S. f. (Chimie) humidité pénétrante, noire, et grasse, qui, quand on brule des végétaux, s'élève en fumée et s'insinue dans les parois de la cheminée, et par sa matière huileuse les peint d'une couleur très-noire. Cette matière ainsi rassemblée, s'amasse sur la superficie des parois d'une cheminée en forme de flocons noirs, peu adhérents, et se détachant aisément.

La suie est proprement un charbon volatil, mais fort gras, et qui lorsqu'elle est seche, est une matière très-inflammable. Elle est très-amère, comme les huiles brulées ; la quantité d'huîle qu'elle contient est ce qui la rend grasse. Sa noirceur lui est donnée par cette même huîle brulée, comme cela arrive à tout charbon. Elle parait fort simple ; mais, cependant si on la résout en ses principes par la distillation, elle donne premièrement une assez grande quantité d'eau, qui étant exactement séparée de toute autre chose, éteint la flamme et le feu.

La vapeur aqueuse qui s'élève encore dans cette première distillation, éteint aussi tout à fait le feu ; de sorte qu'à parler proprement, on ne peut guère l'appeler esprit. Si l'on augmente ensuite le feu, il sort de la suie une grande quantité d'huîle jaunâtre, inflammable, et qui est un aliment très-convenable au feu et à la flamme.

La partie la plus subtîle de cette huîle qu'on appelle esprit, est aussi inflammable : on en tire cependant un sel très-volatil, un autre qui l'est moins, et un troisième qui est plus sec. Si l'on sépare exactement ces sels de l'huîle et de l'esprit, dont je viens de parler, on n'y trouvera rien d'inflammable, le sel qui restera sera entièrement incombustible.

Enfin la dernière chose qu'on trouvera par cette analyse, c'est du charbon. On voit à présent ce que c'est que la suie, et ce qu'elle renferme de véritablement combustible. Si on l'ôte de la cheminée lorsqu'elle est seche, et qu'on la mette ainsi récente sur le feu, elle brule et elle s'enflamme presqu'aussi-bien que toute autre matière combustible ; c'est ce qu'on n'a que trop souvent occasion de remarquer : combien de fois ne voit-on pas, que si on laisse longtemps des cheminées sous lesquelles on fait ordinairement grand feu sans les nettoyer, la suie s'y amasse, le feu y prend, et la flamme sortant par le haut de la cheminée cause de fâcheux incendies. (D.J.)

SUIE, (Agriculture) on regarde en Angleterre la suie comme très-bonne pour l'engrais des terres, on croit surtout qu'elle est très-propre à faire périr les mauvaises herbes et les plantes aquatiques telles que les joncs et les roseaux dans les prairies basses ; on assure que lorsqu'on veut les détruire, on ne fait que les enlever avec la bêche, et l'on répand de la suie par-dessus, ce qui les empêche de revenir.

SUIE, (Teinturerie) les Teinturiers se servent de suie pour faire une couleur fauve qui est assez belle, il est vrai qu'elle est d'une très-mauvaise odeur, mais en récompense elle conserve les draps et autres étoffes de laine, contre cette espèce de vers qu'on appelle teigne, qui les percent et les rongent ; elle est aussi plus propre que la racine de noyer pour faire les feuilles mortes et couleurs de poils de bœuf, surtout quand elle est employée dans un garançage où il y a du terra-merita. Les teinturiers en soie, laine et fil, appellent la suie, bidanet. Diction. du commerce. (D.J.)

SUIE, (Chim. Mat. médic.) les médecins-chimistes ont dès longtemps traité la suie par la distillation à la violence du feu pour en retirer des remèdes, savoir un alkali volatil et une huîle empireumatique, qui sont des produits de cette opération, et qui sont connus, dans les chimies médicinales, sous le nom de sel volatil de suie ou d'esprit de suie, selon que cet alkali volatil est sous forme concrete, ou liquide, et sous celle d'huîle de suie. Mais ces produits n'ayant que les qualités très-génériques des matières de leur genre respectif, sont à peine employés aujourd'hui, ou ne méritent du-moins aucune préférence. Voyez ALKALI VOLATIL sous le mot SEL et HUILE EMPIREUMATIQUE à l'article général HUILE. Les chimistes du même ordre, c'est-à-dire les chimistes-médecins, entre lesquels Nicolas Lemeri mérite d'être distingué, font mention d'un sel fixe de suie qu'ils croient être un alkali fixe. S'il est tel en effet, M. Baron a raison de dire dans ses notes sur Lemeri, que les propriétés médicinales de ce sel lui sont communes avec l'alkali fixe ordinaire, qui se prépare à beaucoup moins de frais, et qui par cette raison mérite la préférence. Mais c'est vraisemblablement accorder trop de confiance à Lemeri que de l'en croire sans examen sur la nature de ce sel, dont la génération ne serait point cependant difficîle à découvrir ; mais encore un coup, avant de s'occuper de cette recherche, il faut s'assurer si le sel fixe de la suie est un alkali.

