S. f. (Médecine) , hydrops. C'est une maladie des plus considérables entre les affections chroniques. Elle consiste dans une collection contre nature d'humeurs aqueuses ou séreuses, rarement d'une autre nature, qui croupissent dans leurs vaisseaux relâchés, ou qui sont extravasées dans quelques cavités ; d'où s'ensuivent différentes lésions de fonctions, selon le siege du mal, et toujours, lorsqu'il est dans des parties molles, ou qui sont susceptibles de céder, une tumeur ou enflure, et une distension extraordinaire proportionnée au volume de ces humeurs.

Si elles s'étendent à toute l'habitude du corps et à ses cavités, l'hydropisie est dite universelle ; si les humeurs n'occupent que quelques-unes de ces parties, l'hydropisie est particulière, et alors elle prend différents noms, selon les différentes parties qui en sont affectées.

Lorsque l'humeur remplit, outre mesure, tout le tissu cellulaire, qui est sous les téguments, dans toute leur étendue, et forme une bouffissure générale, on appelle cette espèce d'hydropisie, leucophlegmatie, lorsque l'humeur est pituiteuse, épaisse, et tirant sur le blanc : mais lorsqu'elle est simplement aqueuse, séreuse, ce qu'on distingue par la différente disposition de la peau, dont la surface, dans ce dernier cas, est plus luisante, plus étendue ; on donne à cette sorte d'affection le nom d'anasarque, terme formé de deux mots grecs , circa carnes, pour signifier qu'elle a son siege dans la membrane cellulaire, qui entoure, qui enveloppe les muscles, mais qui ne pénètre pas dans les interstices des fibres charnues, qui forment les muscles. Le contraire n'arrive que fort rarement ; et alors, selon Boerhaave, comment. in propr. instit. med. §. 732. cette maladie ne doit pas être appelée anasarque, mais , intra carnes, hyposarque. Voyez LEUCOPHLEGMATIE, ANASARQUE.

On appelle hydrocéphale, l'hydropisie de la tête, soit qu'elle ait son siège au dehors ou au dedans de cette partie. Voyez HYDROCEPHALE. L'hydrophtalmie est l'hydropisie des enveloppes, ou du globe de l'oeil. Voyez HYDROPHTALMIE.

Il se forme quelquefois une espèce d'hydropisie dans les parties intérieures de la trachée-artère, qui est une sorte de bronchocele : Voyez BRONCHOCELE.

L'hydropisie de poitrine n'a pas de nom particulier ; voyez POITRINE. Celle du péricarde s'appelle hydrocardie ; voyez HYDROCARDIE.

Si l'hydropisie se forme dans le bas-ventre, elle prend le nom d'ascite, , ce qui signifie hydrops utricularius, parce que dans cette maladie les parois de l'abdomen sont tendues comme une outre, par les humeurs dont est remplie la cavité de cette partie. Voyez ASCITE : c'est l'hydropisie proprement dite, ou au moins celle que l'on a communément en vue, lorsqu'on parle de l'hydropisie simplement, sans autre distinction : c'est aussi sous cette acception qu'il en sera principalement traité dans cet article.

Quelquefois l'hydropisie a son siège dans les cavités, plus ou moins distendues, du tissu cellulaire de Malpighi, entre les membranes qui sont des duplicatures du péritoine, d'où sont formés l'épiploon, le mésentère, etc. ou entre quelques parties du péritoine même, et celles auxquelles il doit être naturellement adhérent ; ou dans un grand nombre de cellules de ce tissu qui revêt la surface des viscères, lesquels se remplissent outre mesure, sans cesser d'être distinctes entr'elles, d'où se forment, ce qu'on appelle des hydatides. L'hydropisie est appelée enkistée, hydrops saccatus, dans le premier cas, et vésiculaire dans le dernier. Voyez KISTE, HYDATIDE.

On donne le nom d'hydrocele, à l'amas d'humeurs qui se forme dans les bourses, c'est-à-dire, dans le scrotum et avec différentes combinaisons, dans les cellules, ou cavités des différentes tuniques qui enveloppent les testicules ; ce qui s'étend quelquefois à la verge. Voyez HYDROCELE.

La matrice est aussi susceptible d'hydropisie, ainsi que les ovaires, le vagin. Voyez MATRICE, OVAIRE, VAGIN.

Lorsque les humeurs sont abondantes dans le tissu cellulaire de quelqu'un des membres, on ne l'appelle point hydropisie, mais enflure oedémateuse, si la tumeur est fort étendue ; ou oedème simplement, si elle est circonscrite. Voyez OEDEME.

Ainsi, il n'y a hydropisie que là où il y a proprement amas contre nature d'humeurs aqueuses, séreuses, ou laiteuses, d'un volume assez considérable, à proportion de la partie qui en est le siège. Or, donc, comme c'est un amas de liquides qui constitue essentiellement cette maladie, la tympanite qui n'est qu'une collection d'air dans la capacité du bas-ventre, est placée mal-à-propos, par quelques auteurs, parmi les différentes espèces d'hydropisie, malgré la ressemblance dans l'enflure à l'égard de l'ascite, comme de l'emphysème, à l'égard de l'anasarque. Voyez TYMPANITE, EMPHYSEME. Il arrive souvent complication de ces deux sortes de maladies avec l'hydropisie.

