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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Physiologie
S. f. (Physiologie) c'est l'opposé de la mort, qui est la destruction absolue des organes vitaux, sans qu'ils puissent se rétablir, en sorte que la plus petite vie est celle dont on ne peut rien ôter, sans que la mort arrive ; on voit que dans cet état délicat, il est difficîle de distinguer le vivant du mort ; mais prenant ici le nom de vie dans le sens commun, je la définis un mouvement continuel des solides et des fluides de tout corps animé.

De ce double mouvement continuel et réciproque, nait la nutrition, l'accroissement auquel succede le décroissement et la mort. Voyez tous ces mots. C'est assez de dire ici que de ce mouvement résulte la dissipation des parties aqueuses, mobiles, fluides, le reste devient impropre à circuler, et fait corps avec le tuyau qu'il bouche. Ainsi l'épaississement des humeurs, l'ossification des vaisseaux, sont les tristes mais nécessaires effets de la vie. La physiologie démontre comment la machine se détruit par nuances, sans qu'il soit possible de l'empêcher par aucun remède, et l'auteur des caractères en a fait un tableau d'après nature. Le voici :

Irene se transporte à grands frais en Epidaure, voit Esculape dans son temple, et le consulte sur tous ses maux. D'abord elle se plaint qu'elle est lasse et recrue de fatigue ; et le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu'elle vient de faire : elle dit qu'elle est le soir sans appetit ; l'oracle lui ordonne de diner peu : elle ajoute qu'elle est sujette à des insomnies ; et il lui prescrit de n'être au lit que pendant la nuit : elle lui demande pourquoi elle devient pesante, et quel remède ; l'oracle répond qu'elle doit se lever avant midi, et quelquefois se servir de ses jambes pour marcher : elle lui déclare que le vin lui est nuisible ; l'oracle lui dit de boire de l'eau : qu'elle a des indigestions ; et il ajoute qu'elle fasse diete : ma vue s'affoiblit, dit Irene ; prenez des lunettes, dit Esculape ; je m'affoiblis moi-même, continue-t-elle, je ne suis ni si forte ni si saine que j'ai été ; c'est, dit le dieu, que vous vieillissez : mais quel moyen de guérir de cette langueur ? le plus court, Irene, c'est de mourir, comme ont fait votre mère et votre ayeule.

Vous trouverez le commentaire de ce tableau au mot VIEILLESSE. (D.J.)

VIE, durée de la vie, (Arithm. polit.) M. Derham tire des différentes durées de la vie, au commencement du monde, après le déluge, et de notre temps, un argument en faveur de la Providence divine. D'abord après la création, où il n'y avait au monde qu'un seul homme et qu'une seule femme, l'âge ordinaire fut de neuf cent ans et plus ; immédiatement après le déluge, où il y avait trois personnes pour renouveller le monde, il ne lui fut accordé qu'un âge moins long, et de ces trois patriarches il n'y a eu que Sem qui soit arrivé à cinq cent ans ; dans le second siècle du monde nous ne voyons personne qui ait atteint deux cent quarante ans ; dans le troisième, presque personne qui soit parvenu à deux cent ans ; le monde, ou au moins une partie, étant alors si bien peuplée qu'on y avait déjà bâti des villes et formé des établissements à d'assez grandes distances les uns des autres. Peu-à-peu, et à mesure que les peuples se sont accrus en nombre, la durée de la vie a diminué jusqu'à devenir enfin de 70 ou 80 ans, et elle a resté à ce degré depuis Moïse.

L'auteur trouve que par ce moyen le monde n'a dû être jamais ni trop ni trop peu peuplé, mais qu'il doit être né à-peu-près autant de personnes qu'il en est mort.

La durée ordinaire de la vie de l'homme, a été la même dans tous les âges, depuis que le monde a achevé de se peupler ; c'est une chose que l'histoire sacrée et l'histoire profane prouvent également. Pour n'en point rapporter d'autres preuves, Platon a vécu quatre-vingt un ans, et on le regardait comme un vieillard, et les exemples de longues vies que Pline produit comme très-extraordinaires, l. VII. c. xlviij. peuvent pour la plupart se rencontrer dans les histoires modernes, et en particulier dans l'histoire naturelle du docteur Plott. Il parle entr'autres de douze vassaux d'un même seigneur, qui à eux douze faisaient plus de mille ans, pour ne rien dire du vieux Parrk qui a vécu cent cinquante-deux ans neuf mois, ni de H. Jenkins, de Yorkshire, qui vécut cent soixante neuf ans, ni de la comtesse de Demonde, ou de M. Teklestone, tous deux Irlandais, et qui passèrent l'un et l'autre cent quarante ans. Chambers.

Vers la fin du dernier siècle, M. Guillaume Petit, Anglais, avait essayé d'établir l'ordre de la mortalité des hommes par le moyen des registres mortuaires de Londres et de Dublin ; mais comme ces deux villes sont très-commerçantes, un grand nombre d'étrangers viennent s'y établir et y meurent ; ce qui fait que les registres mortuaires de ces villes ne peuvent servir à établir l'ordre de la mortalité générale du genre humain, parce qu'il faudrait, s'il était possible, un endroit d'où il ne sortit personne, et où il n'entrât aucun étranger. Le docteur Halley avait choisi la ville de Breslaw pour composer une table des probabilités de la vie humaine, par la raison qu'il sort, ou du-moins qu'alors il sortait peu de monde de cette ville, et qu'il y venait peu d'étrangers. Il avait déduit plusieurs usages de cette table, entr'autres la manière de déterminer la valeur des rentes viageres simples. M. Simpson a fait imprimer à Londres, en 1742. un ouvrage sur la même matière ; mais il est parti d'après une table établie sur l'ordre de la mortalité des habitants de Londres ; ce qui fait qu'on doit peu compter sur les conséquences qu'il en tire, à cause des raisons que nous avons indiquées tout-à-l'heure. M. Kerseboom a travaillé sur le même sujet, et a fait plus de recherches qu'aucun autre ; il a composé une table pour établir l'ordre de mortalité des provinces de Hollande et de West-frise, par des observations faites depuis près d'un siècle. Voyez MORTALITE.

