Les premiers principes peuvent être envisagés ou du côté des vérités internes, ou du côté des vérités externes. Considérés sous le premier rapport, ils ne nous mènent qu'à une science purement idéale, et par conséquent ils sont peu propres à éclairer notre esprit. Voyez AXIOMES, où nous prouvons combien ils ont peu d'influence pour étendre nos connaissances. Considérés sous le second rapport, ils nous conduisent à la connaissance de plusieurs objets qui ont une existence indépendante de nos pensées.

Les premiers principes ont des marques caractéristiques et déterminées, auxquelles on peut toujours les connaître.

Le premier de ces caractères est, qu'ils soyent si clairs, qu'on ne puisse les prouver par des vérités antérieures et plus claires.

2°. D'être si universellement reçus parmi les hommes en tout temps, en tous lieux, et par toutes sortes d'esprits, que ceux qui les attaquent se trouvent dans le genre humain être manifestement moins d'un contre cent, ou même contre mille.

3°. D'être si fortement imprimés dans nous, que nous y conformions notre conduite, malgré les raffinements de ceux qui imaginent des opinions contraires ; et qui eux-mêmes agissent conformément, non à leurs opinions imaginées, mais aux premiers principes, qu'un certain air de singularité leur fait fronder. Il ne faut jamais séparer ces trois caractères réunis ; ils forment une conviction si pleine, si intime et si forte, qu'il est impossible de balancer un instant à se rendre à leur persuasion.

Les premiers principes ont leur source ou dans le sentiment de notre propre existence, et de ce que nous éprouvons en nous-mêmes, ou dans la règle du sens commun. Toute connaissance qui se tire du sentiment intime, ou qui est marquée au sceau du bon sens, peut incontestablement être regardée comme un premier principe. Voyez SENTIMENT INTIME et SENS COMMUN.

Mais s'il y a plusieurs premiers principes, comment accorder cela avec le premier principe de connaissance philosophique, dont on parle si fort dans les écoles ? Pour résoudre cette question, il est nécessaire de connaître ce que les Philosophes entendent par le premier principe de connaissance. Et pour le bien comprendre, il faut observer qu'il y a deux sortes de connaissances, les unes philosophiques et les autres populaires. Les connaissances populaires se bornent à connaître une chose, et à s'en assurer ; au lieu que les connaissances philosophiques, outre la certitude des choses qu'elles renferment, s'étendent encore jusqu'aux raisons pour quoi les choses sont certaines. Un homme qui ignore la philosophie, peut bien, à la vérité, s'instruire par l'expérience de beaucoup de choses possibles ; mais il ne saurait rendre raison de leur possibilité. L'expérience nous dit bien qu'il peut pleuvoir ; mais ne nous dit point pourquoi il pleut, ni comment il pleut.

Ces choses supposées, quand on demande s'il y a un premier principe de connaissance philosophique, c'est comme si l'on demandait s'il y a un principe qui puisse rendre raison de toutes les vérités qu'on connait. Ce premier principe peut être considéré de deux manières différentes, ou comme principe qui prouve, ou comme principe qui détermine à croire. Il est évident qu'il n'y a point de premier principe qui prouve, c'est-à-dire, qui serve de moyen pour connaître toutes les vérités ; puisqu'il n'y en a point, quelque fécond qu'il soit en conséquences, qui, dans sa fécondité prétendue, n'ait des bornes très-étroites, par rapport à cette foule de conclusions, à cet enchainement de vérités qui forment les systèmes avoués de la raison. Le sens de la question est donc de savoir, s'il y a en philosophie un premier principe qui détermine à croire, et auquel on puisse ramener toutes les vérités naturelles, comme il y en a un en théologie. Ce premier principe, qui sert de base à toute la théologie est celui-ci, tout ce que Dieu a révélé est très-certain. Il serait également aisé d'assigner le premier principe de connaissance philosophique, si les philosophes, contens des difficultés que leur fournit la nature des choses, n'avaient pas pris plaisir à s'en faire où il n'y en a point, et à obscurcir par leurs subtilités, ce qui est si clair de soi-même. Ils sont aussi embarrassés à trouver ce principe, qu'à lui assigner les marques auxquelles on doit le reconnaître.

Les uns font cet honneur à cette fameuse proposition, si connue dans les écoles, il est impossible qu'une chose soit et ne soit pas en même temps.

Quelques autres veulent que Descartes ait posé pour premier principe cette proposition, je pense, donc je suis.

