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Catégorie : Chimie
(Chimie) La distillation est une opération chimique qui consiste à détacher par le moyen du feu, de certaines matières renfermées dans des vaisseaux, des vapeurs ou des liqueurs, et à retenir ces dernières substances dans un vaisseau particulier destiné à les recevoir.

Les substances séparées du corps soumis à la distillation, sont connues dans l'art sous le nom de produits ; et la partie la plus fixe de ce corps, celle qui n'a pas été déplacée par le feu, sous celui de résidu : c'est celle-ci que les anciens Chimistes désignaient par le nom de caput mortuum (voyez CAPUT MORTUUM. ). Il parait qu'on se ferait une idée plus exacte des effets de la distillation, si on mettait le résidu au rang de ses produits : je le considère toujours sous ce point de vue, et je l'appelle produit fixe ; j'appelle les premiers produits mobiles. Au reste il n'est pas essentiel à une distillation de laisser un résidu, elle peut séparer un corps en divers produits tous volatils ; c'est ce qui arrive dans la distillation d'une résine pure. Voyez RESINE.

Les produits mobiles de la distillation peuvent être portés par la disposition de l'appareil, en-haut, à côté ou en-bas : c'est pour cela que la distillation a été divisée en trois espèces ; savoir la distillation per ascensum, ou droite (recta) ; la distillation oblique ou latérale, per latus ; et la distillation vers le bas, per descensum.

C'est toujours sous la forme de vapeur que les produits mobiles se séparent du corps à distiller, dans les deux premières espèces de distillation ; car un corps ne peut s'élever par le feu que sous cette forme : et l'appareil de la distillation latérale même est disposé de façon, que les matières séparées sont obligées de s'élever (voyez CORNUE, la Planche et la suite de cet article.) Aussi ces deux premières espèces de distillation ne diffèrent-elles, qu'en ce que dans la première, les vapeurs se condensent dans le haut de l'appareil dans un chapiteau à gouttière, et que dans la seconde elles ne se condensent utilement que dans le côté. Le produit mobîle de la distillation per descensum, peut se séparer, et se sépare même dans tous les cas où cette distillation est pratiquée sous la forme d'un liquide.

Ces trois espèces de distillation ne sont dans le fond, et quant à la manière d'altérer les corps traités par leur moyen, qu'une même opération ; et les seules raisons de préférence dans l'usage, sont des commodités de manuel, des vues pratiques, oeconomiques, qui seront exposées dans la suite de cet article.

Tout appareil de distillation est composé nécessairement d'un vaisseau qui contient les matières à distiller : et d'un vaisseau destiné à recevoir les produits mobiles. Le premier peut être un vaisseau d'une seule pièce, ou être formé de plusieurs : on multiplie quelquefois le second, pour divers motifs qui seront exposés plus bas.

Les vaisseaux employés à contenir les matières à distiller, sont pour la distillation droite, l'alembic d'une ou de plusieurs pièces (voyez ALEMBIC, CUCURBITE, CHAPITEAU) ; le matras recouvert d'un chapiteau, qui n'est proprement qu'un alembic très-élevé (voyez MATRAS) ; pour la distillation latérale, la cornue ordinairement d'une seule pièce, la cornue tubulée, et la cuine, qui est une cornue d'une forme particulière (voyez CORNUE) ; le tonneau armé d'un globe de cuivre à sa partie inférieure ; invention ingénieuse, mais très-peu utîle de Glauber (fourneau philos. page 111. voyez l'article FEU) ; et l'alembic des distillateurs d'eau-de-vie, qui est recouvert de la tête de more au lieu du chapiteau à gouttière (voyez CHAPITEAU) ; et enfin pour le descensum, l'entonnoir, le creuset à fond percé de plusieurs trous, et le descensoire, descensorium, de Geber (voyez DESCENSUM. ) Le vaisseau contenant peut encore n'être que le foyer même d'un fourneau, qui dans ce cas a le double usage de fourneau et de vaisseau, comme dans cette espèce de distillation inventée par Glauber (fourneau philosoph. page 1.), où le corps à distiller est immédiatement placé sur des charbons embrasés. Voyez FEU et FOURNEAU.

Le vaisseau destiné à recevoir les produits mobiles, est connu sous le nom générique de récipient. Le ballon et le matras sont les récipiens simples les plus ordinaires, quoique tout vaisseau à un seul orifice propre à recevoir le bec du vaisseau contenant, puisse être employé à cet usage. Les récipiens multipliés ou composés, sont le double ballon, la fîle de ballons, le ballon de Glauber armé d'un second récipient à son bec ou ouverture inférieure, l'allonge jointe au ballon (voyez BALLON, voyez MATRAS), et un assemblage de certains vaisseaux particuliers, propres à la distillation de l'air. Voyez RECIPIENT.

On exécute des distillations dans toute la latitude des degrés de feu employés par les Chimistes ; et on applique le feu aux matières à distiller, soit en exposant à son action immédiate les vaisseaux qui les contiennent, soit en interposant entre le feu et ces vaisseaux, différentes matières connues dans l'art sous le nom de bain. Voyez BAIN et FEU.