Il resulte de toutes les observations que l'on a faites, à l'égard des différentes espèces d'hydropisie ; que l'on ne peut les attribuer qu'à deux sortes de causes, qui sont, 1°. tout ce qui peut faire obstacle au cours de la lymphe séreuse, et l'empêcher de passer librement des artères, qui lui sont propres, dans les veines correspondantes, en sorte que les premiers de ces vaisseaux s'engorgent et se dilatent de plus en plus, par défaut de mouvement progressif dans leurs fluides, dont le volume s'y augmente de plus en plus, par l'abord qui ne laisse pas de s'y en faire continuellement, effet de la cause impulsive, qui reste à peu-près la même ; d'où suit la rupture de ces mêmes vaisseaux qui, à force d'être distendus outre mesure, ne peuvent enfin qu'éprouver une véritable solution de continuité, qui donne lieu à l'effusion, à l'épanchement de l'humeur contenue, et de celle qui ne cesse d'y être portée. La faiblesse des vaisseaux et des viscères fait une cause de cette nature, attendu qu'il a été observé constamment, que la faculté qu'ont les pores absorbans des veines qui répondent aux grandes cavités du corps, de s'imbiber des humeurs qui y sont répandues, est susceptible d'augmenter ou de diminuer proportionnellement aux forces de la circulation en général ; ce qui fait que dans les maladies aiguës, où le mouvement du sang est trop grand, toutes les parties internes même se dessechent, parce que les vapeurs destinées à les humecter sont trop repompées ; et au contraire, dans les maladies chroniques de langueur, les humeurs extravasées sous forme de vapeurs, faute d'être reprises, se condensent, s'accumulent sous forme liquide, ce qui donne lieu à différentes enflures, et parce que, en général, la force des artères qui portent les humeurs, se conserve plus longtemps que celle des veines, pour les reprendre, il s'ensuit le défaut d'équilibre respectif qui doit subsister dans la santé entre ces vaisseaux ; défaut qui, à l'égard des solides considérés généralement, est la cause de tous les dépôts, de toutes les fluxions, de toutes les évacuations spontanées, excessives, qui peuvent avoir lieu dans le corps humain. Voyez EQUILIBRE, Oecon. anim. On peut aussi ranger, dans l'espèce des causes dont il s'agit ici, l'épaississement des humeurs, en tant qu'il donne lieu à des embarras qui en gênent le cours dans leur retour à la masse, qui produisent des obstructions, des compressions, des resserrements spasmodiques qui portent sur les veines séreuses, d'où suivent des engorgements de ces vaisseaux, leur rupture, et des épanchements d'humeurs qui forment l'hydropisie. Le spasme causé par l'irritation mécanique ou physique du genre nerveux, lorsqu'il subsiste un certain temps, peut également procurer des étranglements dans les vaisseaux de toute espèce, qui ont souvent les mêmes suites, indépendamment d'aucun vice dans les fluides. Tout ce qui vient d'être dit de ces différentes causes de l'hydropisie, est confirmé par l'expérience de Lower, qui produisait dans des chiens de véritables épanchements d'humeurs, des amas de sérosité dans les différentes capacités, par la ligature des principales veines qui en rapportent le sang.

2°. La dissolution du sang ou le défaut de consistance de cette humeur d'où dérivent toutes les autres, qui fait que ce fluide ne peut être retenu dans les vaisseaux qui lui sont propres ; il devient susceptible de s'échapper sous forme séreuse dans les vaisseaux d'un genre qui n'est pas fait pour le recevoir naturellement, lorsqu'il a la consistance qui lui est propre : il passe, dans les artères séreuses, dans les conduits collatéraux qui ne sont pas capables de résistance ; &, comme il y en a encore moins dans les cavités du tissu cellulaire où quelques-uns aboutissent, il s'y jete, les remplit, les distend, et y fournit la matière et le volume de l'oedème, des bouffissures, de la leucophlegmatie, de l'anasarque ; ou s'il est dirigé vers les vaisseaux exhalans, il fournit les fluides qui suintent continuellement dans les capacités, qui, n'étant pas repompés, forment des amas d'eau qui y croupissent plus longtemps qu'on ne pense communément sans se corrompre ; parce que l'air n'ayant point d'accès dans les parties où elles sont renfermées, elles se conservent comme les eaux de l'amnios, dans lesquelles nage le foetus pendant tout son séjour dans la matrice, qui y sont même quelquefois retenues pendant plusieurs années sans aucune corruption, dont peuvent être préservées encore plus aisément les eaux des hydropiques ; parce qu'elles ont ordinairement une sorte de consistance mucilagineuse, qui les rend peu susceptible du mouvement intestin qui produit la putréfaction. Voyez DISSOLUTION, PUTREFACTION. C'est par les effets de la dissolution du sang, qu'il arrive souvent que des phtisiques paraissent mourir hydropiques ; parce que les poumons ne pouvant pas convertir le chyle en sang, avec la consistance qui lui est nécessaire pour être bien constitué, il ne peut pas être retenu dans ses propres vaisseaux, et il fournit aux autres une surabondance d'humeurs avec les suites mentionnées ; dans le cas où ces humeurs excédantes viennent à prendre leur cours par la voie des selles, ou de la peau, ou des urines ; la diarrhée, ou les sueurs colliquatives, ou le diabete qui s'établit en conséquence, empêche qu'il ne se fasse aucun amas d'eaux : ces malades au contraire meurent entièrement dessechés. Voyez COLLIQUATION, FIEVRE HECTIQUE, COLLIQUATIVE, DIARRHEE, DIABETES.

Il n'est aucun des symptômes de l'hydropisie, qui ne puissent être regardés comme les effets d'une des deux sortes de causes différemment modifiées, sur lesquelles on vient d'établir toute la théorie de cette maladie, où il y a complication de ces deux différents principes dans un même individu.