Cependant ce que nous avons de plus achevé dans ce genre, c'est l'ouvrage de M. de Parcieux, de la société royale de Montpellier, intitulé, Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, Paris 1745. in 4 °. Ce dernier auteur a été beaucoup plus loin que tous les précédents, et il est en particulier le premier qui ait fait l'application de l'ordre de mortalité aux tontines simples, et à celles qui sont composées. Il y a de grands avantages à déterminer exactement l'ordre de mortalité ; lorsqu'un état ou des particuliers veulent se charger de rentes viageres, il faut que le prêteur, comme l'emprunteur, sachent ce qu'ils doivent donner équitablement aux rentiers de différents âges. La matière n'est pas moins intéressante pour ceux qui achetent des maisons ou d'autres biens à vie ; et enfin pour ceux qui font quelques pensions, et qui veulent examiner quel fonds ils donnent. Parmi les diverses manières d'établir l'ordre de mortalité, M. de Parcieux a préféré de se servir des deux tontines qui ont été créées, l'une en Décembre 1689, et l'autre en Février 1696. Cette tontine avait été divisée en différentes classes, pour différents âges de cinq ans en cinq ans. Tous les enfants depuis un an jusqu'à cinq exclusivement, composaient la première classe ; les enfants depuis cinq jusqu'à dix, la seconde classe ; et ainsi de suite. M. de Parcieux en a formé une table, et dans une des colonnes, il a placé ceux qui sont morts chaque année, et dans une autre il indique le nombre qui reste de cette classe, à mesure que les survivants acquièrent un âge plus avancé ; connaissant le nombre de morts qu'il y a eu dans le courant de chaque année, il est facîle de marquer ceux qui vivent au commencement de l'année suivante. Après avoir ainsi disposé dans les diverses classes, et pour les différents âges, ceux qui mouraient et ceux qui vivaient, l'auteur a cherché les rapports moyens selon lesquels sont morts tous les rentiers dans les différents âges, et dans toutes les différentes classes. Pour y parvenir il a fallu placer dans une colonne, tout ce qu'il y avait eu de rentiers vivants du même âge, comme de vingt ans ou de vingt-cinq ans, etc. et dans une autre colonne ce qu'il y en restait cinq ans après ; et prenant la somme totale de part et d'autre, la comparaison indique ce qu'il y a de personnes vivantes dans toutes les classes, cinq ans après et cinq ans auparavant ; enfin répetant la même opération pour chaque lustre, on parvient à l'ordre moyen de mortalité qu'on cherchait. Il est vrai que cet ordre de mortalité établi pour les rentiers, ne doit pas être pris en rigueur pour celui de tout le monde indistinctement ; mais outre qu'il sera toujours appliquable à tous les rentiers, c'est qu'il faudra suivre le même principe, lorsqu'on voudra déterminer l'ordre de mortalité de tous les hommes.

Les rapports moyens de mortalité étant trouvés, et pour toutes les classes, M. de Parcieux a supposé un nombre de personnes, comme 1000, toutes ayant l'âge de trois ans, et il a cherché par le calcul, combien il en devait rester à l'âge de sept ans, de douze, de dix-sept, de vingt-deux, etc. de cinq en cinq ans ; puis il en a formé une table. Les rapports qu'il indique sont un peu plus grands que ceux des tables de Mrs. Halley et Kerseboom ; mais si l'on y fait attention, on s'apercevra qu'il en doit être ainsi, parce que l'ordre moyen qu'établit M. de Parcieux, est d'après les tontiniers, qui sont pour la plupart des gens que l'on a choisis, et que M. de Parcieux a supposé que ces mille personnes étaient des enfants de trois ans, qui ont par conséquent échappé à un grand nombre de dangers auquel la première enfance est sujette. Au contraire, l'ordre moyen de mortalité, trouvé par ceux que nous venons d'indiquer, est pour tous les hommes pris indifféremment ; il doit en mourir un plus grand nombre. Il résulte encore de cette théorie quantité de conséquences utiles et agréables, dans le détail desquelles nous ne saurions entrer. Ceux qui n'ont pas l'ouvrage même de M. de Parcieux, pourront recourir à l'extrait qu'en donne le journal des savants, dans le mois de Février 1745. art. 5.

M. de Parcieux nous donne dans son ouvrage la table suivante, qui contient la comparaison de toutes celles qui ont été faites sur la durée de la vie des hommes.

TABLE. Comparaisons des différentes tables qui ont été faites pour montrer l'ordre de mortalité du genre humain, ou les probabilités que les personnes de chaque âge ont de vivre jusqu'à un autre âge.

Explication de cette table. Les nombres 1, 2, 3, 4, etc. jusqu'à 100, qu'on trouve dans la première colonne de la table, marquent les âges pour toutes les autres colonnes de la table.

La largeur de chacune des grandes colonnes qui ont pour titre ordre établi, etc. est divisée en trois autres petites colonnes. Les nombres de la première de ces trois colonnes, montrent l'ordre moyen de mortalité du nombre de personnes qu'on voit au haut de chaque colonne du milieu, selon les différentes observations que chaque auteur a eues ; les autres nombres de chaque colonne du milieu, montrent la quantité de personnes qui restent à chaque âge ; ainsi, selon M. Halley, qui est l'auteur du second ordre de 1000 personnes, qu'il suppose dans l'âge courant d'une année, il en doit communément mourir 145 pendant la première année, 57 pendant la seconde année, 38 pendant la troisième année, et ainsi de suite, comme on le voit dans la colonne des morts de chaque âge. Par-là, des 1000 personnes qu'il suppose à l'âge d'un an, il n'en doit communément rester que 855 à l'âge de deux ans, que 798 à l'âge de trois ans, que 732 à l'âge de cinq ans, et seulement la moitié ou environ à l'âge de 34 ans. M. Kerseboom, auteur du troisième ordre, prétend que de 1400 enfants naissants, il n'y en a que 1125 qui arrivent à l'âge d'un an complet, 1075 à l'âge de deux ans, 964 à l'âge de cinq ans, etc.

