S. f. (Médecine) est une maladie que l'on peut regarder comme la paralysie de l'esprit, qui consiste dans l'abolition de la faculté de raisonner.

Cette maladie diffère de la fatuité, , stultitia, stoliditas, qui est la diminution et l'affoiblissement de l'entendement et de la mémoire. On doit aussi la distinguer du délire, , qui consiste dans un exercice dépravé de l'un et de l'autre. Quelques modernes la confondent encore plus mal-à-propos avec la manie, qui est une espèce de délire avec audace, dont il n'y a pas le moindre soupçon dans la démence. Nicolas Pison.

Les signes qui caractérisent cette maladie se montrent aisément : ceux qui en sont affligés sont d'une si grande bêtise, qu'ils ne comprennent rien à ce qu'on leur-dit ; ils ne se souviennent de rien ; ils n'ont aucun jugement ; ils sont très-paresseux à agir ; ils restent le plus souvent, sans bouger de la place où ils se trouvent : quelques-uns sont extrêmement pâles, ont les extrémités froides, la circulation et la respiration lente, etc.

La Physiologie enseigne que l'exercice de l'entendement se fait par le moyen du changement de l'impression que reçoit la surface ou la substance des fibres du cerveau. La vivacité des affections de l'âme répond à la vivacité des impressions faites sur ces fibres : cet exercice est limité à certains degrés de ces changements, en-deçà ou au-delà desquels il ne se fait plus conformément à l'état naturel. Il peut donc être vicié de trois manières ; s'il y a excès, s'il y a dépravation, et s'il y a abolition de la disposition des fibres du cerveau à éprouver ces changements : c'est à ce dernier vice auquel il faut rapporter la démence.

Cette abolition a lieu, 1°. par le défaut des fibres mêmes de ce viscère, si elles ne sont pas susceptibles d'impression, par le trop grand relâchement, ou parce qu'elles pechent par trop de rigidité, et qu'elles sont comme calleuses ; si elles n'ont point de ressort ou qu'elles l'aient perdu par de trop grandes tensions précédentes, par de violentes passions, toutes ces causes peuvent être innées par vice de conformation, ou être l'effet de quelque maladie, comme la paralysie, et les différentes affections soporeuses, ou celui de la vieillesse. 2°. Par le vice des esprits, s'ils n'ont pas assez d'activité pour mouvoir les fibres ; s'ils sont languissants, épuisés, s'ils sont trop séreux ou trop visqueux. 3°. par le petit volume de la tête, et encore plus par la petite quantité de cerveau. 4°. Par une secousse violente de la tête, ou quelque coup reçu à cette partie, à la temple surtout, qui ait causé une altération dans la substance du cerveau. 5°. Ensuite d'une maladie incurable, comme l'épilepsie, selon l'observation d'Aretée. 6°. Par quelque venin, selon ce que rapporte Bonnet dans son sepulchretum, d'une fille qui tomba en démence par l'effet de la morsure d'une chauve-souris : ou par le trop grand usage des narcotiques opiatiques ; la ciguè, la mandragore, produisent aussi cette maladie.

Elle est très-difficîle à guérir, parce qu'elle suppose, de quelque cause qu'elle provienne, un grand vice dans les fibres médullaires, ou dans le fluide nerveux. Elle est incurable, si elle vient d'un défaut de conformation ou de vieillesse : on peut corriger moins difficilement le vice des fluides que celui des solides. Cette maladie est presque toujours chronique, ou continuelle, ou paroxisante ; celle-ci peut se guérir quelquefois par le moyen de la fièvre. La première est ordinairement incurable.

