S. m. (Médecine) état de l'animal, dans lequel les actions volontaires de son corps et de son âme paraissent éteintes, et ne sont que suspendues. Il faut en distinguer particulièrement de deux espèces : l'un qui est naturel et qui ne provient d'aucune indisposition, et qu'on peut regarder comme le commencement du sommeil ; il est occasionné par la fatigue, le grand chaud, la pesanteur de l'atmosphère, et autres causes semblables : l'autre qui nait de quelque dérangement ou vice de la machine, et qu'il faut attribuer à toutes les causes qui empêchent les esprits de fluer et refluer librement, et en assez grande quantité, de la moelle du cerveau par les nerfs aux organes des sens ; et des muscles qui obéissent à la volonté de ces organes, à l'origine de ces nerfs dans la moelle du cerveau. Ces causes son en grand nombre ; mais on peut les rapporter 1°. à la pléthore. Le sang des pléthoriques se raréfie en été. Il étend les vaisseaux déjà fort tendus par eux-mêmes ; tout le corps résiste à cet effort, excepté le cerveau et le cervelet, où toute l'action est employée à le comprimer ; d'où il s'ensuit assoupissement et apoplexie ; 2°. à l'obstruction ; 3°. à l'effusion des humeurs ; 4°. à la compression ; 5°. à l'inflammation ; 6°. à la suppuration ; 7°. à la gangrene ; 8°. à l'inaction des vaisseaux ; 9°. à leur affaissement produit par l'inanition ; 10°. à l'usage de l'opium et des narcotiques. L'opium produit son effet lorsqu'il est encore dans l'estomac ; un chien à qui on en avait fait avaler, fut disséqué, et on le lui trouva dans l'estomac : il n'a donc pas besoin pour agir, d'avoir passé par les veines lactées ; 11°. à l'usage des aromates. Les Droguistes disent qu'ils tombent dans l'assoupissement, quand ils ouvrent les caisses qu'on leur envoye des Indes, pleines d'aromates ; 12°. aux matières spiritueuses, fermentées, et trop appliquées aux narines : celui qui flairera longtemps du vin violent, s'enivrera et s'assoupira ; 13°. aux mêmes matières intérieurement prises ; 14°. à des aliments durs, gras, pris avec excès, et qui s'arrêtent longtemps dans l'estomac. On trouvera aux différents articles des maladies où l'assoupissement a lieu, les remèdes qui conviennent.

On lit dans les mémoires de l'académie des Sciences, l'histoire d'un assoupissement extraordinaire. Un homme de 45 ans, d'un tempérament sec et robuste, à la nouvelle de la mort inopinée d'un homme avec lequel il s'était querellé, se prosterna le visage contre terre, et perdit le sentiment peu-à-peu. Le 26 Avril 1715 on le porta à la Charité, où il demeura l'espace de quatre mois entiers. Les deux premiers mois il ne donna aucune marque de mouvement ni de sentiment volontaire. Ses veux furent fermés nuit et jour : il remuait seulement les paupières. Il avait la respiration libre et aisée ; le pouls petit et lent, mais égal. Ses bras restaient dans la situation où on les mettait. Il n'en était pas de même du reste du corps, il fallait le soutenir pour faire avaler à cet homme quelques cueillerées de vin pur ; ce fut pendant ces quatre mois sa seule nourriture : aussi devint-il maigre, sec et décharné. On fit tous les remèdes imaginables pour dissiper cette léthargie ; saignées, émétiques, purgatifs, vésicatoires, sangsues, etc. et l'on n'en obtint d'autre effet que celui de le réveiller pour un jour, au bout duquel il retomba dans son état. Pendant les deux premiers mois il donna quelques signes de vie. Quand on avait différé à le purger, il se plaignait, et serrait les mains de sa femme. Dès ce temps il commença à ne se plus gâter ; il avait l'attention machinale de s'avancer au bord du lit, où l'on avait placé une toîle cirée. Il buvait, mangeait, prenait des bouillons, du potage, de la viande, et surtout du vin, qu'il ne cessa pas d'aimer pendant sa maladie, comme il faisait en santé. Jamais il ne découvrit ses besoins par aucun signe. Aux heures de ses repas on lui passait le doigt sur les lèvres ; il ouvrait la bouche sans ouvrir les yeux, avalait ce qu'on lui présentait, se remettait et attendait patiemment un nouveau signe. On le rasait régulièrement ; pendant cette opération il restait immobîle comme un mort. Le levait-on après diner, on le trouvait dans sa chaise les yeux fermés, comme on l'y avait mis. Huit jours avant sa sortie de la Charité, on s'avisa de le jeter brusquement dans un bain d'eau froide ; ce remède le surprit en effet, il ouvrit les yeux, regarda fixement, ne parla point. Dans cet état sa femme le fit transporter chez elle, où il est présentement, dit l'auteur du mémoire. On ne lui fait point de remède ; il parle d'assez bon sens, et il revient de jour en jour. Ce fait est extraordinaire : le suivant ne l'est pas moins.

M. Homberg lut en 1707 à l'Académie l'extrait d'une lettre hollandaise imprimée à Geneve, qui contenait l'histoire d'un assoupissement causé par le chagrin, et précédé d'une affection mélancolique de trois mois. Le dormeur hollandais l'emporte sur celui de Paris ; il dormit six mois de suite sans donner aucune marque de sentiment ni de mouvement volontaire. Au bout de six mois il se réveilla, s'entretint avec tout le monde pendant vingt-quatre heures, et se rendormit : peut-être dort-il encore.