Il n'est pas aisé de fixer ce nombre d'une manière précise et géométrique ; il depend des coutumes des peuples qui font la guerre, de leurs armes, de la manière de s'en servir, et de leur façon de combattre : aussi les usages ont-ils été fort différents sur ce point. Mais à présent toutes les nations de l'Europe, hors les Turcs, suivent à peu près le même ordre à cet égard ; les termes mêmes de bataillons et d'escadrons sont employés dans toutes les langues.

Depuis longtemps il parait que parmi nous le nombre des hommes du bataillon est à peu près fixé à sept cent : mais chez les différentes nations de l'Europe, les uns ont leurs bataillons plus forts, et les autres moins. En France, dans les deux dernières guerres qui ont précédé la mort de Louis XIV. les bataillons étaient composés de treize compagnies de cinquante hommes chacune, ce qui faisait six cent cinquante hommes ; ils avaient plus de quarante officiers.

Dans la guerre de 1733 ils étaient composés de seize compagnies de quarante hommes chacune, et d'une dix-septième de quarante-cinq, ce qui faisait six cent quatre-vingt-cinq hommes, non compris cinquante-deux officiers.

Dans la guerre de 1741 ils étaient composés de même, excepté qu'ils n'avaient que trente-quatre officiers. Le fonds des bataillons français a été autrefois plus considérable.

Il faut observer que pendant la guerre, les bataillons étant formés au commencement de la campagne sur le pied prescrit par le prince, et que ces bataillons n'étant point ordinairement recrutés pendant le cours de la campagne, il arrive par la perte que leur causent les actions de la guerre, les maladies, &c, qu'ils ne sont presque jamais complets.

Dans le nombre des hommes fixé pour le bataillon, il y a une compagnie de grenadiers attachée, laquelle est souvent employée à des usages particuliers, et qui n'agit pas toujours avec le bataillon.

On appelle grenadiers, des soldats choisis sur tout un régiment par rapport à la valeur et à la force du corps. Ils sont destinés aux fatigues et aux emplois périlleux de la guerre. Le nom de grenadiers leur vient des grenades dont ils se servaient autrefois. Voyez GRENADIER.

Les soldats sont assemblés et arrangés dans le bataillon par rang et par file. Ainsi leur nombre et leur distance constituent sa forme et l'espace qu'il occupe sur le terrain.

Du temps de Louis XIII. les bataillons étaient sur huit rangs : ils ont été ensuite réduits à six. Les dernières ordonnances de Louis XIV. les fixent à cinq : mais l'usage, même de son temps, les a fixés à quatre. A l'égard de leur distance, les ordonnances militaires en distinguent de deux sortes ; savoir, pour paraitre et pour combattre.

Les distances pour paraitre sont fixées pour l'intervalle d'un rang à un autre, à la longueur de deux halebardes ; ce qui se prend pour douze pieds en y comprenant la profondeur ou l'épaisseur des hommes du devant de la poitrine au dos. Les mêmes ordonnances ne prescrivent rien par rapport aux files ; et en effet, leur distance est assez difficîle à évaluer exactement : mais il parait que l'usage le plus ordinaire a toujours été de compter trois pieds pour l'intervalle d'une fîle à une autre, en comprenant dans cette distance l'espace occupé par un homme, c'est-à-dire du milieu d'un homme au milieu de celui de la fîle suivante.

Lorsqu'il s'agit de combattre, les officiers s'approchent autant qu'il est possible du bataillon, et les rangs se serrent jusqu'à la pointe de l'épée, c'est-à-dire, que le second rang doit toucher le bout des épées du premier, ce qui ne donne guère que trois pieds pour l'épaisseur du rang et pour son intervalle. Les files s'approchent autant qu'il est possible, en conservant la liberté du coude ; ce qui veut dire, comme on l'entend ordinairement, que la fîle et son intervalle doivent occuper environ deux pieds. On voit par-là que le bataillon occupe alors beaucoup moins d'espace qu'auparavant.

