'exécuteur, ils seraient obligés d'en aller chercher un, quand bien même ils iraient au loin, et que ce serait aux dépens du roi, à l'effet de quoi le receveur du domaine de la vicomté de Rouen serait tenu de leur mettre entre les mains les deniers nécessaires.

Cependant un de mes confrères, parfaitement instruit des usages du parlement de Rouen, où il a fait longtemps la profession d'avocat, m'a assuré qu'on tient pour certain dans ce parlement, que le dernier des huissiers ou sergens du premier juge peut être contraint, lorsqu'il n'y a point de bourreau, d'en faire les fonctions. Comme ces cas arrivent rarement, on ne trouve pas aisément des autorités pour les appuyer.

En parcourant les comptes et ordinaires de la prévôté de Paris, rapportés par Sauval, on trouve que c'étaient communément des sergens à verge du châtelet qui faisaient l'office de tourmenteur juré du roi au châtelet de Paris. Ce mot tourmenteur venait du latin tortor, que l'on traduit souvent par le terme de bourreau. Ces tourmenteurs jurés faisaient en effet des fonctions qui avaient beaucoup de rapport avec celles du bourreau. C'étaient eux, par exemple, qui faisaient la dépense et les préparatifs nécessaires pour l'exécution de ceux qui étaient condamnés au feu ; ils fournissaient aussi les demi-lames ferrées ou on exposait les têtes coupées sur l'échafaud : enfin on voit qu'ils fournissaient un sac pour mettre le corps de ceux qui avaient été exécutés à mort, comme on voit par les comptes de 1439, 1441 et 1449.

Cependant il est constant que cet office de tourmenteur juré n'était point le même que celui de bourreau : ce tourmenteur était le même officier que l'on appelle présentement questionnaire.

Il est vrai que dans les justices où il n'y a point de questionnaire en titre, on fait souvent donner la question par le bourreau. On fait néanmoins une différence entre la question préparatoire et la question définitive ; la première ne doit pas être donnée par la main du bourreau, afin de ne pas imprimer une note d'infamie à celui qui n'est pas encore condamné à mort : c'est apparemment l'esprit de l'arrêt du 8 Mars 1624, rapporté par Basset, tome I. liv. VI. tit. XIIe ch. IIe qui jugea que la question préparatoire ne devait pas être donnée par le bourreau, mais par un sergent ou valet du concierge : il parait par-là qu'il n'y avait pas de questionnaire en titre.

Pour revenir au châtelet, les comptes dont on a déjà parlé justifient que les tourmenteurs jurés n'étaient pas les mêmes que le bourreau ; celui-ci est nommé maître de la haute justice du roi, en quelques endroits exécuteur de la haute justice et bourreau.

Ainsi dans un compte du domaine de 1417, on couche en dépense 45 s. parisis payés à Etienne le Bré, maître de la haute justice du roi notre sire, tant pour avoir fait les frais nécessaires pour faire bouillir trois faux monnoyeurs, que pour avoir ôté plusieurs chaînes étant aux poutres de la justice de Paris, et les avoir rapportées en son hôtel : c'était le langage du temps.

Dans un autre compte de 1425, on porte 20 sols payés à Jean Tiphaine, exécuteur de la haute justice, pour avoir dépendu et enterré des criminels qui étaient au gibet.

Le compte de 1446 fait mention que l'on paya à Jean Dumoulin, sergent à verge, qui était aussi tourmenteur juré, une somme pour acheter à ses dépens trois chaînes de fer pour attacher contre un arbre près du Bourg-la-Reine, et là pendre et étrangler trois larrons condamnés à mort. On croirait jusque-là que celui qui fit tous ces préparatifs, était le bourreau ; mais la suite de cet article fait connaître le contraire, car on ajoute : et pour une échelle neuve où lesdits trois larrons furent montés par le bourreau qui les exécuta et mit à mort, &c.

