S. f. (Chimie) la précipitation est une opération, ou plutôt un phénomène chimique qui consiste dans le dégagement de l'un des principes d'un mixte ou d'un composé, par la substitution d'un autre principe qui prend la place du premier ; par exemple, si on applique de l'acide vitriolique au nitre vulgaire qui est un sujet chimique, formé par l'union de l'acide nitreux et de l'alkali fixe ; l'acide vitriolique s'unit à l'alkali fixe, et l'acide nitreux en est séparé : l'acide vitriolique prend sa place, et constitue avec l'alkali fixe, un nouveau corps ; savoir, le tartre vitriolé. Dans ce cas, l'acide nitreux est précipité par l'acide vitriolique qui est alors appelé précipitant.

J'ai choisi à dessein cet exemple qui n'est pas compris dans l'idée vulgaire de la précipitation, pour en prendre occasion de rectifier cette idée ; car il est de l'essence de la précipitation estimée selon l'opinion vulgaire, que le corps à décomposer par la voie de la précipitation, soit dissous dans un liquide, et que le principe précipité tombe au fond de cette liqueur, sous forme de poudre : comme, par exemple, lorsqu'on verse de l'alkali fixe dans la dissolution d'un sel neutre à base terreuse ; car alors l'alkali fixe s'unit à l'acide, au lieu de la terre, et cette terre tombe au fond du vaisseau, sous forme de poussière. C'est même de cette circonstance que la précipitation a pris son nom, mais elle n'en est pas pour cela moins accidentelle. Le vrai formel de la précipitation consistant dans la substitution d'un principe à un autre qui est dégagé, et auquel il est indifférent d'être porté au fond d'une liqueur, de rester dissous dans cette liqueur, ou de s'élever dans l'athmosphère : ainsi donc, outre le premier exemple proposé, on peut dire véritablement du sel marin jeté dans de l'acide nitreux pour préparer de l'eau régale, que son acide est précipité par l'esprit de nitre, quoiqu'il reste suspendu dans la liqueur ; et de l'air qui s'échappe et s'élève dans les effervescences, qu'il est précipité par l'union des deux corps qui se combinent avec effervescence. J'ai cru même devoir définir l'effervescence par cette précipitation d'air. Voyez EFFERVESCENCE.

L'espèce vulgaire de précipitation, celle qui présente la descente d'une poussière au fond d'une liqueur, doit être distinguée en vraie et fausse : la vraie est celle que nous avons définie plus haut ; la fausse est celle qui arrive lorsqu'on combine dans une liqueur deux substances qui constituent par leur union, un corps qui ne peut pas être tenu en dissolution par la quantité de liqueur dans laquelle s'est opérée cette combinaison. Par exemple, si l'on dissoud une partie d'alkali fixe nitreux dans trois ou quatre parties d'eau, et qu'on verse sur cette lessive de l'acide vitriolique même médiocrement concentré, on formera du tartre vitriolé, qui ne pouvant pas être tenu en dissolution dans la petite quantité d'eau supposée, tombera au fond de la liqueur, à mesure qu'il sera formé ; et par conséquent par tout autre mécanisme que celui de la précipitation proprement dite, c'est à la crystallisation que ce phénomène peut être le plus naturellement ramené ; car de même que les sels crystallisent, toutes les fois que leurs dissolvants perdent la faculté de les soutenir, de même le faux précipité dont nous venons de parler, n'est dû qu'à cette incapacité du dissolvant à travers lequel il s'échappe. Les préparations de mercure connues sous le nom de précipité blanc, et sous celui de précipité jaune, et les métaux cornés préparés par voie de précipitation, sont aussi des faux précipités de cette classe ; mais seulement quant à la circonstance de leur descente au fond de la liqueur dans laquelle ils sont formés, car une précipitation vraie a concouru à leur production. Il y a seulement ici une différence accidentelle qui consiste en ce que le principe précipité a resté suspendu dans la liqueur, et que le nouveau composé, formé par la substitution du précipitant, est descendu au fond, au lieu que c'est précisément le contraire dans les vraies précipitations vulgaires. Voyez MERCURE, Chimie. LUNE CORNEE, etc.