Ce qui dispose principalement à produire l'hydropisie dans quelque cas que ce sait, c'est le défaut de régime : d'ailleurs cette maladie peut être formée immédiatement, ou être la suite d'une autre maladie ; ce dernier cas est plus ordinaire que le premier. Quand l'hydropisie est la maladie primitive, elle est quelquefois l'effet d'une disposition héréditaire ; mais elle est ordinairement causée par la lésion des fonctions dans les premières voies qui ne produit que des digestions imparfaites ; ou par la dégénération du sang et de la masse des humeurs, qui ne fournit qu'une lymphe trop épaisse, qui engorge les vaisseaux qui la reçoivent, ou une sérosité trop abondante qui les relâche, les distend et les force à se rompre ; ou, par l'effet du froid, sur l'habitude du corps qui donne lieu à une suppression de la transpiration, dont la matière reflue dans la masse des humeurs, et produit ensuite une sorte de pléthore dans le système des vaisseaux séreux et lymphatiques ; lorsqu'elle ne se fait pas une issue par quelqu'autre voie d'excrétion : la résidence dans des lieux humides, marécageux, exposés au vent du midi, qui occasionnent un relâchement dans l'habitude du corps toujours comme plongé dans un bain de vapeurs, dont il ne cesse de s'imbiber par les pores absorbans de la peau, a souvent aussi les mêmes suites : une boisson abondante d'eau froide, surtout lorsqu'elle est prise, le corps étant échauffé par quelque cause que ce sait, ou dans la nuit pendant le relâchement que procure le sommeil, peut produire intérieurement les mêmes effets ; si elle n'est pas évacuée d'une manière proportionnée à sa quantité, par la voie du vomissement ou des selles, des urines ou des sueurs.

L'hydropisie, qui succede à une autre maladie, peut avoir autant de différentes causes, qu'il y a de différentes maladies qui peuvent la faire naître : telles sont toutes les fiévres accompagnées de beaucoup d'ardeur et de soif, suivies d'une boisson proportionnée, et même sans boisson par la seule acrimonie dissolvante qu'elles occasionnent dans la masse des humeurs : les fiévres intermittentes, invétérées, surtout la fiévre-quarte, lorsqu'elle n'a pas été bien traitée, et qu'on s'est trop hâté de la couper par l'usage du quinquina ; les obstructions des viscères rebelles à la nature et aux remèdes, comme les skirrhes du foie, de la rate, du pancréas, du mésentère, des intestins, des reins, de la matrice, et même les tubercules des poumons aussi-bien que l'asthme : les trop grandes évacuations de quelque espèce qu'elles soient, comme les hémorrhagies, les saignées trop répétées, trop abondantes, la diarrhée, la dyssenterie opiniâtre, invétérée ; les vomitifs, les purgatifs trop violents et trop souvent employés, ainsi que les sudorifiques, les diurétiques, les ptyalisans qui produisent de trop grands effets : la suppression des évacuations nécessaires, comme des urines, des menstrues, des hémorrhoïdes : la mélancolie, la jaunisse, le scorbut et autres de semblable nature : à toutes ces causes prédisponentes de l'hydropisie, on doit ajouter la grossesse qui, par le volume de la matrice, établit souvent une disposition à cette maladie ; entant qu'elle comprime les troncs des veines, qui rapportent le sang des extrémités inférieures et des viscères de la région hypogastrique.

Quant aux effets et aux progrès de l'hydropisie, on observe en général, que, dans toutes les espèces de cette maladie, il y a communément enflure, ou au-moins tumeur sensible dans quelque partie de l'habitude du corps ; et un sentiment de pesanteur dans l'intérieur, lorsque la collection d'humeurs se forme dans quelque capacité : on remarque que la couleur de la peau est toujours viciée dans l'un et l'autre cas, en ce qu'elle est fort pâle, tirant sur le verdâtre ; que les malades ont un grand dégoût des aliments, et sont tourmentés par une soif continuelle, qui les porte à boire abondamment sans que la boisson les soulage à cet égard, ce qui a fait dire au poète par rapport à cette circonstance :

Quò plus sunt potae, plus sitiuntur aquae.

Mais chaque espèce d'hydropisie a ses symptômes particuliers, à raison des différentes parties qui sont affectées. Voyez HYDROCEPHALE, HYDROPISIE DE POITRINE, HYDROCELE, LEUCOPHLEGMATIE, etc.

Pour ce qui est de l'ascite dont il s'agit ici plus particulièrement, il s'annonce ordinairement ainsi : les pieds commencent à s'enfler autour des talons et des malléoles d'une tumeur oedémateuse, plus ou moins séreuse, qui conserve pendant quelque temps l'enfoncement qui s'y fait par l'impression un peu forte des doigts ou de quelqu'autre corps mousse qui y a été appliqué. Dans les commencements, cette enflure disparait entiérement pendant la nuit, c'est-à-dire lorsque les malades étant couchés, le corps est dans une situation à-peu-près horizontale, où les humeurs n'ayant plus à remonter contre leur propre poids, qui l'emporte sur l'action des vaisseaux ou du tissu cellulaire, relâché, forcé, retournent plus aisément dans le torrent de la circulation ; en sorte que le matin il ne reste plus de tumeur, ou au-moins elle est considérablement diminuée, mais elle se forme de nouveau pendant le jour, parait le soir de plus en plus considérable, et gagne peu à peu les jambes et les cuisses au point de s'étendre jusqu'à la hauteur des reins, dans les bourses, et le tissu cellulaire des téguments de la verge qui se tuméfient toujours davantage, tellement qu'elle est quelquefois comme ensevelie dans l'enflure : en même temps l'humeur commence à se jeter dans la capacité du bas-ventre, et y devient toujours plus abondante au point qu'elle distend bientôt les parois de l'abdomen jusques par-dessus l'estomac, et cause un sentiment de fluctuation et de murmure par les eaux contenues qui augmentent le volume du bas-ventre, du côté où elles sont portées par leur poids, à mesure que le malade étant couché, se relève en différents sens à droite et à gauche : et cette fluctuation est encore plus sensible, lorsque l'on frappe le ventre avec une main à l'opposite de l'autre qui le presse par côté ; car alors les mains sont affectées, comme du choc ondulatoire d'une colonne de liquide mis en mouvement.

