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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Chimie
S. m. (Chimie) On sait que le savon dans ce pays-ci n'est autre chose que de l'huîle d'olives unie par la cuisson au sel de la soude ; et dans les pays froids où le sel de la soude et l'huîle d'olives sont fort chers, l'on substitue à la place de l'un le sel lixiviel du bois de chêne, et à la place de l'autre le suif des animaux, qui produisent un savon aussi blanc, aussi dur et aussi bon pour le blanchissage que celui qui est fait avec l'huîle d'olives. Dans la composition de notre savon, il parait qu'une livre de savon peut contenir dix onces un gros cinquante-six grains d'huile, quatre onces trois gros quarante grains de sel alkali, et une once deux gros quarante - huit grains d'eau.

Le savon est donc composé d'huîle et de sel alkali, unis de façon que ces deux substances peuvent se dissoudre en même temps dans l'eau, et former un mélange homogéne, où il ne parait aucune marque de l'une ni de l'autre. Or le savon a cette propriété, c'est que mêlé intimement avec des huiles, des corps huileux, des résines, des matières résineuses, des gommes, des substances gommeuses, des gommes-résines, et d'autres corps ténaces, dans la composition desquels ces diverses substances entrent, il fait qu'ils se mêlent et se délaient dans l'eau, et qu'ainsi ils peuvent être détachés des autres corps auxquels ils sont adhérents. Par conséquent l'eau ne dissout pas seulement les véritables savons, mais mêlée avec eux, elle acquiert le pouvoir de dissoudre certains corps, qu'elle n'aurait pas pu dissoudre autrement. Le savon augmente donc considérablement la force dissolvante de l'eau.

Il y a une autre méthode moins connue et plus pénible, pour faire que les huiles se mêlent avec l'eau. Aussi les artistes la regardent-ils comme un secret : elle consiste à faire digérer dans l'alcohol assez longtemps, et suivant les règles de l'art, quelqu'une de ces huiles qu'on appelle essentielles, et à mêler ensuite intimement le tout par plusieurs distillations réitérées. Par-là la principale partie de l'huîle est si fort atténuée et si bien confondue avec l'alcohol, que ces deux liqueurs peuvent se mêler avec l'eau, et former un remède subtil, pénétrant et propre à remettre les esprits dans leur assiette naturelle. On ne saurait que très-difficilement imiter sa vertu par d'autres moyens. (D.J.)

SAVON, Manufacture de savon. Pour fabriquer une charge d'huile, mesure de Salon, c'est-à-dire, environ trois cent douze, quinze ou même vingt livres, il faut prendre deux cent pesant de soude d'Alicante, la piler sous des marteaux de fer, et la réduire en poudre qui ne soit pas plus grosse qu'une naisette ; prendre la même quantité de chaux vive, non en poids mais en volume ; étendre cette chaux pilée par terre ; l'arroser peu-à-peu en jetant dessus de l'eau avec la main, jusqu'à ce qu'il ne s'enlève plus de poussière ou de fumée, ou qu'elle soit éteinte. Prendre cette chaux ainsi mouillée, la mêler avec la barille ou soude d'Alicante ; mettre ces deux matières bien mêlées ensemble dans une cuve qui ait un trou par-dessous ; verser sur le mélange de l'eau ; cette eau s'échappera par le trou de dessous, et on la recevra dans un bacquet. Cette eau qui sortira de la cuve fera trois lessives différentes, qu'on appelle forte, médiocre et faible.

Quand l'eau commencera à couler dans le baquet, on y mettra un œuf ; tant que l'œuf flotte sur la lessive par côté et qu'il est bien au-dessus de l'eau, la lessive s'appelle forte. Quand l'œuf tombe sur la pointe, la lessive est médiocre, et l'on doit la recevoir dans un second baquet ; et lorsque l'œuf commence à enfoncer et à se tenir entre deux eaux, on change encore le baquet, pour recevoir la lessive faible. Lorsque l'œuf enfonce entièrement, on retire le baquet ; et ni l'eau ni la terre qui restent dans la cuve ne valent plus rien. Cependant on peut la garder pour en arroser un mélange de soude et de chaux une autre fais, car elle doit valoir mieux que l'eau pure.

On tient les trois lessives séparées ; on doit verser de l'eau dans la cuve jusqu'à ce que les trois lessives soient faites.

