(Chimie) on nomme pyrophore plusieurs composés de l'art, lesquels par la réaction de plusieurs substances les unes sur les autres, s'embrasent lorsqu'ils sont exposés à un air chargé de vapeurs aqueuses. On les distingue des phosphores, en ce que ces derniers brulent et se consument sans avoir besoin de l'humidité de l'air qui leur est même préjudiciable ; leur distinction, en ce qu'ils ne s'enflamment pas comme les pyrophores par le simple contact de l'air, nous parait équivoque. Voyez PHOSPHORE.

Nous rapporterons les différents pyrophores qui nous sont connus ; mais nous ne donnerons la manière d'exécuter que ceux qui se sont acquis le plus de réputation, soit par leur utilité, soit par le jour qu'ils ont jeté sur la Physique.

Il est évident que suivant notre définition, nous devons rejeter du nombre des pyrophores celui de M. Geoffroy, qui résulte de la fusion du savon noir avec l'antimoine diaphorétique, et plusieurs autres de cette espèce, comme celui qui est fait avec le régule d'antimoine, le nitre et le tartre ; celui qui résulte de l'union du foie de soufre fondu avec le fer, ou des alkalis fondus avec l'antimoine ou le fer ; ils sont plutôt des phosphores, semblables à ceux que nous avons rangés dans le quatrième ordre, à la quatrième division. Voyez PHOSPHORE.

Mais nous reconnaissons comme pyrophore, un amas de pyrites exposés à l'air, et qui s'y enflamment, les ignitions produites par la chaleur qui nait du mélange de l'eau à la chaux vive. Et nous nommons proprement pyrophore, celui de M. Mender qui résulte de l'union des crystaux de lune, et d'une sublimation de fer et d'orpiment écrasé sur un papier : celui de M. le Fèvre médecin d'Uzès, formé par l'union du fer et du soufre avec l'eau : celui de M. Homberg, qui se fait par une calcination de l'alun mêlé avec la matière fécale, et tous les autres de cette espèce, comme celui de M. Lemeri le cadet, qui à la matière fécale substitue d'autres matières végétales ou animales, propres à devenir charbon ; et ceux dans lesquels à la place de charbon l'on emploie d'autres sels vitrioliques, et même le soufre, ainsi qu'il conste par les expériences consignées dans les actes des médecins de Berlin, tome I. mémoire, VIe et dans les mémoires des savants étrangers, tome III. mémoire XVe Avec ces derniers pyrophores nous détaillerons celui de M. le Fèvre, parce que son procédé inséré dans les mémoires de l'académie, n'ayant pu être exécuté, et révoqué en doute par M. Lemeri, il en communiqua un second plus détaillé qu'il ne publia pas.

Pyrophore de M. le Fèvre. Mêlez une drachme de soufre commun réduit en poudre fine, dans un mortier, avec 2 drachmes de limaille de fer non rouillé, mettez ce mélange dans un figon, ou bouteille de verre pareille à celles où l'on enferme les pierres à cautère, et de la capacité d'une once d'eau, mettez autant d'eau que de poudre dans le figon, puis le placez dans une cuillere de fer, remplie de sable, qu'elle n'en touche pas le fond, et que le sable ne vienne qu'à la hauteur de l'eau, la cuillere sera posée sur les cendres chaudes pour être chauffée doucement, trop de chaleur ferait sortir la matière du figon, ou la ferait durcir comme une pierre. Quand l'eau sera imbibée, rajoutez-en autant deux et même trois fais. Ayez soin à chaque imbibition de remuer la poudre, la matière commencera à noircir, puis se séchera. Cette opération dure 12 heures ; quand elle en durerait 16 elle n'en réussirait pas moins, car tout dépend d'administrer une douce chaleur. L'opération est finie lorsque sondant doucement la matière avec un fil de fer gros comme une ficelle, on la trouve presque seche ; alors on met le figon sur les cendres chaudes, et lorsqu'il ne donne plus de vapeurs, que la matière n'est ni dure, ni grumelée, on le bouche exactement pour le laisser refroidir. Mettez de cette matière de la grosseur de la moitié d'une naisette, sur un papier ou linge double, dans 5 ou 6 minutes elle s'échauffera, après 5 ou 6 autres minutes elle fumera et sentira fortement le soufre, et enfin prendra feu ; surtout, remarque M. le Fèvre, si lors de la composition on a ajouté au mélange 9 à 10 grains de poix résine : ce pyrophore est bon 12 ou 15 heures.