Ces différents symptômes suivent ordinairement cette marche, lorsque la cause de l'hydropisie ascite dépend d'un vice général dans les solides et dans les fluides ; mais lorsque la cause est dans quelque viscère du bas-ventre, l'enflure se forme souvent sans être précédée de celle des extrémités inférieures, survient insensiblement et presque sans que les malades s'en aperçoivent ; c'est ce qui arrive, surtout dans les hydropisies enkistées : d'autres fois l'enflure se forme en très-peu de temps, et comme subitement ; c'est le cas de l'ascite proprement dit : outre cela, il y a encore à remarquer que quelquefois l'enflure n'occupe pas toute l'étendue du bas-ventre, mais seulement une partie plus ou moins considérable, de manière que le ventre parait, dans quelques cas, comme partagé, étant fort relevé d'un côté et de l'autre fort affaissé ; ce qui arrive, lorsque l'hydropisie est renfermée dans un sac ; mais lorsqu'elle est étendue dans toute la capacité, l'enflure rend tout l'abdomen également saillant dans toute sa surface, avec un sentiment de pesanteur dans la région des aines, lorsque le corps est droit ; et souvent cette enflure augmente si fort, devient si proéminente par le volume excessif des humeurs qui la forment, que les malades ne peuvent pas voir leurs pieds, et qu'ils craignent de plus en plus que la distension extrême de leur ventre ne les fasse crever, en forçant ses parois à se rompre.

En général pendant que les parties inférieures du corps augmentent de volume par la formation de l'enflure, les supérieures diminuent de plus en plus, surtout le cou et le haut de la poitrine, par la maigreur, le desséchement de toutes les parties charnues qui ont lieu dans tout le corps, mais dont les effets sont cachés sous l'enflure, dans les parties qui en sont affectées : quelquefois cependant les mains et le visage, le tour des yeux surtout deviennent bouffis, lorsque le mal a fait de grands progrès ; ce qui arrive principalement le matin, après le sommeil : les malades éprouvent quelquefois de grandes demangeaisons par tout le corps, et deviennent même sujets à la gale ; ce qui doit être attribué aux parties acres les plus grossières de l'excrétion cutanée, qui s'embarrassent, et sont pour ainsi dire, laissées à sec dans les vaisseaux de la peau. Voyez PRURIT, GALE.

Dans l'ascite, les malades rendent très-peu d'urine, et elle est ordinairement fort rouge et fort épaisse, parce que la sérosité du sang se portant ailleurs en grande abondance, les parties lixivielles restent privées de leur véhicule ; et par la même raison, il ne se fait presque point de transpiration, encore moins de sueur ; le ventre est le plus souvent aussi très-paresseux, surtout lorsqu'il y a obstruction au foie et défaut de flux de la bîle dans les intestins.

Mais un des symptômes des plus importants de l'hydropisie, c'est la fiévre ordinairement continue, lente, hectique, qui augmente sur le soir, mais de sorte que le pouls est en général toujours petit, très-fréquent, assez dur et tendu ; ce qu'on ne peut attribuer qu'à la dégénération des humeurs, qui excite l'irritabilité des vaisseaux plus que dans l'état naturel. Voyez IRRITABILITE.

L'enflure de la grossesse, surtout lorsqu'elle est accompagnée de celle des jambes, peut faire naître quelque difficulté à distinguer cet état de celui de l'hydropisie ascite ; mais cette difficulté ne subsiste pas longtemps, si l'on fait attention à ce que la suppression des menstrues n'a pas lieu ordinairement dans l'hydropisie ; que les mamelles qui s'enflent dans la grossesse, diminuent au contraire beaucoup dans cette maladie ; que la femme grosse ne sent point de ballotement, de fluctuation dans son ventre, selon les divers mouvements qu'elle fait, surtout lorsqu'elle est couchée, comme on les sent dans l'hydropisie, qui d'ailleurs ne peut pas être confondue avec la grossesse, lorsque celle-ci est un peu avancée, parce qu'elle a son signe caractéristique, qui est le mouvement de l'enfant par parties successives ; ce qui n'a point lieu dans le mouvement des eaux qui se fait toujours en masse. C'est l'hydropisie de la matrice (dont la cavité se remplit outre mesure de sérosités, sans qu'ou puisse dire pourquoi son orifice ne s'ouvre pas pour leur donner issue), qui est le cas le plus difficîle à distinguer de la grossesse. Voyez MATRICE.

Pour ce qui est des signes qui établissent la différence entre l'hydropisie ascite, la tympanite, la leucophlegmatie. Voyez TYMPANITE, LEUCOPHLEGMATIE.

A l'égard du pronostic de l'hydropisie en général, on peut dire qu'elle est toujours difficîle à guérir, et même dangereuse, à proportion qu'elle est plus considérable et plus invétérée, et lorsqu'elle succede à une maladie aiguë. Cependant si les personnes affectées de cette maladie ont été naturellement robustes ; que les viscères fassent encore assez bien leurs fonctions ; que les forces ne soient pas beaucoup diminuées, que l'appétit subsiste passablement ; que les digestions ne soient pas laborieuses ; que la respiration se fasse librement, sans toux ; que la soif ne soit pas fort pressante, et que la langue soit rarement seche, surtout après le sommeil ; que le ventre soit libre, sans que les déjections soient trop fréquentes ; qu'elles deviennent faciles par l'effet des purgatifs, sans rester relâché après leur opération ; que l'urine change de qualité, selon la différence des boissons dont use le malade ; qu'il ne se sente pas de lassitude, et qu'il ait de la facilité à s'exercer : si toutes ces conditions se rencontrent dans le même sujet, c'est de très-bon augure ; s'il ne s'en présente que quelques-unes, c'est toujours une raison d'avoir de l'esperance pour la guérison de la maladie ; mais s'il ne parait aucune ou très-peu de ces dispositions avantageuses, l'état est désespéré.

