Les anciens habitants de ce pays portaient le nom de Belges, et possédaient outre cette province, celles de Wight et de Southampton. Plusieurs seigneurs y ont leurs terres, et de belles maisons de campagne ; mais ce qui fait surtout la gloire de cette belle province, ce sont les illustres gens de lettres qu'elle a produits : il faut nommer ici les principaux.

Beckington (Thomas), est le premier dans cette province qui se soit distingué dans les lettres. Il fit ses études à Oxford, dans le collège neuf dont il était membre en 1408, et dont il fut dans la suite le bienfaiteur. Il devint évêque de Bath et Wells, et favorisa si généreusement les sciences, qu'il en a été regardé comme le plus grand protecteur dans son siècle. Il publia un ouvrage latin : de jure regum anglorum ad regnum Franciae. On disputait alors fort vivement sur cette matière, et Beckington tâcha de prouver dans son livre, la nullité de la loi salique, et le droit héréditaire des rois d'Angleterre à la couronne de France. Il mourut en 1464.

Bond (Jean), se montra un critique utîle pour la jeunesse, par ses notes sur Perse et sur Horace, qui sont toujours fort estimées à cause de leur briéveté ; on y remarque pourtant des obmissions considérables, particulièrement touchant les points historiques et philosophiques, qui sont absolument nécessaires pour l'intelligence des auteurs. Bond mourut recteur de l'école publique de Taunton en 1612, âgé de 62 ans.

Bennet (Christophle), né en 1614, s'attacha à la Médecine, et se rendit fameux dans sa pratique et par ses écrits. Son ouvrage intitulé : theatri tabidorum vestibulum, etc. Londres 1654 in -8°. est un ouvrage admirable. L'auteur mourut en 1655, âgé de 41 ans, de la maladie même sur laquelle il a fait un chef-d'œuvre.

Charleton (Gautier), autre médecin célèbre, naquit en 1619 ; après avoir longtemps pratiqué à Londres, se retira en 1691 dans l'île de Jersey où il mourut fort âgé. Il a publié un grand nombre d'ouvrages. Les principaux sont : 1°. Oeconomia animalis, Londres 1658, Amsterdam 1659, Leyde 1678, la Haye 1681 in -12. 2°. Exercitationes physico-anatomicae, de Oeconomiâ animali, Londres 1659 in -8°. réimprimées depuis plusieurs fois au-delà la mer : 3°. les Femmes éphésiennes et cimmériennes, ou deux exemples remarquables de la puissance de l'amour, et de la force de l'esprit, Londres 1653 in -8°. 4°. Exercitationes pathologicae, Londres 1660 in -4°. 5°. Onomasticon zoicon, etc. Londres 1668 et 1671 in -4°. Oxon. 1677 in-fol. 6°. De scorbuto liber singularis, cui accessit epiphonema in medicastros, London 1671 in -8°. Leyde 1672 in -12. 7°. Leçons anatomiques sur le mouvement du sang, et la structure du cœur, Londres 1683 in -4°. 8°. Inquisitio de causis catameniorum, et uteri rheumatismo, London 1685 in -8°. 9°. La vie de Marcellus, traduite de Plutarque en anglais, Londres 1684 in -8°. 10°. Discours sur les défauts du vin, et sur les manières d'y remédier, London 1668, 1675 et 1692 in -8°.

Ajoutons son livre intitulé, Chorea gigantum, ou la plus fameuse antiquité de la Grande Bretagne, vulgairement appelée Stone-hinge, qui se trouve dans la plaine de Salisbury, rendue aux Danois ; Londres 1663, en neuf feuilles in -4°.