En effet, dans les comptes des années suivantes il est parlé plusieurs fois de l'exécuteur de la haute justice, lequel, dans un compte de 1472, est nommé maître des hautes-œuvres ; et l'on voit que le fils avait succédé à son père dans cet emploi : et en remontant au compte de 1465, on voit qu'il avait été fait une exécution à Corbeil.

On trouve encore dans le compte de 1478, que l'on paya à Pierre Philippe, maître des basses-œuvres, une somme pour avoir abattu l'échafaud du pilori, avoir rabattu les tuyaux où le sang coule audit échafaud, blanchi iceux et autres choses semblables, qui ont assez de rapport aux fonctions de l'exécuteur de la haute justice : ce qui pourrait d'abord faire croire que l'on a mis, par erreur, maître des basses-œuvres pour maître des hautes-œuvres ; mais tout bien examiné, il parait que l'on a en effet entendu parler du maître des basses-œuvres que l'on chargeait de ces réparations, sans-doute comme étant des ouvrages vils que personne ne voulait faire, à cause du rapport que cela avait aux fonctions du bourreau.

Du temps de saint Louis il y avait un bourreau femelle pour les femmes : c'est ce que l'on voit dans une ordonnance de ce prince contre les blasphémateurs, de l'année 1264, portant que celui qui aura mesfait ou mesdit, sera battu par la justice du lieu tout de verges en appert ; c'est à savoir li hommes par hommes, et la femme par seules femmes, sans présence d'hommes. Traité de la Pol. tome I. p. 546.

Un des droits de l'exécuteur de la haute justice, est d'avoir la dépouille du patient, ce qui ne s'est pourtant pas toujours observé par-tout de la même manière ; car en quelques endroits les sergens et archers avaient cette dépouille, comme il parait par une ordonnance du mois de Janvier 1304, rendue par le juge et courier de la justice séculière de Lyon, de l'ordre de l'archevêque de cette ville, qui défend aux bedeaux ou archers de dépouiller ceux qu'ils mettaient en prison, sauf au cas qu'ils fussent condamnés à mort, à ces archers d'avoir les habits de ceux qui auraient été exécutés.

L'exécuteur de la haute justice avait autrefois droit de prise, comme le roi et les seigneurs, c'est-à-dire de prendre chez les uns et les autres, dans les lieux où il se trouvait, les provisions qui lui étaient nécessaires, en payant néanmoins dans le temps du crédit qui avait lieu pour ces sortes de prises. Les lettres de Charles VI. du 5 Mars 1398, qui exemptent les habitants de Chailly et de Lay près Paris, du droit de prise, défendent à tous les maîtres de l'hôtel du roi, à tous ses fourriers, chevaucheurs (écuyers), à l'exécuteur de la haute justice, et à tous nos autres officiers, et à ceux de la reine, aux princes du sang, et autres qui avaient accoutumé d'user de prises, d'en faire aucunes sur lesdits habitants. L'exécuteur se trouve là, comme on voit, en bonne compagnie.

Il est encore d'usage en quelques endroits, que l'exécuteur perçoive gratuitement certains droits dans les marchés.

Un recueil d'ordonnances et style du châtelet de Paris, imprimé en 1530, gothique, fait mention que le bourreau avait à Paris des droits sur les fruits, verjus, raisins, noix, noisettes, foin, œufs et laine ; sur les marchands forains pendant deux mois ; un droit sur le passage du Petit-pont, sur les chasse-marées, sur chaque malade de S. Ladre, en la banlieue ; sur les gateaux de la veille de l'Epiphanie ; cinq sols de chaque pilorié ; sur les vendeurs de cresson, sur les pourceaux, marées, harengs : que sur les pourceaux qui couraient dans Paris, il prenait la tête ou cinq sols, excepté sur ceux de S. Antoine. Il prenait aussi des droits sur les balais, sur le poisson d'eau douce, chenevis, senevé ; et sur les justiciés tout ce qui est au-dessous de la ceinture, de quelque prix qu'il fût. Présentement la dépouille entière du patient lui appartient.

