Les anciens avaient trois sortes de théologie ; savoir, 1°. la mythologique ou fabuleuse qui florissait parmi les Poètes, et qui roulait principalement sur la théogonie ou génération des dieux. Voyez FABLE, MYTHOLOGIE et THEOGONIE.

2°. La politique, embrassée principalement par les princes, les magistrats, les prêtres, et le corps des peuples, comme la science la plus utîle et la plus nécessaire pour la sûreté, la tranquillité et la prospérité de l'état.

3°. La physique naturelle, cultivée par les Philosophes, comme la science la plus convenable à la nature et à la raison, elle n'admettait qu'un seul Dieu suprême, et des démons ou génies, comme médiateurs entre Dieu et les hommes. Voyez DEMON et GENIE.

Les Hébreux qui avaient été favorisés de la révélation ont aussi leurs Théologiens, car on peut donner ce titre aux Prophêtes suscités de Dieu pour les instruire, aux pontifes chargés par état de leur expliquer la loi, et aux scribes ou docteurs qui faisaient profession de l'interprêter. Depuis leur dispersion, les Juifs modernes n'ont manqué ni d'écrivains, ni de livres ; les écrits de leurs rabbins sont répandus par tout le monde. Voyez RABBINS et THALMUD.

Parmi les Chrétiens, le mot de Théologie se prend en divers sens. Les anciens pères, et particulièrement les Grecs, comme saint Basîle et saint Grégoire de Nazianze, ont donné spécialement ce nom à la partie de la doctrine chrétienne qui traite de la divinité ; de-là vient que parmi eux on appelait l'évangéliste S. Jean, le théologien par excellence, à cause qu'il avait traité de la divinité du Verbe, d'une manière plus profonde et plus étendue que les autres apôtres. Ils surnommaient aussi S. Grégoire de Nazianze, le théologien, parce qu'il avait défendu avec zèle la divinité du Verbe contre les Ariens ; et en ce sens les Grecs distinguaient la théologie, de ce qu'ils appelaient économie, c'est-à-dire de la partie de la doctrine chrétienne qui traite du mystère de l'incarnation.

Mais dans un sens plus étendu, l'on définit la Théologie, une science qui nous apprend ce que nous devons croire de Dieu, et la manière dont il veut que nous le servions ; on la divise en deux espèces, qui sont la Théologie naturelle et la Théologie surnaturelle.

La Théologie naturelle est la connaissance que nous avons de Dieu et de ses attributs, par les seules lumières de la raison et de la nature, et en considérant les ouvrages qui ne peuvent être sortis que de ses mains.

La Théologie surnaturelle ou Théologie proprement dite est une science, qui se fondant sur des principes révélés, tire des conclusions, tant sur Dieu, sa nature, ses attributs, etc. que sur toutes les autres choses qui peuvent avoir rapport à Dieu : d'où il s'ensuit, que la Théologie joint dans sa manière de procéder l'usage de la raison à la certitude de la révélation, ou qu'elle est fondée en partie sur les lumières de la révélation, et en partie sur celles de la raison.

Toutes les vérités dont la Théologie se propose la recherche et l'examen, étant ou spéculatives ou pratiques, on la divise à cet égard en Théologie spéculative, et Théologie pratique ou morale. La Théologie spéculative est celle qui n'a pour objet que d'éclaircir, de fixer, de défendre les dogmes de la religion, en tant qu'ils doivent être crus. La Théologie, pratique ou morale, est celle qui s'occupe à fixer les devoirs de la religion, en traitant des vertus et des vices, en prescrivant des règles, et décidant de ce qui est juste ou injuste, licite ou illicite dans l'ordre de la religion.

Quant à la manière de traiter la Théologie, on la distingue en positive et en scolastique. La Théologie positive, est celle qui a pour objet d'exposer et de prouver les vérités de la religion par les textes de l'Ecriture, conformément à la tradition des pères de l'Eglise et aux décisions des conciles, sans s'attacher à la méthode des écoles, mais en les traitant dans un style oratoire, comme ont fait les pères de l'Eglise.

La scolastique est celle qui emploie la dialectique, les arguments et la forme usitée dans les écoles pour traiter les matières de religion.

Quelques auteurs pensent, que la différence qui se trouve entre la Théologie positive et la scolastique, ne vient point de la diversité du style et de l'élocution ; en un mot, de la forme scolastique propre à la dernière, et qu'on ne remarque pas dans la première ; mais de ce que les Théologiens scolastiques ont renfermé en un seul corps et mis dans un certain ordre, toutes les questions qui regardent la doctrine, au lieu que les anciens ne traitaient des dogmes de la religion, que séparément et par occasion : mais cela ne fait rien quant au style, car les modernes auraient pu traiter tout le plan de la religion en style oratoire, et les anciens n'en traiter que quelques questions en style scolastique. La véritable différence entre la positive et la scolastique dépend donc de la forme du style, puisque pour le fonds les matières sont les mêmes.