Inigo (Jones), inspecteur-général des bâtiments de Jacques I., de la reine Anne, du prince Henri, et de Chrétien IV. roi de Danemarck, et ensuite du roi Charles I., composa en 1620, par ordre de Jacques I. un ouvrage, où il prétend que Stone-hinge sont les restes d'un temple bâti par les Romains, pendant leur séjour dans la Grande Bretagne, et dédié à Coelus dont les anciens dérivaient l'origine de toutes choses. Ayant laissé cet ouvrage imparfait, lorsqu'il mourut en 1652, il tomba entre les mains de M. Jean Webb de Burleigh dans le comté de Sommerset, qui y mit la dernière main et le publia sous ce titre : La plus notable antiquité de la Grande-Bretagne, vulgairement appelée Stone-hinge, dans la plaine de Salisbury, rétablie ; Lond. 1655, en quinze feuilles in-fol.

Charleton, peu content de ce livre, l'envoya à Olaus Wormius, fameux antiquaire danois. Ce savant lui écrivit plusieurs lettres sur cette matière, et ce sont ces lettres, avec les ouvrages de quelques autres écrivains danois, qui ont servi de fonds à Charleton pour composer son traité sur ce sujet. Cet ouvrage, dit M. Wood, quoique peu favorablement reçu de plusieurs personnes lorsqu'il parut, n'a pas laissé d'être fort estimé de nos plus célèbres antiquaires, et sur - tout du chevalier Guillaume Dugdale, qui croyait que le docteur Charlton avait rencontré juste dans sa Chorea gigantum. Cependant M. Webb entreprit la défense du traité d'Inigo Jones, par un livre intitulé : Défense de Stone-hinge rétabli, où l'on examine les ordres et les règles de l'architecture des Romains, etc. Lond. 1665 in - fol.

Baker (Thomas), né en 1625, et mort en 1690, a mis au jour à Londres 1684 in -4°. en latin et en anglais, un ouvrage intitulé la Clé de la Géométrie, dont on trouve un extrait dans les Trants. phil. du 20 Mars 168 3/4 n °. 154.

Godwin (Thomas), enseigna avec réputation à Abingdon, et mourut en 1643 à 55 ans. On a de lui plusieurs ouvrages en latin, remplis d'érudition ; les plus estimés sont : 1°. Romanae historiae anthologia, Oxford 1613 in -4°. 1623, et Londres 1658 : 2°. Synopsis antiquittatum hebraicarum, libri tres, Oxford 1616 in -4°. 3°. Moses et Aaron, ou les Usages civils et ecclésiastiques des Hébreux, Londres 1625 in -4°. la septième édition est aussi de Londres en 1655 in -4°. Cet ouvrage a été traduit en latin, et publié à Utrecht en 1690 in -4°. avec des remarques de Jean-Henri Reyzius : on y a ajouté deux dissertations de Witsius ; l'une sur la théocratie des Israélites, et l'autre sur les Réchabites.

Cudworth (Rodolphe), naquit en 1617, et cultiva de bonne heure toutes les parties de la Théologie, des Belles-lettres et de la Philosophie. En 1647 il prononça un sermon en présence de la chambre des communes, dans lequel il la sollicite de contribuer à faire fleurir l'érudition. " Je ne parle pas seulement, dit-il, de celle qui est propre pour la chaire, vous y veillez suffisamment ; mais je parle de l'érudition qui est d'un usage moins ordinaire ; prise dans ses différentes branches, lesquelles toutes réunies, ne laissent pas d'être utiles à la religion et à la société. C'est une chose digne de vous, messieurs, en qualité de personnes publiques, d'encourager le savoir, qui ne peut que réflechir sur vos personnes, et vous couvrir d'honneur et de gloire ".

En 1654 il fut nommé principal du collège de Christ à Cambridge, poste dans lequel il passa le reste de ses jours, et mourut en 1688, âgé de 71 ans.

Cudworth réunissait de grandes connaissances ; il était très-versé dans la Théologie, dans les langues savantes et dans les antiquités. Il prouva par ses ouvrages qu'il n'était pas moins philosophe subtil, que profond métaphysicien. Il fit choix de la philosophie mécanique et corpusculaire ; et dans la métaphysique, il adopta les idées et les opinions de Platon.