La distillation est une des opérations les plus anciennement connues dans l'art. Geber auteur du plus ancien traité général de Chimie qui soit parvenu jusqu'à nous (voyez la partie historique de l'article Chimie), a très-bien décrit la distillation droite et le descensum, les effets et les usages de ces opérations ; il n'a pas connu la distillation latérale, invention postérieure de plusieurs siècles à ce chimiste, et il a fait une troisième espèce de distillation de la filtration à la languette (voyez FILTRATION). C'est sur quelques prétendus vestiges de la connaissance de la distillation, que quelques auteurs ont cru voir des traces de chimie dans les ouvrages de quelques médecins grecs et arabes. La Chimie a été appelée l'art distillatoire, et elle a mérité ce titre jusqu'à un certain point, tant que analyser et distiller à la violence du feu n'ont été qu'une même chose. Les distillateurs d'eau-de-vie, d'eau-forte, de parfums, de liqueurs, etc. se qualifient de chimistes ; et il s'en est même trouvé de ces derniers qui se sont vus placés comme chimistes dans la liste des hommes illustres d'une nation ; tant la distillation, même pratiquée en simple manœuvre, peut décorer celui qui s'en occupe. Mais quoi qu'il en soit de cet honneur singulier attaché à l'exercice de l'art distillatoire, il est sur que la distillation est une opération chimique fondamentale, un moyen chimique dont l'usage est très-étendu et la théorie très-compliquée, soit qu'on la considère en soi et dans ses phénomènes propres, soit qu'on la regarde relativement aux changements qu'elle opère sur les différents sujets.

Dans toute distillation on se propose de réduire un corps en deux ou en plusieurs substances différentes. Cette vue suppose deux conditions essentielles, générales dans les sujets de cette opération ; la première, c'est qu'ils ne soient pas absolument simples ; et la seconde, que la desunion de leurs principes puisse être operée par l'action du feu : ce ne serait donc que dans une vue très-chimérique qu'on pourrait soumettre à la distillation l'eau parfaitement pure, le mercure exactement purifié, et en général tout mixte ou composé volatil, capable d'éluder par sa volatilité même l'action dissociante du feu, tel que l'esprit-de-vin très-rectifié, etc. ou enfin des mixtes ou des composés absolument fixes, tels que l'or, le charbon parfait, le tartre vitriolé, etc. Voyez VOLATILITE, FIXITE, PRINCIPE, FEU.

Les diverses matières que les Chimistes soumettent à la distillation, éprouvent des changements essentiellement différents, qui dépendent de la constitution spécifique de chacune de ces matières. Je divise à cet égard les sujets de la distillation en trois classes, et je pense que cette division est nécessaire pour se procurer des notions précises, distinctes et raisonnées, une théorie exacte de cette opération, que j'ai déjà appelée un moyen chimique fondamental.

La première classe des sujets de la distillation renfermera les simples mélanges, les corps, ou plutôt les amas formés par confusion (voyez CONFUSION et CHIMIE), tels qu'une eau troublée par un vrai précipité, ou toute autre poudre subtîle et insoluble ; une résine précipitée de l'esprit-de-vin par l'eau, et suspendue encore dans le nouveau liquide résultant de l'union de ces deux liqueurs ; une mine de mercure non minéralisé, et simplement répandu dans une terre ou dans une pierre ; du mercure éteint ; les végétaux aromatiques considérés comme contenant des huiles essentielles : car ces huiles ne font pas avec les principes de la composition du végétal, une union réelle ; elles y sont contenues en masses souvent sensibles dans de petites vésicules particulières (voyez HUILE ESSENTIELLE). La distillation d'une huîle essentielle doit donc être regardée comme démêlant des substances confuses, et point du tout comme détruisant une combinaison chimique. On peut grossir cette classe, qui est peu nombreuse, des différents corps dont la mixtion est si aisément dissoluble par l'action du feu, que l'union de leurs principes, quoique réelle ou chimique, peut être reputée nulle, aussi-bien que la résistance qu'ils opposent à leur séparation : telle est l'union de l'esprit-de-vin, d'une certaine portion d'eau du même esprit, et des résines ; celle de l'eau surabondante à la dissolution des sels, avec la dissolution de ces mêmes sels ; celle de l'esprit recteur des végétaux à leur huîle essentielle, etc.

La distillation des substances de cette espèce est donc une simple séparation de diverses substances mêlées par confusion ; séparation fondée sur les différents degrés de volatilité spécifique de chacune des substances à séparer : en sorte qu'une condition particulière essentielle aux amas séparables par la distillation, c'est cette diversité de volatilité spécifique. Les produits, tant volatils que fixes des sujets de notre première classe, ne souffrant aucune décomposition, ils restent intérieurement immués ; ils préexistaient dans leur sujet commun, tels qu'ils sont après leur séparation : cette dernière propriété leur est commune avec les sujets de la classe suivante.

