S. f. (Médecine) la quantité de graisse dans le corps humain, plus considérable que les autres humeurs, et que les parties solides ne le demandent, s'appelle en Médecine obésité, obesitas, et plus expressivement encore par Caelius - Aurelianus, quoique peut-être improprement, polysarcia, car l'obésité n'est pas une surabondance de chair, mais de graisse ; on pourrait dire polystearcia ; c'est un embonpoint excessif ; c'est une maladie opposée au marasme.

Ceux dont le corps est maigre, sans être décharné, ou charnu sans être gras, sont beaucoup plus vigoureux que ceux qui deviennent gras ; dès que la surabondance de la nourriture a pris cette route, et qu'elle commence à former de la graisse, c'est toujours aux dépens de la force. Ce n'est point par l'augmentation des solides que se fait celle du volume de tout le corps dans les personnes grasses ; mais cet embonpoint consiste, en ce que les solides forment par leur extension de plus grandes cavités, qui se remplissent d'un plus grand amas d'humeurs, et par conséquent l'excès d'embonpoint nuit, affoiblit, suffoque : un médecin sait donc bien distinguer la nutrition de la réplétion, puisque la première donne de la force et de la densité aux vaisseaux, au lieu que l'autre les dilate, les relâche et les affoiblit.

La différence qu'il y a d'une personne maigre à une personne grasse, c'est que la personne grasse a ses vaisseaux entourés d'une graisse croupissante dans les cellules de la membrane adipeuse qui en sont gonflées. La personne maigre, au contraire, a une graisse rougeâtre, formant des globules légers et circulaires : plus il s'amasse de graisse dans les cellules, plus les humeurs perdent de leur masse et de leur nature. Les vaisseaux retrécis par le volume énorme de la graisse, produisent la faiblesse, la paresse, l'inaction et l'inaptitude aux mouvements.

Lorsque l'accroissement de toutes les parties du corps est entièrement achevé, et que ces parties du corps ne peuvent presque plus admettre de nourriture, alors la graisse commence à se former dans les hommes et dans les femmes qui mènent une vie oisive. Mais de plus, certains sujets y ont une disposition naturelle, qui augmente à proportion de la plus grande quantité d'aliments que l'on prend, du repos du corps, de celui de l'esprit, de l'interruption des exercices ordinaires, de la suppression d'une hémorrhagie accoutumée, et de la suppression des mois dans les vieilles femmes. Cette disposition est encore favorisée par l'amputation de quelque membre.

La différence des climats et des degrés de transpiration, contribue sans doute à cet état. On remarque que pour une personne d'un embonpoint excessif dans les provinces méridionales de France, il y en a cent en Angleterre et en Hollande, ce qu'on peut attribuer en partie au climat, et en partie à l'usage habituel des bières récentes et féculentes, dans lesquelles la partie oléagineuse n'est pas suffisamment atténuée.

Les Grecs, surtout les Lacédémoniens, ne pouvaient souffrir ce massif embonpoint ; aussi les jeunes Spartiates étaient obligés de se montrer nus tous les mois aux éphores, et l'on imposait un régime austère à ceux qui avaient de la disposition à devenir trop gras. En effet, l'équilibre se détruit chez les personnes d'un embonpoint excessif ; en sorte qu'elles deviennent asthmatiques et quelquefois apoplectiques. Les solides se relâchent, la respiration s'embarrasse, le pouls est plus profond et plus caché par la graisse dominante ; souvent dans les femmes le retour des règles plus tardif, et la stérilité sont une suite de l'obésité : dans les enfants elle annonce une dentition pénible.

Le moyen de diminuer l'obésité, est de manger moins, d'augmenter le mouvement des solides et des fluides par la promenade, à pied ou à cheval, et généralement en pratiquant tous les exercices du corps. On emploiera les frictions en pressant légèrement les vaisseaux, et en repoussant doucement les fluides : on usera avec prudence et modération des acides, des médicaments acides austères, et des spiritueux qui aient fermenté. On pourra prévenir l'obésité par les mêmes secours, quoiqu'on voie des personnes, surtout dans certains climats qui y ont une si grande disposition naturelle, que tous les moyens échouent, si on ne les met en usage consécutivement et de très-bonne heure.

Il y a peu de modernes qui aient écrit sur cette maladie ; mais entre les anciens, Caelius-Aurélianus l'a traitée avec une intelligence supérieure, en établissant solidement les symptômes et la méthode curative.

Il considère d'abord l'obésité comme une espèce de cachéxie qui produit l'inaction, la faiblesse, la difficulté de respirer, l'oppression et les sueurs copieuses dans lesquelles on tombe pour peu qu'on fasse d'exercice. On guérit, selon lui, cette maladie de deux manières ; savoir, en empêchant que le corps ne reçoive trop de nourriture, soit par le moyen de la gestation, et par l'usage des aliments peu nutritifs ; ou en observant certaines règles, et pratiquant par degré certains exercices laborieux, et propres à causer du changement dans le corps.

Il entre dans toutes les directions particulières et relatives à la cure ; il enjoint aux malades de faire beaucoup d'exercice à cheval ou en voiture ; de voyager sur mer, de lire haut, de lutter, et de marcher à grands pas pour mieux exercer les jambes. Il leur prescrit de se frotter avec une serviette grossière, bien séche, et se saupoudrer le corps de sable ; il veut qu'ils excitent la sueur à l'aide de la chaleur des étuves ; usant, tantôt de bains chauds pour aider la transpiration, et tantôt de bains froids, pour resserrer le corps. Il leur ordonne de se couvrir de sable chaud, de se baigner dans des fontaines médicinales, et après avoir sué dans le bain, de se saupoudrer avec du sel. Il conseille ensuite d'employer les frictions avec du nitre pulvérisé, boire légèrement, et user dans la boisson d'un peu de vin médiocrement âcre. Leurs aliments seront du pain de son qui est peu nourrissant, des herbes potagères apéritives, comme asperges, panais, carottes, ache, fenouil, porreaux, etc. des viandes dont la chair soit séche et dépouillée de graisse. Il leur défend de dormir après le repas, et de dormir longtemps, parce que le défaut de sommeil joint à l'exercice ne peut que tendre à diminuer l'embonpoint.

Enfin, Caelius-Aurélianus examine toutes les autres méthodes de ses prédécesseurs, et condamne en particulier celle des Médecins qui ordonnaient contre l'obésité la saignée, les purgatifs, les clystères, l'usage des femmes au sortir du bain, la pratique de vomir après souper, et autres remèdes de ce genre dont il n'est pas difficîle de sentir le ridicule ou les mauvais effets.

Je finis par un exemple bien singulier d'embonpoint excessif, que j'ai lu dans les nouvelles publiques de Londres du 31 Octobre 1754. sur Jacques Powell, mort dans le comté d'Essex, son obésité monstrueuse l'avait rendu célèbre ; il avait environ quinze pieds d'Angleterre de circonférence, et il pesait six cent cinquante livres. (D.J.)