S. f. (Médecine) c'est un terme emprunté du latin par les Médecins, qui en général, ne l'emploient même que rarement : il est presque affecté à la doctrine de Stahl et de ses sectateurs, dans les écrits desquels on le trouve souvent, soit qu'ils l'adoptent sous certaines significations, soit qu'ils le rejettent sous d'autres.

En effet, ce mot peut être pris dans différentes acceptions, qui ont cependant cela de commun, qu'elles servent toutes à désigner le genre de conduite du malade ou du médecin dans le cours de la maladie, qui consiste en ce que l'un ou l'autre évite, plus ou moins, d'influer sur l'évenement qui la termine, laisse agir la nature, ou attend ses opérations pour se déterminer à agir.

On peut donc distinguer plusieurs sortes d'expectations : la première peut être considérée, par rapport au malade, entant qu'elle a lieu, ou parce qu'il n'y a pas d'autre parti à prendre, ou parce qu'il prend celui-là de propos délibéré, c'est-à-dire, dans le premier cas, lorsqu'il n'est pas à portée de recevoir des secours de l'art, ou qu'il n'est pas en état, en disposition de s'en fournir par quelque cause que ce soit : dans le second cas, lorsqu'il est dans l'idée que les secours sont inutiles ou nuisibles, et qu'il s'obstine à ne vouloir point en recevoir. Comme il y a bien des maladies qui se sont guéries par la nature seule livrée à elle-même, une telle conduite, toute hasardeuse et imprudente qu'elle est, peut être par conséquent suivie d'un heureux succès dans bien des occasions ; c'est par cette considération que Stahl n'a pas craint d'établir dans une dissertation, qu'il existe une médecine interne, c'est-à-dire des moyens de guérir les maladies indépendamment d'aucun secours de l'art ; ergò existit medicina sine medico, conclud cet auteur.

L'exspectation de cette première espèce peut aussi être considérée, par rapport au médecin, comme ayant lieu dans le cas où il affecte de ne point employer des remèdes, des médicaments, dans le traitement des maladies, ou pour mieux dire, lorsqu'il ne les traite point, et qu'il se borne à être spectateur aisif des efforts de la nature, à en attendre les effets.

L'exspectation ainsi conçue à l'égard du malade et du médecin, est une attente pure et simple ; elle n'est autre chose qu'une véritable inaction, de laquelle on ne peut aucunement dire qu'elle soit une méthode de traiter les maladies. Nous verrons dans la suite ce qu'on doit penser d'une telle conduite, qui est directement opposée à celle que tiennent ceux dont le système les porte à ne compter que sur les secours de l'art pour la guérison des maladies.

L'exspectation de la seconde espèce ne diffère de la précédente, que par les apparences d'un traitement sous lesquelles on la masque ; elle n'est pas plus méthodique, quoiqu'elle puisse quelquefois être plus fondée en raison : elle a donc lieu, lorsqu'un médecin ayant pour principe, dans la pratique, de tout attendre de la nature pour la guérison de la maladie, cache sa défiance des secours de l'art, par l'usage des seuls remèdes qui sont sans conséquence, et qui ne produisent presque d'autre effet que celui d'amuser les malades, et de remplir le temps en attendant l'évenement des maladies.

La même chose peut avoir lieu, lorsque le médecin trop ignorant, en général, pour savoir ordonner des remèdes à-propos, ou ne connaissant pas le genre de maladie qu'il a à traiter, est assez timide ou assez prudent pour éviter de nuire, lorsqu'il ne peut pas être utile, et se borne aussi à ne faire que gagner du temps et à soutenir la confiance du malade en paraissant travailler à sa guérison, sans faire réellement rien de ce qui peut contribuer à la procurer.

L'exspectation dans ce dernier cas, est proprement ce que les Latins appellent cunctatio ; c'est un retardement motivé ; c'est le rôle du temporiseur sage et adroit qui attend à connaître avant d'agir, qui ne se détermine point tant qu'il ne voit pas clair, et qu'il espère d'avoir des indications plus décidées à suivre.