Cette seconde classe s'étend à tous les composés formés immédiatement par l'union chimique et la combinaison d'un petit nombre de principes étroitement liés, mais qui peuvent être séparés par la violence du feu, sans réagir que faiblement les uns sur les autres, et assez immués pour qu'on puisse le plus souvent, en les réunissant immédiatement, reproduire le même composé : tels sont la plupart des sels métalliques fixes, les vitriols, le verdet, le sel de Saturne, quelques autres sels neutres ; savoir le nitre, la terre foliée, etc. Les anciens chimistes ont appelé la distillation de ces substances, édulcoration philosophique. Les amalgames sont encore des sujets de cette seconde classe, qui est peu étendue, parce que les vrais composés ne sont communs ni dans la nature ni parmi les ouvrages de l'art, et qu'encore faut-il abandonner tous les composés volatils ou absolument fixes, comme nous l'avons déjà observé ; et que ce n'est cependant que dans cet ordre de corps, que l'action du feu peut opérer une diacrese vraie et simple. (voyez FEU, DIACRESE, et ce que nous allons dire tout-à-l'heure des sujets de la troisième classe) Or c'est-là précisément l'effet de la distillation sur les substances distillables dont je compose ma seconde classe ; c'est-là aussi son essence, sa propriété distinctive.

La troisième classe renferme, 1° les tissus ou les corps organisés, c'est-à-dire les végétaux et les animaux entiers, et leurs parties solides ; 2° tous les surcomposés, decomposita (voyez SURCOMPOSE) ; 3° les composés que la distillation ne resout pas seulement en leurs principes, mais qu'elle altère jusque dans la constitution intérieure de ces principes. Ces deux dernières divisions renferment le plus grand nombre de substances végétales et animales non organisées ; les extraits, les résines, les baumes, les gommes, les gommes-résines, les matières colorantes, les muqueux, les beurres, les huiles par expression, le sang, la lymphe, la gelée, le lait, etc. (voyez ces articles) 4° enfin ces corps que l'on peut appeler, quoiqu'avec quelqu'inexactitude, composés et surcomposés artificiels, c'est-à-dire les mixtes ou les composés naturels traités avec des intermèdes vrais. (voyez INTERMEDES : voyez analyse menstruelle, sous le mot MENSTRUELLE, et analyse végétale, au mot VEGETAL) Au reste il faut observer que la plupart de ces corps peuvent être regardés comme sujets de la première classe dans un certain cas ; savoir lorsqu'on n'en sépare par la distillation que des principes très peu adhérants, une partie aromatique, les huiles essentielles dont nous avons déjà parlé, une certaine portion d'eau, etc. et qu'on épargne leur composition intime, par la manière dont on leur applique le feu. Voyez FEU.

Ce qui fait différer essentiellement la distillation de ce genre de matières de celle des deux autres, c'est que les différents principes de ces corps étant mis en jeu par le feu, s'attaquent diversement, et que quelques-uns d'entr'eux contractent de nouvelles combinaisons, tandis que d'autres qui auraient résisté à l'action du feu seul, ne sont dégagés qu'à la faveur de ces combinaisons nouvelles. Une propriété particulière à la distillation des substances de cette classe, c'est d'échauffer les substances combustibles à un point plus que suffisant pour les enflammer, sans qu'elles s'enflamment en effet. On a comparé les produits de cette distillation à la fumée, il fallait dire à la fumée sans flamme. La distillation dont nous parlons, diffère essentiellement par ce phénomène, de la combustion à l'air libre, ou inflammation, qui est un autre moyen d'analyse très-efficace. Voyez INFLAMMATION, COMBUSTION, ANALYSE VEGETALE, au mot VEGETAL.

On exécute la distillation des substances des trois classes, dans une vue philosophique ou dans une vue oeconomique.

La distillation des substances purement confondues, est d'une utilité fort bornée au premier égard, parce qu'il est des moyens plus simples de reconnaître dans les sujets de cette classe, les corps qu'on pourrait aussi en séparer par la distillation, et que les sens suffisent pour les y discerner. Son utilité est plus étendue au second égard, elle fournit un moyen prompt et commode de retirer, abstrahere, certaines liqueurs employées à divers travaux chimiques, et qui sont d'un prix assez considérable pour qu'on les retienne avec profit par ce moyen ; tels sont les corps suivants : l'esprit de vin superflu à la dissolution de certaines matières végétales, dans la concentration des teintures : le même esprit, après avoir servi à l'extraction d'une résine : les acides minéraux circulés sur certaines terres, dans diverses vues ; etc. Cette même opération fournit à la Pharmacie et à divers arts, des huiles essentielles, de l'esprit de vin, etc. Les sujets de cette classe ne fournissent dans la distillation qu'un seul produit mobîle ; l'eau employée à la distillation des huiles essentielles, et qui s'élève avec elles ne faisant pas une exception à cette observation (voyez HUILE ESSENTIELLE), qui ne comprend cependant que les cas ordinaires, ceux où la distillation est usitée : car on pourrait faire à dessein des amas qui fourniraient plusieurs produits mobiles dans la distillation.

Quant à la deuxième classe des sujets de la distillation ; si une substance inconnue est resoute par la distillation en un certain nombre de principes connus, et qu'on réussisse à reproduire cette substance par la réunion de ces principes, on a découvert alors et la nature des matériaux de la composition de cette substance, et même sa constitution intérieure : et voilà l'usage philosophique de la distillation sur les sujets de cette espèce. Ces usages oeconomiques sont ceux-ci ; elle nous fournit l'acide vitriolique, le vinaigre radical retiré sans intermède, le soufre des pyrites, le mercure des amalgames, l'eau-forte employée dans le départ, et séparée par ce moyen du cuivre ou de l'argent. Voyez DEPART. etc. La distillation des sujets de cette classe ne fournit ordinairement qu'un ou deux produits mobiles, trois tout au plus, en y comprenant l'air dégagé dans cette opération.