Sauval en ses antiquités de Paris, tome II. p. 457. titre des redevances singulières dû.s par les ecclésiastiques, dit que les religieux de S. Martin doivent tous les ans à l'exécuteur de la haute justice cinq pains et cinq bouteilles de vin, pour les exécutions qu'il fait sur leurs terres ; mais que le bruit qui court que ce jour-là ils le faisaient diner avec eux dans le refectoire, sur une petite table que l'on y voit, est un faux bruit.

Que les religieux de sainte Genevieve lui paient encore cinq sols tous les ans le jour de leur fête, à cause qu'il ne prend point le droit de havée, qui est une poignée de chaque denrée vendue sur leurs terres.

Que l'abbé de Saint-Germain-des-Prés lui donnait autrefois, le jour de S. Vincent patron de son abbaye, une tête de pourceau, et le faisait marcher le premier à la procession.

Que du temps que les religieux du Petit-Saint-Antoine nourrissaient dans leur porcherie près l'église des pourceaux qui couraient les rues, et que ceux qui en nourrissaient à Paris n'osaient les faire sortir, tout autant que le bourreau en rencontrait, il les menait à l'hôtel-Dieu, et la tête était pour lui, ou bien on lui donnait cinq sous ; que présentement il a encore quelques droits sur les denrées étalées aux halles et ailleurs les jours de marché.

Ces droits, dont parle Sauval, sont ce que l'on appelle communément havage, et ailleurs havée, havagium, havadium, vieux mot qui signifie le droit que l'on a de prendre sur les grains dans les marchés autant qu'on en peut prendre avec la main. Le bourreau de Paris avait un droit de havage dans les marchés, et à cause de l'infamie de son métier, on ne lui laissait prendre qu'avec une cuillere de fer-blanc, qui servait de mesure. Ses préposés qui percevaient ce droit dans les marchés, marquaient avec la craie sur le bras ceux et celles qui avaient payé ce droit, afin de les reconnaître : mais comme la perception de ce droit occasionnait dans les marchés de Paris beaucoup de rixe entre les préposés du bourreau et ceux qui ne voulaient pas payer ou se laisser marquer, il a été supprimé pour Paris depuis quelques années.

L'exécuteur de la haute-justice de Pontaise avait aussi le même droit ; mais par accommodement il appartient présentement à l'hôpital-général.

Il y a néanmoins encore plusieurs endroits dans le royaume où le bourreau perçait ce droit ; et dans les villes mêmes où il n'y a pas de bourreau, lorsque celui d'une ville voisine vient y faire quelque exécution, ce qui est ordinairement un jour de marché, il perçait sur les grains et autres denrées son droit de havage ou havée.

L'exécuteur ne se saisit de la personne du condamné qu'après avoir oui le prononcé du jugement de la condamnation.

Il n'est pas permis de le troubler dans ses fonctions, ni au peuple de l'insulter ; mais lorsqu'il manque à son devoir, on le punit selon la justice.

Sous Charles VII. en 1445, lors de la ligue des Armagnacs pour la maison d'Orléans contre les Bourguignons ; le bourreau était chef d'une troupe de brigands ; il vint offrir ses services au duc de Bourgogne, et eut l'insolence de lui toucher la main. M. Duclos, en son histoire de Louis XI. fait à cette occasion une réflexion, qui est que le crime rend presque égaux ceux qu'il associe.

Lorsque les fureurs de la ligue furent calmées, et que les affaires eurent repris leur cours ordinaire, le bourreau fut condamné à mort pour avoir pendu le célèbre président Brisson, par ordre des ligueurs, sans forme de procès.

Il n'est pas permis au bourreau de demeurer dans l'enceinte de la ville, à moins que ce ne soit dans la maison du pilori, où son logement lui est donné par ses provisions : comme il fut jugé par un arrêt du parlement du 31 Aout 1709.

Cayron, en son style du parlement de Toulouse, l. II. tit. IVe dit que l'exécuteur de la haute-justice doit mettre la main à tout ce qui dépend des excès qui sont capitalement punissables ; comme à la mort, fustigation et privation de membres, tortures, gehennes, amendes honorables, et bannissement en forme, la hart au cou ; car, dit-il, ce sont des morts civiles.