Les officiers chargés du soin de former les bataillons, ne paraissent pas s'embarrasser beaucoup à présent de la distance des rangs, parce qu'elle peut être changée fort aisément dans un instant, et surtout diminuée ; c'est pourquoi ils laissent prendre douze pieds pour cette distance : mais à l'égard de celle des files, comme il faut plus de temps pour la changer, ils la fixent à deux pieds pour l'épaisseur de la fîle et pour son intervalle, ce qui est un espace suffisant pour combattre.

Il suit de-là que pour savoir l'espace que le bataillon occupe sur le terrain, il faut compter deux pieds pour chaque homme dans le rang, et douze pieds pour l'épaisseur du rang, jointe à son intervalle.

Ainsi supposant un bataillon de six cent cinquante hommes sans compter les officiers, et que ce bataillon soit composé de cinq rangs, on trouvera les hommes de chaque rang, en divisant six cent cinquante par cinq, ce qui donnera cent trente hommes par rang ; multipliant ensuite ce nombre par deux, on aura deux cent soixante pieds, ou quarante-trois taises deux pieds pour l'étendue de chaque rang.

A l'égard de la profondeur des cinq rangs, comme ils ne forment que quatre intervalles, elle est de quarante-huit pieds ou de huit taises, non compris l'espace occupé par les officiers.

Si le bataillon n'est que sur quatre rangs, il n'aura que trente-six pieds de profondeur, attendu que ses rangs ne donneront que trois intervalles ; mais alors son front augmentera ; car six cent cinquante divisés par quatre, donnent cent soixante-deux hommes par chaque rang : multipliant ces hommes par les deux pieds qu'ils occupent sur le terrain, on aura trois cent vingt-quatre pieds, ou cinquante-quatre taises pour le front du même bataillon.

Ce modèle de calcul ou de supputation peut servir pour toutes sortes de bataillons dont le nombre d'hommes sera connu, de même que celui des rangs : dans tous les cas il formera toujours un rectangle beaucoup plus étendu sur une dimension que sur l'autre " Essai sur la Castramétation, par M. le Blond.

BATAILLON QUARRE, est un bataillon dont les soldats sont arrangés de manière que les rangs sont égaux aux files, en sorte que les quatre cotés qui le terminent contiennent le même nombre d'hommes. Voyez FILE.

Il y a deux sortes de bataillons carrés ; savoir, à centre plein, et à centre vide.

Le bataillon carré à centre plein, est celui dont les hommes sont placés tout de suite, ne laissant que l'intervalle ordinaire des rangs et des files.

Le bataillon carré à centre vide, est celui qui laisse dans son centre un espace vide de soldats, et qui est assez considérable eu égard au terrain occupé par le bataillon.

Le bataillon carré à centre plein est très-aisé à former. Ceux qui ont quelque connaissance de l'extraction de la racine carrée, n'y peuvent pas être embarrassés ; car extrayant la racine carrée du nombre d'hommes dont le bataillon doit être composé, on trouve d'abord la quantité dont chaque côté doit être composé.

Ce bataillon est assez peu d'usage dans la Tactique moderne.

1°. Parce que le feu des ennemis, et principalement celui du canon, y peut faire un très-grand désordre.

2°. Parce que les soldats du centre ne peuvent presque pas se servir de leur feu contre l'ennemi. M. le chevalier de Folard est presque le seul qui en prescrive l'usage : sa colonne n'est autre chose que deux ou trois bataillons à centre plein placés sans intervalle les uns derrière les autres. Voyez COLONNE.

Le bataillon à centre vide présente, comme celui qui est à centre plein, des hommes de tous côtés. On prétend que le fameux Maurice de Nassau a été le premier qui ait trouvé l'usage de vider le centre des bataillons.

Le bataillon à centre vide n'a pas plus de difficulté dans sa formation que celui à centre plein : un exemple suffira pour en donner une idée.

Sait un nombre d'hommes quelconque, comme 1200, dont on veut faire un bataillon carré à centre vide, de manière que le côté du carré vide, par exemple, ait douze hommes.

