Quantité de passages de l'Ecriture nous marquent combien le livre de la loi était rare dans toute la Judée avant la captivité. Quand Josaphat envoya des missionnaires dans tous les pays, pour instruire le peuple dans la loi de Dieu, 11. Chron. XVIIe 9. ils portèrent un exemplaire de la loi, précaution fort inutile, s'il y en eut eu dans les villes où ils allaient : et il y en eut eu, sans-doute, s'il y eut eu des synagogues : il serait aussi ridicule de supposer parmi les Juifs une synagogue sans un exemplaire de la loi, que parmi les Protestants une église paroissiale sans bible. Or cette particularité prouve qu'on manquait alors en Judée d'exemplaires de la loi, et qu'il n'y avait point de Synagogue ; c'est donc vraisemblablement à la lecture qu'Esdras établit de la loi en public, après la captivité, que les Juifs ont été redevables de l'érection de leurs synagogues. Examinons présentement 1°. dans quel lieu on devait ériger des synagogues ; 2°. quel était le service qui s'y faisait ; 3°. dans quel temps ; 4°. enfin quels ministres y officiaient.

1°. Voici la règle qu'on observait par rapport au lieu : par-tout où il y avait dix batelnim, c'est-à-dire dix personnes d'un âge mûr, libres, qui pussent assister constamment au service, on devait y établir une synagogue. Selon les rabbins il fallait dix personnes telles qu'on vient de dire, pour former une assemblée légitime : et là où ce nombre n'était pas complet, on ne pouvait faire légitimement aucune partie du service de la synagogue. Mais par-tout où l'on pouvait s'assurer du service de dix personnes en état d'assister aux assemblées avec les qualités requises ; il fallait bâtir une synagogue. Cela ne se trouvait que dans un endroit assez peuplé ; et on ne voulait pas en avoir ailleurs. Car je regarde cette règle comme une défense d'en établir où ces conditions ne se trouvaient pas ; aussi bien qu'un ordre positif d'en bâtir où elles se trouvaient, et où le nombre des habitants était assez grand, pour compter qu'on aurait toujours sur semaine, aussi bien que le jour du sabbat, au moins dix personnes qui auraient le temps d'assister au service, qui ne pouvait pas se faire sans ce nombre complet d'assistants.

D'abord il n'y eut que fort peu de ces synagogues ; mais dans la suite elles se multiplièrent extrêmement, et devinrent aussi communes que le sont parmi nous nos églises paroissiales, auxquelles elles ressemblent beaucoup. Du temps même de notre Seigneur, il n'y avait pas de ville de Judée, quelque petite qu'elle fût, qui n'eut pour le moins une synagogue. Les Juifs nous disent, qu'environ ce temps-là, la seule ville de Tibérias en Galilée en avait douze, et celle de Jérusalem 480. Mais si l'on prenait ce nombre à la lettre, il faudrait pour plusieurs de ces synagogues, avoir recours à l'expédient de quelques savants qui prétendent que ces dix résidents de synagogues, qu'on nomme batelnim, étaient des personnes gagées ; sans cela, comment s'assurer pour tant de synagogues, d'un nombre suffisant de gens sur semaine, pour former toutes ces assemblées ? Il y avait au-moins deux de ces jours qui en demandaient une solennelle, aussi bien que le sabbat. Lightfoot, pour lever la difficulté, croit que les batelnims étaient les anciens et les ministres qui officiaient dans la Synagogue.

2°. Passons au service de la synagogue : il consistait dans la prière, la lecture de l'Ecriture et la prédication. La prière des Juifs est contenue dans les formulaires de leur culte. D'abord ce culte était fort simple, mais à-présent il est fort chargé et fort long. La partie la plus solennelle de leurs prières, est ce qu'ils appellent Schémonehé-Eshre, ou les dix-neuf prières. Il est ordonné à toutes les personnes parvenues à l'âge de discrétion de les offrir à Dieu trois fois le jour, le matin, vers le midi et le soir. On les lit avec solennité tous les jours d'assemblée ; mais elles ne sont néanmoins que comme le fondement d'autres prières.

La seconde partie du service de la synagogue, est la lecture du vieux Testament. Cette lecture est de trois sortes. 1°. Le kiriath-shéma ; 2°. la loi ; 3°. les prophetes.

Le kiriath-shéma ne consiste qu'en trois morceaux de l'Ecriture. Le premier est celui qui commence au Ve 4. du VIe chap. du Deutéronome, et finit par le 9. Le second commence au Ve 13 du chap. XIe du même livre, et finit par le 21. Et le troisième est tiré du XVe chap. du livre des Nombres, et commence au 37 Ve jusqu'à la fin du chap. Comme en hébreu le premier mot du premier de ces passages est shéma, qui signifie écoute ; ils donnent à ces trois passages le nom de shéma ; et à sa lecture celui de kiriath-shéma, la lecture du shéma. La lecture de ce shéma est accompagnée de plusieurs prières et actions de grâces, devant et après ; mais la lecture du shéma n'est pas aussi rigide que celle des prières ; il n'y a que les hommes libres qui y soient obligés le matin et le soir : les femmes et les serviteurs en sont dispensés ; quant à la lecture de la loi et des prophetes, nous en parlerons tout-à-l'heure.

