S. f. (Physiologie) humeur claire, transparente, abondante, fluide, qui ne s'épaissit point au feu, qui n'a point d'odeur ni de gout, et qui est séparée par les glandes salivaires, d'un sang pur artériel. Elle devient fort écumeuse étant battue ou fouettée, âcre quand on a grand faim, pénétrante, détersive, résolutive quand on a longtemps jeuné. Elle augmente la fermentation dans les sucs des végétaux et dans les syrops. Après une très-longue abstinence elle purge quelquefois le gosier, l'oesophage, l'estomac et les entrailles ; les hommes et les animaux l'avalent dans l'état sain, pendant le sommeil de même qu'en veillant.

De ces diverses propriétés de la salive, on peut déduire aisément la nature de cette liqueur ; elle n'est à proprement parler qu'un savon fouetté ; les tuyaux qui la séparent sont très-subtils, ils ne laissent point échapper de matière grossière, mais seulement une matière huileuse fort atténuée, mêlée avec l'eau par le moyen des sels et par le mouvement des artères, et enfin extrêmement raréfiée ; après qu'elle a eté déposée dans les cellules salivaires, elle est encore battue par le mouvement des artères voisines.

Il suit 1°. que la salive doit être fort délayée et fort transparente, car la division et le mélange produit cet effet.

2°. Qu'elle doit être écumeuse, car comme elle est un peu visqueuse à cause de son huile, l'air y forme facilement de petites bulles dont l'assemblage fait l'écume.

3°. Elle ne doit pas s'épaissir sur le feu, car les parties huileuses étant fort divisées, elles s'élèvent facilement quand la chaleur vient à les raréfier ; elles deviennent donc plus légères que l'air, au - lieu que la lymphe, par exemple, a des parties huileuses et épaisses, qui laissent d'abord échapper l'eau à la première chaleur, et alors ses parties huileuses sont pressées encore davantage l'une contre l'autre par la pesanteur de l'athmosphère de l'air ; de plus la salive contient beaucoup d'air qui se raréfie sur le feu, et écarte les parties qui composent la salive.

4°. La salive n'a presque ni goût ni odeur, car le sel qui s'y trouve est absorbé dans une matière huileuse et terreuse ; mais cela ne se trouve ainsi que dans ceux qui se portent bien ; car dans ceux qui sont malades, la chaleur alkalise, ou tend à alkaliser les sels, alors la salive peut avoir divers gouts ; elle produira même divers effets, qui pourront marquer un acide ou un alkali. On ne doit donc pas prendre pour règle les opérations chymiques qu'on peut faire sur la salive : outre que les matières décomposées forment avant la décomposition un assemblage bien différent de celui qu'elles nous présentent étant décomposées ; nous venons de voir que les maladies peuvent y causer des altérations.

5°. La salive dans ceux qui jeunent doit être âcre, détersive, et résolutive ; alors la chaleur tend à alkaliser les liqueurs du corps, il faut en conséquence que la salive contracte quelque âcreté ; comme on sait que le savon est un composé de sel et d'huile, il n'est pas surprenant que la salive qui est formée par les mêmes principes soit détersive ; enfin elle doit être résolutive ; car outre que par son action elle débouche les pores, elle agite en même temps les vaisseaux, et y fait couler les liqueurs par cette agitation.

6°. La salive peut contribuer à la fermentation ; car les sels étant volatilisés, peuvent se détacher facilement ; ainsi ils pourront alors exciter une fermentation dans les corps où il se trouvera des matières propres à les décomposer.

7°. Ce que le microscope nous découvre dans la salive, n'est pas contraire à ce que nous venons d'établir ; il nous y fait voir des parties rameuses qui nagent dans de l'eau ; or ces parties rameuses sont les parties de l'huile.

8°. Dans les maladies, le goût de la salive est mauvais ; comme les humeurs séjournent et s'échauffent, elles deviennent âcres, et par conséquent la salive qui en est le produit, doit causer une impression désagréable ; quand on ne sent plus de mauvais gout, c'est un signe que la santé renait, car c'est une marque que les liqueurs coulent, et ne s'échauffent plus comme auparavant. C'est sur ce principe que les Médecins regardent souvent la langue, et sont attentifs aux impressions qu'y laissent les maladies.

9°. La salive ayant un mauvais gout, les aliments nous paraissent désagréables, parce que leurs molécules se mêlent avec celles de la salive.