Il faut retrancher deux unités du nombre 12, parce que le côté du carré vide, s'il était rempli d'hommes, en contiendrait deux de moins que le dernier rang intérieur de la partie du carré qui est rempli : ôtant donc 2 de 12, il reste 10 qu'il faut quarrer, et l'on aura 100, que l'on ajoutera au nombre donné 1200. Ces deux nombres ajoutés ensemble donneront 1300, dont on extraira la racine carrée qu'on trouvera être 36 ; il restera quatre hommes qu'on pourra placer dans le centre du bataillon.

Présentement pour former le bataillon, je considère que s'il était plein, et qu'il fût de 1300, toutes les files et tous les rangs seraient de 36 hommes : mais il doit y avoir un vide dans le milieu du bataillon de dix hommes ; donc dans cet endroit les files n'auront que 26 hommes ; c'est-à-dire 36 moins 10 : mais ces dix hommes doivent diminuer également les demi-files du milieu ; elles n'auront donc chacune que 13 hommes ; d'où il suit qu'il n'y aura dans cet exemple que 13 rangs de 36 hommes dans le bataillon, à commencer de la tête et de la queue du bataillon, et de la droite à la gauche. Arrangeant ainsi le bataillon, il restera le vide demandé ; et alors chaque côté du carré intérieur sera de 12 hommes, c'est-à-dire, de deux hommes de plus à chaque côté que le côté 10 n'en a.

Pour la preuve il suffit de considérer qu'ayant ajouté au nombre proposé, le nombre d'hommes qu'occuperait l'espace qu'on veut laisser vide dans le bataillon, on peut alors regarder le nombre proposé augmenté de ce dernier, comme le nombre d'hommes dont il faut extraire la racine carrée : laquelle racine donnera le nombre des hommes, des rangs et des files d'un tel carré. Or retranchant vers le milieu le nombre qu'on a ajouté à chaque file, il restera pour le bataillon disposé en carré le nombres d'hommes qui avait d'abord été proposé : cela est évident.

On peut par cette même méthode, lorsqu'un nombre d'hommes est donné, en former un bataillon carré qui paraisse d'un bien plus grand nombre d'hommes : car si l'on a, par exemple, 1200 hommes, dont on veuille former un bataillon carré qui paraisse 3000, on extraira la racine carrée de ce dernier nombre, laquelle sera trouvée de 54, avec un reste 84 qu'on peut négliger ; ce nombre serait celui des hommes de chaque rang, de chaque fîle d'un bataillon carré à centre plein de 3000 : mais comme on a ajouté 1800 hommes au nombre donné 1200, il faut retrancher du dedans de l'intérieur du bataillon l'espace qu'occuperaient ces 1800 hommes. Pour cela il faut extraire la racine carrée de 1800, laquelle est 42 ; c'est le nombre d'hommes qu'il faut retrancher des files du milieu du bataillon plein. Ces files sont de 54, desquelles ôtant 42, il reste 12, dont la moitié 6 est le nombre des rangs de la tête et de la queue du bataillon, de même que de ceux de la droite et de la gauche. Ainsi par cette formation les 1200 hommes donnés occuperont l'espace d'un bataillon à centre plein de 3000 ; et ils seront rangés sur six de hauteur ou de fîle sur chaque côté du bataillon. Traité de l'Arithmétique et de la Géométrie de l'officier par M. Leblond.

BATAILLON ROND, est celui dont les soldats sont rangés circulairement, en formant plusieurs circonférences concentriques.

Ce bataillon a été fort en usage parmi les Romains ; c'est ce qu'ils appelaient in orbem : on en voit plusieurs exemples dans les commentaires de César. Feu M. le maréchal de Puysegur faisait cas de ce bataillon.

BATAILLON TRIANGULAIRE, est un corps de troupes disposé en triangle, et dont les rangs augmentant également, forment une progression arithmétique.

Si le premier rang est un, et que les autres augmentent chacun d'une unité, le bataillon formera un triangle qui aura les trois côtés égaux, c'est-à-dire qu'il sera équilatéral ; autrement il formera un triangle quelconque.