Les Chimistes n'ont d'autre théorie de la précipitation, que celle qui consiste à ranger ce phénomène sous les lois des rapports ou de l'affinité, principe général et très-peu mécanique. Voyez RAPPORT. Ainsi si on leur demande pourquoi l'acide vitriolique précipite l'acide nitreux uni à l'alkali fixe, ils n'ont d'autre réponse à faire, sinon que l'acide vitriolique a plus de rapport avec l'alkali fixe, que l'acide nitreux ; et cette façon de répondre leur parait très-philosophique : elle est dans la bonne manière de Newton, et sera dans celle des Philosophes raisonnables de tous les temps. Freind a écrit dans ses Préleçons chimiques, que de toutes les opérations chimiques, la précipitation était celle qui pouvait être ramenée le plus facilement aux lois mécaniques. Cette erreur est réfutée dans l'article CHIMIE, pag. 415. à la fin de la seconde colonne.

Les tables de rapports chimiques n'exposent autre chose que plusieurs systèmes de substances chimiques rangées entr'elles dans l'ordre selon lequel elles se précipitent successivement. Voyez RAPPORT.

La précipitation est d'un usage très-étendu dans la Chimie pratique ; toutes les opérations de l'analyse menstruelle lui appartiennent. Voyez MENSTRUELLE ANALYSE. Elle est un moyen très-sur et très-commode de découvrir, ou au moins de pressentir la nature des liqueurs composées : c'est à ce titre qu'on exécute ou qu'on tente beaucoup de précipitations dans l'examen des eaux minérales, etc. La pulvérisation la plus parfaite de certains corps, à laquelle plusieurs chimistes donnent le nom de pulvérisation philosophique, s'exécute par le moyen de la précipitation : enfin cette opération fournit plusieurs préparations pharmaceutiques, telles que la magnésie blanche préparée par voie de précipitation, divers magistères, voyez MAGISTERE, etc. C'est une perfection des précipités dans les deux derniers cas ; savoir, dans celui de la pulvérisation philosophique, et dans celui des préparations pharmaceutiques ; c'est, dis-je, une perfection de ces précipités, que d'être réduits dans la poudre la plus subtîle qu'il soit possible : pour cela, on doit précipiter dans un grand volume de liqueur, ou comme on dit communément, à grande eau, parce que les molécules du précipité, qui peuvent être considérées comme étant dégagées une à une (puisqu'elles existaient à-peu-près solitairement dans le composé, voyez MIXTION), se réunissent d'autant moins, qu'elles sont plus éloignées les unes des autres ; et au contraire, c'est, par exemple, parce que l'huîle de chaux et l'huîle de tartre par défaillance contiennent très-peu d'eau ; que lorsqu'on produit un précipité par le mélange de ces deux liqueurs, ce précipité est si épais, et devient bien-tôt si dense, que ce n'est plus qu'une seule masse solide. Voyez OFFA DE VANHELMONT.

Au reste il y a une façon de s'exprimer, en parlant de la précipitation, qui est différente du langage que nous avons tenu jusqu'à présent, et qu'il faut expliquer ici, attendu qu'elle est fort usitée. Quoique le nom de précipité convienne proprement au principe chassé, dégagé de ses anciens liens, et qu'ainsi il soit naturel de dire du corps précipitant, qu'il précipite ce principe dégagé : cependant on dit plus communément encore, qu'il précipite le composé dans lequel il prend la place de ce principe dégagé ou précipité ; ainsi on dit que l'alkali fixe précipite le sel marin à base terreuse, que le mercure précipite la dissolution d'argent, au lieu de dire que l'alkali fixe précipite la base du sel marin terreux, et que le mercure précipite l'argent, etc. (b)