S. f. expectoratio (Médecine) ; ce terme est composé de la préposition ex, de, et du substantif pectus, poitrine ; ainsi il est employé pour exprimer la fonction par laquelle les matières excrémentitielles des voies de l'air, dans les poumons, en sont chassées et portées dans la bouche, ou tout d'un trait hors du corps, en traversant cette dernière cavité ; c'est la purgation de la poitrine et des parties qui en dépendent, dans l'état de santé et dans celui de maladie.

Comme cette purgation se fait par le haut, elle a été mise par les anciens au nombre des évacuations du genre de l'anacatharse ; Hippocrate lui a même spécialement donné ce nom (5. aphor. 8.) , purgatio per sputa.

L'expectoration est donc une sorte d'expulsion de la matière des crachats tirés des cavités pulmonaires, dont l'issue est dans le gosier ; c'est une espèce de crachement, soit qu'il se fasse volontairement, soit qu'il se fasse involontairement, par l'effet de la toux : mais tout crachement n'est pas une expectoration. Voyez CRACHAT, TOUX.

L'éjection de la salive, qui ne doit point avoir lieu dans l'économie animale bien réglée, ne peut aussi être regardé comme une expectoration ; cette dénomination-ci ne convient absolument qu'à l'évacuation des humeurs muqueuses, destinées à lubrifier toutes les parties de la poitrine exposées au contact de l'air respiré ; lesquelles humeurs étant de nature à perdre la fluidité avec laquelle elles se séparent ; et à s'épaissir de manière qu'elles ne peuvent pas être absorbées et portées dans la masse des fluides, s'accumulent et surabondent au point qu'elles fatiguent les canaux qui les contiennent, ou par leur volume, en empêchant le libre cours de l'air dans ses vaisseaux, ou par leur acrimonie, effet du séjour et de la chaleur animale, en irritant les membranes qui tapissent les voies de l'air. Ces différentes causes sont autant de stimulus, qui excitent la puissance motrice à mettre en jeu les organes propres à opérer l'expectoration ; de sorte qu'il en est de cette matière excrémentitielle, comme de la mucosité des narines, de la morve : cette mucosité se séparant continuellement dans les organes secrétoires de la membrane pituitaire, pour la défendre aussi du contact de l'air, est continuellement renouvellée ; pur conséquent il y en a de surabondante, qui doit être évacuée par l'éternuement ou par l'action de se moucher. Voyez MORVE, ETERNUEMENT, MOUCHER. Il est donc très-naturel qu'il existe dans l'économie animale un moyen de jeter hors du corps les humeurs lubrifiantes, qui surabondent dans les voies de l'air, plus ou moins, selon le tempérament sec ou humide ; ce moyen est l'expectoration : ainsi il n'y a que l'excès ou le défaut qui fassent des lésions dans cette fonction, qui est très-nécessaire par elle-même dans l'état de santé, entant qu'elle s'exerce d'une manière proportionnée aux besoins établis par la constitution propre à chaque individu : cependant il faut convenir, qu'en général ils se font naturellement très-peu sentir : mais il n'en est pas de même dans un grand nombre de maladies, soit qu'elles aient leur siège dans les poumons, ou que la matière morbifique y soit portée, déposée de quelqu'autre partie ou de la masse même des humeurs. Il arrive très-souvent que la nature opère des crises très-salutaires par le moyen de l'expectoration : les observations à ce sujet ont fourni au divin Hippocrate la matière d'un grand nombre de pronostics et de règles dans la pratique médicinale. Voyez ses œuvres passim.

