" Cette partie de la Chimie est d'une nécessité indispensable dans le travail des mines et dans les fonderies ; si l'on veut les exploiter avec avantage ; car c'est par l'essai du minéral qu'on a tiré de terre, qu'on sait quels sont les métaux et les matières hétérogènes qu'il contient ; combien, par exemple, un cent pesant de ce minéral peut donner au juste de métal, et s'il convient de faire des dépenses pour l'exploitation d'une pareille mine et pour la construction d'une fonderie, et de tous les autres bâtiments qui en dépendent.

La docimasie indique aussi si l'on opère bien ou mal dans une fonderie, et fait connaître si la fonte des mines en grand rend tout ce qu'elle doit produire. Souvent il ne se trouve pas pour un seul métal dans une mine ; l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, y sont quelquefois confondus. C'est donc en l'examinant par des essais, qu'on sait la quantité de chacun ; et par cet examen préliminaire on s'assure de ce qu'on doit faire dans le travail en grand, pour les séparer les uns des autres sans déchet.

Outre l'examen des mines par les essais de la docimasie, il est question souvent de séparer l'un d'avec l'autre, les métaux qu'on en a tirés par ces essais ; et quelquefois pour faire exactement cette séparation, il faut les unir avec d'autres. Or ces mélanges ne peuvent se faire sans un essai préliminaire.

Les essais sont pareillement la base du travail des monnaies : sans eux elles ne seraient presque jamais au titre prescrit par le souverain. L'affinage des matières d'or et d'argent, et le départ ou la séparation de ces deux métaux, sont aussi du ressort de la docimasie ; car sans un essai qui précède l'affinage, on ne peut savoir combien l'argent a de cuivre dans son alliage, ni par conséquent combien il faudra mettre de plomb sur la coupelle pour détruire ou scorifier cet alliage. C'est aussi par l'essai qu'on juge s'il y a assez d'argent joint à l'or dans le mélange de ces deux métaux, pour que l'eau-forte puisse en faire la séparation ". M. Hellot sur Schlutter.

Les objets particuliers sur lesquels la docimasie s'exerce, sont les mines proprement dites, les substances métalliques mêlées entr'elles ou à quelques matières étrangères, telles que le soufre, les pyrites, les pierres ou terres alumineuses, nitreuses, etc.

Les principales opérations que la docimasie emploie, sont le lavage, le grillage, la scorification, l'affinage par la coupelle, la fusion, et la préparation des régules ou des culots métalliques, la liquation, la réduction, l'amalgamation, le départ par la voie seche, la distillation, la sublimation, la solution par les menstrues humides qui comprend l'inquart, et les différents départs par la voie humide. Voyez les articles particuliers.

Les instruments pour exécuter toutes ces différentes opérations, sont " un fourneau allemand à deux soufflets, où l'on puisse fondre en dix ou douze heures au moins un quintal réel de mine, avec les différentes matières qu'on est obligé d'y ajouter pour en extraire le fin.

Un fourneau de reverbere à l'anglaise ayant une chauffe, dont on puisse hausser ou baisser la grille pour le chauffer avec le charbon de terre ou avec le bois, et où l'on puisse fondre de même un quintal réel de mine en dix ou douze heures.

Un fourneau de reverbere pour griller les mines, et dans lequel on puisse calciner à deux, trois et quatre feux, au moins quatre ou cinq quintaux de minéral crud, afin d'en avoir assez pour quatre ou cinq essais de fonte, à un quintal réel chacun, au cas que le produit du premier de ces essais ne réponde pas au produit de l'essai fait à l'ordinaire en petit.

Un moyen fourneau d'affinage ayant une chauffe dont la grille puisse se hausser ou se baisser, afin qu'on y puisse, comme dans le second fourneau dont on vient de parler, employer le charbon de terre ou le bois ; il faut aussi qu'il soit construit de façon qu'on puisse y placer une coupelle à l'anglaise, ou une coupelle ordinaire dite à l'allemande, de capacité suffisante pour litarger environ six quintaux de plomb.

Deux fourneaux d'essai, dits fourneaux de coupelle, pour les essais en petit.