Et selon l'ordre moyen établi d'après les listes des tontines, de 1000 rentiers qui ont l'âge de trois ans, il en meurt 30 pendant la première année, 22 pendant la seconde, et ainsi du reste, comme le montre la colonne des morts de chaque âge de cet ordre ; par-là il n'en reste que 948 à l'âge de cinq ans, que 880 à l'âge de dix ans, que 734 à l'âge de trente ans, etc. d'où l'on tire les probabilités qu'il y a qu'un rentier d'un âge déterminé ne mourra pas dans un temps donné.

Selon M. de Parcieux, l'ordre de mortalité de M. de Kerseboom peut servir de règle pour la mortalité du monde indistinctement, et le sien pour la mortalité des rentiers à vie.

M. de Parcieux ayant fait un recueil de plus de 3700 enfants nés à Paris, a trouvé que leur vie moyenne n'est que de 21 ans et 4 mois, en y comprenant les fausses couches, et de 23 ans et 6 mois, si on ne les compte pas ; c'est vraisemblablement de toute la France l'endroit où la vie moyenne est la plus courte.

J'ai remarqué, dit M. de Parcieux, et on pourra le remarquer comme moi lorsqu'on voudra y faire attention, qu'à Paris les enfants des gens riches ou aisés, y meurent moins en général que ceux du bas peuple. Les premiers prennent des nourrices dans Paris ou dans les villages voisins, et sont tous les jours à portée de voir leurs enfants, et les soins que la nourrice en prend ; au lieu que le bas peuple qui n'a pas le moyen de payer cher, ne peut prendre que des nourrices éloignées, les pères et mères ne voient leurs enfants que quand on les rapporte ; et en général il en meurt un peu plus de la moitié entre les mains des nourrices, ce qui vient en grande partie du manque de soins de la part de ces femmes.

M. de Parcieux a aussi donné les tables de la durée de la vie des religieux, et ces tables font connaître que les religieux vivent un peu plus à présent qu'ils ne vivaient autrefois ; que les religieux de Ste Génevieve vivent un peu moins en général que les bénédictins ; et que les religieuses vivent plus que les religieux ; ce qui parait confirmer ce que dit M. Kerseboom, qu'un nombre quelconque de femmes vivent plus entr'elles qu'un pareil nombre d'hommes, selon le rapport de 18 à 17.

Tout le monde croit, continue M. de Parcieux, que l'âge de 40 à 50 ans est un temps critique pour les femmes : je ne sai s'il l'est plus pour elles que pour les hommes, ou plus pour les femmes du monde que pour les religieuses ; mais quant à ces dernières, on ne s'en aperçoit point par leur ordre de mortalité comparé aux autres.

On remarquera encore en comparant les ordres de mortalité des religieux à celui des rentiers, et à celui de M. Kerseboom, que c'est un faux préjugé de croire que les religieux et religieuses vivent plus que les gens du monde.

Il y a de vieux religieux à la vérité, mais bien moins qu'on ne croit ; c'est un fait qu'on ne saurait contester, sans nier l'exactitude de leurs nécrologes.

L'ouvrage de M. de Parcieux était déjà sous la presse et bien avancé, lorsque M. le curé de S. Sulpice de Paris a fait imprimer l'état des baptêmes et morts de sa paraisse pour les 30 dernières années.

" On voit par cet état que dans l'espace de 30 ans, il est mort dans la paraisse de S. Sulpice dix-sept filles, femmes mariées ou veuves, à l'âge de 100 ans, et qu'il n'y est mort que cinq hommes du même âge ; qu'il y est mort neuf femmes à l'âge de 99 ans, et seulement trois hommes ; dix femmes à l'âge de 98 ans, et point d'hommes : enfin il y est mort cent vingt-six femmes, et seulement quarante-neuf hommes au-delà de 90 ans. Les femmes vivent donc plus longtemps que les hommes, ainsi que l'a remarqué M. Kerseboom, et qu'on a dû le conclure par l'ordre de mortalité des religieuses, comparé à ceux des religieux.

Le nombre total des hommes, c'est-à-dire garçons et hommes mariés ou veufs, est moindre que celui des femmes de trois cent quatre-vingt-quatorze ; et il y a avant l'âge de 10 ans neuf cent quatre-vingt-seize garçons morts plus que de filles. Les nombres des femmes qui sont mortes dans les autres âges, doivent donc être plus grands que ceux des hommes ; il arrive pourtant qu'il y a encore plus de garçons morts entre 10 et 20 ans, que de filles ou femmes. Il ne parait pas par cet état qu'il y ait entre 10 et 20 ans, un âge plus critique pour les filles que pour les garçons.

Il y a dix mille cent trente-sept femmes et huit mille sept cent cinquante-un hommes morts après l'âge de 30 ans. Si les nombres des femmes mortes à chaque âge en particulier, étaient proportionnés à ceux des hommes, eu égard aux deux sommes totales dix mille cent trente-sept et huit mille sept cent cinquante-un, qui restent à mourir après l'âge de 30 ans, il devrait y avoir deux mille cinq cent cinquante-six femmes mortes depuis 30 ans jusqu'à 45 ans, et il n'y en a que deux mille trois cent quinze ; il devrait y en avoir trois mille quarante-deux depuis l'âge de 45 ans jusqu'à soixante, et il n'y en a que deux mille quatre cent quarante-deux. On n'aperçoit pas plus ici qu'auparavant qu'il y ait entre 30 et 60 ans un âge plus critique pour les femmes que pour les hommes, au contraire, à en juger par cet état, il serait bien plus critique pour les hommes que pour les femmes.

