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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Médecine
adj. pris subst. (Médecine) Ce terme vient d', repousser, et de , qui veut dire proprement poison. Ainsi les alexipharmaques, selon cette étymologie, sont des remèdes dont la vertu principale est de repousser ou de prévenir les mauvais effets des poisons pris intérieurement. C'est ainsi que l'on pensait autrefois sur la nature des alexipharmaques ; mais les modernes sont d'un autre avis. Ils disent que les esprits animaux sont affectés d'une espèce de poison dans les maladies aiguës, et ils attribuent aux alexipharmaques la vertu d'expulser par les ouvertures de la peau ce poison imaginaire. Cette nouvelle idée, qui a confondu les sudorifiques avec les alexipharmaques, a eu de fâcheuses influences dans la pratique ; elle a fait périr des millions de malades.

Les alexipharmaques sont des remèdes altérants, cordiaux, qui n'agissent qu'en stimulant et irritant les fibres nerveuses et vasculeuses. Cet effet doit produire une augmentation dans la circulation, et une raréfaction dans le sang. Le sang doit être plus broyé, plus atténué, plus divisé, parce que le mouvement intestin des humeurs devient plus rapide : mais la chaleur augmente dans le rapport de l'effervescence des humeurs ; alors les fibres stimulées, irritées, agissant avec une plus grande force contractive, les actions toniques, musculaires et élastiques sont plus énergiques. Les vaisseaux fouettent le sang et l'expriment avec plus de vigueur : la force trusive et compressive du cœur augmente, celle des vaisseaux y correspond ; et les résistances devenant plus grandes par la pléthore présupposée ou par la raréfaction qui est l'effet de ces mouvements augmentés, il doit se faire un mouvement de rotation dans les molécules des humeurs, qui étant poussées de la circonférence au centre, du centre à la circonférence, sont sans cesse battues contre les parois des vaisseaux, de ces parois à la base, et de la base à la pointe de l'axe de ces mêmes canaux ; la force systaltique du genre vasculeux augmente donc dans toute l'étendue ; les parois fortement distendues dans le temps de la systole du cœur réagissent contre le sang, qui les écarte au moment de la diastole ; leur ressort tend à les rapprocher, et son action est égale à la distension qui a précédé.

Il doit résulter de cette impulsion du sang dans les vaisseaux et de cette rétropulsion, une altération considérable dans le tissu de ce fluide ; s'il était épais avant cette action, ses parties froissées passent de l'état de condensation à celui de raréfaction, et cette raréfaction répond au degré de densité et de tenacité précédentes ; les molécules collées et rapprochées par une cohésion intime doivent s'écarter, se séparer, s'atténuer, se diviser ; l'air contenu dans ce tissu resserré et condensé tend à se remettre dans son premier état, chaque molécule d'air occupant plus d'espace, augmente le volume des molécules du liquide qui l'enferme ; et enfin celles-ci cherchant à se mettre à l'aise, distendent les parois des vaisseaux, ceux-ci augmentent leur réaction, ce qui produit un redoublement dans le mouvement des liquides. Delà viennent la fièvre, la chaleur, les lésions de fonctions qui sont extrêmes, et qui ne se terminent que par l'engorgement des parties molles, le déchirement des vaisseaux, les dépôts de la matière morbifique sur des parties éloignées ou déjà disposées à en recevoir les atteintes, les hémorrhagies dans le poumon, dans la matrice, les inflammations du bas-ventre, de la poitrine et du cerveau. Celles-ci se terminent par des abscès, et la gangrene devient la fin funeste de la cure des maladies entreprise par les alexipharmaques, dans le cas d'un sang ou trop sec ou trop épais.

Mais si le sang est acre, dissous et raréfié, ces remèdes donnés dans ce cas sans préparation préliminaire sont encore plus funestes : ils atténuent le sang déjà trop divisé ; ils tendent à exalter les sels acides et alkalins qui devenant plus piquans font l'effet des corrosifs sur les fibres ; ainsi il arrive une fonte des humeurs et une diaphorese trop abondante. Delà une augmentation de chaleur, de sécheresse et de tension. Ces cruels effets seront suivis d'autres encore plus fâcheux.