Cette notion qu'il donne des exécutions qui doivent être faites par la main du bourreau, n'est pas bien exacte ; le bourreau doit exécuter tous les jugements, soit contradictoires ou par contumace, qui condamnent à quelque peine, en portant mort naturelle ou civile, ou infamie de droit : ainsi c'est lui qui exécute tous les jugements emportant peine de mort ou mutilation de membres, marque et fustigation publique, amende honorable in figuris. Il exécute aussi le bannissement, soit hors du royaume, ou seulement d'une ville ou province, lorsque ce bannissement est précédé de quelque autre peine, comme du fouet, ainsi que cela est assez ordinaire ; auquel cas, après avoir conduit le criminel jusqu'à la porte de la ville, il lui donne un coup de pied au cul en signe d'expulsion.

Le bourreau n'assiste point aux amendes honorables qu'on appelle seches.

Ce n'est point lui non plus qui fait les exécutions sous la custode, c'est-à-dire dans la prison ; telles que la peine du carcan et du fouet, que l'on ordonne quelquefois pour de legers délits commis dans la prison, ou à l'égard d'enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge de puberté : ces exécutions se font ordinairement par le questionnaire, ou par quelqu'un des geoliers ou guichetiers.

Pour ce qui est de la question ou torture, voyez ce qui en a été dit ci-devant.

Enfin le bourreau exécute toutes les condamnations à mort, rendues par le prévôt de l'armée ; il exécute aussi les jugements à mort, ou autre peine afflictive, rendus par le conseil de guerre, à l'exception de ceux qu'il condamne à être passés par les armes, ou par les baguettes. (A)

EXECUTEUR DE L'INDULT, (Jurisprudence) Voyez INDULT.

EXECUTEUR TESTAMENTAIRE, est celui que le défunt a nommé, par son testament ou codicille, pour exécuter ce testament ou codicille, et autres dispositions de dernière volonté.

Il n'était pas d'usage chez les Romains de nommer des exécuteurs testamentaires, les lois romaines croyaient avoir suffisamment pourvu à l'exécution des testaments, en permettant aux héritiers de prendre possession, et accordant diverses actions aux légataires et fidei-commissaires, et en privant de l'hérédité les héritiers qui seraient refractaires aux volontés du défunt.

Dans les pays coutumiers, où les dispositions universelles ne sont toutes que des legs sujets à délivrance, on a introduit l'usage des exécuteurs testamentaires, pour tenir la main à l'éxécution des dernières volontés du défunt ; il n'y a presque point de coutume qui ne contienne quelque disposition sur cette matière.

Toutes personnes peuvent être nommées exécuteurs testamentaires, sans distinction d'âge, de sexe, ni de condition : ainsi les Mineurs adultes et capables d'affaires, les fils de famille, les femmes même en puissance de mari, peuvent être nommés pour une exécution testamentaire.

Il y a des exécuteurs testamentaires honoraires, c'est-à-dire qui ne sont chargés que de veiller à l'exécution du testament, et non pas de l'exécuter eux-mêmes ; et dans ce cas ceux qui sont chargés de l'exécution effective, peuvent être appelés exécuteurs testamentaires onéraires, pour les distinguer des premiers qui ne sont point comptables.

Quoique les exécuteurs testamentaires soient ordinairement nommés par testament ou codicille, on distingue encore deux autres sortes d'exécuteurs testamentaires, les uns qu'on appelle légitimes, et d'autres datifs.

Le légitime est celui auquel la loi donne le pouvoir de tenir la main à l'exécution de certaines dispositions, tel que l'évêque ou son économe, et au défaut de l'évêque le métropolitain, pour procurer le payement des legs pieux en faveur des captifs, et pour la nourriture et entretien des pauvres, suivant les lois 28 et 49. cod. de episc. et la novelle 131. c. XIe

L'exécuteur testamentaire datif est celui que le juge nomme lorsque le cas le requiert ; comme on voit en la loi 3. ff. de alimentis, où il est dit que le juge peut charger un d'entre les héritiers, de fournir seul les aliments légués.