Le nombre total des garçons morts est plus grand que celui des filles, parce qu'il y a bien plus de garçons qui ne se marient pas que de filles ; d'ailleurs la paraisse de S. Sulpice est remplie d'une quantité prodigieuse d'hôtels ou grandes maisons, où il y a beaucoup plus de domestiques garçons que filles.

On voit dans cet état moins d'hommes mariés morts, que de femmes mariées, parce qu'il y a bien plus d'hommes qui se marient deux ou trois fois que de femmes ; les premiers sont beaucoup plus sujets que les dernières à se trouver veufs dans un âge peu avancé à cause des suites de couches, et parce qu'ils trouvent bien plus aisément à se remarier que les femmes veuves, surtout si elles sont chargées d'enfants : aussi y voit-on plus de femmes veuves que d'hommes veufs.

Il y a plus de femmes mariées mortes avant l'âge de 20 ans, que d'hommes mariés ; cela doit être par deux raisons : 1°. on marie bien plus de filles avant l'âge de 20 ans que de garçons : 2°. les suites de couches sont, comme je l'ai déjà dit plusieurs fois très-fâcheuses aux femmes qui ne nourrissent pas leurs enfants. Les deux mêmes raisons subsistent jusqu'à 30 ans, et même jusqu'à 45 ans, surtout la dernière, parce qu'il s'agit ici de femmes mortes dans une paraisse de Paris ; mais elle ne serait pas recevable, ou elle serait du moins bien faible à l'égard des femmes qui nourrissent leurs enfants.

Il parait ainsi qu'on a dû le sentir, ou le conclure de ce que j'ai dit ci-devant, qu'on vit plus longtemps dans l'état de mariage, que dans le célibat. Le nombre des garçons qui sont morts depuis l'âge de 20 ans, est un peu plus de la moitié de la somme des hommes mariés et veufs morts depuis le même âge de 20 ans, il n'y a cependant que six garçons qui aient passé l'âge de 90 ans, et il y a quarante-trois hommes mariés ou veufs qui ont passé le même âge. Le nombre de filles qui sont mortes depuis l'âge de 20 ans, est presque le quart de la somme des femmes mariées ou veuves mortes depuis le même âge ; il n'y a cependant que quatorze filles qui aient passé l'âge de 90 ans, et il y a cent douze femmes mariées ou veuves qui ont été au-delà du même âge.

Pendant les 30 mêmes années, il a été baptisé dans la paraisse de S. Sulpice 69600 enfants, dont 35531 garçons, et 34069 filles ; ce qui est à très-peu de chose près, comme 24 est à 23.

Depuis 1720 il a été baptisé à Londres année commune, 17600 enfants par an, ou environ ; et il est mort 26800 personnes. Là le nombre des morts surpasse de beaucoup celui des naissances ; et au contraire il y a à Paris plus de baptêmes que de morts ; car année commune il a été baptisé dans la paraisse de S. Sulpice 2320 enfants, et il n'y est mort que 1618 personnes. Il est vrai que par l'état général qu'on imprime tous les ans pour toutes les paroisses de Paris, on ne trouve pas une si grande différence ; mais il y a toujours plus de naissances que de morts, puisque selon ces états on baptise à Paris, année commune, 18300 enfants ou environ, et il n'y meurt que 18200 personnes. Au reste, ces états ont été faits avec trop peu de soin pour qu'on doive y compter ".

On peut voir un plus grand détail dans l'ouvrage que M. de Parcieux nous a donné sur ce sujet, et auquel nous renvoyons nos lecteurs, après en avoir extrait tout ce qui précède. L'auteur a donné une suite de cet ouvrage en 1760, dans laquelle on trouve encore d'autres tables de mortalité ; l'une d'après les registres d'une paraisse de campagne, et l'autre d'après les dénombrements faits en Suède. M. Dupré de S. Maur, de l'académie française, fait actuellement sur ce sujet de grandes recherches qu'il se propose, dit-on, de publier un jour ; et c'est d'après ces recherches déjà commencées depuis plusieurs années, que M. de Buffon nous a aussi donné une table de mortalité dans le III. vol. in-4 °. de son Histoire naturelle, qui est entre les mains de tout le monde. C'est pour cela que nous ne transcrivons pas ici cette table. Voyez MORTALITE et ARITHMETIQUE POLITIQUE.

VIE MORALE, (Philosophie) on appelle vie morale, celle qui s'étend avec gloire au-delà du tombeau.

La comparaison de la briéveté de cette vie mortelle, avec l'éternité d'une vie morale dans le souvenir des hommes, était familière aux Romains, et a été chez eux la source des plus grandes actions. Le christianisme mal entendu, a contribué à faire perdre ce noble motif, si utîle à la société. Il est pourtant vrai que l'idée de vivre glorieusement dans la mémoire de la postérité, est une chose qui flatte beaucoup dans le temps qu'on vit réellement. C'est une espèce de consolation et de dédommagement de la mort naturelle à laquelle nous sommes tous condamnés. Ce ministre d'état, ce riche financier, ce seigneur de la cour, périront entièrement lorsque la mort les enlevera. A peine se souviendra-t-on d'eux au bout de quelques mois ? A peine leur nom sera-t-il prononcé ? Un homme célèbre au contraire, soit à la guerre, soit dans la magistrature, soit dans les sciences et les beaux arts, n'est point oublié. Les grands du monde qui n'ont que leur grandeur pour apanage, ne vivent que peu d'années. Les grands écrivains du monde au contraire, sont immortels ; leur substance est par conséquent bien supérieure à celle de toutes les créatures périssables. Quo mihi rectius videtur, dit Salluste, ingenii quàm virium opibus gloriam quaerere, et quoniam vita ipsa quâ fruimur brevis est, memoriam nostri quàm maximè longam efficère. Telle est aussi la pensée de Virgile.