Deux fourneaux de fonte : l'un fixe placé devant un soufflet double semblable à celui d'une forge, où l'on puisse fondre jusqu'à cent marcs d'argent ; un autre carré, mobile, et beaucoup plus petit, destiné à la fonte des essais en petit, ayant deux espèces de tuyeres vis-à-vis l'un de l'autre, afin qu'on puisse le chauffer avec deux soufflets, si le vent d'un seul ne suffit pas pour donner à la mine une fusion parfaite. On ne peut se passer de ce dernier fourneau à deux vents opposés, quand on veut savoir si une mine de fer contient de l'or et de l'argent, parce qu'un seul soufflet ne suffit pas pour lui donner la fluidité nécessaire à la précipitation de ces deux métaux.

Un fourneau à distiller l'eau-forte et d'autres esprits acides par la cornue.

Un fourneau avec un bain de sable pour le départ des matières d'or et d'argent.

Un autre fourneau avec bain de sable servant à la reprise de l'argent, c'est-à-dire à distiller l'eau-forte qui est chargée de l'argent pendant le départ.

Trais ou quatre bassines de cuivre rouge dans lesquelles on puisse faire chauffer l'eau-forte qui est chargée de l'argent des départs pour en précipiter ce métal, en cas qu'on juge qu'il soit plus avantageux de le retirer par cette méthode que par la distillation de l'eau-forte.

En cas qu'on précipite l'argent dissous par les bassines de cuivre rouge, il faut un fourneau long où l'on puisse placer plusieurs pots à beurre garnis de leurs chapiteaux et récipients, pour distiller l'eau-forte affoiblie qu'on aura décantée des bassines, et qui en a dissous une partie du cuivre à la place de l'argent qu'elle tenait d'abord en dissolution.

Une grande balance sur laquelle on puisse peser jusqu'à deux cent marcs.

Une moyenne balance propre à peser cinquante marcs.

Une balance pour le poids de marc.

Deux balances avec leurs pivots et leviers, l'une servant à peser la matière des essais ; et l'autre à peser les grains ou petits culots provenans des essais de mines de cuivre, de plomb, de fer, etc.

Deux balances d'essai montées dans une châsse ou lanterne garnie de verre blanc ou de glaces, pour les mettre à l'abri de toute agitation de l'air. On les monte sur leurs supports et poulies ; et avec un poids coulant sur la tablette de la lanterne, on les souleve. L'une sert pour les essais ordinaires des mines de plomb et de cuivre ; l'autre plus fine et plus délicate, ne s'emploie que pour peser le produit ordinairement peu considérable, qu'ont donné ces sortes de mines en or et en argent. Cette balance s'appelle balance docimastique. Voyez ESSAI.

Un bon poids de marc bien étalonné avec d'autres poids de cuivre jaune, jusqu'à la concurrence de deux cent marcs.

Un poids de proportion. Voyez POIDS.

Une couple de pinces de laiton, nommées brusselles, pour prendre ces petits poids.

Une couple de cuilleres, dont une petite et à longue queue.

Une couple de moules de cuivre jaune ; l'un un peu grand, l'autre petit, pour verser le plomb des scorifications.

Une douzaine de grands et de petits moules aussi de cuivre jaune, servant à faire des coupelles.

Des tenailles à bec, des pincettes, et autres instruments de fer destinés pour les fourneaux d'essai, foyer, fourneaux de fonte, ainsi que des soufflets.

Une plaque de fer ou de cuivre rouge, garnie de petits creux en demi-sphère, de capacité suffisante pour contenir la matière scorifiée d'un essai qu'on y verse, quand il est en parfaite fusion.

Une enclume ou gros tas d'acier trempé et poli, avec deux marteaux aussi garnis d'acier bien poli.

Un autre petit tas d'acier poli, et son marteau aussi poli.

Une moyenne plaque de fer fondu bien unie, servant de porphyre, avec un marteau servant à broyer les matières des essais.

Un trepié de laiton ou de tole pour placer les petits matras qu'on met sur le feu pour faire bouillir l'eau-forte des essais d'or.

Deux cones de cuivre jaune ou de fer de fonte, l'un grand, l'autre petit.

Deux autres cones de fer.

Une bassine de fer pour verser l'argent en fusion et le mettre en culot.

Des lingotières pour l'or et pour l'argent.

Trais ou quatre poêles à têt.

Un chauderon de cuivre rouge où l'on puisse grenailler l'argent, et qui puisse contenir au moins vingt seaux d'eau. Mais pour éviter les frais, on se sert en France d'un cuvier de bois, au fond duquel on met une moyenne bassine de cuivre pour recevoir la grenaille qui a traversé l'eau du cuvier.