Il publia en 1678 son système intellectuel de l'univers, in-fol. Il combat dans cet ouvrage l'Athéisme (qui est la nécessité de Démocrite), dont il réfute les raisons et la philosophie. Thomas Wise a publié en 1706, un abrégé fort estimé de ce bel ouvrage, en deux volumes in -4°. et cet abrégé était nécessaire, parce que le livre du docteur Cudworth est un si vaste recueil de raisons et d'érudition, que le fil du discours est perpétuellement interrompu par des citations grecques et latines. M. le Clerc avait cependant désiré que quelque savant entreprit de traduire en latin le grand ouvrage de Cudworth ; ce projet a été finalement exécuté en 1733, par le docteur Mosheim, et sa traduction a paru à Iene en 2 vol. in-fol. avec des notes et des dissertations.

Cudworth a laissé plusieurs ouvrages manuscrits, entr'autres 1°. un Traité du bien et du mal moral, contenant près de mille pages : 2°. un Traité qui n'est pas moins considérable sur la liberté et sur la nécessité : 3°. un Commentaire sur la prophétie de Daniel touchant les septante semaines, en 2 volumes in-fol. 4°. un Traité sur l'éternité et l'immutabilité du juste et de l'injuste ; ce traité a été publié en anglais à Londres en 1731 in -8°. avec une préface du docteur Chandler, évêque de Durham : 5°. un Traité de l'immortalité de l'âme, en un vol. in -8°. 6°. un Traité de l'érudition des Hébreux, etc.

Il laissa une fille nommée Damaris, qui fut intimement liée avec M. Locke, dont il est temps de parler.

En effet, la province de Sommerset doit surtout se vanter d'avoir produit ce grand homme. Il naquit à Whrington, à 7 ou 8 milles de Bristol, en 1632. Après avoir commencé à étudier sérieusement, il s'attacha à la Médecine ; et quoiqu'il ne l'ait jamais pratiquée, il l'entendait à fond au jugement de Sydenham. Le lord Ashley, depuis comte de Shaftesbury, qui reconnaissait devoir la vie à un des conseils de Locke, disait cependant que sa science médicinale était la moindre partie de ses talents. Il avait pour lui la plus grande estime, le combla de bienfaits, et le mit en liaison avec le duc de Buckingham, le lord Halifax, et autres seigneurs de ses amis, pleins d'esprit et de savoir, et qui tous étaient charmés de la conversation de Locke.

Un jour trois ou quatre de ces seigneurs s'étant donné rendez-vous chez le lord Ashley, pour s'entretenir ensemble, s'avisèrent en causant de demander des cartes. Locke les regarda jouer pendant quelque temps, et se mit à écrire sur ses tablettes avec beaucoup d'attention. Un de ces seigneurs y ayant pris garde, lui demanda ce qu'il écrivait. " Mylord, dit-il, je tâche de profiter de mon mieux dans votre compagnie ; car ayant attendu avec impatience, l'honneur d'être présent à une assemblée des plus spirituels hommes du royaume, et ayant eu finalement cet avantage, j'ai cru que je ne pouvais mieux faire que d'écrire votre conversation ; et je viens de mettre en substance le précis de ce qui s'est dit ici depuis une heure ou deux ". Il ne fut pas besoin que M. Locke lut beaucoup de ce dialogue, ces illustres seigneurs en sentirent le ridicule ; et après s'être amusés pendant quelques moments à le retoucher, et à l'augmenter avec esprit, ils quittèrent le jeu, entamèrent une conversation sérieuse, et y employèrent le reste du jour.

Locke éprouva la fortune et les revers du comte Shaftesbury, qui lui avait donné une commission de cinq cent livres sterling, qu'on supprima. Après la mort du roi Charles II. M. Penn employa son crédit auprès du roi Jacques II. pour obtenir le pardon de M. Locke ; et la chose eut réussi si M. Locke n'avait répondu, qu'il n'avait que faire de pardon, puisqu'il n'avait commis aucun crime.

En 1695 il fut nommé commissaire du commerce et des colonies, emploi qui vaut mille livres sterling de rente ; mais il le résigna quelques années après, à cause de l'air de Londres qui était contraire à sa santé ; et quoique le roi même voulut lui conserver ce poste sans résidence, M. Locke se retira dans la province d'Essex, chez le chevalier Marsham son ami, avec lequel il passa les quinze dernières années de sa vie, et mourut en 1704 âgé de 73 ans.