Pyrophore ordinaire. Mettez 3 gros d'alun calciné avec un gros de charbon quelconque, détrempez ce mélange avec de l'eau, et le mettez dans une petite cornue ou matras, enterrée dans le sable pour être calcinée au point que le feu étant ménagé au commencement, est sur la fin poussé à faire rougir le vaisseau qui contient la matière ; pour lors le vaisseau étant bouché et refroidi, la matière doit être grumelée et non en masse. Le sel que l'expérience nous a appris pouvoir être substitué à l'alun plus avantageusement, est le sel de Glauber, tombé en efflorescence. Au-lieu d'employer les matériaux dejà calcinés, l'on peut calciner à un feu modéré, dans une poêle de fer, un mélange d'une once et demie d'alun, et demi-once de farine, en le remuant de temps en temps sans le laisser enflammer, puis procéder pour le reste ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Les doses varient suivant les sels et les substances que vous employez avec le sel de Glauber, qui n'a pas perdu l'eau de la crystallisation, il faut son poids égal de farine ; il faut au tartre vitriolé plus que son poids de farine. De tous les vitriols, le blanc est celui qui fait le meilleur pyrophore. Pour le faire par cette voie, on calcine partie égale de vitriol et de sel de tartre avec la moitié de leur poids de farine. Quand on le veut faire avec le soufre, il faut le fondre avec quatre fois son poids d'alkali fixe ; puis mêler le composé qui en résulte, avec un poids égal de farine : on calcine le tout dans une poêle de fer doucement, en détachant la matière, prenant garde qu'elle ne se brule. Lorsqu'elle ne fume plus sensiblement, on la traite dans la cornue ou le matras, comme il est exposé ci-dessus. Ce pyrophore s'enflamme plus promptement que les autres, et garde longtemps son inflammabilité. On abrège l'opération et la difficulté, si on calcine l'alkali et la farine ensemble avant d'y ajouter le soufre ; ce mélange ainsi fondu, n'a plus besoin que d'être calciné une demi-heure. Les autres calcinations doivent être poussées jusqu'à quatre. Tous les pyrophores qui après la calcination, restent en masse, n'en sont pas moins bons ; ils se conservent plus longtemps, mais s'allument plus difficilement. Il faut les couper en petits morceaux, et humecter le papier sur lequel on les pose. Si ces pyrophores ne sont pas bien bouchés, ou si on leur donne souvent de l'air, ils absorbent peu-à-peu l'humidité, et perdent la propriété de s'enflammer ; mais l'expérience nous a appris qu'une nouvelle et assez légère calcination leur redonnait leur première qualité.

La théorie des phénomènes que présentent les pyrophores, est fondée sur les propriétés des substances qui les composent. Dans les uns, l'acide vitriolique uni au phlogistique forme du soufre ; dans les autres, on l'y emploie tout formé. Le soufre s'enflamme à une chaleur moyenne, quoiqu'il ne soit pas en contact avec des matières embrasées ; il devient capable alors d'allumer les matières charbonneuses dans ceux des pyrophores où on a employé des matières propres à les former. Dans les autres le soufre se consume seul. Mais qui produira cette chaleur suffisante pour allumer le soufre ? La terre calcaire de l'alun, les alkalis et les chaux métalliques chargées d'acides violemment calcinés, attirent l'humidité de l'air, mais ne s'échauffent pas assez avec elle pour produire cette chaleur. Croirons-nous avec M. Macquer et M. de Suvigny, auteur du mémoire dejà cité des savants étrangers, que cette chaleur peut être dû. à l'acide vitriolique qui n'entre pas en entier dans la formation du soufre, ou qui se dégage de ce même soufre dans les pyrophores où il est employé dejà formé ? A quelques expériences d'assez peu de poids, qui attestent la décomposition du soufre, nous voulons bien ajouter celle qui lui arrive lorsqu'on le distille avec des matières absorbantes, dans laquelle opération on retire quelques gouttes d'acide ; il restera toujours que cet acide est un esprit sulphureux volatil, que tous les acides de cette espèce attirent faiblement l'humidité de l'air, et se mêlent trop tranquillement avec les alkalis ou terres absorbantes, pour pouvoir produire de l'une ou de l'autre manière, ou même de leur combinaison, une chaleur assez forte pour allumer le soufre, qui est formé dans le pyrophore, ou qu'on a employé dans sa construction.