La troisième partie du service de la synagogue, est l'explication de l'Ecriture, et la prédication. La première se faisait en la lisant, et l'autre après la lecture de la loi et des prophetes. Il est clair que Jesus-Christ enseignait les juifs de l'une et de l'autre de ces manières, dans leurs synagogues. Quand il vint à Nazareth, Luc, XVIe 17. etc. la ville où il avait son domicile, on lui fit lire comme membre de la synagogue, le haphterah, ou la section des prophetes, qui servait de leçon pour ce jour-là ; et quand il se fut levé, et qu'il l'eut lue, il se rassit et l'expliqua, comme cela se pratiquait parmi les Juifs ; car, par respect pour la loi et les prophetes, on ne les lisait que debout ; mais quand on les expliquait, celui qui officiait était assis en qualité de maître. Mais dans les autres synagogues dont il n'était pas membre, quand il y allait, ce qu'il faisait toujours, Luc, iv. 16. le jour du sabbat, en quelqu'endroit qu'il se trouvât, il enseignait le peuple par sa prédication, après la lecture de la loi et des prophetes. C'est aussi ce qu'on voit pratiquer à S. Paul, Act. XIII. XVe dans la synagogue d'Antioche, dans la Pisidie : car l'histoire des actes remarque expressément que la prédication se fit après la lecture de la loi et des prophetes.

III. Le temps des assemblées de la synagogue, pour le service divin, était trois jours par semaine, sans compter les jours de fêtes et de jeune : et chacun de ces jours-là, on s'assemblait le matin, l'après midi, et le soir. Les trois jours de synagogue étaient le lundi, le jeudi, et surtout le samedi jour du sabbat.

On y faisait la lecture de la loi, ou des cinq livres de Moïse, qu'on partageait en autant de sections qu'il y a de semaines dans l'année.

IV. Pour ce qui est du ministère de la synagogue, il n'était pas borné à l'ordre sacerdotal. Cet ordre était consacré au service du temple, qui était d'une toute autre nature, et ne consistait qu'en oblations, soit de sacrifices, soit d'autres choses. Il est vrai que pendant le sacrifice du matin et du soir, les lévites et les autres chantres, chantaient devant l'autel, des pseaumes de louange à Dieu ; et que, pour conclure la cérémonie, les prêtres bénissaient le peuple ; ce qui ressemble un peu à ce qui se faisait dans la synagogue ; mais dans tout le reste, ces deux services n'avaient rien de commun : cependant pour conserver l'ordre, il y avait dans chaque synagogue un certain nombre d'officiers ou de ministres fixes, qui étaient chargés des exercices religieux qui s'y devaient faire : on les y admettait par une imposition des mains, solennelle.

Les premiers étaient les anciens de la synagogue, qui y gouvernaient toutes les affaires, et réglaient les exercices. Dans le nouveau Testament, ils se sont appelés les principaux de la synagogue ; il n'est marqué en aucun endroit quel était leur nombre ; tout ce qu'il y a de sur, c'est qu'il y en avait plus d'un dans une synagogue : car il en est parlé au pluriel dans quelques passages du n. Testament, où il ne s'agit que d'une ; et à Corinthe où vraisemblablement il n'y avait pas deux synagogues : on en voit deux à qui ce titre est donné, Crispe et Sosthènes.

Après ceux-ci, il y avait le ministre de la synagogue. On ne sait pas bien même si ce n'était pas un de ceux dont on vient de parler ; mais enfin, il y avait une personne affectée au service de la synagogue, qui prononçait les prières au nom de toute l'assemblée ; et par cette raison, comme il les représentait tous, et était leur messager, pour ainsi dire, auprès de Dieu, on l'appelait en hébreu, scheliach zibbor, l'ange, ou le messager de l'église. De-là vient que dans l'apocalypse, les évêques des sept églises d'Asie, sont appelés d'un nom pris de la synagogue, les anges de ces églises : car comme le scheliach zibbor de la synagogue des Juifs, était le premier ministre qui offrait à Dieu les prières du peuple, l'évêque était aussi dans l'Eglise de Christ, le premier ministre qui offrait à Dieu celles des chrétiens de son église.

Il est vrai que ce n'était pas toujours l'évêque qui faisait cette fonction, parce que dans chaque église il y avait des prêtres sous lui, qui la faisaient souvent au-lieu de lui. Mais dans la synagogue, ce n'était pas non plus toujours le scheliach zibbor qui officiait en personne : c'était bien son emploi, et ordinairement il le faisait ; mais il ne laissait pas d'arriver assez souvent, qu'on le faisait faire extraordinairement par quelqu'autre, pourvu que ce fût un sujet que l'âge, la bonne conduite, l'habileté, et la piété, en rendissent capables. Celui qu'on choisissait ainsi, était pendant ce temps-là le scheliach zibbor, ou l'ange de l'assemblée : car comme un héraut, un messager envoyé de la part de Dieu à son peuple, est un ange de Dieu, puisque le terme d'ange en hébreu, signifie proprement un messager ; tout de même un messager de la part du peuple auprès de Dieu, pouvait fort bien s'appeler l'ange du peuple. Ce n'est qu'en ce dernier sens qu'on donnait le nom d'ange à ce ministre de la synagogue ; mais il appartient aux ministres de l'église chrétienne, dans l'un et dans l'autre.

