(Physiologie) le dernier âge de la vie ; M. de Voltaire le peint ainsi :

C'est l'âge où les humains sont morts pour les plaisirs,

Ou le cœur est surpris de se voir sans désirs.

Dans cet état il ne nous reste

Qu'un assemblage vain de sentiments confus,

Un présent douloureux, un avenir funeste,

Un triste souvenir d'un bonheur qui n'est plus.

Pour comble de malheurs, on sent de la pensée

Se déranger tous les ressorts,

L'esprit nous abandonne, et notre âme éclipsée

Perd en nous de son être et meurt avant le corps.

Mais comment arrive cet affreux dépérissement de toute notre machine ? C'est ce que je vais indiquer d'après l'auteur de l'histoire naturelle de l'homme.

Le dépérissement, dit-il, est d'abord insensible ; il se passe même un long terme avant que nous nous apercevions d'un changement considérable ; cependant nous devrions sentir le poids de nos années, mieux que les autres ne peuvent en compter le nombre ; et comme ils ne se trompent pas de beaucoup sur notre âge, en le jugeant par les changements extérieurs, nous devrions nous tromper encore moins sur l'effet intérieur qui les produit, si nous nous observions mieux, si nous nous flattions moins, et si dans tout les autres ne nous jugeaient pas toujours beaucoup mieux que nous ne nous jugeons nous-mêmes.

Lorsque le corps a acquis toute son étendue en hauteur et en largeur par le développement entier de toutes ses parties, il augmente en épaisseur ; le commencement de cette augmentation est le premier point de son dépérissement, car cette extension n'est pas une continuation de développement ou d'accroissement intérieur de chaque partie, par lesquels le corps continuerait de prendre plus d'étendue dans toutes ses parties organiques, et par conséquent plus de force et d'activité ; mais c'est une simple addition de matière surabondante qui enfle le volume du corps, et le charge d'un poids inutile. Cette matière est la graisse qui survient ordinairement à 35 ou 40 ans, et à mesure qu'elle augmente, le corps a moins de légèreté et de liberté dans ses mouvements ; il n'acquiert de l'étendue qu'en perdant de la force et de l'activité.

Les os et les autres parties solides du corps ayant pris toute leur extension en longueur et en grosseur, continuent d'augmenter en solidité ; les sucs nourriciers qui y arrivent, et qui étaient auparavant employés à en augmenter le volume par le développement, ne servent plus qu'à l'augmentation de la masse ; les membranes deviennent cartilagineuses, les cartilages deviennent osseux, toutes les fibres plus dures, la peau se desseche, les rides se succedent peu-à-peu, les cheveux blanchissent, les dents tombent, le visage se déforme, le corps se courbe, etc.

Les premières nuances de cet état se font apercevoir avant quarante ans ; elles croissent par degrés assez lents jusqu'à soixante, par degrés plus rapides jusqu'à soixante-dix. La caducité commence à cet âge de soixante-dix ans ; elle Ve toujours en augmentant ; la décrépitude suit, et la mort termine ordinairement avant l'âge de quatre-vingt-dix ans la vieillesse et la vie.

Lorsque l'os est arrivé à son dernier période, lorsque les périostes ne fournissent plus de matière ductile, alors les sucs nourriciers se déposent dans l'intérieur de l'os, il devient plus solide, plus massif et spécifiquement plus pesant ; enfin la substance de l'os est avec le temps si compacte, qu'elle ne peut plus admettre les sucs nécessaires à cette espèce de circulation qui fait la nutrition de ses parties ; dès-lors cette substance de l'os doit s'altérer, comme le bois d'un vieil arbre s'altère, lorsqu'il a une fois acquis toute sa solidité. Cette altération dans la substance même des os est une des premières causes qui rendent nécessaire le dépérissement de notre corps.

Plus la force du cœur est grande et agit longtemps, plus le nombre des vaisseaux diminue, et plus les solides sont forts : d'où il arrive que la force des solides devient immense dans l'extrême vieillesse ; enfin les canaux trop résistants ne peuvent être étendus davantage par les liquides, toutes les parties doivent tomber dans une ossification sans remède. On a bien raison de se moquer de ces charlatants, qui se vantent de pouvoir écarter cette ossification par des élixirs fortifiants. La méthode de Médée qui, par des aliments et des bains émolliens, nourrissait, humectait les corps desséchés, était au-moins une idée plus raisonnable.

Les cartilages qu'on peut regarder comme des os mous, reçoivent, ainsi que les os, des sucs nourriciers qui en augmentent peu-à-peu la densité, à mesure qu'on avance en âge ; et dans la vieil esse, ils se durcissent presque jusqu'à l'ossification, ce qui rend les mouvements des jointures du corps très-difficiles, et doit enfin nous priver de l'usage de nos membres extérieurs.

Les membranes dont la substance a bien des choses communes avec celle des cartilages, prennent aussi à mesure qu'on avance en âge plus de densité et de sécheresse ; celles, par exemple, qui environnent les os, cessent d'être ductiles dès que l'accroissement du corps est achevé, c'est-à-dire dès l'âge de dix-huit à vingt ans ; elles ne peuvent plus s'étendre, elles commencent à augmenter en solidité qui s'accrait à mesure qu'on vieillit ; il en est de même des fibres qui composent les muscles et la chair ; plus on vit, plus la chair devient dure.

Il est donc vrai qu'à mesure qu'on avance en âge, les os, les cartilages, les membranes, la chair, et toutes les fibres du corps acquièrent de la sécheresse et de la solidité : toutes les parties se retirent, tous les mouvements deviennent plus lents, plus difficiles ; la circulation des fluides se fait avec moins de liberté, la transpiration diminue, la digestion des aliments devient lente et laborieuse, les sucs nourriciers sont moins abondants, et ne pouvant être reçus dans la plupart des fibres devenues trop solides, ils ne servent plus à la nutrition. Ainsi la seve de l'homme manque aux lieux qu'elle arrosait.

