S. f. (Ordre encyclopédique, Science, Art, Economie rustique, Chasse, Fauconnerie) c'est l'art de dresser et de gouverner les oiseaux de proie destinés à la chasse. On donne aussi ce nom à l'équipage, qui comprend les fauconniers ; les chevaux, les chiens, etc. La chasse elle-même porte plus particulièrement le nom de vol, et c'est à ce mot que nous parlerons des différentes chasses qui se font avec des oiseaux. Voyez VOL.

L'objet naturel de la chasse parait être de se procurer du gibier : dans la fauconnerie on se propose la magnificence et le plaisir plus que l'utilité, surtout depuis que l'usage du fusil a rendu faciles les moyens de giboyer.

La fauconnerie est fort en honneur en Allemagne, où beaucoup de princes en ont une considérable et souvent exercée ; celle qui est en France, quoique très-brillante, n'est pas d'un usage aussi journalier.

C'est l'oiseau appelé faucon qui a donné le nom à la fauconnerie, parce que c'est celui qui sert à un plus grand nombre d'usages. Il y a le faucon proprement dit ; mais souvent on attribue aussi ce nom à d'autres oiseaux, en y ajoutant une distinction particulière. On dit faucon-gerfault, faucon-lanier, &c.

Entre les faucons de même espèce, on remarque des différences qui désignent leur âge, et le temps auquel on les a pris. On appelle faucons sors, passagers ou pélerins, ceux qui, quoiqu'à leur premier pennage, ont été pris venant de loin, et dont on n'a point Ve l'aire ou le nid. Le faucon niais, qu'on nomme aussi faucon royal, est celui qui a été pris dans son aire ou aux environs. Enfin le faucon appelé hagard, est celui qui a déjà mué lorsqu'on le prend.

Les auteurs qui ont écrit de la fauconnerie, font encore un grand nombre de distinctions, mais qui ne tiennent point à l'art ; elles ne font que désigner les pays d'où viennent les faucons, ou ce ne sont que différents termes de jargon qui expriment à-peu-près les mêmes choses.

Le choix des oiseaux est une chose essentielle en fauconnerie. On doit s'arrêter à la conformation que nous allons décrire, quoique toutes les marques extérieures de bonté puissent quelquefois tromper. Le faucon doit avoir la tête ronde, le bec court et gros, le cou fort long, la poitrine nerveuse, les mahutes larges, les cuisses longues, les jambes courtes, la main large, les doigts déliés, allongés, et nerveux aux articles ; les ongles fermes et recourbés, les ailes longues. Les signes de force et de courage sont les mêmes pour le gerfault, etc. et pour le tiercelet, qui est le mâle, dans toutes les espèces d'oiseaux de proie, et qu'on appelle ainsi parce qu'il est d'un tiers plus petit que la femelle. Une marque de bonté moins équivoque dans un oiseau ; c'est de chevaucher le vent, c'est-à-dire de se roidir contre, et se tenir ferme sur le poing lorsqu'on l'y expose. Le pennage d'un bon faucon doit être brun et tout d'une pièce, c'est-à-dire de même couleur. La bonne couleur des mains est le verd d'eau : ceux dont les mains et le bec sont jaunes, ceux dont le plumage est semé de taches, ce qu'on appelle égalé ou haglé, sont moins estimés que les autres. On fait cas des faucons noirs ; mais quel que soit leur plumage, ce sont toujours les plus forts en courage qui sont les meilleurs.

Outre la conformation, il faut encore avoir égard à la santé de l'oiseau. Il faut voir s'il n'est point attaqué du chancre, qui est une espèce de tartre qui s'attache au gosier et à la partie inférieure du bec ; s'il n'a point sa molette empelotée, c'est-à-dire si la nourriture ne reste point par pelotons dans son estomac ; s'il se tient sur la perche tranquillement et sans vaciller ; si sa langue n'est point tremblante ; s'il a les yeux perçans et assurés ; si les émeuts sont blancs et clairs : les émeuts bleus sont un symptôme de mort.