Après le scheliach zibbor, venaient les diacres, ou les ministres inférieurs de la synagogue, que l'on nommait en hébreu chazanim, c'est-à-dire surintendants. C'étaient des ministres fixes, qui sous la direction des principaux de la synagogue, avaient le soin et l'intendance de tout ce qui s'y faisait : c'étaient eux qui gardaient les livres sacrés de la loi et des prophetes, et du reste de l'Ecriture sainte ; les livres de leur liturgie, et les autres meubles de la synagogue ; et qui les donnaient quand il fallait s'en servir. Ils se tenaient auprès de celui qui lisait les leçons de la loi ou des prophetes, et les corrigeaient, s'il leur arrivait de se tromper ; enfin c'était à eux qu'on rendait le livre quand la lecture était finie. Ainsi il est dit de notre Seigneur, quand il fut appelé à lire la leçon des prophetes dans la synagogue de Nazareth, dont il était membre, que quand il eut fini la lecture, il rendit le livre au ministre, c'est-à-dire au chazan, ou au diacre de la synagogue.

Autrefois il n'y avait point de personne fixe établie pour lire les leçons dans la synagogue. Les principaux de la synagogue appelaient celui de l'assemblée qu'il leur plaisait, et qu'ils en connaissaient capable, lorsque le temps de les lire était venu ; s'il y avait des prêtres dans l'assemblée, on appelait d'abord un prêtre ; ensuite un lévite, s'il y en avait : au défaut de ceux-là, on prenait quelque israèlite que ce fût ; et cela allait jusqu'au nombre de sept. De-là vient qu'autrefois chaque section de la loi était partagée en sept parties : c'était pour ces sept lecteurs. Dans quelques bibles hébraïques, elles sont encore marquées à la marge : la première par le mot choèn, c'est-à-dire le prêtre : la seconde par celui de lévi, le lévite : la troisième par celui de schelishi, le troisième : et ainsi du reste, par les noms hébreux qui marquent les nombres jusqu'à celui de sept, pour montrer par-là ce que devait lire le prêtre, le lévite, et chacun des cinq autres, dont le choix était indifférent, pourvu qu'ils fussent israélites et membres de l'assemblée, et qu'ils sussent lire l'hébreu, sans distinction de tribu.

Le premier officier de la synagogue, après le chazanim, était l'interprête, dont l'office consistait à traduire en chaldéen les leçons qu'on lisait au peuple en hébreu : comme cet emploi demandait un homme bien versé dans les deux langues, quand ils en trouvaient un assez habile, ils lui faisaient une pension, et le retenaient au service de la synagogue, dont il devenait alors ministre fixe.

Pour la bénédiction, s'il y avait un prêtre dans l'assemblée, c'était lui qui la donnait ; mais s'il ne s'y en trouvait point, c'était le scheliach-zibbor, qui avait lu les prières, qui le faisait par un formulaire qui lui était particulier.

Voilà ce qui nous a paru pouvoir être de quelque utilité à nos lecteurs, pour leur faciliter l'intelligence de l'Ecriture, en leur donnant une idée de l'ancien culte de la synagogue. Celui que les Juifs pratiquent aujourd'hui, s'en écarte en plusieurs points. Les gens curieux de plus grands détails, pourront consulter la synagogue de Buxtorf, et celle de M. Vitringa, écrites en latin, et surtout Maimonides ; particulièrement dans les traités suivants, Tephillah, Chagigah, et Kiriath-shema. (D.J.)

SYNAGOGUE, (Critique sacrée) lieu destiné chez les Juifs au service divin, qui consistait dans la prière, la lecture de la loi et des prophetes, et leur explication, act. XIII. XVe Voyez-en les détails à SYNAGOGUE des Juifs.

Il suffira de remarquer ici que le mot grec , ne se prend pas seulement dans l'Ecriture pour l'assemblée religieuse des Juifs ; mais encore pour toute assemblée de juges et de magistrats, au sujet des affaires civiles. Salomon dit par exemple : peu s'en est fallu que je n'aye été maltraité dans la synagogue ; il ne s'agit point là d'une assemblée religieuse. De même dans l'Ecclésiastesiast. j. 32. que le Seigneur vous abatte au milieu de la synagogue ; et ch. xxiij. 34. rendez-vous aux volontés de la synagogue : c'est-à-dire soumettez-vous aux grands. Enfin ce mot marque une assemblée d'ennemis. David dit, ps. lxxxv. 14. une assemblée (synagoga) de gens violents a cherché ma perte. (D.J.)