Stat sua cuique dies : breve et irreparabîle tempus

Omnibus est vitae ; sed famam extendere factis,

Hoc virtutis opus !

(D.J.)

VIE, (Morale) ce mot se prend en morale pour la vie civîle et les devoirs de la société, pour les mœurs, pour la durée de notre existence, etc.

La vie civîle est un commerce d'offices naturels, où le plus honnête homme met davantage ; en procurant le bonheur des autres, on assure le sien.

L'ordre des devoirs de la société est de savoir se conduire avec ses supérieurs, ses égaux, ses inférieurs ; il faut plaire à ses supérieurs sans bassesse ; montrer de l'estime et de l'amitié à ses égaux ; ne point faire sentir le poids de son rang ou de sa fortune à ses inférieurs.

Les mœurs douces, pures, honnêtes entretiennent la santé, donnent des nuits paisibles, et conduisent à la fin de la carrière par un sentier semé de fleurs.

La durée de notre existence est courte, il ne faut pas l'abréger par notre dérèglement, ni l'empoisonner par les frayeurs de la superstition. Conduits par la raison, et tranquilles par nos vertus :

Attendons que la Parque

Tranche d'un coup de ciseau

Le fil du même fuseau,

Qui devide les jours du peuple et du monarque ;

Lors satisfaits du temps que nous aurons vécu,

Rendons grâce à la nature,

Et remettons-lui sans murmure,

Ce que nous en avons reçu.

Quand l'âme n'est pas ébranlée par un grand nombre de sensations, elle s'envole avec moins de regret ; le corps reste sans mouvement, on jette de la terre dessus, et en voilà pour une éternité. (D.J.)

VIE privée des Romains, (Histoire romaine) nous entendons par ce mot la vie commune que les particuliers au-dessus du peuple menaient à Rome pendant le cours de la journée. La vie privée de ce peuple a été un point un peu négligé par les compilateurs des antiquités romaines, tandis qu'ils ont beaucoup écrit sur tous les autres sujets.

Les mœurs des Romains ont changé avec leur fortune. Ils vivaient au commencement dans une grande simplicité. L'envie de dominer dans les patriciens, l'amour de l'indépendance dans les plébéiens occupa les Romains de grands objets sous la république ; mais dans les intervalles de tranquillité, ils se donnaient tout entiers à l'agriculture. Les illustres familles ont tiré leurs surnoms de la partie de la vie rustique qu'ils ont cultivée avec le plus de succès, et la coutume de faire son principal séjour à la campagne prit si fort le dessus, qu'on institua des officiers subalternes nommés viateurs, dont l'unique emploi était d'aller annoncer aux sénateurs les jours d'assemblée extraordinaire. La plupart des citoyens ne venaient à la ville que pour leurs besoins et les affaires du gouvernement.

Leur commerce avec les Asiatiques corrompit dans la suite leurs mœurs, introduisit le luxe dans Rome, et les assujettit aux vices d'un peuple qu'ils venaient d'assujettir à leur empire. Quand la digue fut une fois rompue, on tomba dans des excès qui ne firent qu'augmenter avec le temps ; les esclaves furent chargés de tout ce qu'il y avait de pénible au-dedans et au-dehors. On distingua les esclaves de ville des esclaves de la campagne : ceux-ci étaient pour la nécessité, ceux-là pour le luxe ; et on eut recours à des concussions pour fournir à des profusions immenses.

Les Romains ont été 450 ans sans connaître dans la journée d'autre distinction que le matin, le midi et le soir. Ils se conformèrent dans la suite aux cadrants introduits par Papirius Cursor et par Martius Philippus, pour la distinction des heures, que Scipion Nasica marqua le premier par l'écoulement de l'eau. Ils avaient communément des esclaves, dont l'unique emploi était d'observer les heures. Il y en avait douze au jour, tantôt plus longues, tantôt plus courtes, selon la diversité des saisons. Les six premières étaient depuis le lever du soleil jusqu'à midi : les six dernières depuis midi jusqu'à la nuit.

La première heure était consacrée aux devoirs de la religion.

Les temples étaient ouverts à tout le monde, et souvent même avant le jour pour les plus matineux, qui y trouvaient des flambeaux allumés. Ceux qui ne pouvaient pas aller au temple, suppléaient à ce devoir dans leur oratoire domestique, où les riches faisaient des offrandes, pendant que les pauvres s'acquittaient par de simples salutations.

Au surplus, on ne doit point s'étonner de ce que leurs prières étant si courtes, il leur fallait cependant pour cela une heure, et quelquefois plus. Le grand nombre de besoins réels ou imaginaires, la multiplicité des dieux auxquels il fallait s'adresser séparément pour chaque besoin, les obligeait à bien des pélérinages, dont ceux qui savaient adorer en esprit et en vérité, étaient affranchis.

Mais cette première heure n'était pas toujours pour les dieux seuls. Souvent la cupidité et l'ambition y avaient meilleure part que la piété. Elle était employée, ainsi que la seconde heure, à faire des visites aux gens de qui on espérait des grâces ou des bienfaits.

Pour la troisième heure, qui répondait à nos neuf heures du matin, elle était toujours employée aux affaires du barreau, excepté dans les jours que la religion avait consacrés, ou qui étaient destinés à des choses plus importantes que les jugements, telles que les comices. Cette occupation remplissait les heures suivantes jusqu'à midi ou la sixième heure, suivant leur manière de compter.

Ceux qui ne se trouvaient point aux plaidoyeries comme juges, comme parties, comme avocats ou comme solliciteurs, y assistaient comme spectateurs et auditeurs, et pendant la république, comme juge des juges mêmes. En effet, dans les procès particuliers, comme ils se plaidaient dans les temples, il n'y avait guère que les amis de ces particuliers qui s'y trouvassent ; mais quand c'était une affaire où le public était intéressé, par exemple, quand un homme au sortir de sa magistrature, était accusé d'avoir mal gouverné sa province, ou mal administré les deniers publics, d'avoir pillé les alliés, ou donné quelque atteinte à la liberté de ses concitoyens, alors la grande place où les causes se plaidaient, était trop petite pour contenir tous ceux que la curiosité ou l'esprit de patriotisme y attirait.