Les lois romaines ne donnent point à l'évêque l'exécution des autres dispositions à cause de mort, pas même des autres legs pieux ; il peut seulement procurer l'exécution des dispositions pieuses, lorsque l'exécuteur testamentaire néglige de le faire.

Le droit canon Ve beaucoup plus loin, car il autorise l'évêque à s'entremettre de l'exécution de tous les legs pieux, soit lorsqu'il n'y a pas d'exécuteur testamentaire, ou que celui qui est nommé néglige de faire exécuter les dispositions pieuses.

C'est sur ce fondement que quelques interpretes de droit ont décidé, que les juges d'Eglise peuvent connaître de l'exécution des testaments ; ce qui a même été adopté dans quelques coutumes : mais cela a été réformé par l'ordonnance de 1539, qui réduit les juges d'église aux causes spirituelles et ecclésiastiques ; et les évêques ne sont point admis en France à s'entremettre de l'exécution des legs pieux.

La charge ou commission d'exécuteur testamentaire n'est qu'un simple mandat, sujet aux mêmes règles que les autres mandats, excepté que celui-ci au lieu de prendre fin par la mort du mandant, qui est le testateur, ne commence au contraire qu'après sa mort.

L'exécuteur testamentaire nommé par testament ou codicille, n'a pas besoin d'être confirmé par le juge ; le pouvoir qu'il tient du testateur et de la loi ou coutume du lieu, lui suffit. Il ne peut pas non plus dans sa fonction excéder le pouvoir que l'un et l'autre lui donnent.

La fonction d'exécuteur testamentaire étant une charge privée, il est libre à celui qui est nommé de la refuser, sans qu'il ait besoin pour cela d'aucune excuse ; et en cas de refus, il ne perd pas pour cela le legs qui lui est fait, à moins qu'il ne paraisse fait en considération de l'exécution testamentaire ; de sorte que s'il accepte ce legs, il ne peut plus refuser la fonction dont il est le prix.

Il ne peut plus aussi se démettre de cette charge, lorsqu'il l'a acceptée, à moins qu'il ne survienne quelque cause nouvelle.

Il doit apporter dans sa commission toute l'attention qui dépend de lui, et par conséquent il est responsable de son dol et de ce qui arriverait par sa faute et par sa négligence, sans néanmoins qu'il soit tenu des fautes legeres.

Un exécuteur testamentaire qui ne serait chargé que de procurer l'exécution de quelque disposition sans avoir aucun maniement des deniers, comme cela se voit souvent en pays de Droit écrit, n'est pas obligé de faire inventaire, ni de faire aucune autre diligence que ce qui concerne sa commission.

Au contraire, en pays coutumier où il est saisi de certains biens du défunt, il doit aussi-tôt qu'il a connaissance du testament, faire procéder à l'inventaire, les héritiers présomptifs présents, ou dû.ent appelés ; et en cas d'absence de l'un d'eux, il doit y appeler le procureur du roi ou de la justice du lieu.

Dans quelques coutumes, l'exécuteur testamentaire n'est saisi que des meubles et effets mobiliers, comme à Paris ; dans d'autres, comme Berri et Bourbonnais : ils sont saisis des meubles et conquêts.

D'autres coutumes encore restraignent de diverses manières le maniement que doit avoir l'exécuteur testamentaire.

Le testateur peut pareillement le restraindre, comme bon lui semble, par son testament ou codicille.

Il est aussi du devoir de l'exécuteur testamentaire en pays coutumier, de faire vendre les meubles par autorité de justice, de faire le recouvrement des dettes actives et des deniers qui proviennent tant des meubles que des dettes actives, et du revenu des immeubles, qu'il a droit de toucher, dans certaines coutumes, pendant l'année de son exécution testamentaire. Il doit acquitter d'abord les dettes passives et mobiliaires, ensuite les legs.