Pour ce qui regarde les sujets de la troisième classe, on sait, dès qu'on est un peu versé dans la lecture des livres chimiques, que la plupart de leurs auteurs, et surtout ceux des deux derniers siècles, n'ont presque connu d'autre moyen d'analyse, pour les corps même les plus composés, que la distillation poussée par degré jusqu'à la plus grande violence du feu. On sait encore que cette ancienne analyse fut non-seulement imparfaite en soi, ou comme moyen insuffisant, mais qu'elle devint encore plus funeste aux progrès de l'art par les vues vaines, les conséquences précaires, les observations mal entendues qu'elle fournit. Voyez PRINCIPES et ANALYSE VEGETALE au mot VEGETAL.

La distillation des composés artificiels, ou des substances distillées avec des intermèdes que nous avons rangés avec les sujets de cette classe, n'est exposée à aucun des inconvénients que nous venons de reprocher à l'analyse ancienne ; l'usage philosophique de ce dernier moyen est, au contraire, aussi utîle et aussi étendu que celui de la distillation sans intermède est défectueux et borné : voyez Analyse menstruelle au mot MENSTRUE ; nous disons à dessein, borné, et non pas absolument nul, car on peut par cette dernière opération obtenir au moins quelques connaissances générales sur certains sujets inconnus ; des sens exercés reconnaitront dans certains produits de ces corps quelques caractères particuliers aux divers règnes de la nature, et même à quelques classes et à quelques divisions moins générales encore. Voyez Analyse végétale au mot VEGETAL, SUBSTANCE, ANIMAL, et MINERAL.

Les matières que cette distillation fournit aux Arts et surtout à la Pharmacie, sont les acides et les alkalis volatils, l'un et l'autre de ces principes sous une forme fluide, ou sous une forme concrete ; des huiles empyreumatiques, des sels ammoniaceux ; voyez les articles particuliers : et ce sont-là les fameux principes ou espèces chimiques. Voyez PRINCIPES. Quelques matières particulières, comme le beurre de cire, le phosphore, etc. sont aussi des produits de cette troisième classe de distillation. Voyez CIRE et PHOSPHORE.

La distillation des sujets de cette classe (excepté de nos composés artificiels) fournit dont toujours plusieurs principes. Voici l'ordre sous lequel les produits les plus généraux se présentent : 1°. un phlegme chargé de l'odeur du sujet distillé, lors même que ce corps distillé est appelé inodore ; phlegme d'abord lympide et sans couleur, suivi bientôt de gouttes troubles colorées, et prenant enfin une odeur d'empyreume ou de brulé : 2°. de l'huîle lympide et tenue, et le même phlegme qui ne donne encore aucun signe d'acidité ni d'alkalicité : 3°. un phlegme faiblement acide ou alkali volatil, une huîle plus colorée, plus épaisse, moins lympide, et de l'air : 4°. une huîle noire, épaisse, trouble, une eau plus saline ; de l'alkali volatil concret, de l'air.

Des observations répétées nous ont appris que c'est dans un ordre constamment le même, que les divers produits de la distillation des mêmes sujets se succedent, lorsqu'on administre le feu selon l'art. Mais quelle est la cause qui fixe cet ordre ? ne pourrait-on pas établir une théorie générale qui la déterminât ?

En considérant la distillation sous le point de vue qui se présente d'abord, on est tenté de la croire renfermée, cette théorie, dans la formule suivante : " Par le moyen de la distillation, les principes se séparent successivement les uns des autres ; les plus volatils s'élèvent les premiers, et les autres ensuite, à mesure qu'ils éprouvent le degré de chaleur qui est capable de les enlever ". Le moyen le plus simple de vérifier cette règle, c'est de l'essayer sur les cas particuliers : c'est ce que nous allons faire.

Nous avons déjà observé, et nous l'avons observé précisément pour pouvoir le rappeler ici, que les sujets de notre première classe ne fournissaient qu'un seul produit mobile, excepté qu'on ne confondit à dessein, sans vue, et sans utilité, plusieurs liqueurs volatiles immiscibles : que ceux de la seconde classe ne fournissaient qu'un petit nombre de produits mobiles ; et qu'enfin la plupart de ceux de la troisième en fournissait plusieurs. C'est donc dans les sujets de la seconde et de la troisième classe qu'il faut choisir ces cas particuliers, auxquels pourrait convenir la règle générale que nous examinons.

Prenons d'abord un sujet de la seconde classe : le vitriol de Mars non calciné. Ce corps étant placé dans un appareil convenable, et le feu administré selon l'art, l'eau de la crystallisation, celle qu'on sépare ordinairement par une calcination préliminaire, passera d'abord ; à cette eau succédera un phlegme légèrement acide, et enfin de l'air et un acide plus concentré. Nous voyons donc déjà que la théorie proposée n'est pas applicable à tous les cas ; car dans celui-ci, l'eau et le phlegme acide qui sont beaucoup moins volatils que l'air, passent avant ce dernier principe. Je poursuis mon essai sur les autres sujets de la même classe, sur le verdet, sur le sel de Saturne, etc. ces tentatives ne sont pas plus heureuses que la première.