Les alexipharmaques ne doivent donc pas être donnés de toute main, ni administrés dans toutes sortes de maladies. Les maladies aiguës, surtout dans leur commencement, dans l'état d'accroissement, dans l'acme, doivent être respectées ; et malheur à ceux à qui on donnera ces remèdes incendiaires dans ces temps où la nature fait tous ses efforts pour se débarrasser du poids de la maladie qui la surcharge. Ces maladies aiguës où la fièvre, la chaleur, la sécheresse, le délire, sont ou au dernier degré, ou même légers, ne permettent point l'usage des alexipharmaques avant d'avoir desempli les vaisseaux ; il faut diminuer la quantité, la raréfaction et l'acrimonie des sels répandus dans les humeurs, avant de les mettre en action. Les saignées, les adoucissants, les délayans, les purgatifs sont donc les préliminaires requis à l'administration des alexipharmaques. Mais ce n'est pas assez d'employer ces précautions générales ; elles doivent être modifiées selon la différence des circonstances que présentent la délicatesse ou la force du tempérament, l'épaississement ou la raréfaction des humeurs, la dissolution et l'acrimonie, ou la viscosité des liqueurs, la sécheresse ou la mollesse de la peau, la tension ou la laxité des fibres. Cela étant, l'usage de ces remèdes actifs ne sera point si général qu'il l'est, et leur administration ne se fera qu'après un mûr examen de l'état actuel des forces, ou oppressées par la quantité des humeurs, ou épuisées par la disette et l'acrimonie de ces mêmes humeurs.

Voici des réflexions utiles pour l'administration de ces remèdes.

1°. Les alexipharmaques ne pouvant que redoubler la chaleur du corps, doivent être proscrits dans les inflammations, dans la fièvre, dans les douleurs vives, dans la tension et l'irritation trop grande. Ainsi ils ne conviennent nullement dans tous les cas où les empyriques les donnent, sans avoir égard à aucune des circonstances énoncées.

2°. On doit les éviter toutes les fois que leur effet ne peut qu'irriter et accélérer le mouvement des liquides déjà trop grand. Ainsi les gens secs, bilieux, dont les humeurs sont adustes et résineuses, doivent en éviter l'usage.

3°. Ces remèdes devant agiter le sang, il est bon de ne les administrer que dans les cas où l'on ne craindra point de faire passer les impuretés des premières voies dans les plus petits vaisseaux. Ainsi on se gardera de les employer avant d'avoir évacué les levains contenus dans les premières voies, qui se mêlant avec le sang, deviendraient plus nuisibles et plus dangereux.

4°. Quoique dans les maladies épidémiques le poison imaginaire fasse soupçonner la nécessité de ces remèdes, il faut avoir soin d'employer les humectants avant les incendiaires, et tempérer l'action des alexipharmaques par la douceur et l'aquosité des délayans et des tempérants : ainsi le plus sur est de les mêler alors dans l'esprit de vinaigre délayé et détrempé avec une suffisante quantité d'eau.

5°. Comme la sueur et la transpiration augmentent par l'usage de ces remèdes, il faut se garder de les ordonner avant d'avoir examiné si les malades suent facilement, s'il est expédient de procurer la sueur : ainsi quoique les catarrhes, les rhumes, les péripneumonies, etc. ne viennent souvent que par la transpiration diminuée, il serait imprudent de vouloir y remédier par les alexipharmaques avant de sonder le tempérament, le siège et la cause du mal.

Le poumon reçoit surtout une terrible atteinte de ces remèdes dans la fièvre et dans la péripneumonie, car ils ne font qu'augmenter l'engorgement du sang déjà formé : aussi voit-on tous les jours périr un nombre infini de malades par cette pratique, aussi pernicieuse que mal raisonnée.

6°. Quoique les sueurs soient indiquées dans bien des maladies, il est cependant bon d'employer avec circonspection les alexipharmaques : le tissu compact de la peau, la chaleur actuelle, l'épaississement des liqueurs, l'obstruction des couloirs, demandent d'autres remèdes plus doux et plus appropriés, qui n'étant pas administrés avant les sudorifiques, jettent les malades dans un état affreux, faute d'avoir commencé par les délayans, les tempérants et les apéritifs légers.

7°. Dans les chaleurs excessives de l'été, dans les froids extrêmes, dans les affections cholériques, dans les grandes douleurs, dans les spasmes qui resserrent le tissu des pores, il faut éviter les alexipharmaques, ou ne les donner qu'avec de grands ménagements.

Les alexipharmaques sont en grand nombre : les trois règnes nous fournissent de ces remèdes. Les fleurs cordiales, les tiges et les racines, les graines et les feuilles des plantes aromatiques, surtout des ombelliferes, sont les plus grands alexipharmaques du règne végétal. Dans le règne animal, ce sont les os, les cornes, les dents des animaux, et surtout du cerf, rapés et préparés philosophiquement ; les différents besoards, les calculs animaux. Dans le règne minéral, les différentes préparations de l'antimoine, le soufre anodyn ou l'éther fait par la dulcification de l'esprit de vitriol avec l'alkool. Les remèdes simples tirés des trois règnes sont à l'infini dans la classe des alexipharmaques.

Les remèdes alexipharmaques composés sont la confection d'alkermes, celle d'hyacinthe, les différentes thériaques, le laudanum liquide, les pilules de Starké, l'orviétan, les eaux générale, thériacale, divine, l'eau de mélisse composée. (N)