Parlons à présent des usages de la salive. Mais pour les mieux comprendre, il faut se rappeler qu'elle est composée d'eau, et d'une assez grande quantité d'esprits, d'un peu d'huîle et de sel, qui mêlés ensemble, forment une matière savonneuse.

Les aliments étant atténués par le mouvement de la mastication, la salive qui s'exprime par cette même action, et se mêle exactement avec eux, contribue 1°. à les assimiler à la nature du corps, dont ils doivent être la nourriture ; 2°. marie les huiles avec les matières aqueuses ; 3°. produit la dissolution des matières salines ; 4°. la fermentation ; 5°. un changement de goût et d'odeur ; 6°. un mouvement intestin ; 7°. une réfection momentanée ; 8°. quoiqu'insipide, c'est par elle que s'appliquent à l'organe du goût les corps savoureux.

La salive était d'une absolue nécessité. 1°. Il était besoin d'une liqueur qui humectât continuellement la bouche pour faciliter la parole, et oindre le gosier pour faire avaler les aliments qui sans cela ne pourraient point glisser. 2°. Il fallait un fluide qui put dissoudre les sels et les matières huileuses, et c'est ce que peut faire la salive par sa partie aqueuse, par son sel et par son huîle ; si elle eut été entièrement huileuse, elle n'aurait point dissout les matières salines ; et si elle n'eut été qu'une eau pure, elle n'aurait point eu d'ingrès dans les matières grasses. 3°. Il était nécessaire qu'il coulât dans la bouche une liqueur qui put mêler les matières huileuses, et celles qui sont aqueuses ; une liqueur saline, aqueuse et savonneuse peut se faire parfaitement, parce que le savon s'unit avec ces deux matières. 4°. Si la salive avait eu quelque goût ou quelque odeur, il eut été impossible que nous eussions aperçu le goût ou l'odeur des aliments. 5°. Les sels n'agissent point qu'ils ne soient dissous ; il a fallu un dissolvant qui fût toujours prêt dans la bouche ; la salive passe encore dans la masse du sang avec les aliments, et peut-être qu'elle se perfectionne toujours davantage pour venir reproduire les mêmes effets.

Puisque la salive ne se sépare d'un sang artériel très-pur, qu'après y avoir été élaborée par un artifice merveilleux, se déchargeant dans la bouche, et se mêlant aux aliments, on a tort de la rejetter.

La trop grande excrétion de salive trouble la première digestion, et conséquemment celles qui suivent, produit la soif, la sécheresse, l'atrabile, la consomption, l'atrophie. Mais si elle n'est point filtrée dans la bouche, ou du moins si elle l'est en bien plus petite quantité que de coutume, la manducation des aliments, le gout, la déglutition, la digestion sont empêchés, et la soif est en même temps augmentée.

L'écoulement de la salive augmente ou diminue, selon la différente position du corps. 1°. Si on lie le nerf qui Ve à une glande salivaire, la filtration de la salive ne cesse pas d'abord, mais elle se fait plus lentement. 2°. Si on lie les veines jugulaires à un chien, la salive coule en si grande abondance, que cet écoulement ressemble au flux de bouche que donne le mercure ; cela vient de ce que le sang étant arrêté dans les veines jugulaires, les artères qui sont dans les glandes qui filtrent la salive, se gonflent, battent plus fortement, et poussent par-là plus de liqueur dans les filtres salivaires. 3°. La nuit il coule dans la bouche moins de salive que durant le jour, parce que durant le sommeil les glandes ne sont pas agitées par les muscles et par la langue, comme elles sont quand nous veillons ; d'ailleurs la transpiration qui augmente durant la nuit, diminue l'écoulement de la salive ; c'est pour la même raison que cet écoulement cesse durant les grandes diarrhées. 4°. Dans certaines maladies, comme la mélancolie, par exemple, la salive coule en grande quantité ; cela vient de ce que le sang trouvant des obstacles dans les vaisseaux mésentériques qui sont alors gonflés et remplis d'un sang épais, le sang se jette en plus grande quantité vers les parties supérieures, et en commun il s'y filtre plus de liqueur. 5°. Dans l'esquinancie la salive coule en grande quantité, parce que les vaisseaux qui vont aux glandes, s'engorgent à cause de l'inflammation ; ainsi l'irritation exprime plus de salive. 6°. Quand la mâchoire est luxée, on éprouve un grand écoulement de salive ; mais cet écoulement ne vient que de ce que les organes de la déglutition sont dérangés. 7°. Dans les petites véroles confluentes, il arrive une grande sputation, parce que la transpiration étant arrêtée, les glandes salivaires reçoivent plus de salive. Ajoutez à cela les pustules qui se forment au gosier. 8°. Pour le crachement qui vient dans la phtisie commençante, il est produit par des obstacles qui empêchent le sang de circuler librement ; on n'a qu'à se rappeler ce qui arrive par la ligature des veines jugulaires, et on expliquera facilement tous les phénomènes de cette espèce.