Le mécanisme de l'expectoration s'exerce donc par l'action des organes de la respiration ; la glotte s'étant fermée pour un instant, pendant lequel les muscles abdominaux se contractent, se roidissent, pressent les viscères du bas-ventre vers l'endroit où ils trouvent moins de résistance ; c'est alors vers la poitrine où le diaphragme, dans son état de relâchement, est poussé dans la cavité du thorax, il y forme une voute plus convexe, qui presse les poumons vers la partie supérieure de cette cavité, en même temps que les muscles qui servent à l'expiration abbaissent fortement et promptement les côtes ; et par conséquent toutes les parois de la poitrine s'appliquent fortement contre les poumons, les compriment en tout sens, en expriment l'air qui est poussé de toutes les cellules bronchiques, de toutes les bronches mêmes, vers la trachée artère : mais l'orifice de celle-ci se trouvant fermé, la direction de l'air (mu avec force selon l'axe de toutes les voies aériennes) change par la résistance qu'il trouve à sortir ; il se porte obliquement contre les parois ; il leur fait essuyer une sorte de frottement qui ébranle, qui emporte ce qui est appliqué contre ces parais, avec une adhésion susceptible de céder aisément ; qui entraîne par conséquent la mucosité surabondante. Dans le même instant que l'effort a enlevé ainsi quelque portion de cette humeur, la glotte vers laquelle cette matière est portée, s'ouvre avec promptitude pour la laisser passer, sans interrompre le courant d'air qui l'emporte de la trachée artère dans la bouche, et quelquefois tout d'un trait hors de cette dernière cavité, par conséquent hors du corps : ce dernier effet a lieu, lorsque la matière dont se fait l'expulsion est d'un petit volume (mais assez pesante par sa densité, d'où elle a plus de mobilité) qu'elle se trouve située par des efforts précédents près de l'ouverture de la trachée-artère, c'est-à-dire dans ce canal même ou dans les troncs des bronches. Dans le cas, au contraire, où la matière excrémenteuse se trouve située dans les cellules ou dans les plus petites ramifications bronchiques, c'est-à-dire dans le fonds des cavités aériennes des poumons, il faut souvent plus d'un effort expectorant pour l'en tirer ; il faut qu'elle soit ébranlée et élevée par secousses, avant d'être mise à portée d'être jetée hors des poumons : on peut cependant concevoir aussi un moyen par lequel elle peut être tirée et expulsée d'un seul trait, même de l'extrémité des bronches, si l'on se représente que l'air comprimé avec force et subitement par les organes expiratoires, sort comme s'il était sucé, pompé des plus petites ramifications et des cellules qui les terminent ; d'où il doit se faire, que les matières qui en sont environnées, soient entrainées avec lui, et suivant l'impétuosité du torrent qu'il forme, dont le cours ne se termine que dans la bouche ou dans l'air extérieur.

L'expectoration, pour être naturelle, c'est-à-dire conforme à ce qui se doit faire dans l'état de santé, doit être libre et se faire sans effort ; elle diffère par conséquent de la toux ; qui est une expulsion forcée (excitée indépendamment de la volonté, opérée par des efforts convulsifs,) des matières étrangères ou excrémenteuse ou morbifiques, contenues dans les vaisseaux aériens des poumons ; c'est une expectoration laborieuse et (comme on dit dans les écoles, mais improprement) contre-nature, puisqu'elle est alors un véritable effort, que la naturé même opère pour produire un effet salutaire, qui est la purgation des poumons : il est comme des tranchées, qui disposent à l'excrétion des matières fécales. L'on doit même souvent regarder la toux, par rapport à l'évacuation, comme un tenesme de la poitrine, entant que les mouvements violents en quoi consiste la toux, ne sont que des efforts sans effet, c'est-à-dire qui tendent seulement à expulser quelque chose des poumons, sans qu'il se fasse aucune autre expulsion réelle que celle de l'air. La toux peut aussi être regardée comme une préparation à l'expectoration : on peut dire que les secousses qu'elle opère servent à donner de la fluidité aux matières qui engorgent les glandes bronchiques ; qu'elle facilite et procure l'excrétion de ces matières des vaisseaux qui composent ces glandes ; et qu'elle enlève enfin ces excréments, et les jette hors du corps. Par ces considérations ne doit-on pas regarder la toux comme le plus puissant de tous les remèdes expectorants ? Voyez TOUX, EXPECTORANT, BECHIQUE, ASTHME, PERIPNEUMONIE, PHTHISIE. (d)