Ces différents traitements, quoique sans conséquence dans la supposition, sont souvent suivis d'un heureux succès, dont le médecin se fait honneur et profit, tandis qu'il n'a, tout au plus, d'autre mérite que celui d'avoir laissé agir la nature, de ne l'avoir pas troublée dans ses opérations. C'est la considération de pareilles cures, qui a fourni à Stahl le sujet d'une dissertation inaugurale, de curatione aequivocâ, dans laquelle il diminue très-considérablement le très-grand nombre de prodiges en fait de guérisons, que l'on attribue souvent, même de bonne foi, aux secours de l'art. Il prouve que les médecins anodyns sont des vrais exspectants, sans s'en douter, sans savoir même en quoi consiste l'exspectation, sans en connaître le nom : ils n'ordonnent que des remèdes doux, benins, des petites saignées, des purgatifs legers, des juleps, des eaux distillées qui ne produisent que peu de changements dans la disposition des malades, qui n'empêchent pas, ne troublent pas l'opération de la nature, quoiqu'ils soient le plus souvent placés sans être indiqués, et même contre ce qui est indiqué.

Enfin, l'exspectation de la troisième espèce peut être regardée comme un moyen d'observer ce que la nature fait dans les maladies, en reconnaissant son autocratie (voyez NATURE), en lui laissant le temps d'agir conformément aux lois de l'économie animale, sans s'opposer aux efforts de cette puissance motrice par des remèdes qui pourraient produire des changements contraires à ce qu'elle fait pour détruire la cause morbifique (voyez COCTION) ; en attendant qu'elle donne le signal de lui fournir des secours par les phénomènes indiquans ; en sorte que les médecins qui prennent cette sorte d'exspectation pour règle dans le traitement des maladies, ne restent dans l'inaction qu'autant qu'il faut pour être déterminés à agir de concert avec la nature.

Telle est la méthode que suivait et qu'enseigne, dans toutes ses œuvres admirables, le grand Hippocrate, curatio methodica ; c'est donc mal-à-propos que l'on reprocherait à ceux qui s'y conforment dans leur pratique, d'être des spectateurs aisifs : ce n'est que cette sage exspectation qu'a célebrée et recommandée la fameux Stahl, en proscrivant toute autre inaction dans le traitement des maladies, qui ne serait pas fondée sur les règles qui établissent le concours de la nature et de l'art, dans tous les cas où celui-ci peut être utile.

Pour se convaincre que la grande maxime, l'expecta de cet auteur, ne mérite pas le ridicule qu'on a voulu y attacher, en ne jugeant, pour ainsi dire, que sur l'étiquette du sac, on n'a qu'à lire avec attention son commentaire sur le traité de Gédeon Harvé de curatione morborum per exspectationem ; on y verra qu'il n'a fait qu'insister sur la pratique des anciens, qui était toute fondée sur l'observation, à la faveur de laquelle ils attendaient, à la vérité, les effets qui fournissent les indications pour se déterminer à agir ; mais qui agissaient lorsqu'ils jugeaient que les secours pouvaient être utiles, à plus forte raison lorsqu'ils leur paraissaient nécessaires ; qui voyaient par consequent dans la plupart des préceptes du père de la Médecine, des conseils d'agir, mais après l'attente du temps favorable, des mouvements préparatoires aux crises annoncées par la marche de la nature étudiée, connue par une longue suite d'observations ; crises, que l'art peut favoriser, diriger, mais qu'il ne peut pas suppléer, parce que la nature seule opère les coctions qui doivent nécessairement précéder les crises. Voyez COCTION.

Il n'est pas moins aisé de justifier les modèles que se proposent les partisans de l'exspectation méthodique dont il s'agit actuellement, et de les justifier par leurs propres écrits, des imputations des modernes systématiques ; ceux-ci, sans égard pour les observations des anciens, pour les règles que ceux-ci ont établies d'après l'étude de la nature, de la vraie physique du corps humain, regardent cette doctrine (avec autant d'injustice, de hardiesse et d'ignorance qu'Asclepiade le fit autrefois), comme une longue méditation sur la mort : ils croient qu'Hippocrate et ses sectateurs n'agissaient point dans le cours des maladies, ne fournissaient aucun secours, et se bornaient à observer, à peindre la nature aux prises avec la cause morbifique ; à attendre l'évenement, sans concourir à faire prendre aux maladies une tournure avantageuse ; et cela, parce que ces anciens maîtres ne se hâtaient pas, comme on fait de nos jours, d'ordonner des remèdes sans attendre qu'ils fussent indiqués par les phénomènes de la maladie : parce qu'ils ne faisaient pas dépendre, comme on fait de nos jours, la guérison des maladies de la seule action des remèdes ; parce qu'ils n'avaient point de méthode de traiter indépendante de l'observation de chaque maladie en particulier ; parce qu'ils n'avaient point de règle générale d'après laquelle ils dû.sent, par exemple, saigner ou purger dans les fièvres continues, alternis diebus, sans examiner si la disposition actuelle du malade comportait l'usage des remèdes qu'ils employaient.