Deux ou trois bassines de cuivre rouge avec des anses de fer, contenant chacune un seau d'eau. Il faut qu'elles soient de cuivre un peu épais, pour qu'on puisse s'en servir, si l'on veut, à précipiter l'argent de l'eau-forte qui a fait le départ de l'or.

Deux autres fortes bassines de cuivre rouge pour la même précipitation, lorsqu'on a une grande quantité de cette eau-forte chargée d'argent.

Une bassine pour laver et édulcorer la chaux d'or qui a été départie de l'argent, contenant sept à huit seaux d'eau.

Un bassin de cuivre servant à mettre les matières concassées, contenant onze pintes ou environ.

Des grandes et petites cuilleres un peu fortes en cuivre.

Des capsules de fer et de terre pour les bains de sables.

Des cucurbites ou matras de verre à fond large, qu'on puisse placer dans des chauderons pleins d'eau, pour faire le départ au bain-marie.

Des cucurbites ordinaires de verre, pour le départ et la distillation de l'eau-forte et des cornues, encore meilleures pour ce dernier usage.

Des chapiteaux de verre.

Des récipiens de verre ou ballons, et des récipiens de grais pour l'eau-forte.

De bons matras de différentes grandeurs, et plusieurs de petite capacité pour les essais d'or en petit.

Plusieurs bassins de verre ou de porcelaine.

Des entonnoirs de verre.

Des bassins de pierre ou de terre, souvent nécessaires à certains départs.

Des bouteilles de verre avec des bouchons de cire pour les eaux-fortes.

Des creusets d'Ipsen ou couleur de plomb, grands et petits.

De petits têts ou creusets plats à scorifier ou à rôtir les mines, et de plus grands, pour chasser l'antimoine, lorsqu'on purifie l'or par ce minéral.

De grands scorificatoires servant à purifier les matières par le vent du soufflet.

Des creusets de Hesse, bien choisis et de toute grandeur. Nota. Quelques fournalistes de Paris les font aussi bons au moins que ceux d'Allemagne. On peut en faire venir aussi de Dieu-le-Fit, près de Montelimart, qui sont excellents ; ceux de Sinsanson, près de Beauvais, sont aussi très-bons pour la fonte de cuivre.

Des têts ou petits creusets ayant l'entrée étroite, et le milieu renflé, avec un pied pour les placer à-peu-près comme la patte d'un verre, ils servent en Allemagne aux essais des mines en petit. On ne peut les faire que sur le tour, et souvent ils sont poreux, et boivent une portion du métal réduit ; on les nomme des tutes.

Des bonnes mouffles de terre à creuset.

Des coupelles d'os ou de cendres depuis le poids de deux gros jusqu'à celui de quatre onces, et par conséquent de différente capacité.

Un petit et un grand mortier de fer.

Un ou deux mortiers de verre avec leurs pilons aussi de verre.

On ne peut se dispenser d'avoir dans un laboratoire des flux ou fondants de différentes sortes, tant pour les essais des mines, que pour les autres matières que l'on veut fondre.

1°. Du plomb grenaillé. Voyez PLOMB.

2°. De la litarge. Voyez PLOMB.

3°. Du verre de plomb. Voyez PLOMB.

4°. Du salpetre purifié. Voyez NITRE.

5°. Du tartre blanc que Schlutter préfère au tartre rouge, prescrit pour le flux noir par tous les auteurs qui ont écrit sur l'art d'essayer les mines.

6°. De l'écume de verre nommée aussi fiel et sel de verre, ou tendrole. Celle qui est presque compacte, est préférable à celle qui est rare et friable.

7°. Du borax. Il faut le calciner et le remettre en poudre avant que de l'employer ; parce qu'il boursouffle dans les creusets, et peut en faire sortir une partie de l'essai : ce qui n'arrive pas quand on a eu l'attention de le calciner auparavant.

8°. De la potasse. Plus elle est compacte, meilleure elle est pour l'usage. Celle qu'on trouve au fond du pot de fer dans les fabriques de ce sel, dont il sera parlé dans la suite, est ordinairement la meilleure. Celle qui est par dessus, et qui parait plus spongieuse, n'est pas si bonne.

9°. Du sel alkali. Celui qui reste au fond d'une bassine de fer, après qu'on a fait bouillir jusqu'à siccité la lessive des savoniers. On peut lui substituer le sel de soude purifié. Voyez FONDANT.