La curation doit donc être conforme aux indications que présente la cause du mal ; elle doit être aussi différente que celle-ci : on doit conséquemment employer les remèdes qui conviennent contre le relâchement des fibres, la sérosité surabondante, comme les vomitifs, les purgatifs, les sudorifiques, les diurétiques ; contre la langueur, la boisson de thé, de caffé, et surtout de sauge ; contre l'épuisement des esprits, les cordiaux analeptiques, le repos, etc. dans les cas où ces différents remèdes paraissent susceptibles de produire quelque effet ; car le plus souvent il est inutîle d'en tenter aucun.

La démence qui vient d'une contention d'esprit trop continue, comme l'étude, les chagrins, pourrait être guérie par la dissipation, les amusements, les délayans légèrement apéritifs, etc. Valleriola dit avoir guéri une démence causée par l'amour : mais il ne dit pas le remède qu'il a employé.

Les bergers et les bouchers ont observé, dit M. de Sauvages dans ses Classes des maladies, qu'il y a des brebis qui étant dans une espèce de démence, n'ont pas le sens de manger ni de boire ; il faut les embécher. On trouve à la suite de cette maladie leur cerveau réduit presqu'à rien, ou à quelques sérosités, selon Tulpius, liv. I. et Kerkringius, observ. anat. 46. Il y a donc lieu de soupçonner dans les bêtes une espèce de sagesse et de folie. (d)

DEMENCE, (Jurisprudence) ceux qui sont dans cet état n'étant pas capables de donner leur consentement en connaissance de cause, ne peuvent régulièrement ni contracter, ni tester, ni ester en jugement ; c'est pourquoi on les fait interdire, et on leur donne un curateur pour administrer leurs biens.

A l'égard des actes passés avant l'interdiction, ils sont valables, à moins que l'on ne prouve que la démence avait déjà commencé au temps de l'acte.

La preuve de la demande se fait tant par les écrits de la personne, que par ses réponses verbales aux interrogations qui lui sont faites par le juge, par le rapport des médecins, et par la déposition des témoins qui attestent les faits de démence.

La déclaration faite par le notaire que le testateur était sain d'esprit et d'entendement, n'empêche pas la preuve de la démence, même sans être obligé de s'inscrire en faux ; parce que le notaire a pu être trompé par les apparences, ou qu'il peut y avoir eu quelque intervalle de raison.

La démence seule n'est pas une cause de séparation de corps, à moins qu'elle ne soit accompagnée de fureur : mais elle peut donner lieu à la séparation de biens, afin que la femme ne soit pas sous la tutele du curateur de son mari.

Ceux qui sont en démence ne peuvent être promus aux ordres et bénéfices. Lorsque la démence survient depuis la promotion, on donne au bénéficier un coadjuteur pour faire ses fonctions. Voyez la loi j. de cur. furioso dandis. Franc. Marc. tome II. quest. 435. Catelan, liv. IX. ch. Xe n. 16. Augeard, tom. II. ch. lxjx. et tom. III. pag. 55. et 432. Lapeyrere, lett. N. pag. 275, lett. I. n. 3, lett. S. n. 40, et lett. T. n. 82. Duperray, de la capacité des eccles. p. 302. Soefve, tom. II. cent. 4. 59. et tome II. cent. 1. chap. lxxvij. et lxxx. Plaid. de Servin, t. I. in -4°. p. 488. Boniface, tom. I. liv. V. t. 5. ch. IIe liv. VIII. t. 27. ch. XIIIe et tom. V. liv. I. tit. XVIIIe et tom. IV. liv. IV. tit. IIIe ch. IIIe Journ. du pal. part. V. p. 202. et part. VIII. pag. 92. Dupineau, quest. 7. pag. 26. Bouvot, tom. I. part. I. verbo insensé. Coquille sur Nivern. tit. des testam. art. 13. Henrys, tit. des testam. quest. 7. Carondas en ses réponses, liv. IV. ch. IVe et liv. IX. tit. IIIe ch. VIe Despeisses, tom. I. p. 489. Basnage, art. 237. de la cout. de Norm. Voyez FUREUR, IMBECILLITE, INTERDICTION. (A)