Je passe aux sujets de la troisième classe, et je vois d'un seul coup d'oeil qu'il n'en est pas un seul dans la distillation duquel on puisse observer cette succession de produits, fondée sur leur degré respectif de volatilité ; je vois les alkalis volatils s'élever après, du phlegme et des huiles pesantes, des acides et des huiles précéder l'air, etc. Dans la distillation analytique de l'esprit-de vin, par l'intermède de l'acide vitriolique ; de l'esprit-de-vin inaltéré et de l'acide vitriolique s'élèvent avant l'éther et avant l'acide sulphureux volatil, l'un et l'autre plus volatils que les deux premiers principes.

En un mot, après l'examen le plus détaillé de tous les cas particuliers, je ne trouve que ces amas de liqueurs volatiles immiscibles dont nous avons parlé plus haut, auxquels elle puisse convenir : d'où je conclus que les cas qu'elle n'a pas prévus sont les plus nombreux, les plus fondamentaux, et même les seuls qui se présentent dans la pratique.

Cherchons donc une autre théorie que celle dont nous avons cru devoir démontrer l'insuffisance, parce qu'elle n'est pas une erreur ignorée et sans conséquence, mais qu'elle est au contraire fort répandue, ou sur le point de l'être, et que c'est ici un point fondamental de doctrine chimique.

Nous croyons la théorie suivante hors d'atteinte, parce qu'elle n'exprime presque que des observations : ce n'est pas selon que chaque produit est plus ou moins volatil, mais selon qu'il était plus ou moins intimement retenu dans le corps dont il était principe, qu'il s'élève plus ou moins tard dans toute distillation qui opère une desunion réelle et violente. Le dégagement de ces produits doit être opéré avant l'expansion vaporeuse qui cause leur élévation ; or le degré de volatilité n'est compté pour rien dans l'estimation de la résistance qu'un principe oppose à sa desunion ; l'acide du sel marin résiste plus invinciblement à sa séparation d'avec sa base ordinaire, que plusieurs principes moins volatils que celui-ci ; le principe éminemment volatil, le phlogistique, est inséparable par la violence du feu dans les vaisseaux fermés, des corps dont il est principe constituant. Bien plus, la volatilité influe si peu sur l'ordre des produits, que toutes les fois que deux principes volatils se trouvent dégagés en même temps, ils s'élèvent toujours ensemble sans qu'il soit possible, ou du moins utile, d'observer alors la différence de leur volatilité ; parce que la chaleur nécessaire pour les dégager est si supérieure à celle qui suffit pour les élever une fois qu'ils sont libres, que ce degré de chaleur qui subsiste toujours est plus que suffisant pour enlever le moins volatil, et qu'on ne voit pas comment on pourrait estimer dans les appareils ordinaires le rapport du superflu de cette chaleur, à celle qui serait précisément nécessaire pour l'élévation de chacun des deux principes ; rapport qu'il faudrait cependant connaître pour fixer leur volatilité respective. Au reste il n'est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour exercer la sagacité de certains lecteurs, d'avancer que ce rapport pourrait être facilement déterminé à l'aide de certains appareils particuliers, et par un petit nombre d'expériences simples ; en confessant cependant que ce serait ici une de ces recherches collatérales purement curieuses, qui naissent d'un sujet, mais qui meurent sans lignée, c'est-à-dire qui ne fournissent rien à l'établissement de la question principale, comme il en est tant sur certains effets très-particuliers, qu'on a calculés avec une complaisance singulière ; opération dont le résultat s'est appelé une théorie. Mais je reviens à celle de la distillation.

Nous venons de voir que l'effet des agens employés à cette opération, se réduit à séparer des corps exposés à leur action une ou plusieurs substances, le plus souvent après avoir rompu l'union de ces substances. Nous avons observé dès le commencement de cet article, que c'est sous la forme de vapeur que ces substances s'élèvent : il nous reste à considérer les changements que subissent ces vapeurs, et les causes de ces changements.

La formation des vapeurs dans les vaisseaux fermés, n'a aucun caractère particulier ; la vaporisation est dans ce cas, comme en général, un mode ou une espèce de raréfaction par le feu. Voyez VAPEUR.