Entre les espèces d'hydropisie, l'anasarque est celle qui est le moins à craindre ; l'ascite est toujours dangereuse, surtout s'il est joint à la tympanite, voyez TYMPANITE, et d'autant plus que les causes qui y donnent lieu, sont plus importantes ; ainsi il est plus difficîle à guérir, lorsqu'il est une suite de l'obstruction du foie, que lorsqu'il provient seulement d'une trop grande boisson d'eau, ou de toute autre cause aussi peu considérable : il est bon qu'il n'y ait pas d'autre enflure qui l'accompagne, ou que, s'il y en a aux extrémités inférieures, elle ne soit pas bien considérable, et qu'elle ne s'étende pas à d'autres parties : l'hydropisie enkistée est moins funeste que l'ascite ; parce que dans celle-là il se fait encore un peu de circulation de la sérosité renfermée dans le sac, au lieu qu'elle est absolument extravasée et sans aucun cours dans l'ascite.

Le flux-de-ventre qui arrive au commencement de l'hydropisie, sans être causé par des indigestions, est le plus souvent très-salutaire, selon l'observation d'Hippocrate : il n'en est pas de même lorsque la maladie est fort avancée, et qu'il y a un grand abattement de forces, alors la diarrhée accélere souvent la mort, parce que ce symptôme n'est que le mauvais effet de la faiblesse des viscères : c'est aussi pourquoi l'hydropisie, lorsqu'elle est une suite de l'abus des purgatifs, comme des saignées, est la plus incurable.

Les urines peu abondantes, troubles, avec la fiévre, sont un très-mauvais signe dans l'hydropisie, d'autant plus que la quantité en est moindre ; parce que c'est une preuve que la plus grande partie de la sérosité est détournée ailleurs pour former la collection d'humeurs : c'est pourquoi il est convenable, selon le conseil de Celse, de comparer chaque jour la quantité de la boisson du malade avec celle de l'urine qu'il rend, et d'observer le volume du ventre, en mesurant son contour avec un fil, surtout lorsqu'on donne au malade des remèdes évacuans, parce que s'il diminue à proportion que la quantité des urines augmente, ou qu'il se fait une évacuation par quelqu'autre voie, c'est un fort bon signe ; au lieu que s'il augmente malgré l'effet de ces remèdes, il n'y a presque plus rien à espérer, ainsi que dans le cas où il y a retour de l'enflure après avoir été emportée par les évacuations que l'art a procurées ; parce qu'il y a lieu de penser qu'il existe quelque vice incurable dans les viscères, qui renouvelle continuellement la collection des eaux.

On doit regarder la mort comme prochaine, lorsque, dans cette maladie invétérée, il survient des taches livides, des ulcères de mauvais caractère aux gencives, dans la bouche, dans différentes parties de l'habitude du corps, et particulièrement aux jambes ; ainsi que quand les malades rendent du sang grumélé par la voie des selles, ou qu'ils deviennent sujets à des hémorrhagies, particulièrement à celle des narines.

Les plaies, les ulcères des hydropiques sont très-difficiles à guérir, parce que la cicatrice ne peut s'opérer qu'avec difficulté dans des solides qui ont perdu leur ressort, et parce que la masse des humeurs est appauvrie et presque totalement privée de son baume naturel.

L'hydropisie elle-même se guérit cependant quelquefois sans le secours de l'art, par différents bénéfices de nature ; comme lorsque les jambes enflées se crevent d'elles-mêmes, ou par accident, comme par quelque égratignure, quelque écorchure, ou blessure ou brulure, et qu'il se fait une issue aux eaux contenues dans le tissu cellulaire, ou qui peuvent en être repompées des cavités où elles sont épanchées, en sorte qu'elles s'écoulent souvent en grande abondance, par cette voie et de proche en proche se portent où il y a moins de résistance ; d'où suit quelquefois une évacuation complete non-seulement des humeurs qui forment des enflures extérieures, mais encore de celles qui sont contenues dans les parties internes : de semblables vuidanges se sont faites quelquefois par la rupture des enveloppes du bas-ventre, surtout au nombril, ou par la voie de la matrice dans le temps ou à la suite des règles, des lochies ; ainsi que Fernel (Pathol. lib. VI.) rapporte en avoir Ve des exemples.

Avant que d'entreprendre le traitement de l'hydropisie, il est de la prudence du médecin de bien examiner quelle est la nature de cette maladie, quelle en est la cause : parce que si le mal lui parait incurable, ou que le vice qui a occasionné la collection des humeurs ne puisse pas être détruit, qu'il doive s'attendre à la voir se renouveller à mesure qu'il en procurera l'évacuation ; dans le cas où il ne peut parvenir à en tarir la source, il doit éviter, s'il y a moyen, de se charger de la cure, pour ne pas compromettre sa réputation, en paraissant avoir donné la mort à qui il n'était pas possible de conserver la vie ; ou, s'il ne peut pas refuser ses secours, il convient qu'il prévienne par un pronostic convenable sur l'évenement que la maladie doit avoir.