Après, on commence par jeter dans une grande chaudière, proportionnée à la quantité de savon qu'on veut faire, un ou deux seaux de lessive faible ; puis on ajoute la quantité d'huîle qu'on a préparée pour la cuite (quand l'huîle est bonne, c'est-à-dire, qu'elle est commune et marchande.) Mais quand on a acheté dans les villages, les fonds des vaisseaux, des jarres et ce qui est crasseux ; pour lors on met toute cette huîle dans un lieu chaud, où la bonne s'élève à la surface, et on la sépare. Quand on veut faire du savon commun, on n'y fait pas tant de façon. On allume ensuite le feu sous la chaudière, et on attend que le mélange bouille. Quand il commence à former des bouillons ou ondes, on verse dessus de la même lessive à-peu-près la même quantité que la première fais, et on continue d'ajouter de la lessive jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que les matières se coagulent. Quand les matières se coagulent, on commence à user de la lessive médiocre, et on en continue l'addition jusqu'à ce que les matières soient bien prises ensemble et forment un mélange bien consistant. Alors, on change encore de lessive, et on verse de la première lessive, dite forte, seau à seau, comme les précédentes.

Quand on a versé de cette lessive à deux ou trois reprises, si l'on veut que la lessive vienne au-dessus, ou monte avec la pâte, il faut alors retirer le feu de dessous la chaudière ; mais jusqu'à ce moment on a dû l'entretenir très-violent.

Après cette opération, il faut laisser réfroidir les matières. Quand elles sont froides, on tire la pâte qui est au-dessus, et on la met dans une autre chaudière, si on en a une ; sinon, on la recueille dans une cuve, et on jette la lessive qui se trouve au fond de la première chaudière, et l'on remet la pâte dans cette chaudière ; on jette dessus un ou deux seaux de lessive forte ; on allume un feu très-violent et on verse à plusieurs reprises de la même lessive, jusqu'à ce que la pâte soit bien durcie. Alors on prend une perche au bout de laquelle il y a un morceau de bois fort aplati comme une planche et fortement attaché. Un ouvrier prend cet instrument, l'enfonce par le bout aplati dans la pâte, tandis qu'un autre prend un seau de la lessive médiocre qu'il fait couler petit-à petit le long de la perche enfoncée profondément dans la pâte ; et quand le seau est vide, on retire la perche, et on la renfonce tout-autour de la chaudière trois ou quatre fais, et toujours en versant de la lessive médiocre le long de la perche comme la première fais.

Après cette opération, on laisse bouillir la chaudière environ deux heures, et la matière devient à-peu-près comme du miel ; alors on retire le feu de dessous la chaudière, et on laisse réfroidir le savon un jour. On le retire ensuite, et on le transporte dans des espèces de caisses ou grands bassins de bois, longs d'environ neuf à dix pieds sur cinq à six de large, dont les côtés sont formés d'ais de treize à quatorze pouces de hauteur. Ceux dans lesquels on met le savon blanc sont moins profonds, n'ayant guère que six pouces de creux ; on a soin de frotter le fond et les côtés de ceux-ci avec de la chaux éteinte bien tamisée : mais cela ne se pratique pas pour le savon marbré.

Le fond de chaque bassin de bois est disposé en pente insensible du derrière au devant, afin de faciliter l'écoulement de l'eau qui en réfroidissant se sépare du savon, et s'échappe hors des bassins par de petits trous faits exprès ; cette eau est conduite par une rigole dans un citerneau, d'où on la retire pour l'employer dans la préparation des nouvelles lessives, préférablement à l'eau commune, étant déjà impregnée des principes propres à former le savon.

Lorsque la matière contenue dans les bassins est bien réfroidie, et qu'elle a acquis une consistance un peu ferme, on la coupe par gros blocs ou parallélepipedes égaux et un peu longs. Cela se fait au moyen d'un grand couteau dont le manche est traversé d'un bâton servant de poignée à deux hommes pour tirer le couteau vers eux, tandis qu'un troisième l'enfonce par la pointe, et le conduit le long des divisions qui ont été marquées auparavant. Lorsqu'on veut partager un de ces blocs en plus petits morceaux, on le marque sur les côtés avec une machine garnie de dents de fer en forme de peigne, chaque dent formant une division. Les marques étant faites, on met le bloc dans une boite de bois, dont les côtés sont divisés par des fentes horizontales dans lesquelles on passe un fil-de-fer qu'un homme tire à lui par les deux bouts, ce qu'il continue de faire à chaque division, pour avoir des tranches d'égale épaisseur, lesquelles étant retournées et posées verticalement dans la boite, sont encore coupées dans un autre sens par le fil de fer ; ce qui forme des briques de savon telles qu'on en voit chez les Epiciers.