Luther appelait la Théologie scolastique une discipline à deux faces, composée du mélange de l'Ecriture-sainte et des raisons philosophiques. Mixtione quadam ex divinis eloquiis et philosophicis rationibus tanquam ex centaurorum genere biformis disciplina con flatta est. Mais on verra par la suite, qu'il n'en avait qu'une fausse idée et qu'il en jugeait par les abus.

M. l'abbé Fleury dans son cinquième discours sur l'histoire ecclésiastique, ne parait pas non plus fort favorable à la scolastique ; car après s'être objecté, s'il n'est pas vrai que les scolastiques ont trouvé une méthode plus commode et plus exacte pour enseigner la Théologie, et si leur style n'est pas plus solide et plus précis que celui des anciens, il répond, " Je l'ai souvent oui-dire, mais je ne puis en convenir, et on ne me persuadera jamais, que jusqu'au douzième siècle la méthode ait manqué dans les écoles chrétiennes. Il est vrai, ajoute-t-il, que les anciens n'ont pas entrepris de faire un cours entier de Théologie, comme ont fait Hugues de Saint-Victor, Robert Pullus, Hildebert de Tours, et tant d'autres. Mais ils n'ont pas laissé que de nous donner dans leurs ouvrages le plan entier de la religion, comme S. Augustin dans son Enchiridion, montre tout ce qu'on doit croire, et la manière de l'enseigner dans le livre de la doctrine chrétienne. On trouve de même l'abrégé de la morale dans quelques autres traités, comme dans le pédagogue de S. Clément Alexandrin ".

" Que manque-t-il donc aux anciens, continue-t-il ? Est-ce de n'avoir pas donné chacun leur cours entier de Théologie, recommençant toujours à diviser et à définir les mêmes matières ? J'avoue que les modernes l'ont fait, mais je ne conviens pas que la religion en ait été mieux enseignée. L'effet le plus sensible de cette méthode est d'avoir rempli le monde d'une infinité de volumes, partie imprimés, partie encore manuscrits qui demeurent en repos dans les grandes bibliothèques, parce qu'ils n'attirent les lecteurs ni par l'utilité, ni par l'agrément : car qui lit aujourd'hui Alexandre de Halles ou Albert le grand " ? Et il avait remarqué plus haut qu'il ne voyait rien de grand dans ce dernier que la grosseur et le nombre des volumes.

Il observe ensuite que les scolastiques prétendaient suivre la méthode des géomètres, mais qu'ils ne la suivaient pas en effet, prenant souvent l'Ecriture dans des sens figurés et détournés, posant pour principes des axiomes d'une mauvaise philosophie, ou des autorités de quelqu'auteur profane. Puis il ajoute : " si les scolastiques ont imité la méthode des géomètres, ils ont encore mieux copié leur style sec et uniforme. Ils ont donné dans un autre défaut, en se faisant un langage particulier distingué de toutes les langues vulgaires et du vrai latin, quoiqu'il en tire son origine. Ce qui toutefois n'est point nécessaire, puisque chacun peut philosopher en parlant bien sa langue. Les écrits d'Aristote sont en bon grec ; les ouvrages philosophiques de Cicéron en bon latin, et dans le dernier siècle Descartes a expliqué sa doctrine en bon français....

Une autre erreur est de croire qu'un style sec, contraint, et partout uniforme, soit plus clair et plus court que le discours ordinaire et naturel, où l'on se donne la liberté de varier les phrases, et d'employer quelques figures. Ce style gêné et jeté en moule, pour ainsi dire, est plus long, outre qu'il est très-ennuyeux. On y répète à chaque page les mêmes formules, par exemple ; sur cette matière on fait six questions ; à la première, on procede ainsi, puis trois objections, puis je réponds qu'il faut dire, etc. ensuite viennent les réponses aux objections. Vous diriez que l'auteur est forcé par une nécessité inévitable de s'exprimer toujours de même. On répète à chaque ligne les termes de l'art : proposition, assertion, majeure, mineure, preuve, conclusion, etc. or ces répétitions allongent beaucoup le discours....

Les arguments en forme allongent encore notablement le discours, et impatientent celui qui voit d'abord la conclusion. Il est soulagé par un enthymême ou par une simple proposition, qui fait sousentendre tout le reste. Il faudrait réserver les syllogismes entiers pour des occasions rares, lorsqu'il faut développer un sophisme spécieux, ou rendre sensible une vérité abstraite.