Si ces grandes causes manquaient (ce qui arrivait rarement depuis que les Romains furent en possession de la Sicile, de la Sardaigne, de la Grèce, de la Macédoine, de l'Afrique, de l'Asie, de l'Espagne et de la Gaule), on n'en passait pas moins la troisième, la quatrième et la cinquième heure du jour dans les places, et malheur alors aux magistrats dont la conduite n'était pas irréprochable ; la recherche les épargnait d'autant moins, qu'il n'y avait aucune loi qui les en mit à couvert.

Quand les nouvelles de la ville étaient épuisées, on passait à celles des provinces, autre genre de curiosité qui n'était pas indifférente, puisque les Romains regardaient les provinces du même oeil qu'un fils de famille regarde les terres de son père ; et d'ailleurs elles étaient la demeure fixe d'une infinité de chevaliers romains qui y faisaient un commerce aussi avantageux au public, que lucratif pour eux particuliers.

Quoique tous les citoyens, généralement parlant, donnassent ces trois heures à la place et à ce qui se passait, il y en avait cependant de bien plus assidus que les autres. Horace les appelle forenses, Plaute et Priscien subbasilicani, et M. Coelius écrivant à Ciceron, subrostrani ou subrostrarii. Les autres moins aisifs s'occupaient suivant leur condition, leur dignité et leurs desseins. Les chevaliers faisaient la banque, tenaient registres des traités et des contrats. Les prétendants aux charges et aux honneurs mendiaient les suffrages. Ceux qui avaient avec eux quelque liaison de sang, d'amitié, de patrie ou de tribu, les sénateurs mêmes de la plus haute considération, par affection ou par complaisance pour ces candidats, les accompagnaient dans les rues, dans les places, dans les temples, et les recommandaient à tous ceux qu'ils rencontraient ; comme c'était une politesse chez les Romains d'appeler les gens par leur nom et par leur surnom, et qu'il était impossible qu'un candidat se fût mis tant de différents noms dans la tête, ils avaient à leur gauche des nomenclateurs qui leur suggéraient tous les noms des passants.

Si dans ce temps-là quelque magistrat de distinction revenait de la province, on sortait en foule de la ville pour aller au-devant de lui, et on l'accompagnait jusque dans sa maison, dont on avait pris soin d'orner les avenues de verdure et de festons. De même, si un ami partait pour un pays étranger, on l'escortait le plus loin qu'on pouvait, on le mettait dans son chemin, et l'on faisait en sa présence des prières et des vœux pour le succès de son voyage et pour son heureux retour.

Tout ce qu'on vient de dire, s'observait aussi bien pendant la république que sous les Césars. Mais dans ces derniers temps il s'introduisit chez les grands seigneurs une espèce de manie dont on n'avait point encore Ve d'exemple. On ne se croyait point assez magnifique, si l'on ne se donnait en spectacle dans tous les quartiers de la ville avec un nombreux cortege de litières précédées et suivies d'esclaves lestement vêtus. Cette vanité coutait cher ; et Juvenal qui en a fait une si belle description, assure qu'il y avait des gens de qualité et des magistrats que l'avarice engageait à grossir la troupe de ces indignes courtisans.

Enfin venait la sixième heure du jour, c'est-à-dire midi ; à cette heure chacun songeait à se retirer chez soi, dinait légérement, et faisait la méridienne.

Le personnage que les Romains jouaient après diner, était aussi naturel que celui qu'ils jouaient le matin, était composé. C'était chez eux une coutume presque générale de ne rien prendre sur l'après midi pour les affaires, comme de ne rien donner de la matinée aux plaisirs. La paume ou le ballon, la danse, la promenade à pied ou en char remplissaient leur après-midi. Ils avaient des promenoirs particuliers et de publics, dans lesquels les uns passaient quelques heures en des conversations graves ou agréables, tandis que les autres s'y donnaient en spectacle au peuple avec de nombreux cortèges, et que les jeunes gens s'exerçaient dans le champ de Mars à tout ce qui pouvait les rendre plus propres au métier de la guerre.

Vers les trois heures après-midi, chacun se rendait en diligence aux bains publics ou particuliers. Les poètes trouvaient là tous les jours un auditoire à leur gré, pour y débiter les fruits de leurs muses. La disposition même du lieu était favorable à la déclamation. Tout citoyen quel qu'il fût, manquait rarement aux bains. On ne s'en abstenait guère que par paresse et par nonchalance, si l'on n'était obligé de s'en abstenir par le deuil public ou particulier.

Horace qui fait une peinture si naïve de la manière libre dont il passait sa journée, se donne à lui-même cet air d'homme dérangé qu'il blâme dans les autres poètes, et marque assez qu'il se souciait peu du bain.

Secreta petit loca, balnea vitat.

La mode ni les bienséances ne me gênent point, dit-il, je vais tout seul où il me prend envie d'aller, je passe quelquefois par la halle, et je m'informe de ce que coutent le blé et les légumes. Je me promene vers le soir dans le cirque et dans la grande place, et je m'arrête à écouter un diseur de bonne aventure, qui débite ses visions aux curieux de l'avenir. De-là je viens chez moi, je fais un souper frugal, après lequel je me couche et dors sans aucune inquiétude du lendemain. Je demeure au lit jusqu'à la quatrième heure du jour, c'est-à-dire jusqu'à dix heures, etc.

Vers les quatre heures après-midi que les Romains nommaient la dixième heure du jour, on allait souper. Ce repas laissait du temps pour se promener et pour vaquer à des soins domestiques. Le maître passait sa famille et ses affaires en revue, et finalement allait se coucher. Ainsi finissait la journée romaine. (D.J.)