Pour perfectionner une cuve de savon et mettre la marchandise en état d'être livrée aux acheteurs, il faut environ un mois d'été ; mais en hiver il ne faut que quinze ou dix - huit jours, parce que la matière se réfroidit et se condense beaucoup plus tôt. On compte que trois des bassins décrits ci-dessus, doivent contenir environ pour la somme de cinq mille livres de marchandise.

L'endroit destiné à la fabrication du savon doit être plus ou moins grand, suivant le nombre des chaudières, mais les mêmes outils et les mêmes appartements y sont toujours nécessaires.

Les chaudières sont au rez de-chaussée, bâties en rond avec de la brique et du ciment ; le fond est de cuivre, fait de la forme d'un plat à soupe rond ; il doit être bâti avec la chaudière, qu'on appelle cloche ; on en fait de toute espèce pour la grandeur ; les plus ordinaires ont 12 pieds de diamètre, et viennent en rétrécissant jusqu'au fond ; la hauteur est de 8 à 9 pieds. On en a fait en bois cerclées avec 4 ou 5 gros cercles de fer ; mais on les a abandonnées par le peu d'usage qu'elles faisaient.

Il y a une cave voutée qui répond au-dessous des chaudières, où il y a un grand fourneau à chacune avec un grillage de barreaux de fer pour donner du jour au feu ; ces fourneaux ont leurs tuyaux pour le passage de la fumée.

Le bas des chaudières est percé à un pied du fond avec une ouverture ronde d'un pied en circonférence ; cette ouverture est garnie d'un fer tout-autour, pour la fermer ; il y a une barre de fer longue de 8 pieds, assez grosse par le bout, pour qu'étant garnie d'étoupes, elle bouche solidement l'ouverture ; son usage en la poussant en-dedans, est de donner assez d'ouverture pour le passage de la lessive, lorsqu'elle a perdu totalement sa force, et en tirant à soi, elle bouche l'ouverture ; on appelle cette barre de fer matras.

Il y a au fond de la cave un réservoir pour recevoir les lessives qui sortent du matras ; la pâte du savon qui peut se mêler avec la lessive en sortant, vient surnager dans le réservoir ; étant refroidie, après qu'on l'a ôtée, on ouvre le réservoir, et la lessive se précipite dans un aqueduc qui en est le dégorgement.

Autour des murailles du rez-de-chaussée, il y a des petits réservoirs appelés barquieux, de trois pieds et demi à quatre pieds de large, cinq de profondeur, et de la même hauteur ; c'est où l'on met les matières préparées et concassées pour faire la lessive qui sert à cuire le savon ; ces barquieux sont contournés par des petits canaux où l'eau passe et entre dessus par des petites communications qu'on ouvre et qu'on ferme au besoin ; l'eau filtre sur cette matière, et après en avoir pris la substance, elle sort par le fond et entre dans deux réservoirs pratiqués au-devant et au-dessous dans les souterrains ; la première liqueur est la plus forte, et on la sépare des autres.

A l'endroit le plus près des chaudières, à rez-de-chaussée, il y a un ou deux appartements en forme de galerie, qu'on appelle mises ; on forme dans ces galeries des enceintes avec des planches de neuf à dix pieds en longueur, et d'un pied et demi d'hauteur ; la planche du devant est mobile, et se met par le moyen de deux piliers en bois faits à coulisses ; le sol est en pente douce, pour faciliter l'égoût de la trop grande quantité de lessive qui est mêlée avec la pâte de savon lorsqu'il sort de la chaudière ; cette lessive a ses conduits et son réservoir.

Il faut quantité de jarres pour mettre l'huile. A Marseille on a des réservoirs en terre bâtis au ciment très-solides ; on les appelle piles ; il y en a de toutes grandeurs, jusqu'à deux et trois mille quintaux.

Il faut encore plusieurs autres appartements pour mettre la chaux, le bois, et de grands magasins pour les matières.

Il y a aussi des endroits pour concasser les matières ; on les appelle piquadoux.

Au plus haut de la maison, on a un ou deux grands appartements ouverts à plusieurs vents, appelés cysugants ; c'est-là où le savon acheve de se sécher, où l'on le coupe, où l'on le met dans des ronds en forme de tours, et où on l'emballe.

La composition du savon se fait, comme nous avons dit, avec l'huîle d'olive ; toute graisse ou autre matière rend la qualité imparfaite et très-mauvaise ; toute huîle d'olive est bonne ; les meilleures sont celles du royaume de Candie et du Levant ; elles ont plus de consistance, et on en tire une plus grande quantité de savon.