Le premier changement arrivé à cette vapeur une fois formée, est celui qui commence son élévation. Ce changement ne consiste qu'en une nouvelle expansion par l'action continuée du feu ; expansion qui a lieu en tout sens, et qui ne parait avoir une tendance particulière en haut, que par la forme des vaisseaux qui la contiennent et qui la dirigent pour ainsi dire : car on ne peut avoir recours ici ni à la loi hydrostatique par laquelle un liquide plus leger doit s'élever au-dessus d'un liquide moins leger, comme dans les évaporations à l'air libre supposé moins leger que les vapeurs qui s'élèvent à des hauteurs considérables dans l'atmosphère, ni à l'attraction électrique, mise très-ingénieusement en œuvre dans ce cas par M. Desaguliers et par M. Franclin : car la distillation est proprement une évaporation dans le vide, l'air étant si fort raréfié dans les vaisseaux très-échauffés, que son concours doit être compté pour rien ; et d'ailleurs l'ascension des vapeurs dans les vaisseaux fermés n'a qu'une étendue très-bornée, et exactement proportionnelle à leur expansion, c'est-à-dire à leur chaleur. Ce dernier rapport est si constant, que par la cessation de cette seule cause, une vapeur ne s'élevera qu'à une hauteur médiocre. Or cette unique cause, savoir l'expansion par le feu, diminuera nécessairement dans la vapeur à mesure qu'elle s'éloignera du centre de la chaleur dans les appareils ordinaires, où l'on n'applique le feu qu'à la partie inférieure des vaisseaux, et dont les parois touchent à une atmosphère toujours plus froide que les vapeurs qu'ils contiennent ; au lieu que la même vapeur, et une vapeur quelconque, entretenue dans le degré d'expansion qui la fait parvenir à cette hauteur, en échauffant le vaisseau dans toute sa longueur, pourra être portée sans aucune autre cause, et si le corps continue toujours à en fournir de nouvelles, jusqu'à une hauteur qui n'a point de bornes. Une nouvelle preuve que la loi hydrostatique dont nous avons parlé ci-dessus, n'influe en rien sur le phénomène dont il s'agit ici, c'est que dans un appareil convenable de distillation latérale ou de descensum, la vapeur pourra par la seule application de la chaleur, être portée à côté ou en-bas à un éloignement indéfini. Il est essentiel de remarquer, pour avoir une idée distincte de tout ceci, que la forme des vaisseaux que Boerhaave a divisés par-là en trois espèces (Elem. chim. pars altera, de artis theoria, p. 464. de l'éd. de Cavelier) ; savoir les cylindriques, les coniques à fond plus étroit que la partie supérieure, et les coniques à fond plus large que la partie supérieure ; que cette forme, dis-je, est absolument indifférente à l'ascension des vapeurs ; et qu'ainsi le docte Boerhaave s'est trompé, lorsqu'il a cru que les vaisseaux coniques convergens vers le haut favorisaient merveilleusement l'ascension des vapeurs ; qu'il a dû cette erreur raisonnée à un manque absolu de connaissance sur la nature de la vapeur : car il a dit qu'il était clair par les connaissances hydrostatiques, que cette plus facîle ascension dépendait de ce que les côtés d'un pareil vaisseau soutenaient des colonnes de liqueurs, liquoris, d'autant plus courtes qu'elles portaient sur des points de ces côtés plus voisins du bord de ce vaisseau, etc. Les adorateurs de Boerhaave sont invités à nous prouver que cet auteur a droit d'appeler une vapeur liquor ; secondement, de diviser une vapeur en colonnes ; troisiemement, d'évaluer les propriétés des vapeurs ex hydrostaticis. Le vaisseau conique convergent en-bas, ne retarde pas plus l'ascension des vapeurs, que le convergent en-haut ne les favorise : en général, les vaisseaux contenans, de quelque forme qu'ils soient, ne diffèrent essentiellement que par leur diverse élévation, et il ne faut pas comme Boerhaave restraindre cette règle aux vaisseaux cylindriques.

Le degré de chaleur nécessaire pour entretenir l'expansion vaporeuse, variant comme la rarescibilité de chaque substance réduite en vapeurs, ces vapeurs dans les appareils communément usités à l'aide de la chaleur communiquée par l'application ordinaire du feu, s'éleveront en raison de leur rarescibilité spécifique. C'est ainsi que la vapeur de l'eau s'élevera à peine à deux pieds, tandis que celle de l'esprit-de-vin peut s'élever à une hauteur bien plus considérable. C'est sur cette différence qu'est fondée la rectification de l'esprit-de-vin, celle des alkalis volatils, etc. Voyez RECTIFICATION.

La double cause de la diminution de l'expansion vaporeuse que nous avons assignée plus haut, savoir l'éloignement du centre de la chaleur, et la froideur des corps qui environnent la vapeur dans une certaine partie de l'appareil, peut être portée à un point auquel cette vapeur sera condensée, ou deviendra une liqueur, et quelquefois même un corps concret. Or il est essentiel à toute distillation que ce changement arrive, et c'est aussi un effet que produit constamment tout appareil employé à la distillation.

Détacher par l'action du feu des vapeurs d'un corps renfermé dans des vaisseaux ; les élever, ou plus généralement encore les éloigner de ce corps par l'expansion vaporeuse qui est un mode de la raréfaction, et les condenser par le froid pour les retenir : voilà les trois effets essentiels de la distillation et leurs causes, le formel de cette opération.

On peut déduire de tout ce que nous avons établi jusqu'à présent, les règles de manuel, ou les canons pratiques suivants.

1°. On doit employer des vaisseaux contenans élevés, toutes les fois que le résidu de la distillation doit être en tout ou en partie une substance qui a quelque volatilité, comme dans la distillation du vin, dans la rectification des huiles essentielles, des acides, des alkalis volatils, des esprits ardents ; ou encore lorsque la matière à distiller se gonfle considérablement, comme dans la distillation de la cire, du miel, de certaines plantes, etc.