Quant à la manière de traiter l'hydropisie, qui parait susceptible de guérison, les indications principales sont de tâcher d'abord d'évacuer les eaux ramassées, et ensuite d'attaquer et de détruire le vice qui a donné lieu à leur collection dans quelque partie qu'elle soit faite : c'est ce dernier effet seul qui rend la curation complete , parce que l'évacuation des humeurs est de peu d'importance pour les suites, si elles peuvent se ramasser de nouveau et produire les mêmes effets. Mais comme les moyens à employer, pour emporter la cause, sont moins efficaces, tant que les parties affectées sont abreuvées, et que leur ressort est affoibli par le relâchement et la corruption occasionnés par la présence des eaux, qui, participant à la chaleur animale, en sont plus susceptibles de contracter des qualités propres à produire ces effets : il est donc nécessaire de s'occuper d'abord de l'indication la moins essentielle, parce qu'elle est comme préparatoire, pour pouvoir parvenir à remplir la plus importante.

Ainsi, dans le cas de l'hydropisie ascite, simple, qui n'est pas bien invétérée, on doit travailler à l'évacuation des humeurs par le moyen des purgatifs émétiques, hydragogues, ou par les diurétiques chauds, les plus forts, les plus actifs. La sueur dans l'ascite est plus nuisible que profitable, parce qu'elle tend à priver le sang de la sérosité, qui lui sert de véhicule dans des parties éloignées de celles qui fournissent la matière de la collection des eaux, c'est-à-dire à la circonférence du corps où la masse des humeurs en manque déjà, à cause qu'il a été détourné ailleurs en trop grande quantité : les évacuations que l'on procure par la voie des selles ou des urines, sont les seules qui sont véritablement avantageuses.

On doit cependant observer que l'hydropisie dans son commencement doit être traitée, comme la cachexie ; et Vander Linden dit, fort à propos, que quiconque veut guérir l'hydropisie doit éviter l'usage trop fréquent des purgatifs, parce qu'ils affoiblissent de plus en plus le ton des solides, après en avoir excité l'érétisme outre mesure : l'atonie suit toujours le trop de tension spasmodique ou convulsive, qui a lieu par l'effet irritant des purgatifs : ce n'est pas qu'il ne faille employer les plus forts remèdes de ce genre, mais, après les avoir donnés d'abord coup-sur-coup, il faut n'y revenir ensuite que rarement, et il convient de faire usage dans l'intervalle des médicaments toniques, fortifiants, tirés de la classe des amers, tels surtout que le kina, et des martiaux qui peuvent servir à tenir en règle les fonctions des organes de la digestion, et rétablir dans les solides en général la force que l'action des purgatifs leur a ôtée ; ce qui fait partie de l'indication principale à remplir. On doit par conséquent avant de faire usage de ces remèdes, s'assurer de ceux qui conviennent, eu égard à la facilité ou à la difficulté avec laquelle les malades sont susceptibles d'être purgés ; parce que des purgatifs qui sont ordinairement d'une médiocre activité, sont souvent suffisans pour produire de grands effets dans les sujets qui sont, comme on dit, faciles à émouvoir, qui sont d'une constitution faible, délicate et sensible, comme les femmes sujettes aux vapeurs, les hypocondriaques.

Mais il est nécessaire que les purgatifs, quels qu'ils soient, opèrent beaucoup, parce que ceux qui ne produisent que peu d'effets, sont plus nuisibles qu'utiles ; ils fatiguent les malades, ils les affoiblissent, et ne diminuent pas la quantité des eaux que l'on doit tâcher d'évacuer le plus promptement qu'il est possible ; pour ne pas laisser trop augmenter le relâchement des parties qui les contiennent, qui en sont abreuvées ou qui y trempent, parce que l'équilibre y étant de plus en plus détruit, les humeurs sont déterminées à s'y porter et à s'y accumuler aussi de plus en plus. Voyez ÉQUILIBRE, Economie animale.

Les purgatifs les plus usités dans le traitement de l'hydropisie, sont parmi les émétiques les préparations d'antimoine, de mercure de cette qualité, et particulièrement le tartre, le vin stibié, le turbith minéral ; parmi les cathartiques, le jalap, sa résine, la seconde écorce de sureau, la gomme-gutte, l'euphorbe, la coloquinte, le concombre sauvage, et surtout l'elaterium, selon Vander-Linden, Lister, Sydenham ; la poudre cornachine, les fortes décoctions de sené, avec le syrop de nerprun, etc. la rhubarbe à grande dose peut être employée avec succès dans l'intervalle des autres purgatifs.

Mais dans les cas qui sont assez fréquents, où les malades, à cause de la faiblesse ou de la délicatesse de leur tempérament, ne peuvent soutenir l'effet d'aucun des purgatifs qui conviennent ; il faut absolument se retourner du côté des diurétiques, d'autant plus qu'ils ont souvent opéré, sans aucun secours, l'entière évacuation des eaux, même dans les personnes les plus robustes ; et que rien ne donne plus de soulagement aux hydropiques qu'un flux abondant d'urine, quand il se fait sans trop affoiblir les malades : tous les sels sont diurétiques, mais on doit préférer à tous les autres le nitre et ses préparations de cette qualité, parce qu'il contribue beaucoup à éteindre la soif, qui est le symptôme le plus inquiétant de cette maladie : on peut employer les nitreux dans des tisanes appropriées qui soient émulsionnées, ou dans du petit-lait, du vin du Rhin, ou d'une qualité approchante, mais toujours employés en grande quantité. C'est pourquoi la plupart des eaux minérales, qu'on appelle acidules, qui ne peuvent opérer quelqu'effet qu'étant prises à grandes doses, ont souvent réussi à guérir des hydropisies considérables et des plus rebelles, en évacuant abondamment par la voie des urines, et en fortifiant en même temps lorsqu'elles sont martiales : on fait aussi usage avec succès du suc de la plante nommée kali ou soude, des sels lixiviels, des infusions de cendres végétales, surtout de celles de genest, comme contenant plus d'alkali, de cendres animales telles que celles de vers de terre, et surtout de crapaud, dont Wierus, dans son livre intitulé de Lamiis, prétend qu'un ancien hydropique fut guéri à Rome par sa femme, qui, ennuyée de la dépense qu'elle faisait pour son mari sans succès, et voulant s'en défaire, lui donna des cendres de crapaud à plusieurs reprises dans le dessein de l'empoisonner ; ce qui produisit un effet tout contraire, car il recouvra la santé, ayant été délivré de son hydropisie par le grand flux d'urine que produisirent ces cendres : on attribue la même propriété aux œufs de fourmis, dont on donne la décoction dans du lait.