10°. De la cendre gravelée, que Schlutter ne met point dans son catalogue des fondants, quoique c'en soit un excellent pour les mines ferrugineuses qui tiennent de l'or.

11°. Du caput mortuum. C'est ce qui reste au fond des cornues de fer ou de terre, dont on s'est servi pour distiller l'eau-forte. Voyez NITRE.

12°. Du sel commun. Voyez SEL COMMUN.

13°. Du verre blanc.

14°. Du sable blanc calciné, broyé, passé par un tamis, ensuite lavé et seché.

15°. De la poussière de charbon. On prend le charbon de jeune bois de hêtre ou de vieux coudrier, qu'on fait piler et tamiser pour le conserver dans une boite.

16°. Du flux crud ou flux blanc, du flux noir, et différents flux composés ". Voyez FLUX et FONDANT. Extraits de l'ouvrage déjà cité.

Et enfin différents menstrues, principalement l'eau-forte précipitée, de l'esprit de sel rectifié, différentes eaux régales, de l'huîle de tartre, de l'esprit de sel ammoniac, du mercure, et du soufre. Voyez ces différents articles.

Il ne suffit pas à l'essayeur d'être en état d'exécuter les opérations que nous avons désignées plus haut, et dont il sera traité dans des articles particuliers. Il ne suffit pas même qu'il sache former un procédé régulier de l'exécution successive d'un certain nombre de ces opérations ; procédé dont on trouvera un exemple au mot ESSAI ; il faut encore qu'il soit au fait d'un certain calcul, au moyen duquel il determine la proportion, dans laquelle étaient entr'eux, les différents principes qu'il a séparés, et le rapport de ces produits avec ceux du travail en grand. Ce calcul a été heureusement rendu très-simple, au moyen de l'usage des poids fictifs, représentants, ou idéaux, divisés dans des parties proportionnelles aux parties des poids réels, qui sont en usage dans chaque pays. Un petit poids quelconque étant pris, par exemple, pour représenter le quintal de 100 liv. qui est le plus communément en usage parmi nous ; on divisera ce poids fictif par livres, onces, gros, etc. et comme il n'est jamais question dans la réponse du docimasiste de déterminer des quantités absolues, mais toujours des quantités relatives, qu'on ne lui demande jamais combien d'argent, par exemple, contient un morceau de mine qu'on lui présente, mais combien une pareille mine contient d'argent par quintal, le poids réel de son quintal fictif lui est absolument inutîle à connaître. Celui qui est le plus en usage en France pese pourtant ordinairement un gros réel. Voyez l'article POIDS.

Les petites portions du quintal fictif, telles que les gros, étant de très-petits poids réels, on conçoit combien il importe à l'exactitude de l'art que les poids et les balances de docimasie soient justes. On donnera au mot POIDS et au mot PESER la manière de faire ces poids, de les diviser, ou de les vérifier, aussi-bien que celle de s'assurer de l'exactitude et de la délicatesse des balances. Voyez les articles POIDS et PESER.

Les seuls auteurs originaux de docimasie que reconnaisse M. Cramer, excellent juge en cette partie, sont le célèbre George Agricola, qui le premier en a donné un traité méthodique dans le septième livre de son ouvrage de re metallicâ, achevé avant l'année 1550 ; Lazare Ercker qui a suivi Agricola de très-près dans un ouvrage écrit en allemand, et intitulé aula subterranea ; et Modestin Fachs qui a aussi écrit en allemand, et qui a peu ajouté aux connaissances qu'il a puisées dans ses deux prédécesseurs.

Stahl et Henckel nous ont donné les connaissances les plus exactes et les plus philosophiques sur la nature des minéraux, et sur la théorie des changements que l'art leur fait éprouver ; le premier dans plusieurs de ses ouvrages, et surtout dans sa dissertation intitulée, dissertatio Metallurgiae pyrotechnicae, et docimasiae metallicae fundamenta exhibens, dont les derniers chapitres contiennent un traité abrégé et scientifique de docimasie ; et Henckel dans sa pyritologie, son flora saturnisans, &c.

La bibliothèque du docimasiste doit être grossie aujourd'hui des éléments de docimasie de M. Cramer, et du traité de la fonte des mines de Schlutter, augmenté de plusieurs procédés et observations, et publié par M. Hellot. (b)