S. f. (Médecine) c'est proprement la qualité des fruits et des viandes par rapport à leur destination pour la nourriture de l'homme, qui n'ont pas été préparés à cet usage par la coction, c'est-à-dire par l'action du feu, de quelque manière qu'elle soit appliquée. Voyez ALIMENT, FRUIT, VIANDE, COCTION proprement dite ou CUISSON.

Le terme de crudité est employé dans la théorie médicinale, d'après les anciens, par opposition à celui de coction, dont ils se servaient pour signifier 1°. l'altération qu'éprouvent dans le corps humain la substance des aliments et de leurs parties fécales ; celle des humeurs, qui en sont formées ; des recréments et excréments de toute espèce qu'elles fournissent ; par laquelle ces substances reçoivent (chacune différemment selon sa disposition particuliere), les qualités qui leur conviennent pour le bien de l'oeconomie animale : 2°. le changement qui se fait dans les humeurs morbifiques, qui les dispose à être moins nuisibles, et à être évacuées des parties, dont elles troublent les fonctions : effets qu'ils croyaient être produits par la chaleur naturelle, calidum innatum, le seul agent qu'ils semblaient reconnaître comme suffisant pour ces opérations. Voyez CHALEUR.

C'est conséquemment à cette idée qu'ils appelaient par la raison du contraire crudité en général, 1°. les mauvaises qualités des aliments considérés dans le corps humain, entant qu'ils ne sont pas suffisamment préparés par la digestion, pour fournir un chyle de bonne nature et séparé convenablement de leurs parties grossières, soit parce qu'ils n'en sont pas susceptibles par leur disposition particulière, soit parce que la puissance concoctrice, c'est-à dire selon eux, la chaleur naturelle, ne produit pas l'effet nécessaire pour cette élaboration : les vices du chyle mal formé, ceux du sang et des autres humeurs, que ce chyle vicié ne renouvelle qu'imparfaitement, et ceux de tous les excréments qui en sont séparés et en lesquels elles se résolvent, dont les parties n'ont pas été suffisamment élaborées et sont mal assimilées. 2°. L'état dans lequel les matières morbifiques nuisent actuellement à l'exercice des fonctions, en constituant des causes de maladies, et n'ont point encore été disposées par la coction à être portées hors du corps.

Ainsi la crudité prise dans ces deux sens, est une qualité vicieuse dont peuvent être affectées les matières contenues dans les premières voies, c'est-à-dire celle de la digestion des aliments, dans le système des vaisseaux sanguins, qui constitue les secondes voies, et dans celui des vaisseaux séreux, lymphatiques, nourriciers, nerveux, secrétoires et excrétoires, qui constitue les troisiemes voies ; par conséquent il peut être contenu des matières crues dans toutes les parties du corps, puisqu'il peut y avoir par-tout des matières qui pechent par défaut de coction ; d'autant plus que celles qui ont contracté ce vice, par une suite de la mauvaise digestion des aliments, qui est la première coction, ne peuvent pas être corrigées par la sanguification, qui est la seconde coction, et les matières qui pechent par le défaut de celle-ci ne peuvent pas le réparer par la troisième coction, qui se fait par l'élaboration et la secrétion des humeurs de différente espèce dans tout le système des vaisseaux, excepté les sanguins. Ainsi les vices des fluides, en général, proviennent le plus souvent des crudités des premières voies.

Quelqu'étendue que soit la signification du mot crudité, telle qu'elle vient d'être exposée, puisqu'elle concerne toutes les matières qui peuvent être contenues dans les parties solides du corps humain, Hippocrate et les anciens qui l'ont suivi, emploient quelquefois ce terme dans un sens encore plus générique, qui comprend sans distinction toutes les altérations nuisibles qui troublent l'ordre de l'oeconomie animale ; ainsi ils appellent cru, tout ce qui peut causer ou augmenter une maladie ; et crudité de la maladie, l'état dans lequel subsistent les phénomènes qui dépendent de la cause morbifique : par conséquent tout effet qui s'écarte des conditions requises pour la conservation ou pour le rétablissement de la santé, forme un état de crudité dans les maladies, et la crudité est d'autant plus contraire à l'oeconomie animale, que les qualités des maladies sont plus différentes de celles de la santé ; par où l'on doit distinguer les effets provenans de ce qui est étranger au corps malade, et qui en trouble les fonctions, de ceux qui sont produits par l'action de la vie, qui tend à détruire la cause morbifique : ceux-là sont une suite nécessaire de la crudité, ceux-ci une disposition à la coction, un travail pour opérer ce changement salutaire.

Tant que la crudité subsiste en son entier, la maladie est dans toute sa force. C'est surtout au commencement des maladies que la crudité est à son plus haut degré, qui est plus ou moins dangereux, selon la différente nature de la cause morbifique, c'est-à-dire selon qu'elle est plus ou moins disposée à la coction, et que l'action de la vie est plus ou moins proportionnée pour produire cette préparation à la crise. La durée de la crudité dépend de ce que la matière morbifique résiste aux effets de la puissance concoctrice, ou de ce que cette puissance ne peut être mise en action, ou ne l'est qu'imparfaitement. Les effets qui tendent à procurer la coction peuvent seuls procurer la guérison : plus ils tardent à paraitre, ou à produire des changements salutaires en détruisant la crudité, plus le sort des malades reste indécis. La crudité diminue à mesure que les maladies approchent de leur état, et elle cesse à leur déclin, etc.

Voyez l'article COCTION, pepsis, dans lequel il est traité de bien des choses concernant la crudité, apepsia, telle qu'on la considère en général dans la théorie médicinale, et qui ne pourraient qu'être répetées ici.

L'usage a restreint, parmi les modernes, l'emploi qu'on fait du mot crudité. On s'en sert particulièrement pour signifier les matières crues, contenues dans les premières voies, produites par les aliments mal digerés : on les appelle crudités simplement, saburra cruda, ou crudités d'estomac, si elles font sentir leurs mauvais effets dans ce viscère. Voyez DIGESTION et ses vices.

La crudité que le chyle vicieux porte dans le sang et communique à toutes les humeurs, est ordinairement appelée, quoiqu'improprement, cacochimie, dénomination qui renferme aussi tous les autres vices des fluides du corps humain en général. On dit cependant encore des urines, des sueurs, et de toutes les humeurs excrémenteuses, qu'elles sont crues, lorsqu'elles ne paraissent pas avoir été séparées avec les qualités qui leur conviennent, pour le bien de l'oeconomie animale. Les matières fécales sont aussi appelées crues, lorsqu'elles n'ont pas éprouvé, par l'action de la digestion, une dissolution des solides, et une expression des bons sucs qui s'y trouvent mêlés, aussi parfaites qu'elles en auraient été susceptibles par elles-mêmes. Voyez URINE, SUEUR, CRACHAT, SECRETION, DIGESTION, EXCREMENT, DEJECTION, MATIERE FECALE. (d)