2°. La hauteur de ces vaisseaux doit être telle, que la liqueur la moins volatile, celle qui doit constituer le résidu ou en être une partie, ne puisse pas parvenir jusqu'au récipient. L'appareil le plus commode est celui où les vaisseaux contenans, ne s'élèvent que fort peu au-dessus du terme, où peut être porté ce résidu réduit en vapeur. Les alembics dans lesquels le chapiteau est séparé de la cucurbite par un serpentin ou par un long tuyau, et qu'on employait autrefois beaucoup plus qu'aujourd'hui à la rectification de l'esprit-de-vin, sont un vaisseau dont on peut se passer, et auquel un matras de trois ou quatre pieds de haut recouvert d'un chapiteau, peut très-bien suppléer. Quant aux substances sujettes à se gonfler, la façon la plus efficace de prévenir les inconvénients qui peuvent dépendre de ce gonflement, c'est de charger peu les vaisseaux élevés dans lesquels on les traite.

3°. Il faut dans tous ces cas employer autant qu'il est possible un degré de feu constant, et purement suffisant pour faire passer dans le récipient, les produits volatils. Un bain-marie bouillant fournit, par exemple, ce degré de feu déterminé, et suffisant dans la rectification de l'esprit-de-vin, etc.

4°. On doit dans les mêmes cas n'appliquer le feu qu'à la partie inférieure du vaisseau, et le laisser dans la plus grande partie de sa hauteur exposé à la froideur de l'air environnant, ou même le rafraichir dans cette partie, sans pourtant pousser ce refroidissement au point de condenser la vapeur la plus volatile, car alors toute distillation cesserait. Ce dernier moyen est peu employé, parce qu'une certaine élévation des vaisseaux contenans suffit pour la séparation de deux vapeurs inégalement volatiles : on pourrait cependant y avoir recours dans le cas, où faute d'autres vaisseaux on serait obligé de rectifier dans un vaisseau bas un liquide composé, dont le principe le moins volatil serait assez expansible pour s'élever jusqu'au sommet de ce vaisseau. On pourrait, par exemple, rectifier de l'esprit-de-vin dans un alembic d'étain qui n'aurait pas un pied de haut, en rafraichissant la moitié supérieure de la cucurbite au-dessous du chapiteau. Mais j'avoue que cette observation est plus utîle comme confirmant la théorie de la distillation, que comme fournissant une pratique commode.

5°. Lorsqu'il s'agit au contraire de séparer les produits volatils d'un résidu absolument fixe, les vaisseaux les plus bas sont les plus commodes dans tous les cas ; et il est absolument inutîle d'employer des vaisseaux élevés, lors même que les produits mobiles sont très-volatils.

6°. Il faut dans le cas des résidus absolument fixes échauffer le vaisseau contenant jusqu'au lieu destiné à condenser les vapeurs, jusqu'au chapiteau dans la distillation droite, et jusqu'à la naissance du cou de la cornue dans la distillation oblique. Pour cela, on enferme ces vaisseaux dans un fourneau de reverbere ; on recouvre les cornues placées au bain de sable ou bain-marie d'un dôme, ou on les entoure, et on les couvre de charbon, selon une méthode usitée dans les laboratoires d'Allemagne. Voyez FEU et FOURNEAU.

Nous observerons à ce propos, que la voute de la cornue ne fait point du tout la fonction de chapiteau, et qu'elle ne condense les vapeurs qu'en pure perte, et lorsque l'on administre mal le feu ; les vapeurs ne se condensent utilement dans la distillation latérale, que dans le cou de la cornue, et dans le récipient ; la voute de la cornue ne fait, comme les côtés de la cucurbite, que contenir la vapeur et la conserver dans un état de chaleur, et par conséquent d'expansion suffisante pour qu'elle puisse continuer sa route vers le vaisseau destiné à la condenser. Les stries, les gouttes, les ruisseaux de liqueur formés dans l'intérieur de la retorte, que certains artistes ont donnés comme des signes auxquels on peut distinguer certains produits ; ces stries, ces gouttes, ces ruisseaux disparaissent dès qu'on échauffe la retorte, selon la règle que nous venons d'établir.

7°. Il est toujours utîle de rafraichir le lieu de l'appareil où la vapeur doit se condenser. Ce refroidissement a un double avantage, celui de hâter l'opération, et celui de sauver les produits. Il hâte l'opération ; car si dans un appareil également chaud dans toutes ses parties de vaisseaux exactement fermés, il s'engendrait continuellement de nouvelles vapeurs, ces vapeurs subsistant dans leur même degré d'expansion, feraient bien-tôt obstacle à l'élévation des vapeurs nouvelles ; et il est même un terme où cette élévation doit non-seulement être retardée, mais même supprimée, où la distillation doit cesser. Le froid débande la vapeur, la détruit, vide l'espace des vaisseaux où on le produit, le dispose à recevoir une nouvelle bouffée de vapeurs. Quant à la deuxième utilité du refroidissement, il est clair que dans la nécessité où l'on est de perdre une partie des vapeurs, comme nous allons l'exposer dans un moment, plus cette vapeur est condensée, moins il s'en échappe.