Cependant, conclut-il, ceux qui sont accoutumés au style de l'école ne reconnaissent point les raisonnements, s'ils ne sont revêtus de la forme syllogistique. Les pères de l'Eglise leur paraissent des rhétoriciens pour ne pas dire des discoureurs, parce qu'ils s'expliquent naturellement, comme on fait en conversation, parce qu'ils usent quelquefois d'interrogations, d'exclamations et d'autres figures ordinaires, et les scolastiques ne voient pas que les figures et les tours ingénieux épargnent beaucoup de paroles, et que souvent par un mot bien placé, on prévient ou l'on détourne une objection qui les occuperait longtemps. "

Ces accusations sont graves, et l'on ne peut gueres dire plus de mal de la scolastique ; mais elle ne tombent que sur l'ancienne scolastique défigurée par des questions frivoles et par un style barbare. Car il faut convenir que depuis le renouvellement des études dans le XVIe siècle la scolastique a bien changé de forme à ces deux égards. En effet, à la considérer dans son véritable point de vue, elle n'est que la connaissance des divines Ecritures, interpretées suivant le sens que l'Eglise approuve, en y joignant les explications et les censures des pères, sans toutefois négliger les secours qu'on peut tirer des sciences profanes pour éclaircir et soutenir la vérité. Scholastica theologia est divinarum scripturarum peritia, recepta quem ecclesia approbat sensu, non spretis orthodoxorum doctorum interpretationibus et censuris, interdum aliarum disciplinarum non contempto suffragio.. C'est ainsi que l'a connue la faculté de théologie de Paris, qui la cultive sur ces principes, et dont le but en y exerçant ses élèves est de les accoutumer à la justesse du raisonnement par l'usage de la dialectique.

Retranchez en effet de la scolastique un grand nombre de questions futiles dont la surchargeaient les anciens, écartez les abus de leur méthode, et réduisez-la à traiter par ordre des vérités intéressantes du dogme et de la morale, et vous trouverez qu'elle est aussi ancienne que l'Eglise. Tant d'ouvrages polémiques et dogmatiques des pères de tous les siècles, dans lesquels ils établissent les divers dogmes de la religion attaqués par les hérétiques, en sont une preuve incontestable. Car ils ne se contentent pas d'y exposer simplement la foi de l'Eglise, et d'apporter les passages de l'Ecriture et des pères sur lesquels elle est fondée, mais ils emploient aussi la dialectique et le raisonnement pour établir le véritable sens des passages qu'ils citent, pour expliquer ceux qui sont allégués par leurs adversaires, pour réfuter les difficultés qu'ils proposent, pour éclaircir et développer les conséquences des principes qu'ils trouvent établis dans l'Ecriture sainte et dans la tradition, et pour convaincre d'erreur les fausses conséquences tirées par les hérétiques : enfin ils ne négligèrent rien de tout ce qui peut servir à faire connaître, à éclaircir et à soutenir la vérité, à persuader ceux qui n'en sont pas convaincus, à retirer de l'erreur ceux qui y sont engagés ; pour y réussir, ils emploient les principes de la raison naturelle, la science des langues, les subtilités de la dialectique, les traits de l'éloquence, l'autorité des philosophes et celle des historiens. On trouve dans leurs écrits des propositions, des preuves, des objections, des réponses, des arguments, des conséquences, etc. toute la différence vient donc de ce que la méthode des modernes est moins cachée, et qu'ils ne sont pas ou n'affectent pas de paraitre si éloquents. Mais au fond, en sont-ils moins solides quand ils ne s'attachent qu'aux points essentiels, et qu'ils les traitent par les grands principes, comme font les scolastiques modernes, surtout dans la faculté de théologie de Paris ? Les défauts d'une méthode naissante ne prouvent pas toujours qu'elle soit mauvaise, et font souvent l'éloge de ceux qui l'ont perfectionnée.

Les théologiens ont coutume de traiter plusieurs questions sur la dignité, l'utilité, la nécessité de la science qu'ils professent, et nous renverrons sur tous ces articles le lecteur à leurs écrits : nous nous contenterons de toucher ce qui regarde la certitude de la Théologie ou des conclusions théologiques. Par conclusions théologiques on entend celles qui sont évidemment et certainement déduites d'une ou deux prémisses, qui sont toutes deux révélées, ou dont l'une est révélée, et l'autre est simplement connue par la lumière naturelle, et l'on demande si ces conclusions sont d'une égale certitude que les propositions qui sont de foi. 2°. Si elles sont plus ou moins certaines que les conclusions des autres sciences. 3°. Si elles égalent en certitude les premiers principes ou axiomes de géométrie, philosophie, etc.

La décision de toutes ces questions dépend de savoir quel est le fondement de la certitude des conclusions théologiques, c'est-à-dire, quel est le motif qui détermine l'esprit à y acquiescer. On convient généralement que la révélation immédiate de Dieu proposée par l'Eglise, est le motif qui porte à acquiescer aux vérités qui sont de foi, et que la révélation virtuelle ou médiate, c'est-à-dire, la connexion qui se trouve entr'une conclusion théologique et la révélation, connexion manifestée par la lumière naturelle, est le motif qui porte à acquiescer aux conclusions théologiques.