Pour rendre l'huîle capable de s'épaissir, ce qu'on appelle empâter, on se sert de la lessive qu'on tire des cendres du levant, de la barille, bourde et solicots, qui viennent d'Espagne ; on mêle ces matières quand elles sont concassées avec un tiers de la chaux, et après avoir été bien mêlées, on en remplit les barquieux, d'où distille la lessive.

La cuite du savon est faite ordinairement dans six ou sept jours ; il doit sentir la violette quand il est bien cuit, et pour être de parfaite qualité, il faut qu'il ne pique pas trop lorsqu'on lui appuie le bout de la langue dessus.

Pour faire le savon marbré, dans l'art appelé madré, on se sert encore de la couperose, qui donne le bleu, et de la terre de cinnabre qui donne le rouge, ce qu'on appelle le manteau.

La fabrication du savon blanc se fait avec la lessive de la cendre du levant ; quelquefois avec la barille, et on ne change pas la lessive comme au savon marbré ; on le met tout de même dans des mises, et on lui donne plusieurs épaisseurs différentes.

Les outils et ustensiles pour la fabrication n'ont rien de décidé, pourvu qu'on fabrique, n'importe avec quels outils : l'usage, l'expérience et la commodité en ont pourtant adopté quelques-uns, mais tout aboutit à des grands couteaux, des truelles pour racler la croute du savon, des sceaux attachés à des perches, des cornues, des cabas, etc.

SAVON, consideré comme médicament, est d'un grand usage en chirurgie et médecine. La première l'emploie pour résoudre les tumeurs scrophuleuses et goutteuses, et dans l'emplâtre de savon, qui est fondante, résolutive, et en même temps adoucissante et amollissante.

Le savon est employé par les médecins pour l'usage intérieur de différentes manières, et en différentes occasions. On a reconnu son utilité dans les obstructions du foie, de la rate, de la matrice et du poumon. Mais comme ce remède est fort actif, on doit le donner avec prudence et discrétion, et l'adoucir avec des émulsions, et autres boissons que l'on prescrira pendant son usage.

La façon d'agir du savon sur nos humeurs dépend de sa nature et de sa composition. Les huiles qui le composent se trouvant divisées par un alkali en font un médicament détersif, apéritif et mondificatif ; il peut dissoudre les gommes, les mucilages, les resines, les soufres, les huiles, les graisses grossières : il les rend tous solubles dans l'eau à l'aide de la chaleur, du mouvement et de la transpiration. Ainsi, le savon et la lessive sont excellents pour ouvrir, délayer, résoudre et atténuer, rendre les humeurs fluides, lever les obstructions, et rendre aux parties le mouvement qu'elles avaient perdu.

Le savon produit des effets surprenans sur les concrétions formées par une huîle et une terre grossière ; il empêche les acides de coaguler le chyle et le lait ; et supposé qu'ils le soient, il les résout.

Le savon fait ce que l'huîle seule et l'alkali séparé de l'huîle n'auraient pu opérer.

On peut, pour remplir différentes indications, suivre d'autres procédés dans la fabrique du savon. Ainsi on fait un savon avec l'huîle de térébenthine, dont l'usage est très-étendu ; on y joint de l'opium, des racines d'héllebore et réglisse pour faire le savon de Starkei.

Le savon de baume de soufre est aussi excellent pour les maladies de la poitrine et du poumon, pour corriger l'epaississement de la limphe bronchiale.

Le savon ordinaire se donne en bols, en pilules, en opiates, à la dose de quinze grains pour des maladies chroniques et invétérées. Mais d'ordinaire la dose ne doit pas passer huit grains, lorsqu'on le donne longtemps de suite.

Le savon liquide fait avec les huiles distillées, de même que celui de baume de soufre et de Starkei, ne doivent se donner qu'à la dose de quelques grains ou gouttes, leur usage est fort douteux s'il n'est bien raisonné et indiqué.

SAVON, tables de (Savonnerie) les tables de savon sont de grands morceaux de savon blanc d'environ 3 pouces d'épaisseur sur un pied et demi en carré, du poids de 20 à 25 livres. (D.J.)

SAVON, terme de Cartier ; c'est une bille de savon blanc appliquée sur une planche. Ce savon sert pour en frotter les feuilles de cartes qu'on veut lisser, afin que la pierre à lisser glisse plus aisément sur les cartes et ne les déchire point.