Il y en a d'autres qui citent ce principe, Dieu ne peut nous tromper ni être trompé. Plusieurs se déclarent pour l'évidence, mais ils n'expliquent point ce que c'est que cette évidence.

On exige ordinairement pour le premier principe de la philosophie trois conditions. La première, qu'il soit très-vrai, comme s'il pouvait y avoir des choses plus ou moins vraies : la seconde, qu'il soit la plus connue de toutes les propositions, comme si ce qui se connait par la réflexion qu'on fait sur des idées, était toujours ce qu'il y a de plus connu : la troisième, qu'il prouve toutes les autres vérités, comme si ce principe universel pouvait exister. Il est plus conforme à la raison de n'exiger que ces deux conditions ; savoir, 1°. qu'il soit vrai ; 2°. qu'il soit la dernière raison qu'on puisse alléguer à un homme, qui vous demanderait pourquoi vous êtes certain philosophiquement de la vérité absolue et relative des êtres. J'entends par la vérité absolue des êtres ce qu'ils sont en eux-mêmes ; et par la vérité relative, ce qu'ils sont par rapport à nous, je veux dire, la manière dont ils nous affectent.

Ces deux conditions sont comme la pierre de touche, par le moyen de laquelle on peut connaître quel est le premier principe de toutes les connaissances philosophiques. Il est évident qu'il n'y a que cette proposition : on peut assurer d'une chose tout ce que l'esprit découvre dans l'idée claire qui la représente, qui puisse soutenir cette épreuve ; puisque la dernière raison que vous puissiez alléguer à un homme qui vous demanderait pourquoi vous êtes certain philosophiquement de la vérité tant absolue que relative des êtres, est celle-ci, la chose est telle, parce que je le conçais ainsi.

Descartes n'a jamais cru, comme quelques-uns lui imputent, que cet enthymême, je pense, donc je suis, fût le premier principe de toute connaissance philosophique. Il a seulement enseigné que c'était la première vérité qui se présentait à l'esprit, et qui le pénétrât de son évidence. Ecoutons-le s'expliquer lui-même. " Je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraye et certaine : car puisque je venais d'en trouver une que je savais être telle, je pensai que je devais savoir aussi en quoi consiste cette certitude ; et ayant remarqué qu'il n'y a rien du tout en ceci, je pense, donc je suis, qui m'assure que je dis la vérité, sinon que je vois très-clairement que pour penser il faut être ; je jugeai que je pouvais prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement, sont toutes vraies ". Or de ce que Descartes a enseigné que cette proposition, je pense, donc je suis, était la première qui s'emparât de l'esprit lorsqu'il voulait mettre de l'ordre dans ses connaissances, il s'ensuit qu'il ne l'a jamais regardée comme le premier principe de toute connaissance philosophique ; puisque ce principe ne vient que de la réflexion qu'on fait sur cette première proposition. Aussi, dit-il, qu'il n'est assuré de la vérité de cette proposition, je pense, donc je suis, que parce qu'il voit très-clairement que pour penser il faut être ; aussi prend-il pour règle générale de toutes les vérités cette proposition, on peut assurer d'une chose tout ce que l'esprit découvre dans l'idée claire qui la représente ; ou celle-ci qui revient au même, tout ce que l'on connait est très-certain.

Il faut observer que le premier principe de connaissance philosophique ne nous rend pas précisément certains de la vérité des premiers principes, ils portent tous avec eux leur certitude, et rien n'est plus connu qu'eux. Peut-il y avoir un principe plus clair, plus plausible, plus immédiat, plus intime à l'esprit que le sentiment intime de notre existence dont nous sommes pénétrés ? Le premier principe se réduit donc seulement à nous rendre raison, pourquoi nous sommes certains de la vérité des premiers principes.

PRINCIPE, s. m. (Physique) on appelle principe d'un corps naturel, ce qui contribue à l'essence d'un corps, ou ce qui le constitue primitivement. Voyez CORPS.

Pour avoir une idée d'un principe naturel, il faut considérer un corps dans ses différents états ; un charbon, par exemple, était une petite pièce de bois ; par conséquent le morceau de bois contient le principe du charbon, etc. Chambers.

PRINCIPES, (Chimie) la manière dont les Chimistes conçoivent et considèrent la composition des sujets chimiques, est exposée dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, et principalement dans l'article CHYMIE, et dans l'article MIXTION. Les divers matériaux dont ces corps sont composés, sont leurs principes chymiques : c'est ainsi que le savon étant formé par l'union chymique de l'huîle et de l'alkali fixe, l'huîle et l'alkali fixe sont les principes du savon.