VIES, (Histoire) on appelle vies, des histoires qui se bornent à la vie d'un seul homme, et dans lesquelles on s'arrête autant sur les détails de sa conduite particulière, que sur le maniement des affaires publiques, s'il s'agit d'un prince ou d'un homme d'état.

Les anciens avaient un goût particulier pour écrire des vies. Pleins de respect et de reconnaissance pour les hommes illustres, et considérant d'ailleurs que le souvenir honorable que les morts laissent après eux, est le seul bien qui leur reste sur la terre qu'ils ont quittée, ils se faisaient un plaisir et un devoir de leur assurer ce faible avantage. Je prendrais les armes, disait Cicéron, pour défendre la gloire des morts illustres, comme ils les ont prises pour défendre la vie des citoyens. Ce sont des leçons immortelles, des exemples de vertu consacrés au genre humain. Les portraits et les statues qui représentent les traits corporels des grands hommes, sont renfermés dans les maisons de leurs enfants, et exposés aux yeux d'un petit nombre d'amis ; les éloges placés par des plumes habiles représentent l'âme même et les sentiments vertueux. Ils se multiplient sans peine ; ils passent dans toutes les langues, volent dans tous les lieux, et servent de maîtres dans tous les temps.

Cornelius Nepos, Suétone et Plutarque ont préféré ce genre de récit aux histoires de longue haleine. Ils peignent leurs héros dans tous les détails de la vie, et attachent surtout l'esprit de ceux qui cherchent à connaître l'homme. Plutarque en particulier a pris un plan également étendu et intéressant. Il met en parallèle les hommes qui ont brillé dans le même genre. Chez lui Cicéron figure à côté de Démosthène, Annibal à côté de Scipion. Il me peint tour-à-tour les mortels les plus éminens de la Grèce et de Rome ; il m'instruit par ses réflexions, m'étonne par son grand sens, m'enchante par sa philosophie vertueuse, et me charme par ses citations poétiques, qui, comme autant de fleurs, émaillent ses écrits d'une agréable variété.

" Il me fait converser délicieusement dans ma retraite gaie, saine et solitaire, avec ces morts illustres, ces sages de l'antiquité révérés comme des dieux, bienfaisants comme eux, héros donnés à l'humanité pour le bonheur des arts, des armes et de la civilisation. Concentré dans ces pensées motrices de l'inspiration, le volume antique me tombe des mains ; et méditant profondément, je crois voir s'élever lentement, et passer devant mes yeux surpris ces ombres sacrées, objets de ma vénération.

Socrate d'abord, demeure seul vertueux dans un état corrompu ; seul ferme et invincible, il brava la rage des tyrants, sans craindre pour la vie ni pour la mort, et ne connaissant d'autres maîtres que les saintes lois d'une raison calme, cette voix de Dieu qui retentit intérieurement à la conscience attentive.

Solon, le grand oracle de la morale, établit sa république sur la vaste base de l'équité ; il sut par des lois douces réprimer un peuple fougueux, lui conserver tout son courage et ce feu vif par lequel il devint si supérieur dans le champ glorieux des lauriers, des beaux arts et de la noble liberté, et qui le rendit enfin l'admiration de la Grèce et du genre humain.

Lycurgue, cette espèce de demi-dieu, sévérement sage, qui plia toutes les passions sous le joug de la discipline, ôta par son génie la pudeur à la chasteté, choqua tous les usages, confondit toutes les vertus, et mena Sparte au plus haut degré de grandeur et de gloire.

Après lui s'offre à mon esprit Léonidas, ce chef intrépide, qui s'étant dévoué pour la patrie, tomba glorieusement aux Thermopiles, et pratiqua ce que l'autre n'avait qu'enseigné.

Aristide lève son front où brille la candeur, cœur vraiment pur, à qui la voix sincère de la liberté, donna le grand nom de juste : respecté dans sa pauvreté sainte et majestueuse, il soumit au bien de sa patrie, jusqu'à sa propre gloire, et accrut la réputation de Thémistocle, son rival orgueilleux.

J'aperçais Cimon son disciple couronné d'un rayon plus doux ; son génie s'élevant avec force, repoussa au loin la molle volupté : au-dehors il fut le fléau de l'orgueil des Perses ; au-dedans il était l'ami du mérite et des arts ; modeste et simple au milieu de la pompe et de la richesse.

Périclès, tyran désarmé, rival de Cimon, subjugua sa patrie par son éloquence, l'embellit de cent merveilles ; et après un gouvernement heureux, finit ses jours de triomphe, en se consolant de n'avoir fait prendre le manteau noir à aucun citoyen.

Je vois ensuite paraitre et marcher pensifs, les derniers hommes de la Grèce sur son déclin, héros appelés trop tard à la gloire, et venus dans des temps malheureux : Timoléon, l'honneur de Corinthe, homme heureusement né, également doux et ferme, et dont la haute générosité pleure son frère dans le tyran qu'il immole.

Pélopidas et Epaminondas, ces deux thébains égaux aux meilleurs, dont l'héroïsme combiné éleva leur pays à la liberté, à l'empire, et à la renommée.

Le grand Phocion, dans le tombeau duquel l'honneur des Athéniens fut enseveli ; Sevère comme l'homme public, inexorable au vice, inébranlable dans la vertu ; mais sous son toit illustre, quoique bas, la paix et la sagesse heureuse adoucissaient son front ; l'amitié ne pouvait être plus douce, ni l'amour plus tendre.

Agis le dernier des fils du vieux Lycurgue, fut la généreuse victime de l'entreprise, toujours vaine de sauver un état corrompu ; il vit Sparte même perdue dans l'avarice servile.

Les deux frères achaiens fermèrent la scène : Aratus qui ranima quelque temps dans la Grèce la liberté expirante.