Mais toutes ces raisons, bien loin de fournir des conséquences contre ce grand médecin, ne peuvent servir, lorsqu'on les examine sans prévention, qu'à démontrer l'imprudence de la pratique impérieuse des modernes, et établir, par opposition, la sagesse de la méthode modeste et circonspecte des anciens : celle-ci n'est continuellement occupée à observer, que pour agir avec connaissance de cause, que pour ne pas employer des secours, sans qu'ils soient indiqués par la nature même qui en a besoin, c'est-à-dire par l'état actuel de la maladie qui les exige, par la disposition aux effets qu'ils doivent opérer.

Il faut cependant convenir que sur ces principes ils agissaient très-peu, parce que la nature ayant la faculté par elle-même de guérir la plupart des maladies, présente très-rarement des occasions de suppléer à son défaut par le secours de l'art : ils ne les employaient donc que pour aider dans les besoins bien marqués : ils ne connaissaient pas une infinité de moyens de l'aider sans la troubler, parce que leur matière médicale était encore très-bornée, et réduite à des drogues presque toutes très-fortes, très-actives : s'il avaient eu nos minoratifs, ils auraient moins craint de purger ; ils en auraient fait usage pour favoriser, pour soutenir la disposition de la nature, sa vergence à procurer une évacuation de la matière morbifique par la voie des selles ; mais ils ne connaissaient pas ces minoratifs ; ils ne pouvaient donc pas agir dans bien des cas où nous pouvons le faire, pour aider la nature dans ses opérations ; ils connaissaient encore moins l'art de ne faire qu'amuser par des secours inutiles, sans conséquence : la médecine politique n'était pas encore inventée, et substituée à la vraie médecine : on n'avait pas encore l'adresse de savoir s'attribuer, comme on fait à présent, l'honneur d'une cure qu'on n'a pas même su favoriser, à laquelle on a peut-être eu la mal-adresse de s'opposer, en contrariant la nature qui travaillait à la procurer : en sorte que cette puissance médicatrice a souvent à surmonter tous les obstacles de la guérison, autant par rapport au traitement de la maladie, qu'à la maladie elle-même.

Les principes de la méthode exspectante des anciens, que l'on trouve répetée par-tout dans tous leurs ouvrages, étaient bien différents, ainsi qu'il a été ci-dessus établi. Le divin Hippocrate les a admirablement rédigés dans ses aphorismes : et les a ainsi réduits en règles faciles à suivre, et solidement appuyées sur son recueil d'observations concernant les maladies épidémiques ; règles qui ont été adoptées par le plus grand nombre des médecins qui l'ont suivi, convaincus par leurs propres observations, de la vérité de celles de leur chef.

C'est donc d'après ces règles que l'on doit juger les anciens ; que l'on doit voir si leur spéculation ne menait qu'à l'inaction, ne tendait qu'à faire des spectateurs aisifs : il suffira, pour le sujet dont il s'agit ici, d'ouvrir le livre des aphorismes, et d'examiner quelques-uns de ceux qui se présentent : ne voit-on pas, par exemple, que dans l'aphoris. IXe sect. 2. cet auteur recommande qu'avant de purger les malades, on rende leur corps fluide, c'est-à-dire qu'on dispose aux excrétions les humeurs morbifiques, en les délayant suffisamment, en favorisant la coction de ces humeurs, afin qu'elles puissent sortir avec facilité : ce précepte ne renferme-t-il pas des conseils d'agir ? n'annonce-t-il pas que l'art doit favoriser et procurer la purgation ? mais en même temps notre auteur veut qu'on attende le temps convenable pour la procurer : voilà donc aussi un conseil d'exspectation ; mais elle n'est pas oisive cette exspectation, puisqu'il entend qu'on emploie le temps à préparer le corps à l'évacuation qui doit suivre.