Mais comme l'huîle et l'alkali fixe sont eux-mêmes des corps composés ; que l'huîle grasse employée à la préparation du savon vulgaire, par exemple, est formée par l'union de l'huîle primitive, (voyez HUILE) et d'une substance mucilagineuse ; que chacune de ces nouvelles substances est composée encore ; l'huîle primitive, par exemple, d'acide, de phlogistique, et d'eau, et que cet acide l'est à son tour de terre et d'eau : on peut absolument diviser sous cet aspect les principes des mixtes en principes immédiats ou prochains, et en principes éloignés. Cette manière d'envisager cet objet n'est pourtant point exacte : car les principes dont les matériaux immédiats d'un certain corps sont formés, n'appartiennent pas proprement à ce corps ; les matériaux de ce corps, soit après, soit avant leur séparation, sont des substances distinctes, dont la connaissance ultérieure peut bien importer à la connaissance très-intime du premier corps, mais n'entre point dans l'idée de sa composition. Au reste, si cette observation est utîle pour fixer la meilleure manière de concevoir la composition des corps chymiques ; elle est bien plus essentielle encore lorsqu'on l'applique à la pratique, qu'on l'emploie à éclairer la marche régulière de l'analyse : car une analyse ne peut être exacte qu'autant qu'elle attaque successivement les divers ordres de composition, qu'elle sépare le savon premièrement en huile, et en alkali fixe ; qu'elle prend ensuite l'huîle d'un côté, et l'alkali de l'autre ; qu'elle procede sur chacun de ces principes séparément, jusqu'à ce qu'elle soit parvenue à des corps inaltérables, ou qui sont suffisamment connus : car une analyse est complete dès qu'on est parvenu aux principes suffisamment connus, soit absolument, soit relativement au dessein actuel de l'analyste. Ainsi l'analyse du savon serait achevée dès qu'il serait résout en huîle et en alkali fixe, pour quiconque connaitrait d'ailleurs l'huîle et l'alkali fixe ; on n'aurait pas besoin, relativement à sa recherche présente, d'en déterminer la nature chymique, la composition intérieure. Au contraire, le vice capital de l'analyse chymique, c'est de procéder tumultueusement, d'attaquer pêle-mêle, et tout-d'un-coup, les ordres de principes les plus éloignés ; de décomposer en même temps, dans l'exemple proposé, et l'acide de l'huile, et les principes du même ordre de l'alkali fixe, etc. Cette doctrine est exposée à propos de l'analyse des végétaux à l'article VEGETAL, (Chimie) Voyez cet article.

Lorsqu'on a admis une fois cette meilleure manière d'envisager les composés chymiques, et de procéder à leur décomposition, toutes les discussions qui ont divisé les Chymistes sur la doctrine des principes, et dans lesquelles les Physiciens ont aussi balbutié ; toutes ces discussions, dis-je, tombent d'elles-mêmes ; car elles sont toutes nées de la manière vicieuse de concevoir et d'opérer, qui lui est opposée.