Le choix d'un oiseau ainsi fait, on passe aux soins nécessaires pour le dresser. On commence par l'armer d'entraves appelées jets, au bout desquels on met un anneau sur lequel est écrit le nom du maître : on y ajoute des sonnettes, qui servent à indiquer le lieu où il est lorsqu'il s'écarte à la chasse. On le porte continuellement sur le poing ; on l'oblige de veiller : s'il est méchant et qu'il cherche à se défendre, on lui plonge la tête dans l'eau ; enfin on le contraint par la faim et la lassitude à se laisser couvrir la tête d'un chaperon qui lui enveloppe les yeux. Cet exercice dure souvent trois jours et trois nuits de suite ; il est rare qu'au bout de ce temps les besoins qui le tourmentent, et la privation de la lumière, ne lui fassent pas perdre toute idée de liberté. On juge qu'il a oublié sa fierté naturelle, lorsqu'il se laisse aisément couvrir la tête, et que découvert il saisit le pât ou la viande qu'on a soin de lui présenter de temps en temps. La répetition de ces leçons en assure peu-à-peu le succès. Les besoins étant le principe de la dépendance de l'oiseau, on cherche à les augmenter en lui nettoyant l'estomac par des cures. Ce sont de petits pelotons de filasse qu'on lui fait avaler, et qui augmentent son appétit ; on le satisfait après l'avoir excité, et la reconnaissance attache l'oiseau à celui même qui l'a tourmenté. Lorsque les premières leçons ont réussi, et qu'il montre de la docilité, on le porte sur le gason dans un jardin. Là on le découvre, et avec l'aide de la viande on le fait sauter de lui-même sur le poing. Quand il est assuré à cet exercice, on juge qu'il est temps de lui donner le vif, et de lui faire connaître le leurre.

Ce leurre est une représentation de proie, un assemblage de pieds et d'ailes, dont les fauconniers se servent pour réclamer les oiseaux, et sur lequel on attache leur viande. Cet instrument étant destiné à rappeler les oiseaux et à les conduire, il est important qu'ils y soient non-seulement accoutumés, mais affriandés. Quelques fauconniers sont dans l'usage d'exciter l'oiseau à plusieurs reprises dans la même leçon, lorsqu'ils l'accoutument au leurre. Dès qu'il a fondu dessus, et qu'il a seulement pris une bécade, ils le retirent sous prétexte d'irriter sa faim, et de l'obliger à y revenir encore ; mais par cette méthode on court risque de le rebuter : il est plus sur, lorsqu'il a fait ce qu'on attendait de lui, de le paitre tout à fait, et ce doit être la récompense de sa docilité. Le leurre est l'appas qui doit faire revenir l'oiseau lorsqu'il sera élevé dans les airs ; mais il ne serait pas suffisant sans la voix du fauconnier, qui l'avertit de se tourner de ce côté-là. Il faut donc que le mouvement du leurre soit toujours accompagné du son de la voix et même des cris du fauconnier, afin que l'un et l'autre annoncent ensemble à l'oiseau que ses besoins vont être soulagés. Toutes ces leçons doivent être souvent répetées, et par le progrès de chacune le fauconnier jugera de celles qui auront besoin de l'être davantage. Il faut chercher à bien connaître le caractère de l'oiseau, parler souvent à celui qui parait moins attentif à la voix, laisser jeuner celui qui revient moins avidement au leurre, veiller plus longtemps celui qui n'est pas assez familier, couvrir souvent du chaperon celui qui craint ce genre d'assujettissement. Lorsque la docilité et la familiarité d'un oiseau sont suffisamment confirmées dans le jardin, on le porte en plaine campagne, mais toujours attaché à la filière, qui est une ficelle longue d'une dixaine de taises : on le découvre ; et en l'appelant à quelques pas de distance, on lui montre le leurre. Lorsqu'il fond dessus, on le sert de la viande, et on lui en laisse prendre bonne gorge, pour continuer de l'assurer. Le lendemain on le lui montre d'un peu plus loin, et il parvient enfin à fondre dessus du bout de la filière : c'est alors qu'il faut faire connaître et manier plusieurs fois à l'oiseau le gibier auquel on le destine : on en conserve de privés pour cet usage : cela s'appelle donner l'escap. C'est la dernière leçon, mais elle doit se répeter jusqu'à ce qu'on soit parfaitement assuré de l'oiseau : alors on le met hors de filière, et on le vole pour bon.