Et l'aimable Philopoemen, le favori et le dernier espoir de son pays, qui ne pouvant en bannir le luxe et la pompe, sut le tourner du côté des armes ; simple et laborieux à la campagne, chef habîle et hardi aux champs de Mars.

Un peuple puissant, race de héros, parait dans le même paysage pour m'offrir des pièces de comparaison, et me mettre en état de juger le mérite entre les deux premières nations du monde.

Il me semble que le front plus sevère de ce dernier peuple, n'a d'autre tache qu'un amour excessif de la patrie, passion trop ardente et trop partiale. Numa, la lumière de Rome, fut son premier et son meilleur fondateur, puisqu'il fut celui des mœurs. Le roi Servius posa la base solide sur laquelle s'éleva la vaste république qui domina l'univers. Viennent ensuite les grands et véritables consuls.

Junius Brutus, dans qui le père public du haut de son redoutable tribunal, fit taire le père privé.

Camille, que son pays ingrat ne put perdre, et qui ne sut venger que les injures de sa patrie.

Fabricius, qui foule aux pieds l'or séducteur.

Cincinnatus, redoutable à l'instant où il quitta sa charrue.

Coriolan, fils soumis, mari sensible, coupable seulement d'avoir pris le parti des Volsques contre les Romains.

Le magnanime Paul Emîle rend la liberté à toutes les villes de Macédoine.

Marcellus défait les Gaulois, et s'empare de Syracuse en pleurant la mort d'Archimède.

Et toi surtout Régulus, victime volontaire de Carthage, impétueux à vaincre la nature, tu t'arraches aux larmes de ta famille pour garder ta foi, et pour obéir à la voix de l'honneur. "

Les vies du philosophe de Chéronée, offrent encore à mes réflexions, " Marius fuyant, et se cachant dans les marais de Minturne ; Sylla son successeur, dont l'abdication noble, hardie, sensée, vertueuse, rendit son nom célèbre dans Rome jusqu'à la fin de sa vie.

Les Gracques doués du talent de la parole, sont pleins de feu, et d'un esprit d'autorité des tribuns qui leur fut fatal ; esprit toujours turbulent, toujours ambitieux, toujours propre à produire des tyrants populaires.

Lucullus est malheureux de n'être pas mort dans le temps de ses victoires.

Scipion, ce chef également brave et humain, parcourt rapidement tous les différents degrés de gloire sans tache ; ardent dans la jeunesse, il sut ensuite goûter les douceurs de la retraite avec les muses, l'amitié, et la philosophie.

Sertorius, le premier capitaine de son temps, tout fugitif qu'il était, et chef de barbares en terre étrangère, tint tête à toutes les forces de la république, et périt par l'assassinat d'une de ses créatures.

Cicéron, ta puissante éloquence arrêta quelque temps le rapide destin de la chute de Rome !

Caton, tu es la vertu même, dans les plus grands dangers !

Et toi malheureux Brutus, héros bienfaisant, ton bras tranquille, poussé par l'amour de la liberté, plongea l'épée romaine dans le sein de ton ami ! Voilà les hommes dont Plutarque a fait le tableau ! " (D.J.)

VIES DES SAINTS, (Histoire ecclésiastique) voyez LEGENDE.

Ajoutez ici avec l'auteur de l'esprit des lois, que si les vies des saints ne sont pas véridiques sur les miracles, elles fournissent du-moins de grands éclaircissements sur l'origine des servitudes, de la glèbe, et des fiefs : d'ailleurs les mensonges qui s'y trouvent peuvent apprendre les mœurs et les lois du temps, parce qu'ils sont relatifs à ces mœurs et à ces lois. On lit, par exemple, dans les vies des saints, que Clovis donna à un saint personnage la puissance sur un territoire de six lieues de pays, et qu'il voulut qu'il fût libre de toute juridiction quelconque. Il est vraisemblable que ce trait d'histoire est une fausseté, mais elle nous prouve que les mensonges se rapportent aux mœurs et aux lois du temps, et ce sont ces mœurs et ces lois qu'il faut chercher dans la lecture des vies des saints. (D.J.)

VIE, (Jurisprudence) en cette matière se distingue en vie naturelle et vie civile.

On entend par vie naturelle le cours de la vie selon la nature.

La vie civîle est l'état que tient dans l'ordre politique, celui qui n'en est pas déchu par quelque changement arrivé dans sa personne : ce changement arrive ou par ingression en religion, ou par quelque peine qui emporte mort civile. C'est en conséquence de la vie civile, que le citoyen jouït des droits qui sont émanés de la loi, et dont cesse de jouir celui qui est mort civilement. Voyez CITE, MORT, PROFESSION RELIGIEUSE. (A)

VIE, VIVRE, VIVANT, (Critique sacrée) l'Ecriture parle au propre et au figuré de la vie du corps et de celle de l'âme, de la vie temporelle et de la vie éternelle. La vie temporelle était la récompense de l'observation de l'ancienne loi. Le seigneur est appelé le Dieu vivant, parce que lui seul vit essentiellement. Le Seigneur est vivant, est une formule de serment par la vie de Dieu ; laquelle formule se trouve souvent dans l'Ecriture. Vous jurerez en vérité, selon votre conscience et en justice ; le Seigneur est vivant, dit Jérémie, iv. 2. La terre des vivants, par rapport à ceux qui sont morts, c'est le monde ; dans le sens spirituel, c'est le ciel où la mort ne règne plus.

Les eaux vivantes, sont les eaux pures, les eaux de source, Lévitiq. 14.

Jésus-Christ est la vie, parce que la pratique de ses préceptes nous conduit à une vie heureuse. (D.J.)

VIE, la, (Géographie moderne) nom commun à deux petites rivières de France, l'une dans la haute Normandie, l'autre dans le bas-Poitou. La première a sa source au pays d'Auge, et se jette dans la Dive. La seconde née au-dessus de Poire-sur-Roche, se perd dans la mer. (D.J.)