Il fit lui-même son épitaphe, dont voici le précis : Hic situs est Joannes Locke. Si qualis fuerit rogas, mediocritate suâ contentum se vixisse respondet. Litteris eò usque tantum profecit, ut veritati uni se litaret ; morum exemplar si quaeras, in Evangelio habes. Vitiorum utinàm nusquam ; mortalitatis certè (quod prosit) hic, et ubique.

Il avait une grande connaissance du monde, et des affaires. Prudent sans être fin, il gagnait l'estime des hommes par sa probité, et était toujours à couvert d'un faux ami, ou d'un lâche flatteur. Son expérience et ses mœurs honnêtes, le faisaient respecter de ses inférieurs, lui attiraient l'estime de ses égaux, l'amitié et la confiance des grands. Quoiqu'il aimât sur - tout les vérités utiles, et qu'il fût bien - aise de s'en entretenir, il se prêtait aussi dans l'occasion aux douceurs d'une conversation libre et enjouée. Il savait plusieurs jolis contes, et les rendait encore plus agréables, par la manière fine et aisée dont il les racontait. Il avait acquis beaucoup de lumières dans les arts, et disait que la connaissance des arts contenait plus de véritable philosophie, que toutes les belles et savantes hypothèses, qui n'ayant aucun rapport à la nature des choses, ne servent qu'à faire perdre du temps à les inventer, ou à les comprendre. Comme il avait toujours l'utilité en vue dans ses recherches, il n'estimait les occupations des hommes qu'à proportion du bien qu'elles sont capables de produire, c'est pourquoi, il faisait peu de cas des purs grammairiens, et moins encore des disputeurs de profession.

Ses ouvrages rendent son nom immortel. Ils sont trop connus, pour que j'en donne la liste ; c'est assez de dire, qu'ils ont été recueillis et imprimés à Londres en 1714, en 3 vol. in-fol. et que depuis ce temps-là, on en a fait dans la même ville huit ou dix éditions. Il a seul plus approfondi la nature et l'étendue de l'entendement humain, qu'aucun mortel n'avait fait avant lui. Depuis Platon jusqu'à nos jours, personne dans un si long intervalle de siècles, n'a dévoilé les opérations de notre âme, comme ce grand homme les développe dans son livre, où l'on ne trouve que des vérités. Personne n'a tracé une méthode de raisonner plus claire et plus belle ; et personne n'a mieux réussi que lui à rappeler la philosophie de la barbarie, à l'usage du monde et des personnes polies qui pouvaient avec raison la mépriser, telle qu'elle était auparavant.

Je joins à ma liste des hommes illustres de la province de Sommerset, un courtisan célèbre, que la fortune, par un exemple des plus rares, daigna constamment favoriser jusqu'à la fin de ses jours ; je veux parler du lord Pawlet, marquis de Winchester, grand trésorier d'Angleterre, mort dans ce poste en 1572, âgé de 97 ans. Il laissa une postérité plus nombreuse que celle d'Abraham, qui ne comptait que soixante et dix descendants, au lieu que le lord Pawlet en vit jusqu'à cent trois. Pendant le cours d'une si longue carrière, passée sous des règnes si opposés, tels que ceux d'Henri VIII. d'Edouard VI. de Marie et d'Elisabeth, il posséda toujours leur faveur et leurs bonnes grâces. Il échappa à tous les dangers, et s'endormit tranquillement avec ses pères, comblé d'années, d'honneurs, et de richesses. On rapporte qu'ayant été interrogé, comment il avait fait pour se maintenir parmi tant de troubles et de révolutions dans l'état et dans l'église, il répondit, en étant un saule, et non pas un chêne. Cette réponse peint à merveille le caractère d'un ministre d'état, qui ne chérit que lui, se prête à tout, et s'embarrasse peu du bien public. (D.J.)