La salivation peut être causée par les matières âcres ; l'usage du tabac, par exemple, fait cracher beaucoup : ce que les purgatifs âcres produisent dans les intestins, le tabac le produit ici ; il irrite les nerfs, il donne de l'action aux vaisseaux capillaires : tout cela cause un engorgement qui pousse la salive dans les couloirs avec plus de force et en plus grande quantité ; en un mot, le tabac agit comme les vésicatoires ; mais la matière qui produit la salivation la plus abondante, c'est le mercure. Voyez SALIVATION mercurielle. (Physiologie)

Non-seulement la salive peut être plus ou moins abondante, suivant la disposition des corps, comme on l'a remarqué : non-seulement le mercure peut en produire une évacuation prodigieuse et contre nature par les glandes salivaires, mais de plus, la salive peut être viciée singulièrement dans différentes maladies. Il est rapporté dans les journaux d'Allemagne, qu'une vieille femme malade mit de sa salive sur la bouche d'un enfant, et qu'il survint d'abord à cet enfant plusieurs croutes galeuses sur les lèvres. On lit dans les Transactions philosophiques qu'une jeune femme ayant négligé de se faire têter, rendait une salive toute laiteuse ; et quand cela lui arriva, ses mamelles se désenflèrent. On lit encore dans les mémoires des curieux de la nature, qu'un particulier maladif et pituiteux crachait une salive qui se coagulait, et formait une espèce de chaux. (D.J.)

SALIVE maladies de la, (Médecine) I. La salive abonde en plus grande quantité dans la bouche, 1°. dans le temps de la mastication, de la succion et du bâillement, lorsqu'on se porte bien ; 2°. quand on fait usage de quelques remèdes, comme de mercure, de mastic, de tabac, de jalap, de méchoacan, de remèdes antimoniaux, on rejette encore davantage de salive ; et si cette évacuation ne procure pas la guérison de quelque maladie, elle prive le corps de l'humeur savonneuse qui lui est naturelle, et retarde l'élaboration du chyle ; 3°. lorsqu'au retour de la salive par les jugulaires, il se rencontre quelque obstacle dans l'angine, dans le gouêtre et les autres tumeurs du gosier, si on rejette trop de salive, cet accident menace d'un danger qu'on ne peut prévenir, qu'en dissipant la cause comprimante ; 4°. la salive qui vient à la suite de l'irritation de la bouche, de la détention, de l'odontalgie, soulage rarement, et cause même d'autres maux qui naissent du défaut de secrétion ; 5°. dans le dégout, la nausée, et les autres maladies du ventricule, l'abondance de salive est un signe de cacochimie, qu'il faut arrêter par le moyen des stomachiques, en évacuant cet amas de mauvaises humeurs ; 6°. dans les maladies hypocondriaques, hystériques, convulsives, la grande salivation est souvent une marque d'un paroxisme prochain ; 7°. dans le scorbut, dans le catharre, et les maladies qui viennent de l'acrimonie des humeurs, l'abondance de salive annonce d'ordinaire la colliquation, sans qu'on en ressente du soulagement ; 8°. cette sécretion est salutaire dans la petite vérole ; souvent enfin elle est symptomatique.

II. Quand la salive abonde dans la bouche en quantité, elle produit la sécheresse et la malproprêté de la bouche, la soif et la difficulté de la déglutition ; l'usage d'une boisson abondante acidulée diminue tous ces maux ; dans les maladies aiguës il faut y ajouter les remèdes nitreux.

III. Une salive plus épaisse, plus tenace, plus glutineuse, accompagnée d'écume, prouve que les humeurs ne sont pas assez tenues ; il les faut diviser à l'aide des résolutifs, des délayans internes et d'une boisson abondante. La salive trop divisée a rarement lieu dans les maladies, excepté dans celles qui viennent de la colliquation des humeurs.

IV. La salive âcre, corrompue, fétide, acide, amère, salée, douçâtre, exige un traitement tiré de ces boissons dont on vient de faire mention.

V. La salive mêlée de pus marque quelque réservoir caché qu'il faut découvrir, ouvrir, vider et déterger ensuite. (D.J.)