Premièrement, c'est parce que la distillation analytique qu'on employa seule pendant longtemps à la décomposition des corps très-composés, savoir les végétaux et les animaux, fournit un petit nombre de principes toujours les mêmes, et dont on ne pouvait ou ne savait point reconnaître l'origine, qu'on agita ces problèmes si mal discutés des deux parts ; savoir, si ces produits étaient des principes hypostatiques, ou préexistants dans le mixte, ou bien des créatures du feu ; savoir, s'ils étaient des principes principiants ou principiés, c'est-à-dire des corps simples, les vrais éléments, ou des substances composées ; savoir, s'il y avait trois principes seulement, ou bien cinq, ou bien un seul ; savoir, si tous les mixtes contenaient tous les principes, etc. Encore un coup, toutes ces questions sont aiseuses, dès qu'elles sont fournies par une méthode qu'il faut abandonner. Il faut savoir pourtant sur toute cette fameuse doctrine des trois et des cinq principes, que Paracelse répandit principalement le dogme, que tous les corps naturels sont formés de trois principes, sel, soufre, et mercure, dogme qu'il avait pris de Basîle Valentin, ou de Hollandus, et qui n'avait été appliqué d'abord qu'aux substances métalliques ; comme le dogme des trois terres de Becher, qui ne sont proprement que ces trois principes sous d'autres noms (Voyez TERRES DE BECHER), que Paracelse, et les Paracelsistes varièrent, retournèrent, forcèrent, détournèrent singulièrement l'application de ces différents noms aux divers produits de l'analyse des végétaux, et des animaux ; qu'enfin, Willis rendit cette doctrine plus simple, plus soutenable, en ajoutant aux trois principes, au ternaire paracelsique, deux nouveaux principes, le phlegme, ou eau, et la terre, qui s'appela quelquefois damnée, ou caput mortuum, (Voyez CAPUT MORTUUM ) ; que la plus grande puérilité dans laquelle soyent tombés les demi-chymistes, ou les physiciens, qui ont combattu cette doctrine véritablement misérable en soi, c'est d'avoir appliqué bonnement ce nom de mercure ou de soufre, au mercure commun, et au soufre commun ; car quoique la substance désignée par ces expressions, et surtout par ce mot mercure, (voyez MERCURE principe) soit très-indéfinie chez les Paracelsistes, il est clair au-moins qu'il ne s'agit point du mercure commun, et beaucoup moins encore du soufre commun. Il est même très-connu, que le soufre retiré par l'analyse à la violence du feu, des végétaux et des animaux, est de l'huile. Ainsi Boyle aurait dû au-moins produire de l'huile, et non pas du soufre vulgaire, pour objecter légitimement aux Chymistes la producibilité de ce principe chymique. Enfin, il est reconnu généralement aujourd'hui que la plupart de ces produits de l'analyse à la violence du feu, ne sont pas les principes hypostatiques, ou formellement préexistants des végétaux et des animaux d'où on les retire ; mais que les Chymistes très-versés dans la connaissance des principes réels, et préexistants dans ces corps, que l'analyse menstruelle découvre très-évidemment, et dans celle de l'action réciproque de tous ces principes ; ces Chymistes, dis-je, connaissent très-bien l'origine de tous ces divers produits ; ils savent quels d'entr'eux proviennent du premier ordre de composition, où étaient principes véritablement immédiats, hypostatiques, constituans ; quels autres sont des débris de tel ou de tel principe immédiat ; quels autres sont dû. à des combinaisons nouvelles, etc. et que cette théorie très transcendante, et qui jusqu'à présent n'a pas été publiée, est une de ces subtilités de pure spéculation, et de l'ordre des problèmes très-compliqués sur les objets scientifiques de tous les genres, qui n'ont d'autre mérite que celui de la difficulté vaincue. J'ai cité dans un mémoire sur l'analyse des végétaux, (Mémoires présentés à l'académie royale des Sciences, par divers savants, etc. vol. II.) comme un exemple de ces théories chymiques très-compliquées, celle de la préparation du sublimé corrosif à la manière d'Hollande, et celle que Mender a donnée de la préparation du régule d'antimoine par les sels. La théorie dont il s'agit ici, est encore d'un ordre bien supérieur. Au reste, j'observerai sur ces trois théories si merveilleuses, qui demandent beaucoup de connaissances et de sagacité, qu'elles ont toutes les trois pour objet des opérations vicieuses, ou du-moins imparfaites et mal entendues ; d'où on est porté à inférer qu'en chimie, vraisemblablement comme par-tout ailleurs, les manœuvres les plus compliquées sont toujours les plus mauvaises, et cela tout aussi-bien quand on entend leur théorie, que quand on ne l'entend pas.

Mais il y a une question plus importante sur les principes chymiques : nous avons dit plus haut que l'analyse ou décomposition des corps parvenait enfin quelquefois jusqu'à des principes inaltérables, dumoins que l'art ne savait point simplifier ultérieurement, et dont on n'observait aucune altération dans la nature. Les Chymistes appellent ces corps premiers principes ou éléments : ces éléments de chymistes sont donc des substances indestructibles, incommutables, persistant constamment dans leur essence quelques mixtions qu'elles subissent, et par quelque moyen qu'on les dégage de ces mixtions.

Cette question importante roule sur ces premiers principes, savoir s'il y a plusieurs corps qui soyent véritablement et essentiellement élémentaires, ou s'il n'y a qu'une matière unique ou homogène qui constitue par ses diverses modifications tous les corps, même réputés les plus simples.