La manière de leurrer que nous avons indiquée, ne s'emploie pas à l'égard des faucons et tiercelets destinés à voler la pie, ou pour champ, c'est-à-dire pour le vol de la perdrix. Lorsque ceux-là sont assurés au jardin, et qu'ils sautent sur le poing, on leur fait tuer un pigeon attaché à un piquet, pour leur faire connaître le vif. Après cela on leur donne un pigeon volant, au bout d'une filière ; et lorsqu'on les juge assez surs pour être mis hors de filière eux-mêmes, on leur donne un pigeon volant librement, mais auquel on a sillé les yeux. Ils le prennent, parce qu'il se défend mal. Alors, si l'on compte sur leur obéissance, on cherche à les rebuter sur les pigeons et sur tous les gibiers qu'ils ne doivent pas voler : pour cela on les jette après des bandes de pigeons, qui se défendent trop bien pour être pris, et on ne les sert de la viande, que quand on leur a fait prendre le gibier auquel on les destine. Le faucon pour corneille se dresse de la même manière, mais sans qu'on le serve de pigeons : c'est une corneille qu'on lui donne à tuer au piquet ; et après cela on lui donne plusieurs fois l'escap au bout d'une filière mince et courte, jusqu'à ce qu'on le juge assez confirmé pour le voler pour bon.

Les auteurs qui ont écrit sur la Fauconnerie, donnent encore d'autres méthodes dont nous ne parlerons point ; soit parce qu'elles sont contenues en substance dans ce que nous avons dit ; soit parce que l'expérience et l'usage d'aujourd'hui les ont abrégées. Un mois doit suffire pour dresser un oiseau. Il y en a qui sont lâches et paresseux : d'autres sont si fiers, qu'ils s'irritent contre tous les moyens qu'on emploie pour les rendre dociles. Il faut abandonner les uns et les autres. En général, les niais sont les plus aisés : les sors le sont un peu moins, mais plus que les hagards qui, selon le langage des Fauconniers, sont souvent curieux, c'est-à-dire moins disposés par leur inquiétude à se prêter aux leçons.

Le soin des oiseaux de proie, soit en santé, soit en maladie, étant une partie principale de la Fauconnerie, nous devons en parler ici. En hiver, il faut les tenir dehors pendant le jour ; mais pendant la nuit, dans des chambres échauffées. On les découvre le soir sur la perche ; ils y sont attachés de manière qu'ils ne puissent pas se nuire l'un à l'autre. Le Fauconnier doit visiter et nettoyer exactement le chaperon, parce qu'il peut s'y introduire des ordures qui blesseraient dangereusement les yeux des oiseaux. Lorsqu'ils sont découverts, on leur laisse une lumière pendant une heure, pendant laquelle ils se repassent ; ce qui est très-utîle à leur pennage. Pendant l'été qui est le temps ordinaire de la mue, on les met en lieu frais ; et il faut placer dans leurs chambres plusieurs gasons, sur lesquels ils se tiennent, et un bacquet d'eau dans lequel ils se baignent. On ne peut pas cependant laisser ainsi en liberté toutes sortes d'oiseaux. Le gerfault d'Islande et celui de Norvège ne peuvent se souffrir : ceux de Norvège sont mécans, même entr'eux ; il faut attacher ceux-là sur le gason avec des longes, et les baigner à part tous les huit jours.

On nourrit les oiseaux avec de la tranche de bœuf et du gigot de mouton coupés par morceaux, et dont on a ôté avec soin la graisse et les parties nerveuses. Quelquefois on saigne des pigeons sur leur viande ; mais en général, le pigeon sert plus à les reprendre, qu'à les nourrir. Pendant la mue, on leur donne deux gorges par jour, mais modérées ; c'est un temps de régime. On ne leur en donne qu'une, mais bonne, dans les autres temps. La veille d'une chasse on diminue de beaucoup la gorge qu'on leur donne, et quelquefois on les cure, comme nous l'avons dit, afin de les rendre plus ardents. Une bécade de trop rendrait l'oiseau languissant, et nuirait à la volerie. Vers le mois de Mars, qui est le temps de l'amour, on fait avaler aux faucons des caillous de la grosseur d'une naisette, pour faire avorter leurs œufs qui prennent alors de l'accroissement. Quelques fauconniers en font avaler aussi aux tiercelets, et ils prétendent que cela les rafraichit ; mais ce remède est souvent dangereux, et il n'en faut user que rarement.