On doit observer que lorsqu'on entreprend la cure de l'hydropisie par le moyen des diurétiques, surtout des sels lixiviels avec effet, on ne doit point faire usage des purgatifs, mais seulement des corroborants, qui doivent être regardés comme les remèdes essentiels ; entant qu'ils sont destinés à empêcher qu'après l'évacuation des eaux il ne s'en fasse une nouvelle collection ; ce qui est mettre véritablement le complément à la cure.

Le bon vin employé convenablement, est un des moyens les plus propres pour fortifier ; c'est pourquoi il est fort recommandé dans la cure de l'hydropisie, soit pur, soit rendu médicamentaire, et joignant à sa qualité propre celle des plantes aromatiques appropriées, telles que l'absynthe, le marrhube, l'aunée, et autres amers de cette nature ; le kina surtout, qui doit être regardé comme un excellent remède contre le relâchement, l'atonie des solides dans l'hydropisie, ainsi que dans les autres maladies qui y ont rapport. Voyez FIBRE, Pathol.

S'il y a des obstructions auxquelles on soit fondé d'attribuer la cause de l'hydropisie, on doit joindre les apéritifs aux fortifiants ; voyez OBSTRUCTION. Les martiaux surtout sont alors fort recommandés, et même les mercuriels, si l'épaississement des humeurs est leur vice dominant ; mais ces derniers remèdes seraient de vrais poisons, si elles péchaient pas dissolution ; et dans ce cas, les laitages seraient un des remèdes les plus indiqués, aussi bien que les émulsions, les mucilagineux, avec les diurétiques et les corroborants, quelquefois rendus acides et un peu aromatiques, à quoi l'on doit surtout joindre un régime sec.

Lister rapporte plusieurs exemples d'hydropiques, qui ont été guéris, en s'abstenant pendant longtemps de toute autre boisson, que de quelque peu de vin pur, dans les cas de faiblesse des viscères ; et d'autres, qui à cause de la dissolution des humeurs, avaient passé plusieurs mois sans prendre aucun liquide. De ces malades, quelques-uns pour apaiser leur soif, tenaient sur la langue une petite tranche de pain roti et trempé dans l'eau-de-vie, ce qui leur faisait venir beaucoup de salive à la bouche. On a aussi employé avec succès, pour cet effet, l'esprit de vitriol dans de l'eau, dont les malades se lavent souvent la bouche : on a aussi éprouvé du soulagement dans ce cas, de mâcher du citron sans l'avaler.

Si l'hydropisie doit être attribuée à quelque cause, qui resserre, qui comprime les vaisseaux, qui les force à se dilater outre mesure, ou à se rompre, en sorte que les fluides qui doivent être contenus, s'en échappent, il faut tâcher d'emporter ou de faire cesser cette cause, si elle en est susceptible. Ainsi, dans le cas qui est assez rare, où elle consiste dans l'éretisme, le spasme du genre nerveux, qui gêne le cours des humeurs dans les petits vaisseaux, qui les étrangle, pour ainsi dire, les relâchans, les bains aqueux tiedes produisent de bons effets, aussi bien que les antispasmodiques, les narcotiques employés avec beaucoup de circonspection. Si la compression des vaisseaux provient des glandes obstruées, du skirrhe des viscères, il faut, comme on l'a dit, attaquer ces vices par les moyens appropriés, contre les obstructions, les skirrhes. Voyez OBSTRUCTION, SKIRRHE.

Tels sont, en général, les remèdes internes qui sont indiqués dans l'hydropisie ; mais si l'on s'aperçoit bientôt qu'ils ne produisent aucun effet pour la guérison de cette maladie, en tant que l'on ne peut pas parvenir à procurer l'évacuation des eaux, ni par la voie des selles, ni par la voie des urines, particulièrement dans l'ascite, il convient alors de recourir aux secours de la main, et d'en venir pour cette évacuation, à l'opération de la paracentèse, faite selon les règles de l'art, et avec les précautions convenables. Lorsque le malade est de bon âge, qu'il n'a pas perdu ses forces, que la maladie n'est pas invétérée, et qu'il y a lieu de présumer que les viscères sont en bon état ; c'est le moyen le plus sur et le plus prompt, pour emporter la collection d'humeurs contre nature, pour prévenir tous les mauvais effets de leur séjour dans les parties qui les contiennent, et de la corruption dont elles sont susceptibles, et pour établir de la manière la plus avantageuse, la disposition, à ce que l'on puisse employer avec succès, les remèdes propres à détruire la cause du mal. Mais on ne doit jamais attendre l'extrémité pour employer ce moyen, auquel l'expérience ne rend pas des témoignages aussi favorables qu'ils pourraient l'être, parce qu'on a recours presque toujours trop tard à cette opération, lorsque le mal a fait de si grands progrès, qu'il est devenu sans remède.