L'observation bien résumée, ou le système de tous les faits chymiques démontre qu'une pareille matière est un pur concept, un être abstrait, que non-seulement on admet gratuitement et inutilement, mais même dont la supposition a jeté dans des erreurs manifestes tous les philosophes qui l'ont défendue, parce qu'ils ont attribué aux corps dépouillés de leurs qualités réelles par cette abstraction, des propriétés qu'ils ne peuvent avoir qu'à raison de ces qualités. C'est de cette source, par exemple, qu'a coulé l'erreur des Physiciens sur les prétendues lois de la cohésion observée entre les différents corps, c'est-à-dire, entre diverses portions de matière déjà spécifiée, les corps ou la matière, ont-ils dit, sont cohérents en raison de la proximité de leurs parties : mais nul corps de la nature n'est de la matière proprement dite, et par conséquent nul exercice des lois de la cohésion entre diverses portions de matière ; les sujets soumis à ces lois sont toujours ou de l'eau ou de l'air, ou un métal, ou de l'huile, etc. Or la façon de l'être qui spécifie chacun de ces corps, diversifiant essentiellement et manifestement leur cohésibilité réciproque, il est clair que la contemplation des lois d'adhésion, qui devraient être absolument uniformes entre les portions d'une matière homogène, ne peut être qu'abstraite, et que lorsque l'esprit l'applique à des sujets qui existent réellement et hors de lui, prend nécessairement sa chimère pour la réalité. Cette considération est vraiment essentielle et fondamentale dans la doctrine chymique, qui ne connait d'abstractions que les vérités composées ou générales, et qui dans l'estimation des faits singuliers, n'établit jamais ses dogmes que d'après l'observation.

Les chymistes modernes ont admis assez généralement pour leurs principes premiers et inaltérables, les quatre éléments des Péripatéticiens ; le feu qu'ils appellent phlogistique avec les Stahliens, l'air, l'eau, et la terre. Mais cette énumération est incomplete et inexacte, en ce qu'il y a plusieurs espèces de terre véritablement inaltérables et incommutables, et qui seront par conséquent pour eux autant de premiers principes, tant qu'ils n'auront pas su simplifier ces espèces de terre jusqu'au point de parvenir à un principe terreux, unique et commun.

Il est très-vraisemblable pourtant que cette vraie terre primitive réellement simple existe, et que l'une des quatre terres connues, savoir, la vitrifiable, l'argileuse, la calcaire, et la gypseuse ; que l'une de ces quatre terres, dis-je, est la terre primitive, mais sans qu'on sache laquelle, et quoiqu'il puisse bien être aussi que pas une des quatre ne soit simple.

Si les deux métaux parfaits, l'or et l'argent, sont véritablement indestructibles, on n'est en droit de leur refuser la simplicité, que parce qu'il est très-probable qu'ils sont formés des mêmes principes que les autres substances métalliques, dont ils ne diffèrent que par l'union plus intime de ces principes.

Bien loin que l'esprit se prête difficilement à concevoir plusieurs principes primitifs essentiellement divers et incommutables, ou, ce qui est la même chose, plusieurs matières primitivement et essentiellement diverses ; il me semble au contraire qu'il s'accommode mieux de cette pluralité de matières, et que la magnificence de la nature que cette opinion suppose, vaut bien la noble simplicité qui peut faire pancher vers le sentiment opposé. Je trouve même très-probable que les corps composés des autres mondes, et même des autres planètes de celui-ci, aient non-seulement des formes diverses, mais même qu'ils soyent composés d'éléments divers ; qu'il n'y ait, par exemple, dans la lune ni terre argilleuse, ni terre vitrifiable, ni peut-être aucune matière douée des propriétés très-communes de nos terres ; qu'il y ait au lieu de cela un élément qu'on peut appeler si l'on veut, lune, etc. ce n'est que le feu qui me parait être très-vraisemblablement un élément universel.

Parmi les systèmes philosophiques, tant anciens que modernes, qui ont admis un principe unique et primitif de tous les êtres, le plus ancien et celui qui mérite le plus d'attention, est celui que Thalès a publié ou plutôt renouvellé, que van Helmont a soutenu et prétendu prouver par des expériences, et qui admet l'eau pour ce principe premier et commun. Mais, malgré les expériences postérieures de Boyle et de M. Duhamel, rapportées au commencement de l'article EAU, Chimie, (voyez cet article) les chymistes modernes ont appris à ne plus conclure de ces expériences, que l'eau se change en terre, en air, et autres principes éloignés des végétaux. (b)