Telle est la manière dont ce grand maître établit ses règles : manière raisonnée, qui a servi de fondement à la médecine dogmatique, qui lui a fait connaître les exceptions à ces mêmes règles, lorsqu'elles en ont été susceptibles ; ainsi, par rapport à celle qui vient d'être rapportée, comme il est des cas dans lesquels la préparation à la purgation n'est pas nécessaire, lorsque l'humeur morbifique est abondante et disposée à pouvoir être évacuée tout de suite ; il recommande (aphor. xxjx. sect. 2.) que, les choses étant ainsi, même au commencement des maladies, l'on se hâte de procurer l'évacuation de cette humeur : il condamne l'exspectation dans ce cas, comme pouvant être nuisible, sans être en contradiction avec lui-même, à l'égard de l'aphor. xxij. sect. 1. dans lequel il établit expressément, que l'on doit seulement purger les humeurs qui sont cuites, et non pas celles qui sont encore crues, et qu'il faut bien se garder de purger au commencement des maladies : dans le premier cas, il suppose que la coction n'est pas nécessaire, que les humeurs morbifiques ont actuellement les qualités qu'elle pourrait leur donner : il n'y a donc pas de disposition plus favorable à attendre : dans le second cas, cette disposition à l'excrétion des humeurs n'existe pas ; il y a donc lieu à l'exspectation pour préparer à la coction, et donner le temps à ce qu'elle se fasse avant que d'agir, pour procurer l'évacuation : il donne une leçon bien plus importante (aphor. xxj. sect. 1.), qui prouve d'une manière convaincante, qu'il était bien éloigné de ne conseiller qu'une exspectation oisive : cette leçon consiste à faire observer qu'il est très-nécessaire de prendre garde au cours que la nature donne aux humeurs : d'où elles viennent : où elles vont, et d'en procurer l'évacuation par les voies vers lesquelles elles tendent : il faut donc agir dans ce cas : pour procurer cette évacuation ; mais il ne faut pas le faire sans considération ; il faut attendre que les humeurs à évacuer se soient portées dans les couloirs qui leur conviennent, et en favoriser, en procurer l'excrétion par ces mêmes couloirs.

On pourrait rapporter un très-grand nombre d'autres preuves de ce que l'on a avancé ci-devant, tirées de toutes les parties des ouvrages du prince des Médecins, pour démontrer qu'en recommandant l'exspectation dans plusieurs cas, il ne se proposait point de défendre l'usage des secours de l'art, mais il le perfectionnait, en la faisant servir à le diriger, en le subordonnant à l'observation des phénomènes que l'expérience a appris être propres à indiquer les cas, où ces secours peuvent être employés utilement : en un mot, en établissant que c'est la nature qui guérit les maladies : qu'elle n'a besoin du médecin, que pour l'aider à les guérir plutôt, plus surement et plus agréablement, lorsqu'elle ne se suffit pas à elle-même pour cet effet ; que celui qui fait les fonctions de médecin, peut tout au plus se flatter d'avoir bien secondé cette puissance dans les cures qu'il parait opérer, parce qu'il est par conséquent très-rare que l'art soit utîle dans le traitement des maladies, parce que ses véritables règles, qui ne doivent-être dictées que par l'observation, sont très-peu connues, parce qu'il n'est de vrais médecins que ceux qui les connaissent, et qui sont persuadés que la principale science du guérisseur consiste à bien étudier et à bien savoir quid natura faciat et ferat, et à ne faire que concourir avec elle.

