S. f. est une faiblesse d'esprit par laquelle on est porté à donner son assentiment, soit à des propositions, soit à des faits, avant que d'en avoir pesé les preuves. Il ne faut pas confondre l'impiété, l'incrédulité et l'inconviction, comme il arrive tous les jours à des écrivains aussi étrangers dans notre langue que dans la philosophie. L'impie parle avec mépris de ce qu'il croit au fond de son cœur. L'incrédule nie sur une première vue de son esprit, la vérité de ce qu'il n'a point examiné, et de ce qu'il ne veut point se donner la peine d'examiner sérieusement ; parce que frappé de l'absurdité apparente des choses qu'on lui assure, il ne les juge pas dignes d'un examen réfléchi. L'inconvaincu a examiné ; et sur la comparaison de la chose et des preuves, il a cru voir que la certitude qui résultait des preuves que la chose était comme on la lui disait, ne contrebalançait pas le penchant qu'il avait à croire, soit sur les circonstances de la chose même, soit sur des expériences réitérées, ou qu'elle n'était point du tout, ou qu'elle était autrement qu'on ne la lui racontait. Il ne peut y avoir de doute que sur une chose possible ; et l'on est d'autant moins porté à croire le passage du possible à l'existant, que les preuves de ce passage sont plus faibles, que les circonstances en sont plus extraordinaires, et que l'on a un plus grand nombre d'expériences que ce passage s'est trouvé faux ou dans des cas semblables, ou même dans des cas moins extraordinaires ; en sorte que si les cas où une pareille chose s'est trouvée fausse, sont au cas où elle s'est trouvée vraie, comme cent mille est à un, et que ce rapport soit seulement doublé par la combinaison des circonstances de la chose considérée en elle même, sans aucun égard à l'expérience, il faudra que les preuves du passage du possible à l'existant, soient équivalentes à 1999 au moins. Celui qui aura fait ce calcul, dans la supposition dont il s'agit, et trouvé la valeur de la probabilité égale à 1999, ou moindre que cette quantité, sera un inconvaincu de bonne foi. Celui qui n'aura point fait le calcul, mais qui l'aura présumé tel en effet qu'il est et qu'il doit être, par l'habitude d'un esprit exercé à discerner la vérité, sans entrer dans la discussion scrupuleuse des preuves, sera nécessairement un incrédule ; l'impie aura dans la bouche le discours de l'incrédule, et dans l'esprit une présomption contraire : ainsi l'inconviction est éclairée par la méditation, l'incrédulité par le sentiment, et l'impiété s'étourdit elle-même ; l'inconvaincu mérite d'être instruit, l'incrédule d'être exhorté, l'impie seul est sans excuse. L'impiété ne répugne point à la crédulité. Un idolatre qui croit en son idole et qui la brise, quand il n'en est pas exaucé, est un impie ; un catholique qui approche de la sainte table sans reconnaître en lui-même les dispositions nécessaires, est un impie ; un mahométan aux yeux duquel les différents articles de sa croyance sont autant de rêveries qui ne sont pas dignes d'occuper sa réflexion, est un incrédule ; le protestant qui, sur un examen impartial, parvient à se former des doutes graves sur la préférence qu'il donne à sa secte, est un inconvaincu. Au reste, comme il s'agit ici de questions morales, il pourrait bien arriver que quoiqu'il y eut deux mille à parier contre un que telle chose est, cependant elle ne fut pas. L'inconvaincu peut donc supposer raisonnablement la vérité où elle n'est pas : il est encore bien plus facîle à l'incrédule de s'y tromper. Mais il ne s'agit point de ce qui est ou de ce qui n'est pas, il est question de ce qui nous parait. C'est avec nous mêmes qu'il importe de nous acquitter ; et quand nous serons de bonne foi, la vérité ne nous échappera pas. Il y a le même danger à tout rejeter et à tout admettre indistinctement ; c'est le cas de la crédulité, le vice le plus favorable au mensonge.