De-là il est aisé d'inférer 1°. que les conclusions purement théologiques n'ont pas le même degré de certitude que les vérités de foi, celles-ci étant fondées 1°. sur la révélation immédiate de Dieu ; 2°. sur la décision de l'Eglise qui atteste la vérité de cette révélation, au lieu que les conclusions théologiques n'ont pour motif que leur liaison avec la révélation, mais liaison aperçue seulement par les lumières de la raison ; le motif d'acquiescement, et le moyen de connaître ce motif, sont, comme on voit, dans les conclusions théologiques d'un ordre inférieur au motif qui détermine l'esprit à se soumettre aux vérités de foi, et au moyen qui lui découvre ce motif.

2°. Que les conclusions théologiques sont plus certaines que les conclusions des sciences naturelles prises en général, parce qu'on sait que celles-ci ne sont souvent appuyées que sur des conjectures, et que leur liaison avec les premiers principes, n'est pas si évidente que celle des conclusions théologiques avec la révélation immédiate.

Mais on est partagé sur la troisième question ; savoir, si les conclusions théologiques sont plus ou moins certaines que les premiers principes géométriques ou philosophiques ; et il y a sur ce point deux opinions.

La première est celle des anciens théologiens qui soutiennent que les conclusions théologiques sont plus certaines que les premiers principes, parce que, disent-ils, elles sont appuyées sur la révélation de Dieu, qui ne peut, ni ne veut tromper les hommes, au lieu que la certitude des premiers principes n'est fondée que sur la raison ou la lumière naturelle, qui est sujette à l'erreur.

La plupart des modernes pensent au-contraire que les premiers principes sont aussi certains que les conclusions théologiques, parce que 1°. telle est la certitude de ces axiomes : le tout est plus grand que sa partie ; deux choses égales à une troisième sont égales entr'elles, etc. qu'il est impossible d'en assigner une plus grande ; et qu'on sent par expérience qu'il n'est point de vérités auxquelles l'esprit acquiesce plus promptement. 2°. Parce que Dieu n'est pas moins l'auteur de la raison que de la révélation, d'où il s'ensuit, que si l'on ne peut soupçonner la révélation de faux, de peur d'en faire retomber le reproche sur Dieu même, on ne peut non-plus soupçonner la raison d'erreur quant aux premiers principes, puisque Dieu nous a donné également ces deux moyens, l'un de connaître les vérités naturelles, l'autre d'adhérer aux vérités de foi. 3°. Parce que la foi même est en quelque sorte appuyée sur la raison : car, disent-ils, pourquoi croyons-nous à la révélation ? parce que nous savons que Dieu est la vérité par essence, qui ne peut ni tromper, ni être trompé ; et qui est-ce qui nous manifeste cette vérité ? la raison sans-doute ; c'est elle aussi qui par divers motifs de crédibilité nous persuade que Jesus-Christ est le messie, et que sa religion est la seule véritable : si donc la raison nous mène comme par la main jusqu'à la foi, et si elle en est en quelque sorte le fondement, pourquoi veut-on que les conclusions théologiques qu'on avoue être moins certaines que les vérités de foi, le soient davantage que les axiomes et les premiers principes de la raison ? Holden de resolut. fidei, l. I. c. IIIe et element. theolog. c. j. p. 12.

THEOLOGIE MYSTIQUE, signifie une espèce de théologie raffinée et sublime, que professent les mystiques. Voyez MYSTIQUES et THEOLOGIE.

Cette théologie consiste dans une connaissance de Dieu et des choses divines, non pas celle que l'on acquiert par la voie ordinaire, mais celle que Dieu infuse immédiatement par lui-même, et qui est assez puissante pour élever l'âme à un état calme, pour la dégager de tout intérêt propre, pour l'enflammer d'une dévotion affectueuse, pour l'unir intimément à Dieu, pour illuminer son entendement, ou pour échauffer ou animer sa volonté d'une façon extraordinaire.

Parmi les œuvres que l'on attribue à S. Denis l'Aréopagite, on trouve un discours de théologie mystique, et plusieurs auteurs anciens et modernes ont écrit sur le même sujet.

THEOLOGIE POSITIVE, est celle qui consiste dans la simple connaissance ou exposition des dogmes et des articles de foi, autant qu'ils sont contenus dans les saintes Ecritures, ou expliqués par les pères et les conciles, dégagées de toutes disputes et controverses. Voyez THEOLOGIE.

En ce sens, la théologie positive est opposée à la théologie scolastique et polémique.