On ne peut s'assurer de ce que la nature s'efforce de faire, et de ce qui peut résulter de ses efforts, qu'en attendant les phénomènes qui indiquent le temps où on peut placer les remèdes avec succès (voyez SIGNE, INDICATION ; c'est par cette considération que le célèbre Hoffman (tom. III. sect. 11. chap. XIe vers. 7.), regarde l'exspectation méthodique, comme un grand secret pour réussir dans la pratique de la Médecine. Cette exspectation, qui non-seulement n'est pas une inaction pure et simple, ni une spéculation oisive, mais une conduite éclairée du médecin, qui influe réellement sur l'évenement des maladies, et qui tend à le rendre heureux : conduite qui consiste à attendre de la nature le signal d'agir : lorsqu'elle peut le donner à propos, et à employer ce temps d'attente à préparer par des moyens convenables, qui n'excitent aucun trouble, aucun mouvement extraordinaire, les changements, à l'opération desquels il se propose de concourir ensuite par des moyens plus actifs, plus propres à procurer les excrétions, les crises, si elles ont besoin d'être excitées : à laisser ces mouvements salutaires à eux-mêmes, lorsque la préparation suffit pour que les coctions, les crises s'effectuent autant qu'il est nécessaire, lorsque la nature est assez forte, &, pour ainsi dire, en assez bonne santé (quoique dans un corps où sont des causes morbifiques) pour se suffire à elle-même ainsi qu'elle fait dans presque tous les sujets robustes, bien constitués, qui guérissent si souvent de bien des maladies considérables, sans secours de médecins, mais non pas sans ceux de la médecine naturelle, que la divine Providence a attachée à la seule disposition de la machine animale, mise en œuvre par une puissance motrice, toujours portée à éloigner tout ce qui peut nuire à la conservation de l'individu, même dans les efforts qui paraissent être le plus contraire à cette conservation : puissance, dont l'essence est autant inconnue, que ses opérations sont évidentes et assez généralement utiles, pour qu'on doive y avoir égard. C'est sur ce fondement que porte absolument la doctrine de l'exspectation, qui consiste par conséquent à observer l'ordre le plus constant de ces opérations, ce qui les précède et ce qui les suit : doctrine dont les connaissances qui la forment, ne peuvent qu'être acquises avec beaucoup de peine, et par une étude continuelle de l'histoire des maladies, recueillie par les grands maîtres qui ont suivi cette doctrine ; par une extrême application à observer, à recueillir, à comparer les faits, ainsi qu'ils l'ont pratiqué eux-mêmes : c'est le seul moyen que l'on ait pour parvenir à être aussi utiles qu'eux au genre humain, présent et futur.

Mais c'est un moyen trop difficîle à employer, pour qu'il n'ait pas été négligé, et même rejeté par ceux qui ont voulu abreger le chemin qui conduit à la réputation et à la fortune : la facilité de faire des systèmes, de les adopter, d'en imposer au public, pour qui le rideau est toujours tiré sur les vérités qui caractérisent la science médicinale, a fourni l'expédient : on a étudié la physique du corps humain dans le cadavre, mais non pas celle du corps vivant, qui parait être généralement plus ignorée que jamais : on s'est montré plus savant dans les écoles, dans les livres, depuis la découverte de la circulation du sang ; mais on n'a presque rien fait pour l'avancement de l'art de guérir ; on a multiplié les remèdes à l'infini : on en a même trouvé de nouveaux, mais il n'y a pas moins de maladies mortelles, de maladies longues, incurables. Tous ces défauts ne peuvent raisonnablement être attribués qu'à l'abandon qu'on a fait de la route tenue par les anciens, c'est-à-dire de l'observation à la faveur de laquelle ils avaient fait de très-grand progrés, en très-peu de temps : progrès qui ont été suspendus, dès qu'on a cessé d'observer ; par conséquent, depuis plusieurs siècles, et particulièrement depuis que l'on ne s'est occupé dans l'étude de la Médecine, que des productions de l'imagination, auxquelles on s'est efforcé de soumettre, d'adapter la pratique de l'art ; depuis qu'on fait consister cet art dans le seul usage des remèdes, dont on ne tire l'indication que de l'idée que l'on se forme sur la nature de la cause morbifique : idée le plus souvent conçue d'après les hypothèses que l'on a embrassées : enfin depuis que l'on ne fait aucune attention aux différents mouvements salutaires, ou tendants à l'être, qui s'opèrent dans le cours des maladies, indépendamment d'aucun secours, aux efforts de la puissance conservatrice, pour le bien de son individu (voyez EFFORT), et que l'on trouble tout dans l'ordre des maturations, des coctions, des crises, qui sont les opérations par lesquelles les maladies les plus violentes peuvent être terminées heureusement, même sans aucun secours, dont le défaut, par conséquent, est bien moins nuisible que le mauvais usage ; d'ou on serait fondé à conclure, que l'abus de la Médecine a rendu cette science plus pernicieuse que secourable à l'humanité.

Mais comment a-t-on jamais su que la nature seule pouvait produire de bons effets, si ce n'est par le moyen de l'observation ? et a-t-on pu observer ces effets, sans laisser à elle-même la cause qui les produit ? Il a donc fallu attendre pour observer : on ne peut, par conséquent, réparer tous les défauts de la pratique de nos jours, qu'en rétablissant l'exspectation, à la faveur de laquelle seule, on peut apprendre à agir avec méthode ; pour secourir les hommes dans leurs maladies, et sans laquelle on ne parviendra jamais à rendre l'art de guérir, digne de son nom, et aussi utîle au genre humain, qu'il est susceptible de l'être. Voyez MEDECINE, METHODE CURATIVE, etc. (d)