La vieillesse arrive encore nécessairement par la dégénération des fluides contenus dans le corps humain, et dont l'influence sur son économie n'est pas une vérité douteuse ; ces liqueurs n'étant que des parties passives et divisées ne font qu'obéir à l'impulsion des solides, dont leur mouvement, leur qualité, et même leur quantité dépendent. Dans la vieillesse, le calibre des vaisseaux se resserre, les filtres sécrétoires s'obstruent, le sang, la lymphe et les autres humeurs doivent par conséquent s'épaissir, s'altérer, s'extravaser, et produire tous les vices des liqueurs qui mènent à la destruction. Telles sont les causes du dépérissement naturel de la machine. Les muscles perdent leur ressort, la tête vacille, la main tremble, les jambes chancellent ; l'ouïe, la vue, l'odorat s'affoiblissent, et le toucher même s'émousse.

Impitoyablement flétrie, reconnaissez-vous dans cet état cette beauté ravissante à qui tous les cœurs adressaient autrefois leurs vœux ? Triste à l'aspect d'un sang glacé dans ses veines, comme les poètes peignent les nayades dans le cours arrêté de leurs eaux ! Combien d'autres raisons de gémir pour celle chez qui la beauté est le seul présent des dieux ! Une tête grise a succedé à ces cheveux d'un noir de geai, naturellement bouclés, qui tantôt flottaient sur des épaules d'albâtre, et tantôt se jouaient sur une belle gorge qui n'est plus. Ces yeux qui disaient tant de choses sont ternes et muets. Le corail de ces lèvres a changé de couleur ; sa bouche est dépouillée de son plus bel ornement ; aucune trace de cette taille légère, si bien proportionnée, et de ce teint qui le disputait aux lis et aux roses ; cette peau si douce, si fine et si blanche n'offre aux regards qu'une foule d'écailles, de plis et de replis tortueux. Hélas, tout chez elle s'est changé en rides presque effrayantes ! le cerveau affaissé sur lui-même ne laisse passer que lentement ces rayons d'intelligence et de génie qui causaient votre admiration ! Telle est la décrépitude du dernier âge.

Cependant que ce triste hiver n'alarme point ceux dont la vie s'est passée dans la culture de l'esprit, dans la bienfaisance et dans la pratique de la vertu ! Leurs cheveux blancs sont respectables. Leurs écrits, leurs belles actions le sont encore davantage. C'est à ces gens-là, si rares sur la terre, que la brillante et florissante jeunesse doit des égards, des hommages et des autels. (Le chevalier DE JAUCOURT ).

VIEILLESSE, (Morale) la vieillesse languissante, ennemie des plaisirs, succédant à l'âge viril, vient rider le visage, courber le corps, affoiblir les membres, tarir dans le cœur la source de la joie, nous dégoûter du présent, nous faire craindre l'avenir, et nous rendre insensible à tout, excepté à la douleur. Ce temps se hâte, le voilà qui arrive ; ce qui vient avec tant de rapidité est près de nous, et le présent qui s'enfuit est déjà bien loin, puisqu'il s'anéantit dans le moment que j'écris ce petit nombre de réflexions, et ne peut plus se rapprocher.

La longue habitude tient la vieillesse comme enchainée ; elle n'a plus de ressources contre ses défauts ; semblable aux arbres dont le tronc rude, noueux s'est durci par le nombre des années, et ne peut plus se redresser ; les hommes à un certain âge ne peuvent presque plus se plier eux-mêmes contre certaines habitudes qui ont vieilli avec eux, et qui sont entrées jusques dans la moèlle de leurs os. Souvent ils les connaissent, mais trop tard ; ils gémissent en vain, et la tendre jeunesse est le seul âge où l'homme peut encore tout sur lui-même pour se corriger. " On s'envieillit des ans, dit Montagne, sans s'assagir d'un pouce ; on Ve toujours en avant, mais à reculons. Il ferait beau être vieil, continue-t-il, si nous marchions vers l'amendement ; mais le marcher de cet âge est celui d'un yvrogne, titubant, vertigineux ; c'est l'homme qui marche vers son décrait ".

On doit cependant se consoler des rides qui viennent sur le visage, puisqu'elles sont l'effet inévitable de notre existence. Dans l'adversité, les peines de l'esprit et les travaux du corps font vieillir les hommes avant le temps. Dans la prospérité, les délices d'une vie molle et voluptueuse les usent encore davantage. Ce n'est qu'une vie sobre, modérée, simple, laborieuse, exempte de passions brutales, qui peut retenir dans nos membres quelques avantages de la jeunesse, lesquels, sans ces précautions, s'envolent promptement sur les ailes du temps.

C'est une belle chose qu'une vieillesse étayée sur la vertu. Castricius ne voulant point permettre qu'on donnât des ôtages au consul Cnéïus Carbon, celui-ci crut l'intimider, en lui disant qu'il avait plusieurs épées ; et moi plusieurs années, répondit Castricius. Une pareille réponse a été faite par Solon à Pisistrate, par Confidius à Jules César, et par Cesellius aux triumvirs. Ils ont tous voulu faire voir, en parlant ainsi, que quelques années de vie qu'on avait encore à parcourir ne valaient pas la peine de faire naufrage au port. (D.J.)

VIEILLESSE, (Mythologie) elle était, selon Hésiodore, fille de l'Erébe et de la Nuit. Athénée prétend qu'elle avait un temple à Athènes. (D.J.)