FRAUDE, CONTRAVENTION, CONTREBANDE, (Commerce) ces trois mots sont ici synonymes, et sont pris pour toutes infractions aux ordonnances et règlements qui ont rapport aux droits établis sur les denrées ou marchandises ; avec cette différence, que la fraude est sourde et cachée, comme lorsque l'on fait entrer ou sortir du royaume des marchandises par des routes détournées, pour éviter le payement des droits sur celles permises, ou la confiscation sur celles prohibées. La contravention suppose de la bonne-foi, et vient de l'ignorance des règlements, en sorte qu'elle se commet en manquant aux formalités prescrites. La contrebande est un crime capital, parce qu'elle se fait avec attroupement et port d'armes : elle est par conséquent contraire aux lois établies pour la sûreté de l'état.

La fraude et la contravention étant toute voie qui soustrait à la connaissance des fermiers ou des préposés à la levée des droits, les choses qui y sont sujettes, soit que celui qui use de cette voie le fasse à dessein de frauder, ou parce qu'il ignore que le droit est dû. les peines sont les mêmes ; parce que ce droit étant établi par une loi publique, est tenu pour connu de tout le monde : si l'ignorance pouvait l'excuser, tous pourraient l'alléguer.

Lorsque le droit est disproportionné au prix de la chose, la fraude devient lucrative ; la peine de la confiscation des marchandises et d'une amende, n'est pas capable de l'arrêter, il faut alors avoir recours aux peines que l'on inflige pour les plus grands crimes ; et des hommes que l'on ne peut regarder comme mécans, sont traités en scélérats. D'un côté l'intérêt, et de l'autre la crainte de subir les peines portées par les defenses, excitent les peuples à la contrebande, et les font se tenir en force, et commettre la fraude à main armée.

La contrebande se commet le plus ordinairement sur les marchandises dont l'entrée et la sortie sont défendues, comme sont les étoffes des Indes ou de la Chine, les toiles peintes, les glaces de miroirs, les points de Venise, et autres, pour l'entrée ; les armes et instruments de guerre, l'or et l'argent, les pierreries, le fil, le chanvre, les chardons à drapier, pour la sortie. Ces marchandises sont appelées de contrebande ; elles sont non-seulement sujettes à la confiscation, mais elles entraînent aussi celle de toutes les autres marchandises dont le commerce est permis, qui se trouvent avec elles dans les mêmes caisses et ballots ; comme aussi des chevaux, mulets, charrettes, et équipages des voitures qui les conduisent ; et toutes confiscations emportent amende, laquelle doit être arbitrée par les juges, lorsqu'elle n'est pas fixée par les ordonnances. Il y a des contrebandes qui sont défendues sous peine des galeres, et même de la vie, comme celle du tabac et du faux-sel. Voyez GABELLE et TABAC.

Le bien commun rend juste l'imposition et la levée des tributs ; et le besoin de l'état les rend nécessaires. Il s'ensuit de cette nécessité et de cette justice, que les peuples sont obligés à s'en acquitter comme d'une dette très-légitime, et qu'ils peuvent y être contraints par les voies que l'usage et les lois ont établies. De-là on peut conclure qu'il n'est pas permis de frauder les droits, et de les faire perdre ; que c'est un devoir de conscience de les payer ; car outre que l'on fait une injustice ou au public ou à ceux qui en ont traité, l'on occasionne de grands frais qui seraient moindres, et beaucoup de précautions qui gênent le commerce, pour prévenir les fraudes dont plusieurs usent. Mais il faut aussi convenir, que si l'on accordait au commerce toute la liberté dont il a besoin pour être florissant, les fraudes, contraventions et contrebandes ne seraient pas communes.

De fraude, on a fait les mots frauder, fraudeur, frauduleux, etc.