Si les deniers dont on vient de parler ne suffisent pas pour acquitter les dettes et les dispositions du testateur, l'exécuteur testamentaire peut vendre des immeubles jusqu'à dû. concurrence, ainsi que le décident plusieurs coutumes ; en le faisant néanmoins ordonner avec les héritiers, faute par eux de fournir des deniers suffisans pour acquitter les dettes mobiliaires et legs.

Le pouvoir que l'exécuteur testamentaire tient du défunt ou de la loi, lui est personnel ; de sorte qu'il ne peut le communiquer ni le transférer à un autre. Ce pouvoir finit par la mort de l'exécuteur testamentaire, quand elle arriverait avant que sa commission soit finie. Il n'est point d'usage d'en faire nommer un autre à sa place ; c'est à l'héritier à achever ce qui reste à faire.

Lorsque le défunt a nommé plusieurs exécuteurs testamentaires, ils ont tous un pouvoir égal, et doivent agir conjointement ; néanmoins en cas que l'un d'eux soit absent hors du pays, l'autre peut valablement agir seul.

Pendant l'année que dure la commission de l'exécuteur testamentaire, les légataires des choses ou sommes mobiliaires, peuvent intenter action contre lui pour avoir payement de leur legs, pourvu que la délivrance en soit ordonnée avec l'héritier. Il peut aussi retenir par ses mains le legs mobilier qui lui est fait.

Il ne peut point demander de salaire, quand même il n'aurait point de legs, le mandat étant de sa nature gratuit.

Après l'année révolue, l'exécuteur testamentaire doit rendre compte de sa gestion, à moins que le testateur ne l'en eut dispensé formellement.

S'il y a plusieurs exécuteurs testamentaires, ils doivent tous rendre compte conjointement, sans néanmoins qu'ils soient tenus solidairement du reliquat, mais seulement chacun personnellement pour leur part et portion. Le compte peut être rendu à l'amiable, ou devant des arbitres ; ou si les parties ne s'arrangent pas ainsi, l'exécuteur testamentaire peut être poursuivi par justice.

Les coutumes et les anciennes ordonnances ne sont pas d'accord entr'elles sur le juge devant lequel en ce cas doit être rendu ce compte ; les unes veulent que ce soit le juge royal ; d'autres admettent la concurrence et la prévention entre les juges royaux et ceux des seigneurs ; quelques coutumes en donnent la connaissance au juge d'église, soit exclusivement, ou par prévention.

Présentement les juges d'église ne connaissent plus de ces matières ; et suivant l'ordonnance de 1667, le comptable doit être poursuivi devant le juge qui l'a commis, ou s'il n'a pas été nommé par justice, devant le juge de son domicile.

L'exécuteur testamentaire doit porter en recette tout ce qu'il a reçu ou dû recevoir, sauf la reprise de ce qu'il n'a pas reçu ; il peut porter en dépense tout ce qu'il a dépensé de bonne-foi ; il en est même cru à son serment, pour les menues dépenses dont on ne peut pas tirer de quittance ; il peut aussi y employer les frais du compte, attendu que c'est à lui à les avancer.

S'il y a un reliquat dû par l'exécuteur testamentaire, ou par les héritiers, les intérêts en sont dû., à compter de la clôture du compte ; s'il est arrêté à l'amiable, ou si le compte est rendu en justice, à compter de la demande.

Quand l'exécuteur testamentaire est nommé par justice, ou qu'il accepte la commission par un acte authentique, il y a de ce jour hypothèque sur ses biens ; hors ces cas, l'hypothèque n'est acquise contre lui que du jour des condamnations. Il en est de même de l'hypothèque qu'il peut avoir sur les biens de la succession. Voyez les lois civiles, tit. des testam. Ricard, des donat. part. II. c. j. et s. les arrêtés de M. de Lamoignon ; et Furgoles, tr. des testam. t. IV. com. Xe sect. 14. (A)