Problème pour la formation du bataillon triangulaire équilatéral : un nombre d'hommes quelconque, par exemple 400, étant donné pour en former un bataillon équilatéral, trouver le nombre des rangs dont il sera composé.

Comme dans ce bataillon le premier rang est 1, le second 2, le troisième 3, etc. il s'ensuit que ce problème se réduit à trouver le nombre des termes d'une progression arithmétique, dont le premier terme est 1, la différence aussi 1, et la somme 400. Voyez PROGRESSION ARITHMETIQUE.

Solution. Sait le nombre des termes de la progression représenté par n, le dernier sera aussi, n ; car il sera l'unité prise autant de fois qu'il y a de termes.

Cela posé, la somme des extrêmes de la progression sera 1 + n, laquelle multipliée par le nombre des termes n, donnera n + n n ou n n + n, pour le double de la somme de la progression ; c'est-à-dire que cette expression n n + n, sera égale à deux fois 400 ou à 800. Or n n est le carré du nombre des termes de la progression, n en est la racine : donc 800 contient le carré du nombre des termes de la progression, plus la racine de ce carré.

Il suit de-là que pour avoir la valeur de n, ou le nombre des termes de la progression, il faut extraire la racine carrée de 800, de manière qu'il y ait un reste égal à la racine, ou qui la contienne.

Pour le prouver, il faut chercher quelle est la somme de la progression dont le premier terme est 1, le second 2, et le nombre des termes 27.

Il suit de la résolution du problème précédent, que pour former des bataillons triangulaires équilatéraux, il faut, quelque nombre de soldats que l'on ait, pour cet effet, le doubler, et ensuite en extraire la racine carrée : mais de manière qu'il y ait un reste égal à la racine, ou qui la contienne, et qu'alors cette racine sera le nombre des rangs du bataillon, dont tous les côtés seront égaux.

On déterminera de la même manière celui de tous les autres de la même espèce que l'on pourra proposer.

Remarque. Si on suppose que la différence qui règne dans la progression est 2, c'est-à-dire que le premier terme étant toujours 1, le second est 3, le quatrième est 5, etc. le dernier terme sera (n étant toujours le nombre des termes) n-1 multiplié par 2, plus 1, ou 2 n-2 + 1 ; et ajoutant à ce terme le premier 1, la somme des extrêmes sera 2 n-2 + 1 + 1 ; expression qui se réduit à 2 n, dont la moitié étant multipliée par le nombre des termes, donnera le nombre de la progression n n. Ainsi nommant S la somme de la progression, on a n n = S, c'est-à-dire le carré du nombre des termes égal à la somme de la progression ; et par conséquent n qui est la racine carrée de n n, est égal à celle de S ; en sorte que n = S.

D'où il suit que dans une progression arithmétique dont le premier terme est 1, et le second 3, le nombre des termes est égal à la racine carrée de la sommes des termes.

Pour le prouver, considérez que ce dernier rang sera 1 + 19 x 2 ou 39, et qu'en y ajoutant 1, on aura 40 pour la somme des extrêmes, laquelle étant multipliée par 10, moitié du nombre des termes, donnera 400 pour la somme de la progression, c'est-à-dire le nombre proposé.

On opérera de même pour tous les autres bataillons de même espèce, quel que soit le nombre dont on voudra les former.

On voit par ce qui vient d'être enseigné sur les bataillons triangulaires, qu'ils ne sont pas plus difficiles à calculer que les bataillons carrés. Plusieurs officiers leur donnent la préférence sur ces bataillons, parce qu'ils présentent un plus grand front, et qu'ils font également face de tous côtés. Mais comme il est difficîle de faire marcher des soldats dans cet ordre, M. Bottée les croit préférables aux bataillons carrés, seulement dans les cas où il faut combattre de pied ferme et se donner un grand front ; ou lorsque la situation du terrain exige cette disposition. On pourra voir dans cet auteur la manière de les former par des mouvements réguliers. Arithm. et Géom. de l'officier, par M. Le Blond. (Q)