Outre les produits dont nous venons de parler, savoir l'alkali volatil, l'huîle empireumatique, et un sel fixe lexiviel, les chimistes qui, comme Boerhaave, ont examiné plus soigneusement les produits de la distillation de la suie, exécutée dans des vues philosophiques, comptent parmi ces produits un sel ammoniacal, et observent que tous les produits dont nous venons de parler, sont précédés d'une assez bonne quantité d'eau limpide.

Le sel ammoniac vulgaire, est un produit de la distillation à la violence du feu, de la suie de cheminée où l'on brule de la bouse de vache. Voyez SEL AMMONIAC.

La suie provenue des matières animales parait devoir différer de celle que fournissent les matières végétales. Peut-être que le sel ammoniac fourni par cette dernière suie, diffère du sel ammoniac vulgaire ; mais je ne sache point que les chimistes aient cherché à s'assurer de cette différence, non plus que des autres principes distinctifs de l'une et de l'autre.

Au reste, ce point de vue est bien différent de celui qu'indique Boerhaave, lorsqu'il dit, à la fin de ses réflexions sur l'analyse de la suie végétale, que la suie qu'on ramasserait dans les cheminées de cuisine serait fort différente de celle-là, parce qu'elle serait fournie non-seulement par les fumées des matières qu'on emploirait à entretenir le feu, mais encore par celles qui s'exhaleraient des viandes qu'on cuit ; ce qui parait à peine pouvoir altérer légèrement la suie ; car cuire des viandes, ce n'est pas les bruler, ou du-moins on ne brule que très-accidentellement et très-rarement les viandes qu'on cuit dans les cuisines, et les vapeurs qui se détachent des viandes simplement cuites, ne sont presque qu'aqueuses, ou tout-au-plus chargées de la partie aromatique de quelques assaisonnements qu'on emploie à quelques-unes de ces cuites, et d'une légère émanation qui constitue l'odeur des viandes, toutes matières peu propres à être retrouvées dans la suie. On peut observer encore que l'analyse de la suie que Boerhaave donne comme fournissant le complément des connaissances acquises déjà sur les végétaux traités par le secours du feu dans les vaisseaux fermés, et qu'un chimiste français qui l'a adoptée trouve décrite avec beaucoup d'exactitude et de précision ; que cette analyse, dis-je, ne saurait fournir la moindre connaissance sur l'objet auquel Boerhaave la destine ; car cet auteur se promettant de découvrir par cette analyse les matières que le feu ouvert chasse des corps actuellement brulans en plein air, a très-mal choisi son sujet en prenant la suie ordinaire des cheminées, formée en partie, selon sa propre observation, par des matières qui se sont élevées en forme de fumée, n'est point-du-tout un produit propre de l'ignition à l'air libre, mais au contraire un produit propre aux substances échauffées dans les vaisseaux fermés. La fumée qui précède l'apparition de la flamme, dans la combustion à l'air libre, est une matière absolument identique avec les premières vapeurs salines et huileuses qui s'élèvent d'une matière végétale dans le commencement de la distillation analytique : ainsi la suie ordinaire contient pêle et mêle, des produits pareils à ceux que le feu chasse d'un vaisseau dans un autre, selon les termes de Boerhaave, et des produits propres à la combustion dans l'air libre, et par conséquent n'est point propre à démontrer les principes que le feu enlève d'une matière végétale qui brule et se consume à l'air libre.

L'analyse méthodique de la suie est donc encore une chose intentée ; et pour l'exécuter de manière à mériter véritablement cet éloge d'exactitude et de précision, il faudrait préparer à dessein une suie qui fut fournie par des matières uniquement végétales, ou uniquement minérales, toujours enflammées, en ne les plaçant sous la cheminée destinée à recevoir cette suie qu'après qu'elles auraient cessé de fumer, et lorsqu'elles flamberaient vertement.

Un principe de la suie, qui est évidemment produit par les matières combustibles actuellement enflammées, c'est la matière colorante noire, qui n'est autre chose qu'un charbon très-subtil volatilisé, ou pour mieux dire, entrainé par le mouvement rapide de la flamme.

Le noir de fumée, qui est la suie des matières résineuses qui brulent avec flamme, ne diffère de cette matière colorante de la suie vulgaire, qu'en ce que la première est un charbon à-peu-près pur, et que dans la dernière ce charbon est mêlé à de l'eau et à des substances huileuses et salines. (b)