A l'égard des maladies des oiseaux, voici les principales, et les remèdes que l'expérience fait juger les meilleurs.

Les cataractes ou tayes sur les yeux, elles viennent souvent de ce que le chaperon n'a pas été nettoyé avec soin ; quelquefois elles sont naturelles. Le blanc de l'émeut d'un autour, séché et soufflé en poudre à plusieurs reprises, est le meilleur remède. On se sert aussi de la même manière, d'alun calciné.

Le rhume se connait à un écoulement d'humeurs par les naseaux. Le remède est d'acharner l'oiseau sur le tiroir, c'est-à-dire de lui faire tirer sur le poing des parties nerveuses, comme un bout d'aîle de poulet, ou un manche de gigot, qui l'excitent sans le rassasier. On mêle aussi dans sa viande de la chair de vieux pigeon. Cet exercice d'acharner sur le tiroir, est en général fort salutaire aux oiseaux.

Le pantais est un asthme causé par quelque effort ; il se marque par un battement en deux temps de la mulette, au moindre mouvement que fait l'oiseau. Le crac vient aussi d'un effort, et il se marque par un bruit que l'oiseau fait en volant, et dont le caractère est désigné par le nom crac. On guérit ces deux maladies, en arrosant la viande d'huîle d'olive, et en faisant avaler à l'oiseau plein un dé de momie pulvérisée ; mais lorsque l'effort est à un certain point, la maladie est incurable.

Le chancre est de deux sortes : le jaune, et le mouillé. Le jaune s'attache à la partie inférieure du bec ; il se guérit lorsqu'en l'extirpant il ne saigne point. On se sert pour l'extirper, d'un petit bâton rond garni de filasse, et trempé dans du jus de citron, ou quelque autre corrosif du même genre. Le chancre mouillé a son siège dans la gorge ; il se marque par une mousse blanche qui sort du bec. Il est incurable et contagieux.

Les vers ou filandres s'engendrent dans la mulette. Le symptôme de cette maladie est un bâillement fréquent. On fait avaler à l'oiseau une gousse d'ail ; on lui donne aussi de l'absynthe, hachée très-menu, dans une cure. La momie, prise intérieurement, est très-bonne aussi dans ce cas-là.

Les mains enflées par accident, se guérissent en les trempant dans de l'eau-de-vie de lavande, mêlée avec du persil pilé.

La goutte, celle qui vient naturellement, ne se guérit point. Celle qui vient de fatigue se guérit quelquefois, en mettant l'oiseau au frais sur un gason enduit de bouse de vache détrempée dans du vinaigre, ou sur une éponge arrosée de vin aromatique. Quelquefois on soulage, même la goutte naturelle, en faisant sous la main des incisions, par lesquelles on en fait sortir de petits morceaux de craie.

La momie est le meilleur vulnéraire intérieur pour tous les efforts de l'oiseau de proie.

On croirait qu'il n'y a point de remède au pennage cassé. On le rajuste en entant un bout de plume sur celui qui reste, au moyen d'une aiguille que l'on introduit dans les deux bouts pour les rejoindre, et le vol n'en est point retardé. La penne cassée même dans le tuyau, se rejoint à une autre en la chevillant de deux côtés opposés avec des tuyaux de plumes de perdrix. Lorsque le pennage n'est que faussé, on le redresse en le mouillant avec de l'eau chaude, ou par le moyen d'un chou cuit sous la cendre et fendu, dont la chaleur et la pression remettent les plumes dans leur état naturel. Cet article est de M. LE ROY, Lieutenant des chasses du parc de Versailles.