Les moyens les plus employés pour rafraichir, sont ceux-ci : on se sert dans la distillation droite du chapiteau chargé d'un refrigerant, ou du serpentin. Voyez CHAPITEAU, REFRIGERANT, RPENTINNTIN. Dans la distillation latérale, on peut placer le récipient dans de l'eau, l'entourer de glace, et le couvrir de linge mouillé : ce dernier moyen est le plus ordinaire ; il est utîle de rafraichir de la même façon le cou de la cornue, mais il faut avoir soin de ne pas toucher au corps de ce vaisseau.

Au reste, l'artiste doit toujours se souvenir que les vaisseaux de verre ne souffrant point le passage soudain d'un certain degré de froid à un certain degré de chaleur, et réciproquement, on apprend par l'exercice à évaluer l'extension dans laquelle on peut sans péril leur faire éprouver des alternatives de froid et de chaud. Le ballon échauffé par les produits les plus chauds des distillations ordinaires, soutient fort bien l'application d'un linge en quatre doubles, trempé dans de l'eau froide, et légèrement exprimé. On peut rafraichir sans précaution les vaisseaux de métal.

Outre ces règles majeures que nous avons données pour des corollaires pratiques de notre théorie de la distillation ; il faut encore que le distillateur sache :

Premièrement, que puisqu'il doit opérer dans des vaisseaux fermés, et que son appareil est composé de plusieurs pièces, il doit lutter exactement toutes les jointures des vaisseaux auxquelles les vapeurs peuvent parvenir. Voyez LUT et LUTTER. Nous restraignons ainsi l'obligation de lutter, parce qu'elle n'a point lieu pour les jointures des vaisseaux que les vapeurs ne peuvent atteindre, comme celle du récipient et du bec du serpentin dans la distillation de l'eau-de-vie, etc.

Secondement, qu'il faut cependant laisser un peu de jour, ménager une issue à une partie des vapeurs (parce qu'il serait très-difficîle de rafraichir assez, pour condenser et retenir toutes ces vapeurs dans des vaisseaux fragiles), à une partie des vapeurs, dis-je, et à l'air dégagé de la plupart des corps distillés, et dont on ne peut, ni ne veut retenir aucune portion dans les appareils ordinaires. Les anciens Chimistes ne s'étaient pas avisés de la nécessité de ménager cette issue ; ils ont tous recommandé de fermer exactement, et ils l'ont fait autant qu'il a été en eux : mais heureusement ils n'ont pas su lutter ; et c'est l'impuissance où ils étaient d'observer leur propre règle qui les a sauvés, sans qu'ils s'en doutassent, des inconvénients qu'elle entrainait. Nous qui luttons très-bien, nous faisons un petit trou au récipient, dans tous les cas où il importe de fermer exactement toutes les jointures des vaisseaux. C'est ici une invention moderne, dont l'auteur est inconnu. Au reste, il vaut mieux bien lutter, et avoir un récipient percé, que de lutter moins bien, et avoir des vaisseaux sans ouverture ; parce qu'on est maître d'un petit trou pratiqué à dessein, et qu'on ne l'est pas des pores et des crevasses d'un mauvais lut. La manière ordinaire de gouverner le petit trou du ballon, c'est de ne l'ouvrir que de temps en temps, toutes les cinq ou six minutes, plus ou moins, selon la vivacité du souffle qui en sort à chaque fois qu'on l'ouvre. Je crois qu'il est mieux, dans la plupart des cas, de le laisser toujours ouvert : 1° parce qu'on risque moins la fracture des vaisseaux : 2°. parce qu'on ne perd pas davantage, peut-être moins.

Traisiemement, que les vaisseaux doivent être toujours choisis d'une matière convenable, pour que les corps à distiller, ou les produits de la distillation, ne les attaquent point, ou n'en soient point altérés ; et dans quelques cas particuliers, pour qu'on puisse rafraichir commodément. Voyez VAISSEAU.

Quant à l'art de gouverner le feu dans la distillation, c'est-là l'a b c de l'artiste. Voyez FEU.

Dans la distillation, on évalue le degré de feu par ses effets : la quantité de vapeurs qui se manifestent par l'obscurcissement du ballon, par sa chaleur, par la violence du souffle qui sort du petit trou, etc. annonce un feu fort : la fréquence des gouttes qui tombent du bec de la cornue, ou de celui du chapiteau ; un ruisseau de liqueurs tombant d'un chapiteau, ou d'un serpentin, annonce la même chose : le feu doux est annoncé par les signes contraires : le degré moyen, et le plus propre au plus grand nombre de distillation, est annoncé par un petit ruisseau continu de liqueur, dans les cas de distillation droite, où l'on emploie le serpentin, ou le grand chapiteau à refrigérant ; et dans les cas ordinaires de distillation latérale, et dans quelques distillations droites, par la chaleur médiocre du ballon, le souffle modéré du petit trou, et la succession des gouttes dans un intervalle, tel qu'on peut compter huit pulsations d'artère entre deux gouttes, ou articuler posément le nom des nombres jusqu'à huit : un, deux, trois, quatre, etc.

On trouvera dans les articles particuliers des différents sujets de la distillation, quelques manœuvres particulières.

La rectification et la cohobation sont des espèces de distillation. Voyez COHOBATION et RECTIFICATION. (b)