C'est pourquoi, il faudrait peut-être moins compter sur les secours à employer intérieurement, qui ont été proposés, et faire usage de la paracentèse dès le commencement de la maladie. Outre l'avantage de tirer promptement les eaux ramassées contre nature, cette opération procure encore celui de pouvoir mieux juger, par l'inspection de ces mêmes eaux, soit du caractère et de la cause particulière qui l'a fait naître, soit du pronostic convenable que l'on doit porter en conséquence, et des indications qui se présentent à remplir, pour empêcher que la collection ne se renouvelle.

Dans les hydropisies enkistées, dans celles du péritoine, de l'omentum, des ovaires même, la paracentèse ne convient pas moins que dans l'ascite, lorsque l'on s'est assuré du véritable siège du mal, et que l'on peut y atteindre.

Mais, dans tous les cas où cette opération parait praticable, si les dispositions de la part des malades qui ont été mentionnées, ne se présentent pas, bien loin d'être utile, elle ne ferait qu'accélerer la mort. Voyez PARACENTESE.

La chirurgie fournit encore d'autres moyens de donner issue aux eaux des hydropiques, qui conviennent également aux différentes espèces d'hydropisies, tant abdominales qu'autres, qui doivent toutes être traitées de la même manière, lorsqu'elles proviennent des mêmes causes. Ces moyens sont donc les scarifications, les fonticules, les sétons, les vésicatoires, les cautères potentiels, et même actuels, employés sur les parties charnues, dans les endroits vers lesquels les humeurs se portent par leur propre poids. Ces différents secours sont quelquefois très-efficaces, surtout si l'on peut entretenir les ouvertures, par lesquelles se font les écoulements ; avec l'attention de prémunir ces parties contre la disposition à la gangrene, qui a lieu dans tous les hydropiques, surtout, par rapport au parties affectées de bouffissure, d'enflure, d'oedème. Voyez GANGRENE.

Avant que de finir sur le traitement de l'hydropisie, il reste quelque chose à dire sur les usages de la saignée, à l'égard de cette maladie. Il parait que la plupart des praticiens modernes n'ont pas jugé que ce remède put être indiqué dans un genre d'affection, où, en général, la masse des humeurs est presque toute composée de sérosité, et de très-peu de parties rouges du sang, où il règne un relâchement, une atonie presque universelle dans les solides, où l'expérience semble n'avoir rien établi qui soit favorable à ce remède, d'une manière bien décidée. Cependant parmi les anciens, il s'est trouvé des auteurs à la suite d'Hippocrate lui même, qui exaltent les bons effets de la saignée dans l'hydropisie. En effet, le père de la Médecine, de diaetâ in acutis, recommande de tirer du sang aux hydropiques, qui, dans la vigueur de l'âge, dans une bonne saison, et n'ayant pas perdu leurs forces, ont la respiration considérablement gênée. Alexandre de Tralles, et Paul d'Egine, veulent que l'on saigne dans l'hydropisie, lorsque le foye, la rate et l'estomac sont enflés ; et dans les cas où cette maladie est une suppression des menstrues, ou un flux hémorrhoidal habituel. Le très-érudit Jacob Spon, aphor. nov. sect. 5. §. 87. rapporte une observation, dans laquelle il dit avoir Ve une hydropisie guérie à la suite de vingt saignées, après avoir résisté aux hydragogues et aux diurétiques, employés pendant longtemps, à la manière ordinaire. Le célèbre Hoffman, après avoir exposé ainsi le sentiment de ces auteurs, conclud par l'adopter, d'après sa propre expérience, pour les cas où l'on est assuré qu'il y a sur-abondance de sang dans un sujet bien disposé, surtout lorsque le mal provient d'une asthme sanguin ; et encore faut-il qu'il ne soit question que de leucophlegmatie, ou d'anasarque, et point d'ascite, à l'égard duquel il serait très-dangereux d'employer un pareil moyen, parce qu'en diminuant la force du mouvement de la circulation dans les artères, il s'ensuit que la resorbtion se fait à proportion, moins par les veines, ce qui est une nouvelle cause d'augmentation de la maladie ; au lieu que dans l'anasarque et la leucophlegmatie causée par la pléthore, la saignée, en desemplissant les vaisseaux, fait cesser la trop grande dilatation des orifices des collatéraux, qui, recouvrant leur ressort, renvaient à la masse des humeurs, ce qu'ils contiennent de sur-abondant, ou s'en déchargent par la voie des excrétions. Voilà tout ce qu'on peut raisonnablement avancer pour et contre la saignée, employée dans le traitement de l'hydropisie, où on peut dire qu'en général, le cas d'y avoir recours se présente très-rarement, qu'il ne peut être bien connu que par les maîtres de l'art les plus expérimentés, et qui ont le plus de perspicacité, et qu'il ne faut y recourir qu'avec beaucoup de prudence.

On ne peut pas entrer ici dans un plus grand détail sur la théorie et le traitement de l'hydropisie ; mais on indiquera, pour suppléer à ce défaut, les principaux auteurs qui ont traité de cette maladie, avec une étendue, ou d'une manière circonstanciée, proportionnée à l'importance du sujet. Tels sont, parmi les modernes, qui ont recueilli la doctrine et les observations d'Hippocrate, de Celse et des autres anciens, sur tout ce qui a rapport à l'hydropisie, Pison, Sennert, Fernel, Rivière, Ettmuller, Willis, Sydenham, Lister, Littre, Chomel, Mémoires de l'acad. des Sciences de Paris, 1707, 1708. et de ces derniers temps, Boerhaave, dans ses aphorismes ; Hoffman, dans ses œuvres passim, et spécialement, tome IV. part. IV. medic. ration. system. cap. xiv. pour ce qui regarde les observations anatomiques, Bonet, sepulchretum, Ruysch ; et pour la partie chirurgicale, Heister dans ses institutions.